Septentrion. Jaargang 11
(1982)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdBelgiqueLa presse en FlandreQue l'Anversois Verhoeven ait été le véritable premier éditeur de journaux de nos régions ou que la primeur en revienne au contraire aux Amstellodamois Van Hilten ou Broer Janszoon, nous préférons ne pas en décider ici. C'est là une matière pour historiens de la presse. En tant que Flamands, nous nous en tenons provisoirement à Verhoeven, éditeur à Anvers, qui avait déjà acquis sa patente en 1605; on a longtemps présenté les choses comme si conjointement avec sa patente d'imprimeur, on lui aurait également octroyé le droit d'éditer un périodique d'information et, de ce fait, on l'a longtemps considéré comme ‘le premier gazettier d'Europe’Ga naar eind(1), mais on a depuis réfuté scientifiquement ces assertions. Toutefois, on admet maintenant que Verhoeven a été le ‘premier gazettier des Pays-Bas Espagnols’ ce qui n'est pas mal non plus: dès le 27 juin 1629, il publiait en effet ses Wekelycke Tijdinghe (= Nouvelles hebdomadaires) qui présentent toutes les caractéristiques de ce qu'on a coutume d'appeler journal: il ne s'agit plus de libelles occasionnels mais de publications régulières numérotées et datées. Le dernier | |
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numéro retrouvé à ce jour de ses Wekelycke Tijdinghe date du 16 juin 1631Ga naar eind(2)... Mais Verhoeven et ses Tijdinghe se trouvent déjà bien loin de nous. | |
Liberté de la presse.La Révolution Belge de 1830 - nous oublions la période intermédiaire - fut essentiellement, on le sait, un mouvement libéral; il s'agissait surtout pour les pères de la révolution d'arracher et d'assurer un certain nombre de libertés. Et, vu que parmi les pères de la révolution il y avait pas mal de journalistes, le Gouvernement Provisoire prit, dès le 16 octobre 1830 - la révolution avait à peine reçu une forme fixe - une importante résolution en matière de liberté de la presse: ‘toute loi ou disposition qui gênerait la libre expression de l'opinion et la diffusion des systèmes de pensée par le canal du mot, de la presse ou de l'enseignement, est abrogée’. Cette résolution fut naturellement rédigée en français... mais reçut quelques mois plus tard une forme définitive dans quelques articles de la constitutionGa naar eind(3). La presse jouissait donc d'une grande liberté morale au sein de la Belgique nouvelle; mais, du point de vue matériel, elle rencontrait beaucoup plus de difficultés, vu le maintien des très onéreux droits de timbre sur les journaux. Chaque journal devait être ‘timbré’, ce qui avait pour effet d'en limiter provisoirement la diffusion à la seule riche classe supérieure de la population. Il en serait ainsi jusqu'en 1848; à cette date, la jeune Belgique donna à nouveau l'exemple au reste de l'Europe en supprimant totalement les droits de timbre. Cela ne signifiait pas seulement que les journaux étaient dorénavant beaucoup moins chers mais aussi que les journaux qui jusqu'alors ne paraissaient pas tous les jours pouvaient désormais le faire pour le même prix et devenaient de véritables quotidiens. C'était le cas par exemple de Het Handelsblad (= Le journal du commerce) qui paraissait à Anvers depuis 1844 et qui a survécu jusqu'assez récemment comme publication particulière au sein du groupe ‘De Standaard’. Si Het Handelsblad était le premier journal flamand depuis la révolution, le titre de plus ancien journal de Belgique revient toujours, pour l'instant, au Courrier de l'Escaut, édité dès 1829 à Tournai. Pour simplifier quelque peu notre