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Sur la France.
Pour les lecteurs de Ons Erfdeel, Robert Lafont n'est plus un inconnu. Je mentionne pour mémoire la recension enthousiaste consacrée par votre serviteur au très remarquable ‘La Révolution régionaliste’ mais je fais surtout référence à l'article (‘En France, le combat régional’ 13ème année no 2) dont Robert Lafont luimême a gratifié notre revue. Chacun a pu y apprécier les qualités de clarté, de concision et de souplesse du style, ainsi que les nuances, l'acuité, la richesse, l'honnêteté, la profondeur et la sérénité de la pensée. Qu'on me pardonne cette énumération mais après tout la réunion de toutes ces qualités chez un régionaliste est un prodige assez rare pour qu'on s'en extasie et reconnaisse en Robert Lafont, le seul penseur français du régionalisme qui soit capable de soulever un dialogue passionné ou d'obtenir une adhésion enthousiaste. S'il fallait une preuve éclatante de ce que j'avance Jacques Madaule vient nous la donner dans la longue préface du dernier ouvrage de Robert Lafont: ‘Sur la France’ qu'il salue comme un ‘beau livre, livre courageux et lucide’.
‘La Révolution régionaliste’ se proposait de dénoncer le colonalisme intérieur... lié au fonctionnement de l'unité française’ (p. 17), l'aliénation socio-économique de la ‘Province’ française, dans un pays rémodelé par une révolution dévoyée. Devant nos yeux plus ou moins à dessiller, l'auteur brossait un tableau particulièrement suggestif en cohérent de la dépossession régionale, en démontait le mécanisme: dans la jungle de l'hexagone qu'il voulait indifférenciée, le capital, fort de sa collusion avec le pouvoir, abandonnait tour à tour des régions françaises exsangues pour avoir été vidées de leur substance et pratiquait une ‘industrie de la terre brûlée’ qui a fait de la France le pays que l'on sait, quoi que puisse en déclarer la scie gouvernementale, le ‘Tout va très bien, Madame la Marquise’ dont la France de la grandeur berce et veut conjurer ses déchéances.
Il montrait comment, dans ce sacrifice des hommes au Moloch de la rentabilité à court terme, brûlant le milieu humain, la cécité des citoyens tenait à une confusion de ‘l'unité nationale’ ‘avec l'autoritarisme administratif’ devenue ‘la religion politique’ de la nation tout entière’ (P. 41). Il affirmait avec vigueur: ‘autoritarisme centraliste, colonalisme intérieur, impérialisme ethnique sont avec le colonialisme extérieur les caractéristiques essentielles du pouvoir bourgeois en France, pouvoir qui a profité de la forme de l'Etat et des idéologies nationalistes pour duper une partie majoritaire de l'opinion jusqu' à l'extrême gauche (P. 200)’.
L'auteur invitait à repenser la France (page 12) et se laissait aller à rêver d'une France diverse et chatoyante, rendue à elle-même dans le concert européen. Le livre, d'ailleurs étonnamment documenté, convainquait, enthousiasmait et enlevait le lecteur d'une aile puissante jusqu'à lui faire découvrir l'ampleur planétaire d'un régionalisme conçu comme une écologie humaine destinée ‘à rendre à l'homme la cité de son être et à lui ouvrir la cité du monde’ (dernière phrase).
Et pourtant si j'en juge d'après moi-même, le lecteur subjugué, conquis, désormais plus critique, continuait à vivre le malaise de la plupart des régionalistes mesurés qui ne se contentent pas de subterfuges du style de ‘la Flandre est ma mère, la France mon père’ pour apaiser leur déchirement entre une petite patrie à laquelle ils tiennent par toutes les fibres de leur corps et une France dont on leur a inculqué l'amour et la culture de mandarins en même temps que cette fameuse ‘certaine idée’ dont De Gaulle se sentait le grand prêtre. Le livre enlevait vers l'avenir, expliquait le passé mais ne désamorçait pas clairement les mythes. La conviction qu'il emportait laissait intact le noeud de complexes du régionaliste moyen. Il fallait dans un second ouvrage, Sur la France, une espèce de ‘psychodrame’, non plus seulement découvrir une procession logique des textes et des politiques, mais faire revivre dans son épaisseur existentielle, dans son épaisseur temporelle, au niveau des conciences citoyennes et de leurs fondements historiques, la mythification du destin français et s'élever par dessus les histoires apologétiques pour embrasser d'un seul regard et dans leur logique complémentaire l'aliénation essentielle, les dévoiements colonialistes et le cancer socio-économique français devant lesquels, il faut bien le dire, la pensée traditionelle reste stupide ou tombe dans une espèce de fatalisme, impératif économique pour les technocrates, qui s'orchestre fort bien des trompettes eschatologiques de la France éternelle et se drape du linceul de la grandeur. Dans la faillite de sa foi, le croyant recommande plus de foi et plus de rigueur dans l'Inquisition. Dans
la faillite du centralisme, l'état français exalte ses mythes et demande plus de centralisme: il n'est que de lire ‘Le défi américain’ pour voir que l'absence de dessein politique d'ensemble se double fort bien d'une exaltation du génie de la France et d'une pointilleuse méfiance vis à vis des hommes. Jusqu'en politique la France reste la fille aînée de l'Eglise!
A l'unitarisme des deux nationalismes renvoyés dos à dos, le national et le régional, aquel nous devons de vivre le malaise ou le déchirement de l'alternative traditionnelle qui, à la dernière guerre, a conduit tant de gens au choix douloureux que l'on sait et qui maintenant encore pousse les régionaux à marier un loyalisme politique ombrageux avec des nostalgies folkloriques ou culturelles (et j'ai conscience d'en avoir été un bon exemple), l'auteur commence par proposer une distinction des plus éclairantes (déjà annoncée dans La Révolution régionaliste - p. 23): à la nation de type primaire, finalement assez rare (l'auteur cite comme exemple l'Albanie), où l'etnique, le culturel, et la conscience de l'élite se superposent harmonieusement, il oppose la nation de type secondaire (U.S.A.) née