Tous ces livres - et j'en passe - essaient de capter l'attention du public pour un des grands classiques de notre dix-septième siècle. Réussiront-ils? Pour toute réponse je cite un fragment d'un article de L. Strengholt dans Hooft, intitulé Plaidoyer en faveur de Hooft: ‘De l'une ou l'autre manière il manque à la communauté néerlandaise une vulgarisation justifiée de sa littérature ancienne. Les spécialistes y auraient-ils renoncé, découragés par les tendances ahistoriques dans notre culture nationale et désespérant de la possibilité d'un réel intérêt de la part du grand public pour les poètes du passé? Si compréhensible que soit un tel sentiment, il importe pourtant de ne pas s'y résigner’. Et voilà!
◼ le passage de la littérature du dix-septième siècle à celle d'aujourd'hui, n'est pas très difficile, grâce précisément à P.C. Hooft, qui a prêté son nom au plus grand prix national de littérature, le ‘P.C. Hooft-prijs’, remis traditionnellement (mais pas toujours) au Château de Muiden.
Cette année le prix fut attribué au romancier Willem Brakman pour la totalité de son oeuvre, - oeuvre remarquable de bien des façons. Né en 1922, Brakman ne débuta qu'en 1961, c'est-à-dire presqu'à l'âge de quarante ans, avec le roman
Een winterreis (Un voyage en hiver) qui lui a valu du coup un prix littéraire. Ensuite il réussit, malgré le métier absorbant de médecin, à construire une oeuvre qui comporte jusqu'à présent dix-sept romans et recueils de nouvelles. Elle a pour thème fondamental le malentendu irrécusable entre l'auteur et le monde. Dans cette conviction Brakman crée à partir de l'un ou l'autre fait réel aussi mince qu'il soit, un monde imaginaire. Il y décharge toutes ses obsessions en des images extrêmement
Willem Brakman, né en 1922, lauréat du plus grand prix national de littérature, le P.C. Hooftprijs (photo: Hanneke van Schooten).
visualisées et des fantasmes pleins d'angoisses. Mais les descriptions réalistes semblent le sauver du désespoir par l'humour dans ses observations.
A l'occasion de la remise du prix par le ministre de la culture, le lauréat a donné une conférence sur la synthèse maladie et art. Il y disait entre autres: ‘La maladie n'est pas une chose qui nous arrive par accident. Nous sommes des corps et par cela même malade (...). La ‘corporalité’ est la source de la maladie, la mort en est l'inévitable suite; la frontière entre la maladie et l'amour est trop peu claire pour pouvoir mettre celui-ci à part, et ainsi tout est concentré dans un trouble qui - si par courtoisie il ne nous situe pas en dehors de l'empire de la raison - couvre l'esprit et l'âme, à la moindre température, de lueur’. On ne saurait mieux définir le sens de ses écrits.
◼ le holland festival, qui a lieu chaque année pendant le mois de juin, s'intéresse depuis 1969 aussi à la poésie internationale. Cet événement, né d'une initiative de la Rotterdamse Kunststichting, plus particulièrement de son père spirituel, Martin Mooij, s'appelle Poetry International. Des poètes de partout dans le monde se réunissent à Rotterdam, lisent dans leur propre langue leurs poèmes qui sont ensuite traduits, et créent des liens de compréhension réciproque et d'amitié, résultant même dans des éditions, comme par exemple la Poetry International Serie des Editions Meulenhoff. Souvent les noms sont inconnus en dehors de leur pays, mais chaque année aussi de grandes réputations internationales sont présentes.
Cette année il y avait des poètes de la Turquie, du Maroc, des Antilles, de l'Indonésie, du Japon, de l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest, du Chili, de la France, de Cuba, du Mexique, de la Pologne, de la Yougoslavie, d'Israel, de plusieurs républiques d'Afrique, etc. Parmi eux se trouvaient des personnalités comme Gaston Salvatore, Herberto Padilla, Jean Pierre Faye, Homero Aridjis et surtout Erich Arendt. Ce poète expressionniste allemand âgé - il est né en 1903 - avait opté pour l'émigration en 1933. Il participa à la guerre d'Espagne et réussit après la défaite, de s'enfuir avec sa femme vers la France et de là en Amérique du Sud. Presque comme un inconnu il rentrait en Allemagne en 1950 et c'est depuis lors seulement qu'il a pu publier ses
Martin Mooij, père spirituel de Poetry International (photo: Ton den Haan).