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La Belgique et le Zaïre
Manu Ruys
Né en 1924 à Anvers. Germaniste de l'Université catholique de Louvain. Journaliste depuis 1949. Auteur de: Pilkuren (1969, préface), Valt België uiteen (1969 - La fin de la Belgique?) et du bestseller politique De Vlamingen. Een volk in beweging. Een natie in wording (1972), qui a également paru en traduction française (Les Flamands. Un peuple en mouvement. Une nation en devenir) (1973), anglaise et allemande.
Actuellement rédacteur en chef du groupe de journaux De Standaard (Bruxelles). A effectué entre 1958 et 1978 une vingtaine de voyages en Afrique centrale pour y observer de près les luttes d'émancipation des nations africaines, plus spécialement au Zaïre.
Adresse:
Molenkouter, Rooststraat 2A, 1860 Meise (Belgique).
Le Zaïre est une création du colonialisme belge. Sa naissance et son évolution en tant que nation souveraine s'enracinent dans le passé colonial. Pour bien comprendre la République du Zaïre, il importe de savoir comment les Belges ont contribué à l'évolution du pays. Le Congo - tel était le nom du Zaïre jusqu'au 27 octobre 1971 - fut ouvert à l'Occident par les explorateurs qui, dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, traversèrent de l'est vers l'ouest l'immense pays - grand comme cinq fois la France - où ils découvrirent un ensemble de royaumes, ethnies à l'organisation politique et sociale assez complexe, affaiblies en outre par les déportations dues au trafic des esclaves.
Cherchant des espaces coloniaux pour son jeune Etat industriel, le souverain belge Léopold Il réussit, vers 1875, à gagner l'explorateur Stanley à ses visées d'expansion. Grâce à un jeu diplomatique très subtil, le roi sut établir son pouvoir sur une gigantesque partie de l'Afrique centrale, d'abord par l'intermédiaire de l'Association internationale du Congo, et à partir de 1886 avec l'Etat indépendant du Congo, dont il devint le souverain. Il en organisa l'exploitation économique avec l'aide d'équipes européennes qui, avec les années, devinrent de plus en plus des équipes belges, et en recourant à des méthodes qui lui valurent la réprobation internationale. En 1908, l'Etat indépendant fut repris par la Belgique. Le souverain avait donné au Congo ses frontières - qui ne coïncidaient pas avec les régions ethniques - et ses structures capitalistes. La Belgique le dota d'une solide administration à l'esprit paternaliste, qui collaborait étroitement avec les deux autres pouvoirs coloniaux qu'étaient les missions religieuses et les grandes sociétés. Une armée congolaise encadrée par des officiers belges veillait à l'ordre et à la paix. Ce régime se maintint pendant plus d'un demi-siècle sans que la métropole lui manifestât beaucoup d'intérêt.
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Albert Kalonji, futur ‘chef d'Etat’ de la province du diamant dissidente, le Kasaï, reçu par le roi Baudouin à la réception offerte à l'occasion de la table ronde du mois de février 1960.
Le Congo vivait en autarcie, ne coûtait rien au Trésor belge et laissait dès lors plutôt indifférents le gouvernement et le Parlement. En revanche, un nombre considérable de Belges - planteurs, négociants, exportateurs, fonctionnaires ou actionnaires de sociétés coloniales - s'enrichirent grâce au Congo. Entre-temps, on faisait de l'excellent travail dans la colonie sur le plan social, culturel et médical; dans le domaine de l'instruction, par la construction de routes, de voies ferrées, de barrages, d'aérodromes; en matière de logement, d'agriculture et d'exploitation des richesses minérales, etc. La santé publique progressait visiblement. On produisait tant de nourriture qu'une partie pouvait en être exportée. Les écoles primaires et secondaires étaient florissantes.
