Septentrion. Jaargang 11
(1982)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Lettre flamande◼ hendrik brugmans naquit à Amsterdam le 13 décembre 1906, dans un milieu remontrant (protestant libre penseur). Fils d'historien, il étudia la philologie romane à l'Université municipale d'Amsterdam. Des contacts avec des étudiants flamands militant pour la néerlandisation de l'Uniwersité d'Etat de Gand l'éveillèrent à un engagement politique et social d'inspiration grandnéerlandaise. Cet épisode cadrait parfaitement avec l'immense curiosité intellectuelle et le désir d'action que Brugmans avait commencé à assouvir en se tournant vers le marxisme-léninisme. En 1929-1930, il passa une année à la Sorbonne, où il fréquenta le mouvement estudiantin socialiste français. De retour aux Pays-Bas, il devint professeur dans l'enseignement du second degré à Amersfoort et à Terneuzen, mais surtout il adhéra à l'aile gauche du Parti ouvrier social-démocrate (SDAP) néerlandais. Président de l'Institut d'éducation ouvrière de 1934-1940, il vécut intensément la problématique des plans économiques conçus pour combattre la crise, et il fut élu membre de la Deuxième Chambre en 1939. Arrêté par l'occupant en mai 1942, Brugmans passa deux ans au camp d'otages de Sint-Michielsgestel, où il faut souligner ses contacts avec des catholiques. A peine libéré, il se trouve enrôlé dans la résistance. Des rencontres et discussions dans les circonstances spéciales de la guerre était issu un Mouvement populaire néerlandais à caractère personnaliste et socialiste qui, après la libération, voulut proposer un renouveau national permettant au peuple de sortir de l'impasse du système établi et traçant la route vers une société plus radicale et plus juste. Toutefois, il ne sut empêcher une restauration rapide des pouvoirs et rapports de force d'avant-guerre. Une courte et pénible expérience de Brugmans au poste de commissaire gouvernemental à l'Information en confirma l'échec. De 1948 à 1951, il fut encore secrétaire du premier ministre néerlandais et professeur de littérature française à l'université d'Utrecht. Pendant toutes ces années, il publia sa thèse de doctorat sur l'auteur dramatique Georges de Porto-Riche, des ouvrages sur Marx, Diderot, Rousseau, Michelet et Péguy, et des écrits sur le socialisme démocratique et le personnalisme. L'échec de 1945 conforta Brugmans dans l'idée qu'il fallait se placer à un autre niveau si l'on voulait sortir des blocages et conditionnements nationaux. Par ailleurs, la question l'obsédait de savoir comment l'Europe, avec son passé et son prestigieux héritage culturel, en était arrivé à s'infliger deux guerres mondiales en trente ans et à se fourvoyer dans les horreurs de la tyrannie et de l'antisémitisme. Sa réflexion aboutit à une analyse approfondie de la crise et de la vocation de l'Occident (1952). Entre-temps, il milita dès 1946 au sein d'un groupe d'Action européenne, qui aspirait à un socialisme personnaliste et humaniste étendu à toute l'Europe. La même année eut lieu, en Suisse, le premier congrès international de différents groupes de fédéralistes européens et fut fondée, à Paris, l'Union transnationale et européenne des fédéralistes (UEF), dont Brugmans fut le premier président. Il devint aussi le vice-président du Mouvement européen coordonnateur, fondé fin 1947. Ce dernier organisa, en mai 1948, le spectaculaire congrès à La Haye, qui projeta la création du Conseil de l'Europe (1949). Mais déjà les vicissitudes de l'histoire rongeaient l'élan et brisaient le rêve des Etats-Unis d'Europe: l'opposition farouche des socialistes britanniques, le coup de Prague en | |
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1948, puis les dissensions sur la souveraineté et la supranationalité, plus tard la guerre froide, l'atlantisme et le cuisant échec de la Communauté européenne de défense, sabordée par la France, réduisirent les projets d'union politique à l'échelle de réalisations concrètes plus restreintes telles que la Communauté européenne du charbon et de l'acier, l'Euratom et la Communauté économique européenne. C'est sur la toile de fond de ces événements que le Mouvement européen chargea Brugmans de mettre sur pied, à Bruges, un Collège de l'Europe, dont il assuma avec brio la direction de 1950 à 1972 et qui reçut comme mission d'étudier systématiquement les problèmes que pose l'intégration européenne et de former une élite européenne convaincue,
Hendrik Brugmans (o 1906) et Yves Cazaux à l'Institut néerlandais à Paris, lors de la présentation du numéro 1 de la 5e année de cette revue.
