Septentrion. Jaargang 3
(1974)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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la musique néerlandaise d'inspiration françaiseernst vermeulenNé en 1933 à Amsterdam. Etudes d'histoire de la musique, de flûte et de piano. Suivit les cours d'ethnomusicologie de Jaap Kunst à Amsterdam. Professeur aux écoles de musique d'Utrecht et de Zeist, et professeur de musique et des branches musicales à l'Ecole de journalisme d'Utrecht. Rédacteur de la rubrique musicale de la revue Algemeen Kunsttijdschrift. Collabore entre autres à De Groene Amsterdammer, Raster, Sonorum Speculum, Opera (Londres), Melos (Mayence), ainsi qu'aux émissions de la NOS (Nederlandse Omroepstichting, la Fondation de radiodiffusion néerlandaise). Le compositeur néerlandais Willem Pijper (1894-1947), qui exerça une grande influence sur la génération qui a grandi pendant l'entre-deux-guerres, était une nature combative. L'un de ses essais, De anti-muzikaliteit van de Hollander (L'antimusicalité des Hollandais) devint célèbre tout en suscitant beaucoup de résistance mais également beaucoup d'admiration. De toute façon, il est aussi caractéristique de la situation aux Pays-Bas dans les années vingt que des idéaux qui animaient les compositeurs euxmêmes. Voici quelques textes qui lui sont empruntés: ‘Les Pays-Bas possèdent des orchestres qui n'existent que pour la musique symphonique, entraînés depuis toujours à exécuter des chefs-d'oeuvre réputés. Les Pays-Bas possèdent de nombreuses sociétés chorales (assez remarquables) des choeurs de chanteurs professionnels, des choeurs d'amateurs, des choeurs d'hommes, des choeurs de femmes, des chorales enfantines. Ces ensembles exécutent pratiquement tout ce qui a été écrit d'oeuvre vocale pour chorales: d'Adriaan Willaert à Darius Milhaud, de la Passion selon saint Matthieu aux Gurrelieder d'Arnold Schönberg. Il existe aux Pays-Bas des dizaines de musiciens et de pédagogues à la formation solide. Il y a un grand nombre de conservatoires, de lycées de musique, d'écoles de musique. On compte un nombre respectable de Néerlandais parmi les solistes et les musiciens d'orchestre de réputation internationale. Les nombreux concerts de musique de chambre donnés par des choeurs et des orchestres attirent un public aussi nombreux que ceux de Paris, de Berlin ou de Vienne. Aucune grande salle de cinéma ne croit pouvoir se passer d'un orchestre | |
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Willem Pijper (1894-1947).
ou d'un orgue de concert américain. Et pourtant, il faut qualifier d'antimusicale la mentalité de ces Néerlandais qui courent tous les concerts, qui ont reçu un brin d'éducation musicale, qui ont une opinion au sujet de Bach et du jazz, qui ont médité les théories de Richard Wagner sur le Gesammtkunstwerk (l'oeuvre d'art de synthèse), qui lisent quotidiennement les programmes de concert comportant des analyses et des exemples, et qui connaissent les lexiques de musique comme nos ancêtres connaissaient la concordance de la Bible d'Abraham Tommius. En effet, la mélomanie du Néerlandais est une musicalité d'harmonium. D'autres peuples chantent, jouent du violon, font des exercices de piano appliqués et sérieux. En Italie, on s'exprime musicalement sur la mandoline ou la guitare. Un Ecossais se délecte des sons de la cornemuse et les tribus des Mycètes hurlent même en choeur. Tout comme les matches de football ou la fréquentation de l'église, le fait de produire des séries de sons plus ou moins insérées dans un système est devenu, aux Pays-Bas, une occupation éminemment dominicale. Lorsque nous nous livrons à quelque occupation non lucrative, dont l'utilité pour nos structures économiques ou pour le salut de notre âme bien plus vulnérable encore, reste parfaitement hypothétique, nous nous laissons guider dans le choix d'une de ces occupations par une espèce d'atavisme raisonnable. (...) Un Néerlandais ne sait pas trop que faire des arts musicaux, des sons et des mouvements. Nous n'avons jamais connu d'art oratoire. Nos danses folkloriques sont plutôt raides et peu élégantes. Après le ‘sombre’ Moyen Age, il n'y eut jamais de littérature dramatique dans les territoires qui constituent aujourd'hui les Pays-Bas, et après la mort de Jan Pieterszoon Sweelinck, il y a exactement trois cents ans, (la composition musicale est tombée dans l'oubli. (...) Pour notre vie intérieure nationale, les arts musicaux ne commencent à nous intéresser que lorsque, par la voie d'un procès de dénaturation, ils comportent un certain coefficient d'utilité. L'éloquence s'est déformée en ton de sermon et en rhétorique, l'art de la danse a été grevé de lamentations littéraires, le drame s'est fait pièce à thèse, la musique s'est écroulée sous le poids de la religion, de l'éthique et de la morale. A l'heure ac- | |
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tuelle, aux Pays-Bas, on prêche peut-être plus sur Beethoven que sur le Sermon sur la Montagne. (...)