La seconde guerre mondiale apporta le vent du changement. Lors de son départ en 1946, le gouverneur général Pierre Rijckmans, le plus célèbre des proconsuls belges, lança un avertissement: ‘L'âge du colonialisme est révolu.’ Les spécialistes du Congo n'étaient pas aveugles aux courants d'idées vivant chez les jeunes Noirs évolués, préparant l'indépendance politique au sein de groupes d'action culturelle. Mais Bruxelles n'était pas pressée. Le voyage triomphal qu'effectua au Congo le roi Baudouin ler en 1955 renforça les conservateurs dans leur opinion que la colonie ne désirait pas se séparer de la métropole. La proposition que fit, la même année, le professeur A.J.J. van Bilsen d'élaborer un plan de trente ans en vue de l'émancipation du Congo, fut écartée comme prématurée. Mais à l'Exposition universelle, organisée en 1958 à Bruxelles, les nationalistes dispersés aux quatre coins du Congo, se rencontrèrent. Au mois de janvier 1959, des émeutes sanglantes à Léopoldville - aujourd'hui Kinshasa - effrayèrent l'opinion publique belge. Le même mois, le roi et le gouvernement donnèrent le branle au mécanisme qui devait transformer le Congo en un Etat souverain, sans toutefois prévoir de calendrier précis. Il était aussi apparu, entre-temps, que le Congo ne pouvait plus se suffire à lui-même et que la Belgique devait consentir de sérieux efforts financiers si elle voulait préserver la situation financière et économique de la colonie...
Lors de la table ronde qui eut lieu au début de 1960 à Bruxelles, les hommes politiques congolais obtinrent sans difficulté l'indépendance, qui devint effective au 30 juin 1960. Auparavant, des élections avaient établi que Patrice Lumumba dirigeait le parti le plus important. Au cours des derniers jours du gouvernement colonial belge, il fut désigné comme premier ministre et le leader du deuxième parti, Joseph Kasavubu, devint le chef d'Etat. Le Congo fut doté d'une Constitution provisoire, copiée sur des modèles
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Des dignitaires belges au moment du départ pour le Congo, le 28 juin 1960, pour y célébrer la proclamation de l'indépendance. Toutefois, l'euphorie sera de courte durée. De gauche à droite: le vice-premier ministre Albert Lilar, le président du Sénat Paul Struye, le premier ministre Gaston Eyskens et le ministre de l'Intérieur René Lefebvre.
européens et non adaptée aux réalités africaines. Le transfert des pouvoirs devint vite un drame. Quelques jours après la proclamation de l'indépendance, une mutinerie se déclara dans une garnison congolaise stationnée non loin de la capitale. Des femmes blanches furent molestées. La panique gagna les dix mille fonctionnaires belges disséminés à travers le pays. Sachant qu'en cas de besoin le gouvernement belge les accueillerait, ils n'hésitèrent pas à s'enfuir vers la patrie sûre, laissant derrière eux un cadre administratif et économique en pleine confusion. Au même moment, l'homme fort de la province du Katanga, Moïse Tshombé, refusa d'accepter l'autorité de Lumumba dans un Congo unitaire et proclama la sécession de la province du cuivre.
Le gouvernement belge se trouvait devant une situation délicate. Après avoir fait preuve pendant des mois d'indécision et d'incapacité, il vit s'évanouir son espoir d'un transfert des pouvoirs qui le libérerait de ses soucis. Il était confronté d'une part au Katanga dissident, sollicitant l'aide de la Belgique pour poursuivre l'exploitation des mines de cuivre, et d'autre part au gouvernement légal qui, ne maîtrisant pas la situation, demandait lui aussi une aide militaire belge mais qui, après une intervention maladroite de commandos de parachutistes belges à Matadi, rompit avec l'ancien pays tuteur et se tourna vers les Nations unies. Bruxelles essaya de se cacher derrière un rideau de fumée, plein d'ambiguïté. Le gouvernement belge déplora la rupture avec le gouvernement Lumumba, retira ses troupes pour céder la place aux casques bleus, alla plaider son innocence et sa bonne foi devant le Conseil de sécurité. En même temps, il soutenait officieusement le séparatisme katangais en mettant à sa disposition officiers, diplomates, ingénieurs et crédits. Lorsqu'au mois de septembre 1960, Kasavubu et Lumumba se mirent mutuellement au ban de la nation, le gouvernement belge constata avec soulagement que le chef d'état-major Joseph-Désiré Mobutu aussi bien que Justin Bomboko - président du Collège des commissaires, qui assumait temporairement la direction du pays - étaient connus comme des amis de la Belgique. L'aide au dissident Tshombé n'en fut pas moins poursuivie. Les mois suivants furent particulièrement tragiques. Le pays se morcela en quatre parties: la région qui entoure Léopoldville, où résidait le gouvernement officiel; le nord-est, où Antoine Gizenga prônait un régime prorusse; le
Katanga de Moïse Tshombé; la province du diamant, le Kasaï, également dissidente. Des dizaines de milliers d'innocents périrent victimes de ces déchirements. Bruxelles prenait ses distances à l'égard de Gizenga et essayait de rester en bons termes avec les trois autres régimes. Avec la nomination à la fonction de premier ministre à Léopoldville de l'homme modéré qu'était Cyrille Adula, au mois d'août 1961, une réconciliation congolaise sur des bases fédérales semblait en vue. Une tentative des casques bleus visant à renverser Tshombé avait échoué. Adula s'efforça de recoller les morceaux. La mort de Dag Hammerskjoeld dans un
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Le président Joseph Kasavubu souhaite la bienvenue au roi Baudouin à la Fête de l'Indépendance.
mystérieux accident d'avion au mois de septembre 1962, alors qu'il était en route pour rencontrer Tshombé, mit fin à cette politique. Son successeur, U Thant, reprit le combat et au mois de décembre 1962, Tshombé céda. Entre-temps, à Bruxelles, le nouveau gouvernement Lefèvre-Spaak avait opté pour une coopération exclusive avec Léopoldville. L'entente s'améliorait encore lorsqu'au mois de juin 1964, Tshombé, qui s'était enfui en Espagne après l'échec de la sécession, devint premier ministre pour l'ensemble du Congo, en vue d'une lutte mieux organisée contre l'opposition ‘lumumbiste’ demeurée assez forte. La Belgique et le Congo organisèrent une coopération militaire pour étouffer cette opposition dont le centre était à Stanleyville, et s'efforcèrent aussi de liquider le contentieux financier. Une nouvelle situation de conflit au sommet aboutit, au mois de novembre 1965, au coup d'Etat sans effusion de sang du général Mobutu, qui se proclama chef d'Etat. La réaction belge ne fut pas négative. Mobutu semblait une garantie pour le maintien de l'ordre et pour le redressement de l'économie. Au mois de mai 1966, les gouvernements belge et congolais parvinrent à un accord sur certains dossiers économiques controversés. Mais il apparut bientôt que le nouveau dictateur n'avait pas l'intention de respecter les anciens intérêts monopolisateurs des sociétés belges. Dès l'été 1966, il commença à retirer graduellement les concessions qui avaient été octroyées aux
sociétés sous le régime colonial. Ces mesures étaient dirigées en premier lieu contre l'Union minière du Haut-Katanga (UMHK), qui constituait un Etat au sein de l'Etat. Fin 1966, l'UMHK fut reprise par le Congo, mais en février 1967, la nationalisation fut réglée par un accord qui prévoyait aussi bien des dommages-intérêts que la poursuite de la coopération technique et commerciale entre l'UMHK et la nouvelle société congolaise. Peu de temps après, les relations belgo-congolaises évoluèrent vers une crise. Des sabotages à un pont du chemin de fer desservant les mines de cuivre furent attribués à des Belges. Un technicien belge fut sérieusement maltraité par des soldats. Mobutu lança de fortes diatribes contre la Belgique et reprocha notamment à celle-ci de soutenir Tshombé en exil. Le premier ministre Paul Vanden Boeynants menaça de suspendre la coopération au développement et rejeta toute responsabilité belge pour ce qui touchait aux actions des rebelles et des mercenaires qui, sous la direction du Belge Jean Schramme, servaient la cause de Tshombé. Tandis qu'à Kinshasa la population prenait d'assaut l'ambassade belge, que des Belges étaient assassinés à l'intérieur du pays et que la mission militaire
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Le roi Baudouin s'adressant aux membres de la Chambre et du Sénat au parlement de Léopoldville, le jour de l'indépendance congolaise. A côté de lui, le président Joseph Kasavubu. Derrière lui, en uniforme blanc, le dernier gouverneur général de la colonie belge, Hendrik Cornelis.
belge était expulsée, le premier ministre Vanden Boeynants refusa de se rendre à Kinshasa à l'invitation de Mobutu. Il déclara à nouveau qu'il serait mis fin à l'assistance technique si la sécurité des Belges n'était pas garantie. Mobutu baissa le ton. La campagne antibelge s'éteignit. L'assistance fut de nouveau normalisée. Cette évolution était due dans une mesure non négligeable à l'intervention discrète mais décidée du roi Baudouin en personne qui, à partir de ce moment-là, se posa à plusieurs reprises en grand promoteur de l'entente belgo-congolaise. Celle-ci résulta, au mois de juin 1968, dans une visite privée de Mobutu à Bruxelles, où il fut l'hôte du souverain et eut des rencontres avec le gouvernement et avec des représentants de l'économie belge. Au moment du départ, Mobutu déclara que l'on ne regardait plus vers le passé mais vers l'avenir.
Au mois d'août 1968 fut signé à Bruxelles un accord élargissant et améliorant l'assistance technique. Kinshasa déclara que pour la nationalisation de l'Union minière, une solution définitive et satisfaisante était en cours d'élaboration. Un traité d'amitié entre les deux pays fut envisagé. Au mois de février 1969, le prince Albert se rendit à Kinshasa à la tête d'une mission commerciale. Dans le courant de l'année, on parvint effectivement à une solution à l'amiable pour l'UMHK. Au mois de novembre, Mobutu rendit de nouveau visite à la Belgique, officiellement cette fois-ci. Hôte du palais royal, il fit, tout comme le roi, des déclarations particulièrement chaleureuses sur les liens d'amitié historiques entre les deux pays.
Au mois de juin 1970, le roi Baudouin et la reine Fabiola firent une visite officielle de deux semaines au Zaïre. Ce fut leur premier contact personnel avec le pays depuis l'indépendance. A cette occasion fut également signé le traité d'amitié. A ce moment-là, le président Mobutu était au faîte de sa gloire. En cinq ans, il avait conçu un appareil administratif rigoureusement centralisé, attiré des investisseurs étrangers, mené une politique de prestige à l'égard de l'étranger, accumulé une fortune personnelle considérable et obligé la nouvelle ‘élite’ bourgeoise de profiteurs. Les prix élevés du cuivre sur le marché mondial avaient créé de grandes possibilités.
Pour lier davantage la population au régime, Mobutu, sous l'étiquette du ‘retour à l'authenticité’, établit dans les années 1971-1973 les bases d'une africanisation qui non seulement concernait les noms des lieux et des personnes et le vêtement, mais visait aussi le coeur de l'économie, c'est-à-dire les entreprises des étrangers. En automne 1973 démarra l'expérience difficile de la ‘zaïrinisation’. Mobutu décida présomptueusement que la plupart des possessions étrangères devaient être transférées sans beaucoup de formalités aux citoyens zaïrois. Cette opération provoqua un effondrement catastrophique des entreprises, plus spécialement au niveau des intermédiaires commerciaux. Ce fut pire encore que ce qui s'était passé après le départ des fonctionnaires belges en 1960.