grâce à des cycles d'études postuniversitaires. Ces combats et travaux, Brugmans les retrace dans L'Europe vécueGa naar eind(1). Plutôt que de mémoires politico-historiques, il s'agit de fragments de journal déroulant la chronique d'une idée fixe, indéracinable. L'ouvrage compte soixante-six chapitres localisés et datés, groupés en quatre parties: Le vent en poupe, Les lents piétinements, Les élargissements, Les approfondissements. Par le biais d'anecdotes, de rencontres, de dialogues et de réflexions solitaires, l'auteur y évoque la naissance, l'évolution, l'approfondissement de ses convictions fédéralistes. Bien sûr, il y a les faits, déterminés par un contexte ou par des individus, mais Brugmans toujours s'élève, regarde au loin, poursuit sa parcelle d'utopie et nous prend à témoin de son évolution personnelle. Sachons qu'en 1957, il se convertit au catholicisme. Son inspiration chrétienne - qui va droit à l'essentiel du message, faisant fi des scories et des mesquineries que les avatars de l'histoire lui ont superposées - renforce ses conceptions politiques socialistes, et l'universalité de l'Eglise lui semble la préfiguration de l'idéal si lointain d'un fédéralisme mondial. Par dessus tout, il y voit une source de combativité spirituelle régénératrice, de foi stimulatrice, grâce à laquelle l'Européen saura surmonter le nihilisme, le découragement, l'inertie qui semblent s'abattre sur lui, et vaincre la lassitude, l'anémie dont semble souffrir le continent - à ce propos, ses pages sur l'aspect judéo-chrétien de ce renouveau, les relations entre Israël et la Communauté européenne et l'oecuménisme sont significatives. Non, il ne s'agit pas là d'un discours naïvement moralisateur, mais d'une évaluation positive et humaniste du potentiel européen, d'une projection raisonnable de l'évolution indispensable | |
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si l'on veut éviter que l'Europe ne devienne l'enjeu d'un nouvel affrontement entre d'autres blocs. Brugmans connaît trop bien le passé et l'histoire pour donner dans le simplisme, voire dans la démagogie, mais il croit à l'homme et, dans une incessante interrogation, il retrace lucidement le chemin parcouru, dresse le bilan et pose des jalons pour l'avenir proche et lointain. Hendrik Brugmans quitta ses fonctions de recteur du Collège de l'Europe en 1972. Mais ce Néerlandais au moins quadrilingue, Flamand d'adoption - concrétisant son engagement grand-néerlandais dans son action au sein des Congrès néerlandais - et Européen par vocation, ne saurait se reposer sur ses lauriers. Il enseigna jusqu'en 1980 l'histoire culturelle à la section flamande de l'Université catholique de Louvain et à son campus courtraisien. Lecteur insatiable et publiciste infatigable, il poursuit son oeuvre en s'occupant activement de toutes sortes d'initiatives européennes et en continuant, dans tous les coins de ‘son’ continent, à l'occasion de causeries, congrès et séminaires, à répandre le message et l'espoir fédéralistes, sous-tendus par une solide foi humaniste. Titulaire de nombreuses hautes distinctions internationales, lauréat du prix Charlemagne en 1951, docteur honoris causa de l'Université catholique de Louvain en 1962, Brugmans célébra le 13 décembre dernier, à Bruges, son soixante-quinzième anniversaire, entouré, à travers une assistance nombreuse de coreligionnaires et de disciples, de tous le Européens de bonne volontéGa naar eind(2). | |
