Septentrion. Jaargang 11
(1982)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Lettre flamande◼ le 7 mai 1982 fut célébré solennellement à La Haye le vingtcinquième anniversaire du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux, qui se réunit pour la première fois le 26 février 1957. Le Benelux fut, après la seconde guerre mondiale, la première expérience de coopération supranationale et d'intégration économique en Europe occidentale. Dans leurs mémoires, Camille Gutt et Paul-Henri Spaak évoquent comment l'idée en germa dans certains esprits dès 1941. Mais initialement, les gouvernements tant belge que néerlandais, en exil à Londres, la rejetèrent. Elle mûrit néanmoins et aboutit à la conclusion, le 21 octobre 1943, d'un accord monétaire provisoire fixant le taux de change officielentre le florin et le franc belge et, le 5 septembre 1944, à celle d'une union douanière entre l'Union économique belgo-luxembourgeoise - existant depuis 1921 - et les Pays-Bas, ‘de caractère transitoire, destinée à faciliter la restauration de l'activité économique et à créer les conditions propres à la réalisation ultérieure d'une union durable’ (Spaak). La situation économique et les problèmes de reconstruction d'après-guerre, plus particulièrement aux Pays-Bas, retardèrent jusqu'au 1er janvier 1948 l'entrée en vigueur de l'union douanière abolissant les droits de douane entre les trois pays et fixant à l'égard des pays tiers un tarif douanier commun. Un accord de préunion, visant à libéraliser totalement le commerce pour les pro- | |
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duits nationaux, fut signé le 15 octobre 1949. Il inaugura une série d'accords et de protocoles préparant la conclusion, le 3 février 1958, du Traité d'union économique Benelux, qui entra en vigueur le 1er janvier 1960. Le Traité de Rome, de 1958, reconnut le droit d'existence du Benelux au sein de la Communauté économique européenne, qui le rattrapa sur le plan strictement économique, mais pour laquelle il demeure un moteur et un exemple inspirateur. Quatrième puissance commerciale du monde, le Benelux ne connaît pas d'institutions supranationales, mais se fonde sur le principe de la concertation intergouvernementale. Sont chargés de l'exécution du traité: le Comité des ministres, le Conseil de l'union économique, qui coordonne les activités des commissions de fonctionnaires et prépare les rapports communs, et le Secrétariat général de l'union économique, à Bruxelles, qui constitue le centre administratif. Le Comité des ministres est assisté du Conseil économique et social consultatif, de 27 membres, et du Conseil interparlementaire consultatif, composé de 21 parlementaires néerlandais, 21 belges et 7 luxembourgeois. Institué par la convention du 5 novembre 1955, le Conseil interparlementaire consultatif avait pour but d'associer davantage les parlementaires des assemblées nationales à la politique internationale telle qu'elle se développait dans l'après-guerre, et notamment à l'élaboration de la législation en matière de traités. Il est compétent pour le fonctionnement de l'union économique, le rapprochement culturel, la coopération entre les trois Etats dans le domaine de la politique extérieure, l'unification du droit. La plupart des débats se présentent sous la forme d'un dialogue entre les parlementaires et des membres des gouvernements, ce qui n'est pas la règle générale dans les assemblées internationales et confère une autorité politique renforcée aux textes adoptés. Deux publications du conseilGa naar eind(1) s'efforcent de dresser un bilan lucide quant à sa position, son fonctionnement et ses activités. L'intégration étant une matière si complexe, il est presque évident que la libre circulation des marchandises s'avère toujours en partie illusoire et que l'unification du droit ne peut se réaliser qu'à tout petits pas. Sur le plan de la politique extérieure, le conseil a surtout insisté sur les attitudes communes à adopter au sein des conseils des ministres de la Communauté économique européenne et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord ainsi que sur la coordination de la politique à l'égard des pays en voie de développement. Dans le domaine du rapprochement culturel, c'est l'échec quasi complet. Franchement positif est le fait que dans l'examen des projets de traité, la discussion des rapports communs gouvernementaux et des sujets qu'il introduit de sa propre initiative - problèmes transfrontaliers, environnement et pollution, politique portuaire et organisation de la radiodiffusiontélévision, par exemple -, par-delà tous les clivages politiques possibles, prime toujours l'idée d'unification, d'harmonisation et de coordination. Désireux de donner de nouvelles
Signature de la Convention douanière Benelux, Londres, le 5 septembre 1944. De gauche à droite: les ministres P.H. Spaak (Belgique), E.N. van Kleffens (Pays-Bas), J. Bech (Grand duché de Luxembourg).