exposé, nous nous en tenons ici aux seuls quotidiens flamands. Pour Het Handelsblad la suppression des droits de timbre était assurément une bonne chose vu que le journal pouvait maintenant paraître tous les jours, hormis le dimanche, au lieu de trois fois par semaine seulement, et qu'il pouvait le faire pour le même prix qu'avant les droits de timbre. Ces droits, mais aussi d'autres facteurs comme une mauvaise gestion, menèrent l'essai de fonder un deuxième journal flamand à l'échec. C'étaient pourtant des personnalités flamandes célèbres comme les écrivains Jan de Laet et même Hendrik Conscience qui essayèrent en 1844 de lancer Vlaemsch België (= La Belgique Flamande), mais après onze mois, on dut en rester là: la Flandre ne pouvait pas encore s'offrir le luxe de posséder deux journaux dans sa propre langue. Avec la disparition des droits de timbre, quatre ans après la tentative de Vlaemsch België, le marché du quotidien flamand connaîtrait toutefois une légère percée. C'est ainsi qu'à Gand, en 1856, apparut même sur le marché un journal boursier et financier flamand, le Beurzen Courant (= Journal de la Bourse), un quotidien ‘pour courtiers, banquiers et détenteurs de fonds’ qui se maintiendrait quatorze ans et cela dans une ville où le monde des affaires usait sans aucun doute du seul français comme langue de travail. Soit dit en passant: la Belgique avait également possédé entre-temps un journal de langue allemande, la Deutsche Brüsseler Zeitung, qui paraissait à Bruxelles et était essentiellement rédigée par des immigrants, parmi lesquels Karl Marx, qui résidait alors à Bruxelles. Mais en Belgique, tout comme ailleurs, il coulerait encore bien de l'eau sous les ponts avant que le journal ne puisse vraiment devenir un produit de masse; même sans les droits de timbre, le journal restait cher pour une masse populaire, souvent | |
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‘De Gentenaar’ fêtait en 1979 ses cent ans d'existence. La livraison jubilaire comportait un fac-similé du premier numéro, paru le 27 janvier 1879. Remarquez le soustitre du premier numéro: ‘Recht voor de vuist’ (= Parlons franc!).
illettrée, qui avait bien d'autres soucis socio-économiques que la lecture d'un quotidien; elle n'en avait du reste même pas le temps, vu l'excessive durée du travail. Lorsque les droits de timbre furent supprimés, le tirage de tous les quotidiens de Belgique confondus atteignait 50.000 exemplaires... | |
De GentenaarSi l'on veut malgré tout privilégier une date, autant choisir 1879, année qui vit le lancement de De Gentenaar (= Le Gantois), journal qui existe toujours, même s'il n'est plus qu'une édition locale au sein du groupe ‘De Standaard’. Comme dans la plupart des pays occidentaux, l'essor de la presse de masse était intimement lié à l'explosion industrielle du dernier quart du siècle dernier, à l'introduction de l'école obligatoire et aux confrontations sociales qui rejetaient tout le reste dans l'ombre: le journal devint une arme idéologique de ce combat; aussi devait-il être le meilleur marché possible pour connaître la plus large diffusion possible; c'est pour cela qu'on parle de journaux ‘à quatre sous’. De Gentenaar constituait le premier exemple de ce type de journaux à quatre sous, vraiment bon marché: il fut fondé par l'ecclésiastique gantois Verschueren, un magnat de la presse avant la lettre, puisqu'il éditait déjà d'autres journaux et qu'il mettrait plus tard encore d'autres
Journal publié avec les moyens du bord le 28 juin 1978 après l'incendie des imprimeries du quotidien ‘Het Volk’.
journaux sur le marché; mais seul De Gentenaar survivrait jusqu'à nos jours. Ce quotidien catholique qui portait comme sous-titre Recht voor de vuist (= Parlons franc) ne tarda pas à rencontrer à Gand même de la concurrence, et même de la concurrence catholique. La démocratie chrétienne naissante trouvait De Gentenaar bien trop modéré dans la défense des valeurs et intérêts catholiques; aussi lança-t-elle en juin 1891 un nouveau journal à quatre sous, Het Volk (= Le Peuple), qui existe toujours en tant que journal du mouvement ouvrier chrétien en Flandre. L'apparition de Het Volk doit être reliée à la publication, en mai 1891, de l'encyclique | |
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sociale Rerum Novarum, qui déclencherait à Anvers aussi la création d'un nouveau quotidien flamand De Gazet van Antwerpen (= La Gazette d'Anvers), journal qui, lui aussi, existe encore de nos jours. Cinq ans après sa création, la Gazet van Antwerpen pouvait déjà s'offrir le luxe de lancer à Malines, siège de l'archevêché de Belgique, une édition locale intitulée Gazet van Mechelen (= Gazette de Malines). A Bruxelles, la presse quotidienne francophone gardait sa position prédominante, même après l'apparition, entre autres, de Het Nieuws van den Dag (= Les Nouvelles du Jour) (1885-1965). Seule la fondation en 1914 de De Standaard (= L'Etendard) battrait en brèche cette prépondérance; la venue de De Standaard n'était certainement plus imputable à Rerum Novarum mais au fait qu'au sein du mouvement flamand s'exprimait un besoin croissant d'un journal propre d'orientation catholique qui serait la tribune de la ‘Flandre catholique’. Les oppositions entre libre-penseurs et croyants au sein du mouvement flamand avaient en effet pris des formes très tranchées. Il existait déjà à Bruxelles un journal flamand libéral Het Laatste Nieuws, fondé en 1888 et qui jusqu'à nos jours constitue, avec De nieuwe Gazet (= La Nouvelle Gazette) (Anvers), le porte-parole du libéralisme flamand. Cependant survivait paisiblement à Gand la vieille Gazette van Gent aux tendances
‘Het Laatste Nieuws’ du 22 août 1968. Grande manchette sur l'invasion de la Tchécoslovaquie par les Russes.
libérales, qui existait depuis 1667 et se maintiendrait jusqu'au début de la Seconde Guerre Mondiale. Mais dans la cité d'Artevelde, du côté libéral, c'était sans aucun doute le journal très anti-flamand et ouvertement anticlérical La Flandre Libérale qui tenait le haut du pavé; ce journal, conjointement avec deux autres publications francophones, constituerait, durant de longues années encore, les dernières traces d'une bourgeoisie francophone de Flandre qui ne cesserait définitivement le combat qu'il y a quelques années, du moins en ce qui concerne la publication de journaux francophones en Flandre. Les socialistes qui, en avril 1885, avaient fondé le premier parti socialiste de Belgique, le Belgische Werkliedenpartij (Parti belge des travailleurs: B.W.P.) disposaient déjà à Gand de leur propre journal à quatre sous, Vooruit (= En avant) (1884 à maintenant). Des tentatives pour lancer un journal socialiste bon marché à Anvers, qui était pourtant une ville à fortes tendances socialistes, se heurtèrent à beaucoup plus de difficultés. Il existait déjà depuis 1868 dans la cité scaldéenne un hebdomadaire socialiste, De Werker (= Le Travailleur), qui devint certes quotidien en 1894, mais ce n'est qu'en 1914 que la Volksgazet (= Gazette du Peuple) naquit de la fusion de De Werker avec quelques autres journaux socialistes anversois. La Volksgazet a disparu, il y a quelques années, dans des conditions assez dramatiques. A la fin du siècle précédent, il s'est passé plus d'événements dans | |
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le monde de la presse flamande qu'au cours des siècles qui ont suivi le lancement sur le marché de la presse flamande des Tijdinghe de Verhoeven. Du côté francophone, on n'a pas connu une telle effervescence. Dans le domaine de la presse, les publications francophones avaient en effet une double avance. Tout d'abord la classe dominante francophone était assez fortunée pour acheter l'onéreux produit qu'était encore alors un quotidien et vu que ce pays était depuis 1830 officiellement francophone dans toutes ses activités, il va de soi que la presse quotidienne aussi était en grande partie francophone. Aussi la Belgique francophone pouvaitelle tout bonnement se passer d'une impressionnante percée comme celle que vécut la presse quotidienne flamande dans le dernier quart du 19e siècle. Les quotidiens flamands qui apparurent alors, existent encore pour la plupart. Certes certains ont été absorbés par leurs grands frères du monde de la presse: la presse quotidienne flamande n'a pas non plus traversé une fleur à la main les hauts et les bas de la crise économique. | |
De StandaardLa première guerre mondiale marqua la disparition d'une vingtaine de journaux, essentiellement francophones, du marché des quotidiens belges; il en restait encore 57, ce qui était finalement encore beaucoup plus que l'offre
‘De Standaard’ du 23 juin 1976. L'empire du Standaard s'effondre, du moins momentanément.