Le Néerlandais ne fait pas de la musique pour la musique (“parce que cela sonne si bien”, ou si fort, ou si faux), ou plutôt, il n'en fait plus, et ce qu'il ne sait pas faire, ce qui ne lui a pas été montré et expliqué, ne vaut rien. Il ne comprend la musique - celle qui est autre chose qu'un simple divertissement, et n'a pas de valeur commerciale, la musique de Mozart, de Chopin, de Debussy, de Bruckner ou de Franck - qu'à l'aide de son dictionnaire théologique ou esthétique. Nulle part ailleurs qu'ici, on ne s'enquiert plus déraisonnablement du pourquoi d'une oeuvre musicale. Nulle part ailleurs, on ne divague aussi sérieusement dans les critiques des journaux ou dans les conversations. (...) Un peuple musical ne réussirait jamais à émettre des considérations à ce point développées. Divaguer sur quelque chose, donner une conférence ou un sermon sur un texte donné, voilà notre mentalité nationale. (...) Cette race n'apprendra plus l'alphabet des émotions musicales. On aborde les phénomènes du mauvais côté, c'est-à-dire de façon trop sérieuse. Les symphonies et les sonates étaient toujours jouées; on joue d'un instrument. Et faire de la musique n'est pas un travail sérieux comme rendre la justice, calligraphier, spéculer ou faire des additions. Et jouer ne doit pas se faire uniquement le dimanche.
En général, un peuple actif et prudent n'est pas musical. Peut-être la génération suivante sera-t-elle un peu plus superficielle, ce qui profiterait à notre compréhension de la musique...’ Essai séduisant. Pijper semble sérieusement
Jan van Gilse.
convaincu que nous ne sommes pas assez ludiques. Cette gravité va indubitablement de pair avec la préférence accordée à la musique allemande, qui est généralement assez lourde.
A Amsterdam, le célèbre chef d'orchestre Willem Mengelberg (1871-1951) fut un défenseur de cette tendance. L'orchestre d'Utrecht fut également dirigé par un grand admirateur de la musique d'un Richard Strauss, d'un Mahler et de tous leurs adaptes; il s'agit de Jan van Gilse. Il succéda à Wouter Hutschenruyter comme chef d'orchestre de l'Utrechtse Symfonie Orkest (Orchestre symphonique d'Utrecht) dans les années 1917-1922. Compositeur et chef d'orchestre, Van Gilse démissionna de ses fonctions de chef | |
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d'orchestre à la suite d'un conflit avec la direction. Il exigeait que l'on interdît au rédacteur musical du journal Het Utrechtse Dagblad, le très jeune Pijper, d'assister aux concerts. Les critiques journalières de celui-ci rendaient ses activités impossibles. La direction de l'orchestre était divisée, hésitante, mais trouvait que cela allait trop loin. Mengelberg donna des conseils à Van Gilse: ‘Tu t'entends bien avec l'orchestre. Pourquoi se tait-il? Tu dois faire en sorte que l'orchestre fasse une déclaration, disant que ce polisson n'écrit que des mensonges et des calomnies. Il ne pourra rien contre une assertion pareille’. Cette guerre musicale divisait tout Utrecht. ‘Il pouvait arriver qu'une jeune femme intelligente et cultivée, élève adulte de Pijper, me huât en pleine rue, à ma grande stupéfaction, sans que nous ayons jamais eu la moindre querelle’, écrit l'épouse du chef d'orchestre, Ada van Gilse-Hooyer, dans son livre Pijper contra Van GilseGa naar eind(1). Le journal Het Gelderse Dagblad nota: ‘Des savants se font hyènes’. Dans la mesure où Van Gilse était tourné vers l'Allemagne, Pijper s'orienta vers la France. A l'occasion d'un concert que Van Gilse termina par Tod und Verklaeung (Mort et Transfiguration) de Strauss, il écrivit: ‘Cette exaltation bourgeoise jeune-allemande, je ne comprends pas comment on peut en arriver là. Quel manque de goût’. Ada Van Gilse-Hooyer explique d'ailleurs que ce n'est pas la controverse sur la musique allemande ou française qui détermina ce duel démesurément et incompréhensiblement poussé, et absolument unique si l'on se réfère à des critères néerlandais, ni le fait que Van Gilse ne dirigeait que médiocrement - il avait