impulsions à l'intégration du Benelux, le conseil, à l'occasion de son cinquième lustre, soumet aux gouvernements et aux Chambres législatives des trois Etats membres un Manifeste pour la relance du Benelux cherchant à préserver les acquis incontestables, mais devant surtout permettre de surmonter la stagnation et le malaise dû à l'évolution de la Communauté européenne, d'une part, et à la récession des dernières années, d'autre part. Il formule la nécessité, pour les trois pays, de renforcer leur fonction de pionnier et de prendre des initiatives en vue du développement de la coopération internationale et souligne que les prises de position communes vis-à-vis de l'extérieur dépendent dans une large mesure du degré de coopération à l'intérieur. Se référant aux propositions d'élargissement notamment à la politique en matière d'environnement, d'aménagement du territoire et d'infrastructure des communications, examinées par la Conférence intergouvernementale de 1975, le Conseil propose un large éventail d'objectifs | |
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de relance dans tous les domaines du Benelux et suggère des améliorations sur le plan institutionnel, susceptibles de favoriser et d'accélérer leur réalisation. Enfin, il soumet aux gouvernements une liste de recommandations concrètes portant sur dix-sept matières différentes. Se posant en véritable examen de conscience pour tous ceux qui, d'ici l'an 2000, seront activement associés à la coopération du Benelux - qui, si le progrès économique en est l'objectif primordial, doit, aux termes du traité, promouvoir le bien-être humain et social de la population du Benelux -, le manifeste exprime l'indéniable volonté des parlementaires du delta industriel de la mer du Nord de retrouver l'élan des dix premières années en vue de mieux franchir le cap de 1984, devenu symbole d'un avenir incertain. Dans le contexte de notre Occident hyperindustrialisé, où les réalités politiques et sociales s'avèrent chaque jour plus complexes, cet appel mérite d'être entendu par les gouvernements intéressés, pour que le Benelux puisse, avant tout, aux yeux d'autres communautés internationales, servir d'exemple en tant qu'instrument efficace favorisant la coexistence harmonieuse et pacifique. ◼ le principal obstacle au rapprochement culturel sur le plan du Benelux réside incontestablement dans le caractère bilingue et biculturel de l'Etat belge. Il était évident qu'en confiant aux deux grandes communautés linguistiques de Belgique, dans le cadre de l'autonomie culturelle,l'organisation de leur coopération internationale, la révision de la Constitution de 1980 ouvrirait de nouvelles perspectives en la matière. C'est ainsi que, dans une intéressante brochure informative destinée au public de langue françaiseGa naar eind(1), Serge Govaert peut déjà se pencher sur l'évolution, en cette dernière décennie, des rapports entre la Flandre et les Pays-Bas, dont on dit, parfois, qu'ils sont ‘séparés par la même langue’... Un bref survol historique situe l'identité linguistico-culturelle par rapport aux avatars de l'histoire assez mouvementée de ces contrées de l'Europe et indique l'importance que revêtaient, après la scission de 1830, les congrès linguistiques et littéraires et le mouvement pannéerlandais de l'entre-deux-guerres. En 1946 intervint l'accord culturel belgonéerlandais, inaugurant certes des possibilités nouvelles, mais dont les structures ne répondaient guère aux visées d'intégration culturelle à laquelle aspirait surtout une Flandre activement engagée dans un processus d'émancipation au sein de la Belgique. L'autonomie culturelle accéléra la concrétisation de ces objectifs: dès 1972, des démarches furent entreprises en vue d'une coopération interparlementaire au niveau du Conseil culturel de la communauté culturelle néerlandaise de Belgique et de la Deuxième Chambre néerlandaise. Ce fut le préambule lointain à la mise sur pied et à la signature, le 9 septembre 1980, du Taalunieverdrag ou Convention instituant une union linguistique néerlandaiseGa naar eind(2). Il s'agit, en l'occurrence, d'une initiative tout à fait originale en matière de droit tant national qu'international, et l'auteur compare ce nouveau modèle de relations bilatérales avec la coopération francoquébecoise. Signalons, par ailleurs, que par décret du 8 juillet 1980, la communauté flamande dispose d'un organisme dénommé Commissariat général pour la coopération culturelle internationale de la communauté culturelle néerlandaise en Belgique, appelé à remplacer à terme l'Administration des relations culturelles internationales existante, dont les moyens d'action semblent plus restreints. Dans un chapitre intitulé Sur le terrain, Govaert évoque les domaines concrets auxquels s'appliquera, plus explicitement que par le passé, la nouvelle coopération linguistico-culturelle: orthographe et grammaire, littérature et édition, terminologie scientifique et administrative, enseignement, radio et télévision, centre culturel flamand d'Amsterdam et diffusion à l'étranger de la langue et de la culture néerlandaise. Il s'attarde aussi sur les différentes initiatives privées qui, pendant très longtemps, ont entretenu les contacts, posant ainsi les jalons des initiatives à caractère officiel plus récentes. Enfin, l'auteur souligne à quel point la problématique esquissée se situe dans la perspective européenne, voire mondiale, où l'entité de langue et de culture néerlandaise constitue de toute façon une minorité, fût-elle importante, parmi d'autres, qui, par le biais d'un eurorégionalisme, se doit de défendre son identité et authenticité culturelle dans un ordre mondial banalisant et uniformisant. | |
