Allocution de M. Christian de la Malène Premier Adjoint au Maire de Paris
Il m'est particulièrement agréable, représentant Monsieur le Maire de Paris, d'associer notre capitale à l'hommage qui est rendu aujourd'hui à la mémoire de Conrad Kickert qui fut l'un de ses citoyens d'élection.
Cet enfant d'une vieille famille de la province néerlandaise de la Frise a choisi en effet, à l'âge de 25 ans, de se fixer à Paris. Si l'on excepte une échappée de quatre années dans la Vallée de Chevreuse, il y a demeuré constamment, dans un périmètre très étroit, puisque il a successivement habité: boulevard Raspail, rue du Départ et, à partir de 1925, au numéro 40 puis, au 33 de la rue Boissonade où nous sommes aujourd'hui rassemblés et où il vécut jusqu'à sa mort, le 26 juin 1965.
Lorsque Conrad Kickert s'est fixé à Paris, la rue Boissonade était une impasse (jusqu'en 1935) ouverte sur le boulevard Raspail, mais ne reliant pas encore celui-ci au boulevard du Montparnasse. C'était, de ce fait, une voie beaucoup plus tranquille encore qu'elle ne l'est aujourd'hui, où tout le monde se connaissait et où la présence de nombreux artistes, Kickert, Osterlind, Hambourg Legueult, Picart le Doux, Lebasque, Clavé, Palmeiro, apportait une incontestable note de fantaisie. Conrad Kickert aimait à rappeler qu'un riverain descendait régulièrement baigner ses pieds dans le ruisseau chaque fois que la ville y faisait couler l'eau.
Au cours de ses voyages dans de nombreuses régions de France, Conrad Kickert notait sur le vif, en petit format, les paysages et les marines que l'on retrouve, souvent librement interprétés, dans des oeuvres plus importantes faites à loisir dans son atelier parisien et c'est dans cet atelier, ou plutôt dans les deux ateliers superposés que Conrad Kickert occupait à la fois dans cette maison, qu'il a produit l'essentiel de ses grandes compositions, de ses portraits, de ses natures mortes. Il les a exposés un peu aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, et surtout à Paris, au Salon des Indépendants à partir de 1909, au Salon d'Automne depuis 1920, au salon des Tuileries dans les années 30.
Son rôle fut important dans la constitution de l'Ecole de Paris, c'est-à-dire dans le rassemblement de tous ces peintres étrangers qui ont fait de notre Cité, après la Guerre de 14-18, cet extraordinaire creuset où se mêlaient l'âme de la Russie avec Soutine et Chagall, de la Bulgarie avec Pascin, de l'Italie avec Modigliani, et enfin des Pays-Bas avec Conrad Kickert et Mondrian.
C'est du reste Conrad Kickert qui attira Mondrian à Paris, et qui, durant l'année 1912, l'hébergea dans son propre atelier. Ce sens, disons-le, assez seigneurial de l'hospitalité est un des traits qui traduit cette parenté, cette entente profonde, je dirais presque cette connivence, entre Conrad Kickert et Paris. Notre ville passe aussi pour savoir accueillir...
Mais on peut encore poursuivre ce parallèle.
Si la générosité de notre ville est bien connue, Conrad Kickert n'en a-t-il pas de son côté donné une preuve éclatante, en faisant au Musée de La Haye en 1934 la fantastique donation qui fait de lui, à proprement parler, l'un des fondateurs de ce musée? Je ne citerai pas les trente peintres, en grande majorité français, entrés grâce à lui au musée de La Haye, mais je rappellerai que Conrad Kickert a fait alors don à ce musée de plusieurs toiles de Mondrian généralement reconnues comme comptant parmi les chefs d'oeuvre de ce peintre, et, songeant que Beaubourg ne peut encore présenter un seul Mondrian au public, je ressentirais presque, en tant qu'édile, un peu de jalou-