| |
| |
| |
la presse en france et la flandre française
De redaktie vindt het een gelukkig toeval dat zij samen met de op cijfers steunende doorlichting van Louis Rijmen de volgende, zeer persoonlijke beschouwingen van Roland Dauchy ter publikatie ontving. Deze beschouwingen vullen de cijfers van Louis Rijmen welsprekend aan en geven kleur aan zijn statistische gegevens.
roland dauchy
Geboren 24 januari 1921 te Hazebroek (Noord-Frankrijk). Licenciaat Engels. Aanvankelijk leraar, tans redaktiechef buitenland van La Voix du Nord te Rijsel. Publiceerde naast talrijke artikels over de buitenlandse politiek, ook verhalen.
Adres: 19, rue Saint Firmin, Rijsel
Depuis plus de vingt-trois ans je suis, jour après jour, par goût et par devoir d'état, les événements qui transforment la structure politique de notre machine ronde. J'ai rempli d'innombrables colonnes pour relater ce qui se passait en Russie, en Chine, aux U.S.A., au Proche Orient, en Afrique, etc., sans oublier un seul pronunciamento en Amérique latine. J'ai fait de sérieux progrès en géopolitique, mais je suis devenu de plus en plus sceptique sur la sagesse de la plupart des gouvernants, surtout quand ils se présentent comme des professionnels du patriotisme. Cependant, malgré ces années d'expérience, il est un sujet qui me plonge dans un embarras d'autant plus grand qu'il nous touche de plus preès, à savoir: la place tenue par la Flandre, la Belgique et la Hollande dans la presse française.
| |
Après trois siècles de régime colonial.
Les Pays-Bas français ne sont certes plus la ‘terra ignota’ des anciens atlas, mais trois siècles de colonisation n'ont pas arrangé les choses. L'attitude de Paris n'a pas changé depuis l'annexion: la capitale, après nous avoir ficelé dans une camisole de force, (et ses fonctionnaires s'entendent à la rendre efficace) feint de nous ignorer. Ce n'est que tout récemment, quand on se mit à faire des cogitations à propos d'une régionalisation-bidon, que les technocrates du régime ont affirmé que tous nos problèmes économiques seront réglés, que la fermeture des houillères du Nord/Pas-de-Calais n'entraînera aucune crise sociale, parce que les travailleurs licenciés seront reclassés.
La réalité est bien différente et ne correspond nullement aux propos optimistes et aux déclarations ex-cathedra de perscnnages comme MM. Morandat, Billecoq, Matteoli et Ortoli. Il est vrai qu'ajouter foi à ce que dit l'ancien ministre des finances relève de la pathologie. C'est ce même François-Xavier Ortoli, un Corse égaré dans notre plaine, qui eut l'idée époustouflante de vouloir augmenter les droits de succession dans une proportion telle que cela provoqua une fuite massive de capitaux. C'était le début d'une hémorragie qui, jointe à d'autres facteurs, entraîna la dévaluation et sans doute la faillite du gaullisme.
| |
Ignorance et mutisme.
Le journal communiste ‘Liberté’ excepté, (mais on connaît les buts poursuivis par les tenants du marxisme-léninisme), la presse régionale reste silencieuse et se garde bien de dénoncer la politique désastreuse des gens en place. Même complicité tacite à la Chambre des Députés. En fait, depuis la mort de l'abbé Lemire, en 1928, la Flandre n'a plus iamais été dignement et véritablement représentée au Palais Bourbon. Bien que suspendu a divinis par une Eglise faisant collusion avec les potentats parisiens et les colonisateurs, quel que soit leur bord, il n'en continua pas moins de lutter courageusement pour défendre l'autonomie de la personne face à l'absolutisme de l'autorité, stigmatisant les maux engendrés par un pouvoir centralisé, détenu par quelques individus qui ont toujours eu méfiance ou dédain pour les citovens de seconde zone que nous sommes.
Né à Vieux-Berquin, l'abbé Lemire a longtemps vécu et est mort à Hazebrouck. La Flandre française lui doit beaucoup, cependant on parle rarement de lui dans la presse régionale. Il v a quelques mois, la ‘Tribune de Genève’ consacrait un excellent article au compositeur Albert Roussel, à l'occasion du centenaire de sa naissance à Tourcoing. L'auteur du ‘Festin de l'araignée’ n'a pas eu droit à une seule ligne dans les quotidiens régionaux. En revanche, quand un pitre parisien s'exhibe et s'égosille à l'Olympia, nous donnons sa photo en première page... Hélas, oui, nous en sommes là!
