ouvrages de ce genre contribuent à la redécouverte d'une région restée par trop longtemps dans l'ombre, comme pourra le constater le lecteur qui aura pris connaissance de ce quatrième volume d'annales éditées par la ‘Stichting Ons Erfdeel vzw’.
Les annales comprennent des essais en langue française et en langue néerlandaise, pour lesquels la rédaction a fait appel à des spécialistes de la France du Nord ou de la France tout simplement ainsi que de la Belgique flamande ou des Pays-Bas. Chaque article est suivi d'une synthèse rédigée dans l'autre langue que celle dans laquelle il est écrit. Soulignons en outre la présentation très soignée de ce volume, qui comporte aussi nombre d'illustrations.
La rédaction tend à assurer une grande diversité dans le contenu des annales. Cette richesse n'est pas pour faciliter une présentation en rubriques rigoureusement définies.
Deux contributions ont trait à des sujets ‘régionalistes’ au sens étroit du terme. Il y a les passionnants souvenirs de Nicolas Bourgeois, introduits par Eric Defoort, qui qualifie à juste titre leur auteur d'‘éminence grise’ du mouvement régionaliste de la Flandre française. Le lecteur qui s'attend à ce que Bourgeois s'étende sur le rôle qu'il a joué personnellement sera en partie déçu. Bourgeois est trop modeste pour se mettre à l'avant-plan. Il nous présente plutôt une vue sur l'évolution du régionalisme en Flandre française. Ce témoignage constitue la contribution lucide d'un homme qui, logique avec lui-même, s'est consacré toute sa vie durant - et encore de nos jours! - à un grand idéal. De son côté, Michiel Nuyttens étudie les éléments qui ont déterminé l'attitude méfiante, parfois agressive, qu'ont adoptée les services de sécurité vis-à-vis du régionalisme dans les Pays-Bas français dans l'entre-deuxguerres. Leur dénominateur commun était évidemment la crainte de l'irrédentisme, crainte qui semblait obséder les autorités.
Les annales consacrent également une partie importante à des aspects politiques. Herman Balthazar analyse les rapports entre le socialisme en Flandre et dans la France du Nord entre 1870 et 1914. Dans une période socialement mouvementée, qui connaissait en outre toutes sortes de mouvements migratoires de la Flandre vers la France du Nord, il y eut certes une interaction réelle, mais Balthazar estime qu'il convient néonmoins de relativiser ce phénomène. Hubert Claude consacre un article biographique à la figure de Roger Salengro. Le sous-titre de sa contribution, ‘Vie et mort d'un juste’, indique que l'auteur aura quelque difficulté à rester toujours objectif. L'histoire captivante de la vie du militant socialiste que les campagnes calomnieuses poussèrent au suicide n'est pas dépourvue, en effet, de quelques accents hagiographiques. La signification de Salengro en sa qualité de maire de Lille, de député du département du Nord et de ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Léon Blum, est quelque peu éclipsée par ce martyre.
Dans son article relatif aux relations commerciales entre la France du Nord et la Flandre occidentale depuis la deuxième guerre mondiale, Hubert Sap souligne le réflexe protectionniste qui semble prévaloir à l'heure actuelle. Ainsi, l'économie aussi a trouvé sa place dans ces annales.
Le sujet traité par Yves-Marie Hilaire déborde le cadre provincial. Il révèle la signification de l'ultramontanisme dans l'Europe du Nord au dixneuvième siècle et illustre par là l'absurdité du fait que jusqu'à présent, l'historiographie ne s'est jamais penchée sérieusement sur le catholicisme tel qu'il vivait dans les régions septentrionales. A certains moments, on a l'impression qu'Hilaire ne sait plus exactement dans quel sens il doit orienter son article. Albert Delahaye prend pour son compte l'histoire au sens étroit du terme. Dans un article assez virulent, et en se fondant sur ses recherches relatives au champ d'action de saint Willibrord, il bouleverse sérieusement les conceptions traditionnelles de l'histoire la plus ancienne de la Flandre française. A ce propos, la rédaction annonce dès à présent, pour les annales 1980, une réaction de M. Gysseling. Je déplore tout particulièrement que Delahaye n'ait pas cru nécessaire de joindre à son article une liste du matériel et des sources utilisés. En outre, la synthèse en français s'avère par trop sommaire. L'auteur semble avoir perdu de vue qu'un sujet qui prête à la controverse, et annoncé comme tel, suscite a priori beaucoup d'intérêt.
Une première contribution linguistique étudie l'influence exercée par le picard et le néerlandais sur la naissance du français dans la France du Nord. Hugo Ryckeboer situe, par ailleurs, le dialecte flamand parlé au Westhoek français dans l'ensemble du domaine linguistique néerlandais et souligne le rôle qu'il peut jouer dans l'apprentissage de la langue néerlandaise standardisée. Cyriel Moeyaert présente un nouveau chapitre lexicologique, consacré à la langue écrite au Westhoek à la fin du dix-neuvième siècle. Signalons encore sous cette rubrique l'article qu'Albert Labarre consacre aux impressions en flamand dans les Pays-Bas français du seizième au dix-huitième siècle.
Hervé Oursel met en évidence l'originalité de la sculpture du Moyen Age dans le Nord de la France et exprime le souhait que l'on s'y intéresse davantage. Jean-Gérard Elsen approche avec une grande sensibilité l'oeuvre picturale d'Arthur Van Hecke. Un critique faisant autorité n'a-t-il pas qualifié ce-