Bibliographie des oeuvres d'Henri Brugmans parues en françaisGeorges de Porto-Riche, sa vie et son oeuvre. Paris, Droz, Bibliothèque de la société des historiens du théâtre V, 1934, 369 p. Les trésors littéraires de la France. Groningue, Wolters, 1949. La cité européenne. Paris, Le Portulan, L'homme et la cité, 1950. Panorama de la pensée fédéraliste. Paris, Ed. du Vieux Colombier, La Colombe, 1956, 159 p. Histoire de l'Europe: 1. Les origines de la civilisation européenne. Liège, Georges Thone, Recherches européennes, collection du Collège d'Europe, Bruges, 1958, 265 p. 2. L'Europe prend le large. Idem, 1961, 369 p. 3. L'Europe des nations. Idem, 1970, 479 p. Visages de l'Europe. Neuchâtel, Ed. de la Baconnière, L'évolution du monde et des idées 62, 1963, 177 p. L'idée européenne 1918-1965. Bruges, De Tempel, Cahiers de Bruges n.s. 12, 1965, 292 p. Troisième édition revue et augmentée: 1920-1970. Idem, Cahiers de Bruges n.s. 26, 405 p. Vingt ans d'Europe. Témoignages 1946-1966. Discours et articles réunis à l'occasion du soixantième anniversaire de l'auteur. Bruges, De Tempel, Cahiers de Bruges n.s. 16, 1966, 362 p. La pensée politique du fédéralisme. Leyde, Sijthoff, 1969, 144 p. Prophètes et fondateurs de l'Europe. Bruges, College of Europe, 1974, 383 p. L'Europe vécue. (Tournai), Casterman, 1979, 204 p. De nombreux articles, brochures et collaborations à des publications collectives.
◼ l'institut de france n'élit pas tous les jours, en son sein, un Flamand. Signalons donc l'installation, le 4 novembre 1981, de Roger Avermaete sous la Coupole, à l'Académie des beaux-arts de Paris, où il succède au peintre et écrivain italien Giorgio de Chirico. Né le 27 octobre 1893 de parents flamands, élevé en néerlandais, Avermaete fera carrière en néerlandais, enseignera en néerlandais et se montrera un Anversois indéracinable. Mais s'étant épris très tôt de la littérature française, il écrira en français. Travailleur indomptable et homme de tempérament, le citoyen Avermaete peut se prévaloir d'une carrière d'animateur dynamique et novateur à la Commission de l'assistance publique d'Anvers, doublée de celle de directeur d'une Ecole professionnelle des métiers d'art qu'il créa lui-même en 1926 et de celle d'enseignant à l'Institut national des beaux-arts d'Anvers, à l'Institut national supérieur d'architecture et d'urbanisme, à deux écoles de service social et à l'Université ouvrière d'Anvers. L'homme de lettres a littéralement tout fait: cofondateur de la revue française Le melon bleu, fondateur du groupe Lumière, dont il anima la revue et ses éditions, poète avec Cornemuse, Dix vieilles chansons du beau pays de Flandre, Cantique du port, romancier avec La conjuration des chats, Les hommes préfèrent les brunes, Une sonate d'amour, Une épouse modèle et d'autres, auteur de contes philosophiques, auteur dramatique plus joué à l'étranger qu'en Belgique avec Le secret du manoir, L'être ou ne pas l'être, La guerre de la vache, L'empereur de Constantinople, un Don Juan et d'autres pièces, auteur de nombreuses farces en un acte, de jeux radiophoniques et de livrets de ballet, historien du seizième siècle suivant les traces de Lamoral d'Egmont, de Guillaume le Taciturne et des gueux de mer, biographe de Rembrandt et de Rubens, critique littéraire et journaliste. C'est surtout le critique d'art qu'a tenu à honorer l'Académie. En effet, les écrits qu'Avermaete a consacrés à l'art ne se comptent plus. Depuis des traités sur les différentes disciplines artistiques - il fut à l'origine, entre les deux guerres, d'une renaissance de la gravure | |
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Roger Avermaete (o 1893).
