niers vers sont porteurs d'une multitude de confessions. L'élément le plus curieux, et qui lui confère peut-être toute sa force de suggestion, est que celle-ci n'existe que dans le tableau très concret de la vache qui paît. Evocation particulièrement efficace.
Un chapitre intitulé Loquace en dictons groupe des poèmes centrés sur le père et la mère, où le moi, les parents, la maison et la nature se confèrent mutuellement leur signification et se justifient entre eux. Y reviennent sans cesse le père et la mère, dans une surabondance de métaphores, comme des archétypes de la vie en tant que puissances qui se prodiguent, s'imposent ou protègent sans que ce processus de symbolisation affaiblisse la chaleur de l'amour très concret que cet enfant-là porte à ce père-là, à cette mère-là. Ainsi la mère arrachant les mauvaises herbes du potager:
... sur ses doux genoux elle fait
la distinction entre mensonge et vérité.
ou épluchant des crevettes:
identiques elle trie le bien, le mal.
ou, avec une ambiguïté raffinée dans la coïncidence du littéral et du figuré:
du jardin de sages leçons...
Le lecteur peut ainsi regarder et déguster, vers après vers, image après image, s'émerveiller chaque fois devant les strates, la description réaliste un rien transposée qui, d'un seul mot, évoque tout un monde de significations.
Même démarche dans le chapitre intitulé
Où le soleil fait des heures supplémentaires,
consacré, lui, à la famille, la maison, la femme, le jardin, la nature. Ces pages témoignent d'une intensité de vie rare en poésie. Exister y trouve son sens dans la fusion avec le monde, la nature, la vie elle-même:
Ici se trouve confirmée la joie
ou encore
Ici je gouverne en silence: tel un
chambellan je me sens chez moi, en paix.
Dans ce contexte, il n'est pas un pas, pas un geste, pas une émotion qui ne s'intègre à l'ensemble, qui n'y prenne signification. Et c'est seulement dans l'inépuisable réserve de combinaisons métaphoriques que les choses quotidiennes, menacées par l'usure et l'automatisation, continuent à puiser leur force intérieure. Ce sont précisément les possibilités d'une utilisation originale du langage qui les empêche de se figer dans la répétition.
La poésie de Mandelinck respire la sagesse, la joie, la paix, l'amour. Son charme, pourtant, réside surtout dans sa forme. Nous avons déjà amplement souligné l'interaction de l'homme et de la nature vécue et exprimée par une foison d'images, attardons-nous plutôt maintenant à la construction remarquable de ces textes, et au rythme qu'elle leur donne. Chose frappante: la phrase commence souvent par un adverbe, ou par un complément circonstanciel. Ainsi le poème Qui roule vers le miracle: sur onze lignes, sept s'ouvrent par les mots suivants: toujours, déjà, à nouveau, patiemment, dans la lumière très aimée, en été aussi, ici. On voit que, dans ce monde poétique, l'accent est surtout mis sur la manière, le moment, la modalité des actes plutôt que sur ces actes même. Cet aspect marque un rapport évident avec le caractère rituel de tous les gestes qui empruntent leur signification au cadre environnant, à l'intégration d'un univers de sens préalablement donné. On n'y trouve pas d'absurdité, parce qu'il n'y a pas d'aliénation, parce que la vie est vécue selon les directives de la nature. Le bonheur, c'est le fait de retrouver, de reconnaître, et sa confirmation constante par la parole: