est semblable au pain que l'on distribue à ceux qui ont faim, et où ne s'est pas corrompu le blé. Elle est aussi pareille à l'eau des fontaines. Le troupeau des paroles modestes est celui du vrai poète. Songe à ce que ton âme doit fleurir dans d'humbles âmes. Ne mets en tes paroles ni pierres précieuses, ni or, car le costume de tes mots pourrait peiner le haillon du mendiant.
‘Lorsque ton inspiration s'élève, qu'elle soit vêtue aussi simplement que l'homme qui travaille à nourrir les siens. Ainsi, elle aura la gravité de cet homme. Etre simple, c'est être saint’.
Francis Jammes retrouve là une vérité éternelle, il retrouve la vérité. Les Grecs nous ont appris depuis longtemps qu'à travers toutes les recherches, par delà toutes les tentatives, le dernier mot de l'expression artistique appartient à la simplicité. Celle qui reste la grande maîtresse des hommes, celle qui reste l'inspiratrice des arts, la nature est simple. Et c'est à se tenir le plus près possible de la nature que Francis Jammes s'est efforcé, toute sa vie. De là, le contact heureux que donne la lecture de ses poèmes. Ils ont un goût d'herbe foulée. Ils mettent l'âme en relation directe avec l'ame des êtres et des choses: ‘Un grand poète, c'est n'importe qui, peutêtre n'importe quoi: c'est vous, c'est moi, cet oiseau qui chante, cette fleur qui sent bon, une vieille qui file sa quenouille, un chat galeux qui miaule’.
Faire l'éloge de la simplicité, c'est faire le procès de toute une littérature. Les poètes primitifs ont un accent de franchise qui nous rend vivantes non seulement à l'imagination, mais au coeur, les scènes qu'ils racontent. Telle est celle de l'Odyssée où le vieux chien reconnaît seul Ulysse: ‘Aussitôt il reconnut Odysseus qui apprichait, et il remua la queue et dressa les oreilles; mais il ne put aller au devant de son maître qui, l'ayant vu, essuya une larme en se cachant...’
Francis Jammes a raison d'ajouter: ‘Tout ce que nous pouvons observer dans ces citations, c'est la simple beauté sans rhétorique. Ces pages sont d''autant plus belles qu'elles se rapprochent, de l'ordinaire de la vie, d'autant plus belles, dirai-je, qu'on les sent moins écrites’.