Regards sur les lettres françaises de Belgique.
Conçu d'abord comme un cadeau d'adieu à G. Vanwelkenhuyzen (oSchaarbeek 1900), professeur d'athénée à Gand et à Ixelles, inspecteur, membre (depuis 1948) et directeur (en 1957 et 1969) de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, ce recueil se présente, à la suite de la mort de G. Vanwelkenhuyzen survenue le 28 janvier 1976, comme un hommage posthume.
Cet homme de science s'est particulièrement illustré dans le domaine des écrivains français de Belgique et dans celui de leurs rapports avec leurs collègues de France.
On retiendra surtout son mémoire consacré à L'influence du naturalisme français en Belgique de 1875 à 1900 (1930), ses ouvrages sur J.-K. Huysmans, Georges Eekhoud et Camille Lemonnier. Ces titres, ainsi que ceux de ses très nombreux articles, prouvent suffisamment que G. Vanwelkenhuyzen était largement ouvert à la présence flamande dans les lettres françaises de Belgique: Charles De Coster, Emile Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Georges Rodenbach, Charles Van Lerberghe ont tous fait l'objet d'études qui combinent de la manière la plus heureuse la compréhension profonde et l'analyse détaillée.
Fidèles à cet exemple, les amis de G. Vanwelkenhuyzen ont réuni une quinzaine d'articles consacrés aux lettres françaises de Belgique, articles qui s'adressent d'abord à un public spécialisé, mais qui peuvent intéresser aussi un public plus large. On lira par exemple avec plaisir l'étude consacrée à René Spitaels (Grammont 1809-1849), flamand d'origine mais complètement français de culture! Ce Voltairien doublé d'un romantique est l'auteur de trois volumes relatant son voyage De Bruxelles à Constantinople (1840), trois volumes, qu'il signe modestement: ‘Un touriste flamand’. Ce pseudonyme montre déjà que Spitaels se sentait Flamand. (On sait d'ailleurs qu'il parlait couramment le néerlandais.) Dans son livre, on peut lire des anecdotes évoquant certaines rencontres avec des Flamands (à Gênes, à la bibliothèque du Vatican et à Constantinople) où le voyageur prit plaisir à parler Flamand, ‘car au loin on aime sa langue: le flamand était notre ranz-des-vaches!’ (III, p. 438-439). Cette sympathie pour son pays natal ne l'empêche pas de s'insurger violemment contre les ferveurs anachroniques que les curés tentent de réchauffer dans ces ‘conservatoires’ que sont restées ‘nos bonnes provinces de Flandre’ (III, p. 365-367). Ce rapport d'amour et de haine pour son pays s'explique par la double personnalité de Spitaels: le romantique se laisse charmer par tous les particularismes: ‘On a beau dire, rien ne vaut les coeurs de chez nous, les noms, la langue, les moeurs, les caractères, les gens de chez nous. Vive la Belgique!’ (I, p. 188), mais le rationaliste, le progressiste, le militant de la libre-pensée n'a que mépris pour le
cléricalisme qui triomphe dans ces provinces.
Une ambiguïté analogue se trouve, cent ans plus tard, chez Charles Van Lerberghe, issu d'une famille mi-wallonne mi-flamande. Lui aussi, dans sa comédie Pan (1906), préfère au ‘christianisme représenté par les autorités civiles et ecclésiastiques du village’, ‘le panthéisme, représenté par Pan d'abord en personne et ses hôtes le fermier, sa femme et sa fille, une belle robuste jeune fille, que Pan épouse dès le lendemain de son arrivée (2ème acte), en se passant de cérémonies, en dieu qu'il est’. L'auteur précise ses intentions dans une lettre adressée à Camille Lemonnier: ‘j'ai voulu faire une comédie de style flamand, un peu Breughel ou Ulenspiegel..., satyrique, ironique, légèrement aristophanesque peut-être (...). J'ai en définitive voulu prendre part à la lutte de mon pays contre les puissances des ténèbres qui cherchent à nous y étouffer. Si jamais ma pièce y est représentée, elle est menacée de fortes attaques.’ Ces déclarations qui tendent à présenter le peuple flamand comme un réservoir de santé physique et morale, n'en excluent pas d'autres, désobligean-