beaucoup de difficulté à diriger, dit Pijper -, mais ‘en tant que critique, Pijper ne pouvait que s'attaquer à l'Utrechtse Symfonie Orkest parce qu'à l'époque, on ne trouvait rien d'autre qui fût valable dans le monde musical d'Utrecht’. Bien sûr, l'opposition franco-allemande jouait évidemment, même à Amsterdam. Voyons un autre texte de Pijper, écrit à l'occasion d'un festival Honegger à Utrecht: ‘Pour les meilleurs parmi les musiciens allemands et autrichiens, la musique est une question de conviction. Sur le terrain musical s'y rencontrent toutes sortes de courants philosophiques et religieux. En Allemagne, la musique n'est pas un passe-temps ni un ornement. Des phénomènes tels que les Jugendmusikschulen, des réalisations telles que Das neue Werk sont particulièrement instructifs à cet égard. A plusieurs reprises, j'ai entendu des musiciens allemands affirmer que l'époque n'est plus très éloignée où même auprès de la masse, la musique remplacera la religion. (...) Pour les compositeurs et les mélomanes français, la musique est tout autre chose. Ce n'est pas une religion, mais un jeu, un jeu qui est très important, non moins qu'un système philosophique ou religieux pour un Allemand. Mais c'est toujours un jeu. (...) Les musicalités française et allemande semblent prédestinées à ne jamais se comprendre. Le Français patriotique, sceptique et quelque peu borné, ne comprend rien aux ambitions allemandes dans le domaine musical. Il se fie à ses oreilles et à son instinct de l'ordre. Il se demande comment sonne la musique ou si elle lui procure une sensation musicale. Il se trompe souvent au sujet d'oeuvres nouvelles. Il est réaliste, rationaliste et | |
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réactionnaire. Comme il rejeta Wagner en 1860, il rejette aujourd'hui Schönberg, de bonne foi et à bon droit. (...)
Cependant, la musique allemande n'est ni meilleure ni plus mauvaise pour autant. Il en va de la musique comme des formes de gouvernement: chaque peuple a le gouvernement et la musique qu'il mérite.’
Nous voyons que Pijper émettait parfois des opinions nuancées. Il ne dit pas n'importe quoi, il ne préfère pas de façon simpliste un style à l'autre. Mais l'importance ou l'érudition présomptueuse l'irritaient. Il aimait le Debussy étincelant et abstrait, et il le montrait quand il s'agissait de musique. Le romancier Simon Vestdijk, un ami de Pijper, a dit un jour: ‘Pijper a le don de faire de petits ravages avec sa bouche et avec sa plume’. Dans les années suivantes, Pijper montra un côté toujours plus humain, ce qui s'accompagnait cependant d'une perte de vitalité. Ainsi Kees van Baaren, son élève le plus avancé, le seul qui s'exprimât dans le système dodécaphonique de Schönberg, disait à ce sujet: ‘Vers le début des années trente se révèlent les premiers symptômes d'une crise du style qui résulte d'une modification profonde de la psyche du compositeur. Sa façon de penser antérieure, fort rationnelle et influencée par la psychanalyse, doit s'effacer en partie devant les problèmes d'ordre ésotérique, et notamment des problèmes astrologiques: les caractéristiques agressives perdent petit à petit de leur acuité. Du point de vue musical, cette attitude d'esprit modifiée se manifeste de la manière la plus nette dans le son de l'orchestre. Que l'on compare la moyenne du timbre limpide des
Kees van Baaren.
Epigrammes symphoniques avec la plénitude des sons, continuellement sur la limite de la sursaturation, de l'Hymne pour baryton et orchestre. Il est donc indiqué de continuer à considérer les oeuvres de Pijpers de la période 1921-1932 comme les plus représentatives’. A côté de Van Baaren, Pijper a encore formé par exemple: Henk Badings, Rudolf Escher, Hans Henkemans et Karel Mengelberg. Mais il exerça également des influences sur d'autres. Ainsi Ton de Leeuw voulut être son élève, mais la mort intervint, le 18 mars 1947. Cependant, il se | |
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Daniël Ruyneman (1886-1953).