actuelle sur ledit marché. Dans l'entre-deux-guerres, s'en ajoutèrent encore une vingtaine parmi lesquels quelques titres flamands importants. Ainsi De Standaard qui était en fait déjà créé avant la guerre mais qui, du fait des hostilités, ne commencerait à paraître qu'en 1918. Ce journal ne tarderait pas à jouer un rôle de premier plan en tant que porte-parole de la Flandre ‘catholique’. Cette même année, la Volksgazet, également annoncée dès avant la guerre, avait enfin pu démarrer à Anvers. Toujours à Anvers débuta un an plus tard la parution de De Schelde (= L'Escaut), qui deviendrait l'organe du nationalisme flamand. A la fin de 1934, le journal était repris par le Vlaams-Nationaal Verbond (= Union Nationale Flamande -V.N.V.) et, avec ce V.N.V., le journal, sous le titre de Volk en Staat (= Peuple et Etat) verserait, pendant la seconde guerre mondiale, dans la collaboration, ce qui entraînerait la fin du journal sitôt la guerre terminée... Un quatrième titre, que nous devons retenir de cette période est Het Belang van Limburg (= L'Intérêt du Limbourg). Au début de 1933, le Limbourgeois Frans Theelen avait fondu un certain nombre d'hebdomadaires, repris de son père, en un quotidien, le seul quotidien limbourgeois, flamand et catholique. Het Belang van Limburg jouit dans cette province d'un monopole de fait quasi absolu, situation unique dans le monde du quotidien belge. Soit dit en passant, il n'y a que dans la province de Flandre Occidentale que | |
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ne paraissait et ne paraît toujours pas de quotidien propre. Il est difficile de donner une idée exacte de l'importance précise de la presse quotidienne belge de l'entre-deux-guerres. Les journaux belges ne sont pas tenus, pas même aujourd'hui, de faire contrôler leur tirage. Nous devons donc nous contenter d'évaluations à partir de chiffres fournis par les éditeurs euxmêmes, lesquels donnent pour la période 1935-1938 un tirage de quelque 820.000 exemplaires côté flamand et 940.000 côté francophone. Le journal flamand, libéral mais non lié à un parti, Het Laatste Nieuws, décrochait avec quelque 270.000 exemplaires, la première place du classement flamand qui comptait au maximum 21 titres dans l'entre-deux-guerres. Du côté francophone, on en atteignait presque le double. Tout comme la première guerre mondiale, la seconde entraînerait une rupture dans l'essor de la presse quotidienne de Belgique. C'est ainsi que certains journaux avaient cessé leur parution au début de la guerre, interruption à laquelle ils ne survivraient pas en définitive. Ce fut entre autres le cas du vieux journal libéral Gazette van Gent, jusqu'alors le doyen de la presse belge. D'autres, comme le journal nationaliste flamand Volk en Staat disparurent du fait de leur collaboration avec l'occupant allemand. Après la seconde
‘De Financieel Economische Tijd’, 3 janvier 1968. La Flandre dispose enfin d'un journal économico-financier bien fait. Un évident succès.
