avait déclaré à Constant d'Hermenches qu'il ne voulait pas d'une femme plus intelligente que lui... Une équipe internationale édite en ce moment les Oeuvres Complètes de Belle de Zuylen, Isabelle de Charrière, oeuvre écrite entièrement en français, mais appartenant à la culture néerlandaise par son caractère et son style. Elle aussi dépasse nos frontières par sa langue, son contenu et l'importance de ses correspondants, parmi lesquels Constant d'Hermenches, James Boswell et Benjamin Constant.
En 1978, consultant la masse étendue et non-ordonnée des archives d'Hermenches dans le Fonds Constant à la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne, ma femme et moi avions la chance d'y découvrir une lettre du baron A.J. van der Duyn van Maasdam du 27 février 1769 et adressée à Constant d'Hermenches. Dans cette lettre il est dit: ‘jeudi prochain on donnera pour le bénéfice de Rosette
Vertu vaut bien noblesse, opéra bouffon en 3 actes de la composition de M
r d'Obdam et Compagnie, titré du
Noble de Mlle de Zuylen, relatif aux circonstances’. Nous avons en effet retrouvé l'annonce de cette représentation, le 2 mars de cette année, à la Comédie française, dans le
's-Graevenhaegse Maendagse courant. Nous n'ignorions donc pas que les Wassenaer van Obdam composaient de la musique, mais malgré nos recherches nous n'avons pu retrouver la musique ni le livret d'après
Le Noble. Le nom ‘M
r d'Obdam et Compagnie’ désigne probablement un des fils, compositeur à ses heures aussi, et non le père le comte Unico Wilhelm, mort en 1766, bien qu'il ait pu connaître - et a connu sans doute -
Le Noble, paru anonymement en 1763. Mais on savait si bien que Belle en était l'auteur que Van der Duyn la nomme sans hésitation. Un aveu
Portrait de Belle de Zuylen / Isabelle de Charrière.
plus irrécusable encore est le fait que ses parents retirèrent au plus vite l'édition de la circulation, n'appréciant pas beaucoup l'attitude de leur fille à l'égard du comportement moral et social de la classe des nobles dont ils faisaient partie.
◼ je passe du dix-huitieme au vingtième siècle, en sautant pour l'instant le dix-neuvième qui pourtant n'est pas resté inaperçu ces derniers mois. Sans doute pour faire contrepoids aux fêtes commémoratives du 150ème anniversaire de la Belgique, le Werkgroep XIXe Eeuw a consacré un colloque à l'année 1830 et à la Hollande avant et après la séparation. Cette époque, quoique mieux connu que la deuxième moitié du XVIIIe siècle néerlandais, est généralement considérée comme la plus endormie, la moins énergique et entreprenante de notre histoire nationale. L'année 1830 a réveillé le pays et marqué le début d'un revirement. Mais retournons à l'actualité.
◼ le prix martinus nijhoff, décerné chaque année, est un prix qui couronne la traduction d'un livre, soit d'une autre langue en néerlandais, soit du néerlandais en une langue étrangère. Cette année ce prix a été décerné à Philippe Noble pour sa traduction française du roman d'E. du Perron, Het Land van Herkomst, Le Pays d'origine. C'est certainement, à plusieurs égards, un événement important pour la littérature néerlandaise.
Du Perron (1899-1940) est un des auteurs qui a le plus contribué à faire entrer un élément nouveau de sensibilité intellectuelle, une atmosphère de sincérité irrespectueuse et sans compromis, dans l'esprit bourgeois des lettres néerlandaises d'avant la dernière guerre: Individualiste, mais ouvert à une culture universelle, polémiste redouté, il maniait sa plume comme une épée. Son tempérament peu hollandais avait ses racines aussi bien dans son pays d'origine, l'Indonésie, où il naquit de parents européens, que dans son ascendance française, assez lointaine, il est vrai, mais très reconnaissable. Son roman autobiographique Het Land van Herkomst a été écrit en France où l'auteur habitait dans les années trente. Ce livre, le plus fondamental de sa génération, est aussi le plus important écrit personnel de Du Perron. Ce n'est pas mon dessein de l'analyser ici, mais de souligner que déjà en 1935, l'époque de sa parution, il représentait parfaitement l'oeuvre littéraire moderne, ‘engagée - comme le dit Philippe Noble dans son avantpropos-dans les recherches romanesques de son temps.’
Par ses recherches littéraires modernes, par son triple sujet - l'Indonésie, l'Europe en fermentation des années trente, l'auteur lui-même en lutte pour préserver son individualité - ce roman semblait désigné à être traduit au moins en français. Pourtant, malgré des efforts répétés et plusieurs essais de traductions, malgré l'influence de son ami André Malraux, qui écrivit bien des