considère comme son élève spirituel. Qui ne pouvait pas en dire autant? Il serait cependant inexact de croire que Pijper et ses élèves aient à eux seuls entièrement déterminé le climat d'avantgarde aux Pays-Bas. Il est intéressant de constater combien les élèves de Van Baaren mettent davantage l'accent sur quelques figures marginales typiques telles que Daniël Ruyneman et Matthijs Vermeulen. En 1918, Ruyneman (1886-1953) expérimentait avec des Cup-Bells qu'il avait conçus lui-même dans ses sensationnelles Hiéroglyphes pour encore trois flûtes, célesta, harpe, piano, deux mandolines et deux guitares. Une image sonore qui, d'une part, rappelle le gamelanGa naar eind(2) javanais et, de l'autre, semble anticiper sur les effets d'instrumentation de l'école de Pierre Boulez d'après la seconde guerre mondiale. Unique également était l'Appel (1918) pour choeur de chambre, sans paroles, procédé qu'il continua à élaborer dans une Sonate de chambre. Il est évident que la jeune génération de l'après-guerre réserva un accueil enthousiaste à Ruyneman qui, à un âge avancé, écrivait de la musique dodécaphonique et, d'après Van Baaren, connaissait ‘le secret de l'éternelle jeunesse’. Matthijs Vermeulen (1888-1967) s'en tenait à l'écriture tonale. Ruyneman soumettait ses oeuvres à Debussy, qui les appréciait beaucoup. Le lien de Vermeulen avec la musique française est encore plus net: il travailla en France durant un quart de siècle. Son attitude à l'égard de la musique allemande en général, et de Mengelberg en particulier était, si possible, plus militante encore que celle de Pijper. Sa conduite bruyante dans les couloirs sacrés du Concertgebouw, où il criait: ‘Viva Sousa!’, devint célèbre. Comme celui de Ruyneman pendant la même période, le talent de Vermeulen s'épanouit aussi de façon frappante avec la Première sonate pour violoncelle (1918) et la Deuxième symphonie (1920). Musique démesurément excitante, extatique à la Skriabine avec, comme idéal, une écriture de mélodies interminablement entraînantes dans un style évocateur obsessionnel. Il n'a plus entendu lui-même sa dernière oeuvre, la Septième symphonie; on n'a d'ailleurs pas exécuté beaucoup de ses oeuvres de son vivant. Pijper lui-même acquit une certaine notoriété bien qu'initialement, il ait été en butte à | |
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Matthijs Vermeulen.
quelque hostilité à Utrecht, réaction à laquelle la controverse dont nous allons parler n'aura certainement pas été étrangère. Cette fois, ce fut vraiment l'affaire de l'époque: dans la série de représentations de l'orchestre d'Utrecht, le Concertgebouworkest donnait annuellement quelques concerts. On y annonça notamment les Fêtes galantes de Pijper. Or, cela apparut comme une erreur. En effet, il existait un accord aux termes duquel le Concertgebouworkest ne programmerait pas à Utrecht une oeuvre que l'Utrechtse Symfonie Orkest avait exécutée peu auparavant. De son côté, Pijper croyait que Van Gilse en avait empêché l'exécution. Van Gilse réagit à cette accusation et somma Pijper de la retirer. Puis on invoqua l'arbitrage de Johan Wagenaar (1862-1941), le professeur de composition de Pijper. Les trois hommes se rencontrèrent dans la maison de Van Gilse. On ne parla pas beaucoup. Il paraît, du moins, que Pijper n'ouvrit pas la bouche, ne voulut répondre à aucune question... Depuis lors, rien n'alla plus entre ces deux-là. Mais même lorsque l'exécution de sa Seconde symphonie par le Concertgebouworkest put effectivement avoir lieu, Pijper eut des expériences moins amusantes. Pour célébrer le soixantième anniversaire de Wagenaar, on organisa un concert de gala par le Concertgebouworkest, pour lequel le maître pouvait lui-même composer le programme. Il choisit des oeuvres de trois de ses élèves, parmi lesquelles la symphonie en question. Un critique musical nota que jamais le public du Concertgebouw n'avait si ouvertement manifesté son mécontentement. A quoi Pijpers réagit: ‘Ce n'est pas ma musique, mais j'entends que c'est quelque chose’Ga naar eind(3). Johan Wagenaar sortait tout à fait de la tradition de Brahms, mais cela est vrai également de Bernard Zweers (1854-1895), le second grand maître de la musique néerlandaise de cette époque. Wagenaar écrivit des ouvertures brillantes et des poèmes symphoniques dans le style de Strauss. La musique symphonique de Zweers respire l'esprit de Bruckner, même s'il intitule une symphonie Aan mijn vaderland (A ma patrie). Les voies tracées par Wagenaar et Zweers sont en effet les plus importantes. Parmi ses élèves, Zweers comptait Sem | |
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Peter Schat.