guerre mondiale, 42 titres de journaux purent à nouveau paraître; dans l'immédiat après-guerre, s'en ajoutèrent 14 nouveaux, ce qui porta leur nombre à 56, flamands et francophones confondus. Il en reste aujourd'hui 39, dont 25 titres francophones, 13 néerlandophones et un germanophone, le Grenz-Echo (= Echo de la Frontière), qui paraît dans les Cantons de l'Est, en territoire germanophone. Il faut en fait relativiser fortement ces chiffres: en effet, il ne paraît plus en réalité que 9 véritables journaux néerlandophones, 13 francophones et 1 germanophone. Tous les autres titres ne sont en effet que des titres qui, en plus de leur nom, ne diffèrent par exemple de leur chef de file que par un éditorial à part et des nouvelles régionales propres. C'est le cas par exemple de De Nieuwe Gids (= Le Nouveau Guide) qui n'est qu'un autre titre de Het Volk, et de Vooruit qui n'est qu'un autre titre de De Morgen (= Le Matin). Le processus de concentration engagé dans les pays environnants dès la fin du siècle précédent, ne prit chez nous des formes aigües qu'après la seconde guerre mondiale, d'abord du côté flamand, et ces dernières années seulement du côté francophone également, bien qu'il y ait déjà quelque temps que les ébranlements les plus violents appartiennent au passé. | |
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Cinq groupesSans risquer de simplifier à l'excès, on peut avancer que la presse quotidienne flamande se répartit maintenant entre cinq groupes et deux journaux indépendants, à savoir Het Belang van Limburg et le Financieel Economische Tijd (= Le temps économico-financier). Ce journal, qui ne paraît que cinq fois par semaine, a été créé en 1968 à l'initiative du Vlaams Economisch Verbond (= Union économique flamande), l'organisation patronale flamande. C'est un journal spécialisé, orienté vers l'information financière et économique,
Le 10 octobre 1975 vit lancer ‘De Krant’. Une tentative de percée sur le marché limbourgeois du quotidien. Sans grand succès car après une demi-année d'existence, ‘De Krant’ disparut.
‘Het Belang van Limburg’ lança le 3 septembre 1973 une nouveauté: les premières photos en couleurs parues en Belgique dans un journal.
d'une grande vitalité, et qui, avec un tirage limité, il est vrai, mais en croissance continuelle, joue son rôle dans la diffusion vers l'extérieur de l'opinion du monde industriel flamand. Pour mémoire je mentionne ici que la fin de 1975 a vu une tentative avortée de briser le monopole de Het Belang van Limburg avec la parution de De Krant, mais le journal disparut après quelques mois, essentiellement par suite d'une mauvaise gestion. Les autres titres de quotidiens se répartissent entre trois groupes catholiques (De Standaard, Het Volk et De Gazet van Antwerpen), un groupe libéral (Het Laatste Nieuws) et un groupe socialiste (De Morgen). Parmi les groupes catholiques c'est sans conteste celui du Standaard qui est le plus important et cela en dépit du fait que le journal a fait la culbute au milieu de l'année 1976. La cause de cette faillite était de toute évidence la mégalomanie de la direction de cette affaire qui voulait faire du groupe un empire de presse international à la Springer. Après de difficiles négociations entre le gouvernement et divers groupements d'intérêts, De Standaard qui groupait encore à l'époque cinq titres différents, fut repris par une nouvelle société d'édition, la Vlaamse Uitgeversmaatschappij (V.U.M. - Société d'Edition Flamande) au sein de laquelle les 120 journalistes, via leur propre ‘société de rédaction’, peuvent également faire valoir leur pragmatique influence. L'organisation | |
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Le 10 mai 1971, la ‘Gazet van Antwerpen’ fêtait ses quatrevingts ans d'existence avec cette première page de conception un tantinet rétro.
patronale flamande, le Vlaams Economisch Verbond, a joué un rôle non négligeable dans la mise en place de la V.U.M. Le groupe De Standaard possède encore trois titres: De Standaard, Het Nieuwsblad et De Gentenaar. Cette dernière publication est l'édition gantoise de Het Nieuwsblad, qui est lui-même l'édition populaire de De Standaard. Présentons les choses comme ceci: grâce au grand tirage de Het Nieuwsblad, le journal de haute tenue intellectuelle qu'est De Standaard arrive sans grande peine à subsister. Le groupe De Standaard représente quelque 320.000 exemplaires. Les deux autres groupes catholiques représentent chacun quelque 200.000 exemplaires. La Gazet van Antwerpen, qui possède toujours à Malines une édition distincte, est une entreprise privée. Dans la cité scaldéenne, le journal peut compter sur un très important marché publicitaire; quant au contenu, il est un évident porte-parole de la Flandre catholique plutôt conservatrice, et nationaliste-flamande. Het Volk qui est toujours établi à Gand, est propriété du syndicat catholique flamand et joue en tant que tel un important rôle d'interprète des points de vue de cette organisation. C'est le seul journal flamand en forme de tabloïde. Het Volk, qui édite également l'hebdomadaire Spectator, possède aussi De Nieuwe Gids; ce journal est apparu dans les années d'après-guerre suite à des difficultés chez De Standaard. De Nieuwe Gids fut longtemps le porte-parole de l'élite bourgeoise du C.V.P., le parti populaire chrétien, surtout à l'époque du président du C.V.P. et ancien premier-ministre feu Théo Lefèvre. En dehors de l'éditorial et naturellement aussi du titre, il ne se distingue plus en rien de Het Volk. On rencontre une situation du même genre au groupe de presse socialiste De Morgen. Lorsque, il y a une paire d'années, la Volksgazet anversoise fit faillite et que le journal socialiste gantois Vooruit agonisait lentement mais sûrement, on put penser que la
‘Volksgazet’, 16 juillet 1978. La fin est proche pour ce quotidien du parti socialiste.