Les milieux bruxellois se montrèrent particulièrement inquiets. Au mois de février
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Moïse Tshombé, ‘chef d'Etat’ de la province du cuivre dissidente, le Katanga, accueilli à Bruxelles au mois de décembre 1960.
1974, le premier ministre Edmond Leburton et le ministre des Affaires Etrangères Renaat Van Elslande rencontrèrent Mobutu à Münich pour discuter des répercussions de la zaïrinisation ainsi que d'une solution définitive pour l'UMHK. La rencontre aboutit à un accord concernant le cuivre, mais non pas à la détente espérée. Au mois de mai 1974, Mobutu dénonça unilatéralement le traité d'amitié en arguant que le gouvernement belge refusait d'interdire la vente d'un livre anti-Mobutu de l'avocat bruxellois Jules Chomé. Le gouvernement déplora la décision et fit savoir qu'il ne tolérerait pas de discriminations zaïroises au détriment de ressortissants belges. Selon la presse belge, Mobutu prenait prétexte de l'affaire Chomé pour ne pas avoir à engager les négociations concernant des dommages-intérêts pour les possessions belges aliénées au Zaïre. Au mois d'octobre 1974, l'ancien premier ministre Leburton chercha à intervenir en médiateur. Il partit pour Kinshasa, où il déclara que Mobutu était disposé à reprendre le dialogue. Le gouvernement belge réagit assez froidement et répondit que des démarches diplomatiques avaient déjà été entreprises, en dehors de Leburton, en vue de sortir de l'impasse. Au mois de novembre, le premier ministre Leo Tindemans reçut en effet la visite du ministre zaïrois des Affaires étrangères, Karl-I-Bond. Au mois de décembre, Mobutu ‘radicalisa’ les biens
zaïrinisés: les nouveaux propriétaires devaient céder à l'Etat leurs biens nouvellement acquis. Mobutu avait ainsi de nouveau prise directe sur l'opération, en vue des négociations avec Bruxelles.
Entre-temps, la position du président s'était en effet considérablement affaiblie. L'effondrement des prix du cuivre ainsi que l'échec de l'africanisation des entreprises avaient porté des coups sérieux à l'économie du pays et mis à jour les erreurs de la politique financière. L'époque d'euphorie était passée. Mobutu sollicita une fois de plus l'aide du partenaire le plus proche, la Belgique. Il envoya des délégués qui rencontrèrent discrètement le premier ministre Tindemans en Espagne et au Luxembourg et préparèrent de nouvelles concertations. Au mois de septembre, celles-ci purent commencer. Tindemans se rendit en visite officielle à Kinshasa, où il reçut un accueil particulièrement cordial de la part de Mobutu, qui annonça un nouveau départ de la coopération et promit solennellement des dédommagements pour les biens belges nationalisés. De son côté, Tindemans déclara que la Belgique aiderait le Zaïre dans sa situation financière délicate, notamment à l'égard des banques et des créanciers étrangers, et que l'aide belge serait relevée, surtout dans les secteurs les plus touchés de l'agriculture et des transports. Au mois de mars 1976 fut signé à Kinshasa un accord de coopération économique et technologique. Dorénavant, une grande commission belgozaïroise se réunirait deux fois par an pour stimuler la coopération. La volonté de coopération renouvelée fut encore démontrée par la visite que rendit au Zaïre, au mois de septembre 1976, le gouverneur de la Société générale de Belgique, Corbiau. A son retour, celui-ci déclara que Mobutu souhaitait non
seulement rendre les possessions zaïrinisées aux anciens
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Le président Mobutu, hôte du Palais royal à Bruxelles au mois de novembre 1969.
propriétaires belges, mais qu'il songeait aussi à des formules d'association durables.