Dresden (1881-1957) et Hendrik Andriessen (né en 1892) qui ont tous deux fait école de manière remarquable. A nouveau éminemment français! Hugo Godron (1900-1972), élève du premier, étudia luimême encore chez Ravel. Andriessen renouvela la musique religieuse catholique, en se fondant sur le style d'un Franck, d'un Debussy; il admirait également Caplet. Son style s'est continué chez Jan Mul (1911-1972), Herman Strategier (né en 1912) et Albert de Klerk (né en 1917), qui se fit un nom et tant qu'organiste. En passant par Wagenaar, la ligne aboutit à Alexander Voormolen (né en 1895) et Leon Orthel (né en 1905). Plus encore que ce dernier, Voormolen s'inpira de Ravel de façon presque abusive (cf. sa Sonate pour violoncelle). Son style élégant et pittoresque reçut un accueil favorable à Paris, où il fit notamment la connaissance de Roussel. Il y a quelque temps, sa musique suscita une recrudescence d'intérêt, un passage de son Concerto pour hautbois ayant servi de thème à une série de télévision populaire... Il faut considérer une grande partie de | |
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cette orientation française comme une réaction au climat que personnifiait Mengelberg. Nombreux étaient ceux, cependant, qui, spontanément, se passionnaient pour des figures telles que Debussy, Ravel et Roussel. Puis, l'impressionnisme musical exerçait un attrait, comme s'il s'était agi de peindre avec des sons. Quelque chose d'esthétique, en fait, de poétiquement tendre et sensuel. Dans un commentaire du Concertgebouw de 1908, on compara les Nuages de Debussy à une sorte d'orchidée rare. On parlait également d'un ‘arrière-plan mystique’ à propos de cette musique que caractérisait une sorte de fluidité secrèté.
Pijper toutefois se passionnait davantage pour certaines tendances structuralistes avant la lettre qu'il entrevoyait très intelligemment. Les conséquences qui en résultaient, notamment en ce qui concerne la bitonalité (qu'il estimait plus importante que le système dodécaphonique de Schönberg), l'occupaient beaucoup. Il s'agit là d'une erreur de calcul qui a considérablement retardé l'évolution de la musique de concert aux Pays-Bas. Lors du renouveau que l'on dut, après la seconde guerre mondiale, aux peintres expressionnistes (ceux du groupe Cobra), renouveau à la faveur duquel se formaient spontanément les poètes expérimentaux, un pendant musical faisait défaut. Il fallut attendre Van Baaren et ses élèves pour qu'une chance fût donnée à un nouveau langage des sons. Le Septet (1952) de Van Baaren était la première oeuvre de musique sérielle aux Pays-Bas, alors que la première oeuvre faisant autorité, Variazioni per Orchestra (Variations pour orchestre) datait de 1959. Parmi les premières oeuvres sérielles, il y a encore les Séries pour deux pianos (1958) de Louis Andriessen, fils de Hendrik Andriessen nommé plus haut. Louis Andriessen fit ses études chez Van Baaren, tout comme, entre autres, Peter Schat, Jan van Vlijmen et Mischa Mengelberg, le fils de Karel Mengelberg déjà mentionné. Et revoilà l'orientation vers l'Allemagne: l'école d'Arnold Schönberg, avec notamment Anton Webern, et les conséquences telles qu'elles sont élaborées surtout à Darmstadt. L'influence de Pierre Boulez peut éventuellement être qualifiée de française. Schat étudia chez lui pendant quelque temps.
Suivra sans doute une nouvelle vague d'inspiration française. Qui nous le dira? Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les tendances nationalistes prononcées se sont considérablement estompées. Pour terminer, il faut absolument mentionner un point positif: à savoir que la génération de Schat, directement issue du mouvement Provo, aux tendances anarchistes, aborde tout de façon plus enjouée que ne le faisaient les contemporains de Pijper. Peut-être ces compositeurs sont-ils plus engagés du point de vue politique, mais leur style musical est plus ludique, sans autres caractères particuliers. Cette génération ne semble pas particulièrement active, laborieuse ni prudente, ce qui, pour employer les termes de Pijper, profite sûrement beaucoup à la compréhension de la musique.
Traduit du néerlandais par Willy Devos. |
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