ver approche, l'hiver et sa cohorte d'expositions, de découvertes et de retrouvailles.
Tandis que Mischkind, dans sa maison de la rue Jean-Sans-Peur, met la dernière à la présentation d'une collection de portraits qui fera parler d'elle, la Galerie Nord montre les dernières toiles de quatre peintres confirmés: Leroy, Lindström, Mihailevitch, Pouget. Un festival de la couleur, dans des styles différents, mais volontiers expressionistes.
Rue Nationale, un joaillier ouvre son magasin à la peinture. Pourquoi pas? Un tableau vaut bien un bijou. Dans la cave rénovée avec goût, la galerie Tharin accueille son premier invité. Bernard Bygodt, originaire du Nord - son nom l'indique bien - a trouvé en Provence un cadre privilégié. Mais celui-ci ne l'a pas conduit pour autant à chercher l'inspiration dans les ciels colorés et les végétations éclatantes. Peut-être sont-ils néanmoins de quelque poids dans la conception de ces oeuvres aux mouvements larges et francs, aux teintes généreuses.
Bernard Bygodt se refuse à commenter quoi que ce soit de son art: ‘Mon langage, dit-il, c'est la peinture. Les mots sont peu commodes, ils trahissent souvent ce que l'on veut exprimer.’ Il récuse à l'avance tout message, refuse les mots de passe que pourraient être les signes. Nous reverrons très volontiers ce solide garçon lorsqu'il se souviendra encore de son pays natal.
Aliquet a inauguré la réouverture de la Nouvelle Galerie d'Art. Il n'est plus, lui, un jeune homme. Ses toiles, depuis qu'il peint, reproduisent une réalité sensible, à partir de touches aux nuances délicates. Mais il ne suffit pas de dire qu'Aliquet est un figuratif tenace et résolu. Par delà ce que tout le monde voit, il traduit une vérité intérieure habilement suggérée, évidente à qui veut bien s'attarder au moins un instant. ‘Le miroir’, ‘les Masques vénitiens’, ‘l'Envol des cygnes’, ‘le Sous-Bois’ ouvrent ta porte aux rêves des hommes insatisfaits d'une vision trop rapide des êtres et des choses. Aliquet surréaliste? C'est exagéré, sans doute, mais ce n'est point tout-à-fait faux, bien que l'intéressé s'en défende presque violemment.
En vérité, l'attention s'est portée surtout vers les musées lillois, à l'orée de la ‘saison’. L'hospice Comtesse abrite une exposition sur Michel Lequeux, architecte du XVIIIe siècle. Les oeuvres de Lequeux forment les plus beaux ornements de ce ‘Lille Royal’ dont l'impulsion fut donnée par Louis XIV, au lendemain de la conquête, et qui entoure, au nord et à l'ouest, les témoignages heureusement conservés de l'art hispano-flamand.
Au XVIIIe siècle, Lille passait pour l'une des plus jolies villes d'Europe. Les souverains français ne manquaient pas d'y faire conduire leur invités de marque.
L'hôtel d'Avelin, rue Saint-Jacques, la façade de l'hôtel Petitpas de Walle, rue de l'Hôpital-Militaire, l'hôtel du Chambgo d'Elbecq, rue Saint-Genois (en mauvais état), l'hôtel de l'Intendance, rue Royale (devenu par évêché) sont des oeuvres, plus ou moins transformées, de ce Michel Lequeux auquel on devait aussi l'ancien Opéra de Lille, détruit par un incendie en 1903. On peut le voir sur une peinture de Watteau.
Lequeux eut une fin brutale. A trente-trois ans, un jardinier dont il critiquait la lenteur le tua d'un coup de couteau. Six ans de métier lui avaient suffi pour doter Lille de cinq édifices marquants. Le Parlement de Flandre, aujourd'hui Palais de Justice de Douai, est aussi de lui.
Que le néo-classicisme du XVIIIe siècle manque de chaleur, c'est vrai. Mais il a produit des ensembles très purs. Voyez la rue Royale à Lille. Elle a conservé à peu près toute sa noblesse originelle.
L'exposition s'appuie sur les documents retrouvés par M. Jean-Jacques Duthoy, auteur d'une thèse consacrée à Michel Lequeux. Le photographe Bernard Malaisy l'a parfaitement illustrée, et le conservateur, M. Jessu, a apporté tout son concours à la présentation.
Le Palais des Beaux-Arts, de son côté, reçoit une forte exposition d'Ernst Barlach, le grand sculpteur allemand: 60 gravures, 50 dessins originaux, 10 bronzes, le tout échelonné au long de la carrière de l'auteur, de 1910 à 1938. Son expressionisme l'apparente d'assez près aux artistes du Moyen-Age. La laideur des personnages de Barlach n'est point celle, méprisante, de Goya, mais plutôt celle des gargouilles et des petits êtres qui animent les chapiteaux. Une humanité grimaçante et estropiée, affligé de rictus, marquant une étape vers le style nazi. Barlach, cependant, fut interdit, tout comme ses oeuvres, en Allemagne, dès 1933. C'est qu'il portait un message, non pas de désespoir et de déchéance, mais au contraire de foi et d'amour à l'égard de tous les humbles de la terre.
Cette exposition est la dernière qu'ait organisée à Lille M. Albert Châtelet, nommé professeur d'histoire
Bronze (détail) d'Ernst Barlach.
Michel Lequeux.
Jean-Jacques Duthoy présente le fronton de l'hôtel Petitpas de Walle.