Dans le courant de 1977, Mobutu se rendit à plusieurs reprises à Bruxelles pour des séances de travail avec le gouvernement et avec les milieux d'affaires. Au mois de novembre 1977, il annonça au congrès de son parti un revirement spectaculaire de sa politique économique: l'étatisation et la socialisation seraient remplacées par une politique libérale ouverte. Il promit en outre de combattre la corruption de l'oligarchie et de remédier à l'inefficacité de l'administration. C'était là sa réponse aux conditions auxquelles la Belgique et les autres pays occidentaux avaient lié l'exécution du plan d'aide internationale au Zaïre.
Depuis ce changement radical de sa politique, Mobutu attend avec une impatience croissante l'intervention fondamentale par laquelle l'Occident doit sauver à la fois son pays et son régime. Les événements du Shaba - l'ancienne province du Katanga -, avec le drame de Kolwezi, et davantage encore l'impuissance de l'équipe au pouvoir devant les innombrables problèmes qui font du Zaïre un pays confronté à la famine, à des épidémies, expliquent l'hésitation que manifestent les pays occidentaux à s'engager à fond. Cette hésitation règne également à Bruxelles. Au niveau de l'opinion publique belge, Mobutu ne jouit guère d'une grande popularité. Au cours de l'été de 1978, le coprésident socialiste flamand Karel Van Miert a fait scandale en condamnant publiquement toute aide à Mobutu. Le gouvernement s'est distancié de cette prise de position. Celle-ci n'en provoqua pas moins une exaspération certaine à Kinshasa, au point que le roi du Maroc dut intervenir pour que le ministre belge des Affaires étrangères - également socialiste -, Henri Simonet, qui avait lui aussi fait quelques déclarations tranchantes, fut de nouveau persona grata auprès de Mobutu. La Belgique demeure favorable à la poursuite de la coopération, mais actuellement, elle avance dans ce domaine avec une prudence extrêmement vigilante.
L'histoire des relations belgo-zaïroises depuis 1960 nous apprend que les deux pays se rendent compte que les liens qui se sont noués à l'époque coloniale imposent toujours une coopération active. Des dirigeants aussi bien belges que zaïrois ont coutume de déclarer que les deux pays sont condamnés à collaborer. C'est là un état d'esprit empreint de fatalisme qui s'explique. Pour l'économie belge, le Zaïre demeure à la fois un fournisseur de matières premières et un débouché avantageux et familier dont la valeur peut encore s'accroître à l'avenir, si le plan de redressement réussit. De son côté, le Zaïre a besoin pendant longtemps encore d'une aide technique étrangère dans les secteurs vitaux tels que les transports, l'agriculture, l'industrie, l'enseignement. Dans ces domaines, il fait appel de préférence aux Belges parce qu'ils ont une plus grande expérience du pays et de son peuple. Les demandes concernant la poursuite de l'assistance s'accompagnent parfois de réactions d'amertume qui remontent à d'anciens réflexes anticoloniaux. C'est ce qui explique certaines réactions acerbes de Mobutu parlant un
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jour des relations amicales ‘privilégiées’ pour lancer le lendemain des reproches à l'adresse de la Belgique et pour faire valoir contre celle-ci les efforts consentis par d'autres pays. Mais lorsqu'il est vraiment en difficulté, le président vient tout de même frapper en premier lieu aux portes des Belges, parce qu'il sait que leurs intérêts et les siens propres sont très liés. Entre les structures financières et économiques du Zaïre, surtout depuis le revirement dans le sens libéral, et le système capitaliste belge, il doit normalement être possible de s'entendre. A ce propos, le gouvernement belge ne perd pas de vue la signification du Zaïre pour l'entente euro-africaine que le président Mobutu maintient toujours comme la clé de voûte de sa politique et qui comporte des aspects non seulement économiques, mais aussi stratégiques.
(Décembre 1978)
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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