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◼ irina van goeree (pseudonyme de Maria-Frieda de Keuster, née en 1924) est l'auteur de six romans, dont le dernier, et le meilleur, vient de paraître en traduction françaiseGa naar eind(1). Cherchant à se libérer des multiples aspects du patriarcat atavique, elle s'avoue passionnée par des figures de femmes qui ne savent pas encore faire face à la nouvelle situation qu'est leur statut émancipé. Ses personnages se mettent en quête du sens de la vie et ses thèmes préférés sont la justice, l'équilibre, la haine du mensonge, l'amitié, la tolérance. Dans Andréas et le feu, la protagoniste au ‘je’, une femme écrivain, épouse de l'architecte Herman, rentre du Mexique, dont elle ramène une statuette de Xiutecuhtl, dieu du feu ‘qui vous marque aussi au feu d'une identité différente, surtout si vous avez beaucoup d'imagination’. Par le biais de Manfred, son petit voisin, elle se coulera dans la peau de Manuéla, la mère de celui-ci, morte dans un accident de voiture. Epouse apparemment comblée de Walter, homme d'affaires, et mère de Manfred et de Carolyn, vivant dans un monde parfaitement réglé, cette femme, un jour, dans une librairie ancienne, rencontre Andréas K. C'est le déclic chez Manuéla, qui voit bousculée sa petite vie routinière et superficielle: ‘Je veux être une épouse à part entière, une mère à part entière et néanmoins mettre toute ma ferveur à la disposition de la conjoncture unique de l'amour’. Andréas, professeur de sociologie et solitaire, lui fait prendre conscience des problèmes de l'Amérique latine, mais, sur le plan sentimental, se montre plus raisonnable. Un beau jour, il est parti, sans laisser de mot, pour l'université d'Orure, en Bolivie. Plus tard, Manuéla lira une lettre qu'il a adressée à l'organisation Boliver, accompagnée d'une photo qui brisera ses sentiments à son égard. Elle meurt (se suicide?). Déçu, Andréas rentrera au pays et trouvera sur son chemin le ‘je’, qui ne se laisse pas subjuguer et veut protéger le cercle qu'elle forme avec Herman. Mais là aussi, la mort guette. Dans ce roman, plusieurs cercles se superposent et se croisent, et des éléments mystérieux se dissimulent derrière la réalité vécue par les protagonistes et les personnages secondaires meublant cette tranche de vie. Le thème du feu y joue un rôle polyvalent, parmi d'autres symboles, les mythes de l'amour et de la mort, les rêves, les questions qui demeurent toujours sans réponse. Le livre comporte aussi un niveau de réflexion sur l'écriture: selon la formule du critique Hugo Bousset: ‘L'auteur décrit avec une sincérité poignante comment son écriture consiste en d'innombrables projections thérapeuthiques et conjuratrices, mais aussi comment la mort vient à bout de tout.’ ◼ indépendamment de l'intérêt littéraire et historique que peut présenter la correspondance échangée entre Gustave Flaubert et George Sand pendant la décennie 1866-1876, attirons l'attention sur le fait que c'est un philologue néerlandais, Alphonse Jacobs, professeur de français et proviseur de lycée retraité vivant à Koudekerke, à proximité de Flessingue, dans les polders de la Flandre zélandaise, qui a édité, en les annotant et préfaçant, fin 1981 (Paris, Flammarion, 602 p.), cet ensemble de plus de quatre cents lettres.
Gustave Flaubert (1821-1880).
Passionné de Flaubert, Jacobs consacra pendant près de trente ans la majeure partie de ses loisirs à ce projet. Au début des années cinquante, il obtint l'autorisation de faire des recherches au trésor du dix-neuvième siècle qu'est la bibliothèque Lovenjoul au château de Chantilly - collection provenant, par ailleurs, en grande partie du vicomte belge Charles de Spoelberch de Lovenjoul -, où il put étudier les manuscrits originaux de Flaubert. Pour le volet George Sand, il lui fallut entreprendre une longue quête auprès des collectionneurs et marchands d'autographes, qui lui fit encore rencontrer la petite-fille homonyme, Aurore, de la dame de Nogent, morte en 1961, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. Jacobs se propose d'éditer encore la correspondance échangée entre Flaubert et Tourgueniev. En attendant, le succès rencontré par le volume précité - qui vient très utilement compléter les éditions monumentales des correspondances respectives de Flaubert (dans la Pléiade) et de Sand (aux éditions Garnier) - confirme que le savant néerlandais a fourni une excellente contribution à notre connaissance du patrimoine littéraire français du dix-neuvième siècle.
WILLY DEVOS Adresse: Herdersstaflaan 38, B-1170 Brussel-Bruxelles. |
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