sur bois -, en passant par des articles et catalogues d'exposition, jusqu'aux monographies sur James Ensor, Rik Wouters, Constant Permeke, Paul Joostens, Henri Puvrez, Frans Masereel, Ernest Wijnants, Albert van Dyck, Alice Frey et tant d'autres encore, il ne cessa d'interroger l'art et son mystère, dans sa tentative de fixer une parcelle de l'éphémère, d'arrêter l'éternelle fuite du temps. Cet Anversois baroque est humaniste dans la tradition des Plantin-Moretus, moraliste comme Montaigne et son favori Stendhal, caustique comme Voltaire, d'autres fois franchement bruegélien ou rabelaisien. Esprit libre avant tout, anticonformiste et pourfendeur de clichés et de fausses réputations, comme dans ses périodiques lettres ouvertes aux écrivains de Belgique - cent quatre de 1952 à 1978 -, dans sa Nouvelle histoire de Belgique (1972) ou dans son dernier ouvrage: L'homme est bête et l'a toujours été (1980). Déjà membre de l'Académie royale flamande, classe des beaux-arts, couronné de prix dans les différents genres qu'il pratique, ce Florentin du Nord, jeune espiègle de quatrevingt-huit ans, a accueilli l'honneur que lui confère l'Institut de France avec l'humour qui lui est coutumier et est passé à l'ordre du jour, c'est-à-dire qu'il nous prépare déjà son prochain livre. Le lecteur désireux de faire plus ample connaissance lira avec profit Désiré Denuit: Roger Avermaete, le non-conformiste. Préface d'Henri Guillemin. Bruxelles, Arcade, 1979, 270 p., ainsi que le catalogue de l'exposition que la Bibliothèque royale Albert Ier de Bruxelles lui consacra en 1979. ◼ le 26 novembre 1981 mourut à Gand le dernier des grands historiographes du Mouvement flamand, Leo Picard (né à Anvers le 4 novembre 1888, il y fréquenta l'Athénée (= lycée) royal, pépinière bien involontaire de jeunes flamingants d'inspiration anarchisante de gauche, puis fit des études d'histoire à l'Université d'Etat de Gand, où il eut comme professeur le belgiciste Henri Pirenne et fut lié avec Julius Mac Leod, promoteur de la néerlandisation de l'université. Ayant rejoint, au début de la première guerre mondiale, le groupe activiste Jong-Vlaanderen (Jeune Flandre), autour de Domela Nieuwenhuys, il devint cofondateur et rédacteur en chef du journal du groupe, De Vlaamsche Post (Le courrier flamand), en février 1915. En raison de sa position modérée, Picard se heurta à l'antibelgicisme virulent et au pangermanisme de ses collègues. Après la rupture, en septembre 1925, il partit pour les Pays-Bas, où il travailla comme journaliste et, dans sa publication irrégulière, De Vlaamsche Gedachte (1916-1917, La pensée flamande), prôna la possibilité ‘d'une paix de compromis entre la Flandre émancipée et une Belgique meilleure’. Condamné après la guerre, il devint, en 1918, à La Haye, rédacteur de Het Vaderland (La Patrie), journal de tendance libérale. Il y fréquenta les milieux grand-néerlandais, suivit à distance et d'un oeil critique la politique belge et la situation en Flandre, qu'il commenta dans des brochures et essais où il prenait position contre le nationalisme flamand extrémiste. Dans son ouvrage capital Geschiedenis van de Vlaamse en Groot-Nederlandse Beweging (t. 1er, 1937; t. 2, 1957 - Histoire du Mouvement flamand et grand-néerlandais; édition revue: Evolutie van de Vlaamse Beweging van 1795 tot 1950, 3 vol., 1963 - Evolution du Mouvement flamand de 1795 à 1950), l'analyse du problème linguistique en Belgique se fonde sur une interprétation éminemment sociale du phénomène. Celui-ci remonte au dix-huitième siècle: le français occupait en Europe une place prestigieuse, qui, en Belgique, se trouva renforcée et institutionnalisée par l'annexion à la France (1795-1815), puis par la prépondérance que la Wallonie devait à ses richesses minérales et à leur récente exploitation industrielle. Picard préconisait un renversement des rapports sociaux, sur une large base démocratique, où la collaboration entre ouvriers chrétiens et socialistes, appuyée par une élite intellectuelle authentiquement flamande, saurait venir à bout de cet épiphénomène du capitalisme qu'était la francisation. Il est certain que la vision de Picard tranchait nettement avec les conceptions romantico-nationalistes ou purement linguistiques - certes valables mais trop étroites en tant que support d'une stratégie d'émancipation -, qui avaient cours dans l'entre-deux-guerres, et qu'il a incontestablement contribué à un approfondissement de la lutte politique flamande. L'histoire | |
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Leo Picard (1888-1981).