Flandre ne tarderait plus à ne plus posséder de journaux socialistes, évolution qu'avaient déjà vécue nombre de pays et qui s'expliquait manifestement par l'excessive inféodation de la presse socialiste au parti socialiste, qui interdisait pratiquement aux journalistes toute marge de manoeuvre. Finalement, le mouvement socialiste se décida quand même à bailler à nouveau des fonds, si bien que le 1er décembre '78 on put lancer un journal totalement nouveau, De Morgen, dirigé par Paul Goossens, ancien rédacteur de De Standaard. De Morgen est juridiquement indépendant du mouvement socialiste, jouit d'une autonomie | |
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Le premier numéro du quotidien ‘De Morgen’, petit dernier sur le marché du quotidien flamand.
journalistique fixée juridiquement, mais ne peut compter que sur le mouvement socialiste pour son financement, ce qui, naturellement, limite singulièrement cette autonomie. De Morgen reste à Gand Vooruit avec un apport rédactionnel et un commentaire politique propre, si bien que la presse socialiste de Flandre peut finalement quand même compter sur deux voix. On n'affirmera certainement pas que De Morgen mène une existence dorée, tout au contraire, - après à peine un an, le journal semblait déjà devoir disparaître -, mais surtout grâce à son approche un peu agressive, le journal a réussi assez vite à conquérir quand même sa propre place sur le marché des quotidiens flamands, avec un tirage d'environ 60.000 exemplaires. Le cinquième groupe de presse, le groupe libéral, qui coiffe aussi bien Het Laatste Nieuws de Bruxelles que De Nieuwe Gazet d'Anvers, jouit, avec ses 300.000 exemplaires d'une situation paisible et sûre. Les deux journaux ont passé des accords de collaboration mais possèdent néanmoins des rédactions autonomes. Il est certes frappant que le tirage des quotidiens flamands qui vient de dépasser celui des quotidiens francophones soit bien loin de correspondre aux rapports de force sur l'échiquier politique flamand. Les journaux à tendance catholique atteignent plus de 65 pour cent du tirage alors qu'il n'y a qu'un bon 40 pour cent des électeurs flamands à voter ‘catholique’; du côté socialiste, la disproportion est encore plus grande: à peine 10 pour cent du tirage pour plus d'un cinquième de l'électorat flamand, alors que les journaux libéraux s'adjugent un quart du tirage pour moins d'un cinquième du même électorat. Les électeurs communistes doivent depuis longtemps s'accommoder d'un hebdomadaire unique (De Rode Vaan; Le Drapeau Rouge), tout comme les électeurs nationalistes-flamands qui en sont réduits eux aussi à un seul hebdomadaire, Wij (= Nous). Au premier abord, au sortir de quelques années houleuses, le calme semble régner à nouveau pour l'instant sur le marché du quotidien flamand. La question est certes de savoir pour combien de temps. La percée récente des radios locales, les perspectives qui s'ouvrent à un réseau de télévision publicitaire pourraient bien vite transformer cette bonace passagère en inquiétude, voire en tempête. MARC PLATEL
Adresse: Oudstrijderslaan 6, B-1950 Kraainem.
Traduit du néerlandais par Jacques Fermaut. |
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