Il faut dire aussi, et souligner que, d'une façon générale, nos rédacteurs sont scandaleusement ignorants des réalités flamandes. Ils sont complètement obnubilés par ‘l'air de la capitale’ et très rares sont ceux qui comprennent les ‘autochtones’. A ‘La Voix du Nord’, sur un effectif d'environ 210 rédacteurs, il n'y a pas dix ‘flamin- | |
| |
gants’. Il est vrai qu'une bonne part de nos plumitifs sont de partout sauf de chez nous, et que nous sommes envahis par des transfuges de journaux parisiens, ou même de postes de radio périphériques.
Il en est d'ailleurs toujours ainsi quand une entreprise prospère dans le Nord. Aussitôt des Parisiens suffisants et sans vergogne, des méridionaux qui n'ont pour eux que leur faconde, viennent s'insérer dans l'appareil, se lover dans la place et profiter au maximum de la situation... Ce qui vient de Paris est tellement mieux!
Bien sûr, il y a quelques exceptions qui confirment la règle. C'est ainsi que dans mon entourage un Bourguignon, Flamand de coeur, sait parler avec amour et talent des trésors artistiques témoins de notre ancienne splendeur, mais combien de fois on raille sa passion pour de ‘vieilles pierres’; J'ose espérer que c'est sur commande qu'il dut gâcher sa plume à parler longuement de Bonaparte ou à détailler la coûteuse mascarade qui souilla, il n'y a guère, les pavés lillois lors des ‘fêtes’ du troisième centenaire de l'annexion. La république a toujours aimé les anniversaires. Ne conviait-elle pas les Flamands à célébrer Bouvines, à danser sur les os de leurs ancêtres vaincus?
| |
La presse parisienne, la régionalisation et nous.
Les constatations qui précèdent valent également pour la presse parisienne. Celle-ci s'est souvenue de la Flandre quand de Gaulle a sorti son projet de régionalisation assorti d'une réforme du sénat. A Ajaccio, M. Pompidou a promis que la Corse serait dotée d'un ‘statut particulier’. La Flandre ne doit pas espérer bénéficier d'une mesure analogue. Or, à mes yeux, une véritable régionalisation devrait nous permettre de gérer nos propres affaires, d'avoir des représentants bien à nous, de restaurer le bilinguisme indispensable à notre épanouissement, de renouer les liens naturels, historiques qui nous attachent, comme un cordon ombilical, à la Belgique et aux Pays-Bas. Or, non seulement la 5ème République a porté un mauvais coup à la construction européenne, mais, comme ses devancières, elle a toujours préféré des solutions étatiques, centralisatrices, défavorables à la Flandre, plutôt que de la laisser ‘prendre le large’ et contracter des accords économiques et culturels préférentiels avec les peuples-frères voisins. Bien sûr, aucun directeur de journal français n'oserait reconnaître ces faits et la soumission de la presse dépasse tout ce qu'on peut imaginer.
N'est-il pas navrant de voir des feuilles comme ‘France-Soir’ se pâmer sur les réalisations accomplies à Calais par son ex-maire, M. Vendroux, beau-frère du Général de Gaulle? Allez donc voir ce qu'il en est de ce ‘nouveau Deauville’! D'après ce même quotidien à grand tirage, les écoles de l'Académie de Lille comptent un million d'élèves... mais le journal ‘Le Monde’ signale que, faute d'emploi, dix mille jeunes devront quitter chaque année la seule région minière. Cela n'empêche pas certains journaux de prodiguer les éloges, de présenter le beurre sur une truelle à des M. Billecocq (qui vient d'être nommé Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale) et consorts, parce qu'ils ont promis la création de 20.000 emplois nouveaux. ‘Les Echos’ arrondit même ce chiffre à 30.000! On nous rebat également les oreilles avec l'implantation de Renault à Douvrin (Pasde-Calais), mais que les postulants s'arment de patience, car le projet ne sera pas réalisé avant 4 ou 5 ans. D'ici là, il y aura 100.000 chômeurs dans notre région et près de la moitié de la population ouvrière de Roubaux vit toujours dans des taudis.
C'est avec agacement que j'ai lu les propos flatteurs, frisant la flagornerie, d'un de mes jeunes confrères à l'adresse du super-préfet de Lille ou des ingénieurs des Ponts et Chaussées, alors que nous ne savons pas quand sera enfin réalisée l'autoroute Lille-Dunkerque. Bref, la reconversion industrielle de notre région est un fiasco et je défie quiconque de voir clair dans les projets ambitieux, et nébuleux auxquels il est fait allusion de temps à autre par des laquais de l'Etat qui, en fait, n'ont pour mission que de tenir des propos rassurants.