a voulu que ce soit précisément le Parti ouvrier belge, à prépondérance francophone et minoritaire en Flandre qui, en dépit d'efforts méritoires de socialistes flamands individuels, n'ait guère contribué à stimuler cette évolution, tant s'en faut. En 1963, Picard constata ‘un aventureux et pas très logique rapprochement’ entre le socialisme de gauche et le nationalisme wallon, et ces dernières années, il aura encore vécu la scission communautaire de l'ancien parti socialiste qui devait en résulter. Rentré en Belgique en 1946, Leo Picard dirigea pendant dix ans, en sa qualité d'expert, la section de politique étrangère du journal catholique De Standaard (L'étendard), où il défendait souvent des positions originales. Par la suite, il publia encore le recueil d'articles Van Vlaamse Beweging naar sociale revolutie (1961 - Du Mouvement flamand à la révolution sociale) et consacra une étude à cet autre groupe minoritaire: De vrijzinnigheid in Vlaanderen en de Vlaamse Beweging (1962 - La libre pensée en Flandre et dans le Mouvement flamand).
◼ la france du nord, pour beaucoup, est la région que l'on traverse le plus vite possible pour arriver dans les régions ensoleillées et aux tuiles rondes qui commencent au-delà de la Loire. C'est à un périple dans l'histoire occulte de la FlandreGa naar eind(1) que nous convient Roger Facon et Jean-Marie Parent, de la Flandre française au sens largement médiéval du terme plutôt, puisque leur livre porte sur les territoires des départements du Nord et du Pas-de-Calais, fort sollicités par l'histoire. De Dunkerque et Montreuil jusqu'à Cambrai, Avesnes et Bavay, ils nous font découvrir, autour des grandes voies romaines remontant probablement à l'époque celtique, des pierres sacrées, fontaines, sources et arbres magiques, autant de lieux où, jadis, des courants telluriques donnèrent lieu à des cultes druidiques ou séances initiatiques. Des éléments païens sont supplantés par le merveilleux chrétien dans les légendes des saints ou survivent dans les géants. Les auteurs évoquent aussi l'influence du catharisme, qui ne serait pas étranger à la naissance des béguinages, et soulignent l'importance et la densité des implantations templières. Le diable aussi est très présent dans ‘l'enfer du Nord’, notamment à travers des sorcières. Le siècle des Lumières y apporte la doctrine mystique quiétiste ainsi qu'une franc-maçonnerie à caractère chrétien. Le pays cache encore maints trésors, possède un monde souterrain fascinant et paie en outre son tribut à la science occulte, l'alchimie. D'un dernier chapitre sur l'hermétisme, il ressort encore que tout se tient, que tout est un... et que le mystère demeure entier, sauf pour l'initié. Avis, donc, aux amateurs suffisamment aventureux de partir à la découverte de cette mythoréalité; ils sont priés de se munir d'un imperméable et d'un parapluie, car dans le Nord, la brume et la pluie aussi sont légendaires... Ce monde de mythes et de légendes, Frédérick Tristan nous l'avait déjà présenté dans un livre passionnantGa naar eind(2) où il scrute la mémoire dure, profonde, têtue du peuple flamand. Il nous parle de Gayant, d'Halewyn et de la belle Lauriane, de Thor, de héros mythiques païens, d'apports des nombreux envahisseurs, de la récupération et transformation de ces éléments par le christianisme. Celui-ci devient l'assise d'une véritable civilisation qui pénètre jusqu'à nos jours la vie flamande dans toutes ses fibres: carillons, fêtes, processions, rituels, et ainsi de suite. Puis, il y a l'évocation des confréries médiévales, des charités, des Templiers, des mystiques, autant de ‘jeux de miroirs’ engendrant à chaque fois de nouvelles légendes. ‘En Flandre, derrière le calme apparent des êtres et des choses, il y a toujours une peur, une folie ou une angoisse qui rôde’, et Jérôme Bosch est dans les parages. Le livre se clôt sur des histoires de diables et sur une évocation de Thyl Uilenspieghel et des gueux des bois. Soulignons que les deux ouvrages précités comprennent tous deux une riche bibliographie.
WILLY DEVOS
Adresse: Herdersstaflaan 38, B-1170 Brussel/Bruxelles. |
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