En juin dernier, une coûteuse mascarade a été le fleuron des ‘fêtes du tricentenaire’. Ici, le ‘roi soleil’ (et vérolé) fait son entrée à Rijsel. Nous n'avons malheureusement plus de représentants au Palais Bourbon dignes d'un abbé Lemire qui dénonçait jadis l'inconscience et le cynisme de la République quand elle invitait les Flamands à célébrer l'anniversaire de Bouvines et à ‘danser sur les os de leurs ancêtres vaincus’.
| |
| |
| |
Onze années de grandeur...
La France est malade. Incapable de soutenir la concurrence des pays voisins, elle étouffe dans ses structures étriquées, archaïques, autcritaires. Tout l'exécutif est concentré à Paris. L'Etat est omniprésent, omnipotent. Quand une erreur est commise, les effets se répercutent sur l'hexagone tout entier. Il n'est plus question maintenant, et pour cause, après onze ans de grandeur gaullienne, de rejeter les responsabilités de notre sous-développement économique et des autres maux qui nous accablent sur la 4ème République. Qu'à cela ne tienne et M. Pompidou, qui a habilement soufflé la place du général-président à la tête de l'Etat, a froidement déclaré dans sa conférence de presse du 22 septembre 1969 que la 3ème République avait fait preuve d'une stupéfiante imprévoyance dont nous subissons toujours les conséquences. Il ne s'est pas trouvé un journaliste dans l'assistance pour le contredire et pour signaler que l'Allemagne de Kiesinger ou Brandt, par exemple, n'a aucune raison de chanter pouilles à la République de Weimar...
Quoiqu'il en soit, nous sommes tombés de haut après la superbe et la démesure qui caractérisèrent le comportement de la France pendant plus de deux lustres. D'une manière générale, la presse ‘non-engagée’, soucieuse sans doute de continuer à bénéficier des avantages fiscaux accordés par l'article 39bis du Code Général des Impôts, se montre assez circonspecte dans ses commentaires. Si les journaux anti-gaullistes fustigent le régime, dénoncent ses tares et ses carences, c'est à des fins politiques aussi détestables, aussi jacobines qu'ils exploitent le déclin d'une province, naguère région pilote, qui a si longtemps servi de vache à lait au reste de la France tout en ayant été ravagée, mutilée plus que toute autre partie du territoire au cours des deux tourmentes mondiales.
Avec l'annexion, nous avons perdu notre prospérité et une partie de notre âme. Les Flamands, asservis, ne réagissent plus. Si à quelque chose malheur est bon, l'émigrathion annuelle de milliers de jeunes représentant la fleur de la population laborieuse, nous ouvrira peut-être les yeux. Les houillères sont condamnées à temps, la reconversion des usines, le reclassement des ouvriers ne seront pas assurés convenablement, nos campagnes se dépeuplent, nos villages, y compris ceux du Westhoek, se meurent.
| |
Parlez-vous chti mi?
Les événements de mai 1968 et les ‘secousses’ successives qui mirent fin sans gloire, après un référendum, aux rêves d'un mégalomane doublé d'un homme du ressentiment, comme dirait Max Scheler, n'ont résolu aucun de nos problèmes. Si l'avenir de la France est incertain, que dire de celui de notre Flandre?
Infestée par les miasmes du cloaque parisien, servile, trop intéressée, la presse régionale n'assume pas pleinement son rôle. Quant à l'O.R.T.F., n'en parlons pas. Même le poste émetteur de Lille est entre les mains de ‘gens d'ailleurs’ qui, loin de comprendre notre ‘jargon vernaculaire’, s'expriment scuvent en un français douteux. La plupart des émissions qui se proposent de développer des sujets nous concernant sont d'une insupportable platitude et ne visent qu'à louer l'action des ‘missi dominici’ et des personnages ‘haut placés’.
Fréquemment, sur nos antennes, on débite des calembredaines en ‘chti mi’, mais jamais vous n'entendrez la moindre phrase en néerlandais.
‘Alors, avec quoi des journaux comme “La Voix du Nord”, “Nord Eclair”, “Nord Matin”, remplissent-ils leurs pages régionales’, me demandez-vous? Certes, avec des reportages (cela me rappelle qu'après la guerre nous avons publié au monis quarante articles, sur le mode lyrique, à la gloire de la reconstruction, alors qu'en ce domaine comme en tant d'autres, nous étions loin derrière tous les pays ex-belligérants), mais surtout, les colonnes sont bourrées avec des faits divers, des relations de méfaits commis par nos bons amis nord-africains et autres indésirables, des comptes rendus d'expositions,
Une grande partie des travailleurs de Roubaix vivent encore dans des maisons insalubres, voire des taudis. Mais, ce ne sont là que ‘problèmes d'intendance’ pour les thuriféraires du gaullisme.
| |
| |
de réceptions, des promotions de fonctionnaires, des mariages. Comme je l'ai signalé plus haut, le plan culturel n'est pas systématiquement négligé, mais on ne soucie guère du fait que quelque 100.000 Français parlent cet ‘idiome flamand’ dont un Guido Gezelle, un Stijn Streuvels, pour ne citer qu'eux, ont su admirablement tirer parti. Ne pourrait-on pas, surtout dans les éditions du Westhoek, insérer quelques textes bilingues? Cette initiative serait heureuse et marquée du sceau de la charité, car elle viserait à réapprendre à des milliers de pauvres gens la langue dont l'usage a été interdit à leurs ancêtres par la force. Mais, en l'occurrence, et les choses étant ce qu'elles sont, gardons-nous du ‘wishful thinking’.
| |
La part de la Belgique et de la Hollande.
Seulement deux journaux régionaux, à ma connaissance, ont des correspondants en Belgique, mais, en ce qui nous concerne, ce n'est pas toujours pour nous faciliter la tâche. Combien de fois ai-je dû réprimer les ardeurs fransquillonnes de notre homme à Bruxelles qui prend ‘La Voix du Nord’ pour une tribune wallonne! D'ailleurs, des Belges flamingants et des Flamands de chez nous me font parfois remarquer le manque d'objectivité de notre collaborateur belge. Il n'est pas rare que les articles qui me parviennent soient tout à fait impubliables. (Chose à peine croyable, un jour que je m'entretenais au téléphone avec notre correspondant à Bruxelles, j'ai constaté qu'il ignorait jusqu'au nom des meilleurs écrivains contemporains d'expression néerlandaise).
Le seul journal français qui fasse preuve d'une certaine modération et qui consacre de temps en temps des pages spéciales à la Belgique et aux Pays-Bas est ‘Le Monde’, encore que les thèses francophones aient la part un peu trop belle. D'ailleurs, le tirage de ce journal n'excède pas 450.000 exemplaires et il n'est lu que par nos ‘intellectuels’.
En fait, la conception que se font beaucoup de Français de la Belgique et de ses habitants ressemble à une image d'Epinal sur laquelle de méchants ‘impérialistes’ flamands malmèneraient d'innocents Wallons dont le seul péché est de parler le français!
La brusque déconfiture des finances nationales survenant après tant de rodomontades, de prétentions, de grandiloquence, a choqué quelques observateurs qui ont tourné leurs regards vers les pays voisins. ‘Ah, qu'ils sont habiles, ces Belges!’, titrait dernièrement dans ‘La Voix’ Jean Botrot, en commentant l'essor économique de la Belgique et, fait notable, en rendant hommage au courage, à l'adresse, à l'initiative, à l'intelligence des Flamingants.
Quand on mentionne la Hollande, c'est pour rappeler que les concitoyens de M. Luns ne nous aiment pas et que leur gouvernement fricote un peu trop avec les Anglais. Il y a peu de temps encore, on s'indignait parce que le ministre néerlandais des Affaires Etrangères osait tenir tête au général de Gaulle et critiquer sa politique extérieure. Pour la majorité des Français, la Hollande c'est le pays des tulipes, du fromage, des gens en sabots ou à bicyclette, des ‘provos’, des polders, etc. Il faut bien l'avouer, quand nous sommes en mal de copie, nous donnons parfois un article ‘folklorique’, qu'il est aisé d'illustrer avec la photographie d'un moulin à vent...
□
Voici donc un rapport peu exaltant. Soit dit en passant, si la Hollande se décidait à consacrer un peu de son budget culturel à diffuser des cours de néerlandais à l'usage des Flamands de France, un bon grain serait semé qui, j'en suis certain, finirait bien par lever. Lille, où se trouve un Goethe Institut, ne possède aucun centre culturel néerlandais...
Il faudra beaucoup de temps et de patience pour ranimer la flamme, mais la conscience, l'âme d'un peuple ne sauraient mourir. C'est pourquoi, malgré tout, je reste optimiste. |
|