Arthur Van Hecke.
Roger Dutilleul (1955), gouache de Arthur Van Hecke.
Gros temps (1962) de Arthur Van Hecke.
de ville. Survint une dame de la bonne société.
- Mais enfin, monsieur, allez-vous m'expliquer ce que veut dire cette toile?
Alors Van Hecke brandit un index vengeur vers le couvre-chef baroque de la visiteuse
- Et votre chapeau, madame, qu'estce qu'il veut dire?
Elle ne fut point ravie, mais la démonstration valait de longues réflexions intellectuelles sur l'art nonfiguratif.
Quand Van Hecke expose en Allemagne, à Oldenbourg et à Worswede, il s'est déja lié avec Emmanuel Looten, le puissant poète flamand de Bergues. En 1963, il illustre de gouaches ‘Hepta’. L'‘osmose’ est heureuse. Elle se renouvelle deux ans plus tard, au bénéfice de ‘Terre de 13 Ciels’. Aux treize dessins de Van Hecke, André Dourdin, ami commun, ajoute treize lithographiques d'un style différent.
Les collectionneurs français, belges, américains, italiens, anglais, acquièrent des oeuvres de Van Hecke. L'Etat belge, l'Etat français, la ville de Paris achètent des toiles. On lui commande des mosaïques pour des écoles ou des groupes résidentiels. Pour le groupe scolaire Paul-Machy, à Petit-Fort-Philippe, en particulier, il réalise en 1964 un ensemble: ‘l'Enfance à la Mer’.
Oui, le reste est venu... Mais, parti du peuple de Roubaix, Van Hecke n'a pas changé d'un poil. Après sa seconde exposition parisienne de l'hiver 1968, il revenait soulagé, satisfait de quitter enfin un milieu où il se sent aussi à l'aise qu'un ‘poisson dans un bocal de confiture’.
A regarder les oeuvres récentes, il semble néanmoins que l'auteur, devenu plus carré d'épaules, plus sûr du lendemain, approchant de la cinquantaine, ait assagi, domestiqué, pourrait-on dire, l'expression fulgurante de ses débuts.
Combien il aime nos bords de mer, nul ne le dira jamais assez. Se promenant un jour avec Looten en Bretagne, il arrêta son compagnon, et cria:
- Regarde, Manu, quel joli paysage flamand!
De cette fréquentation intime et fidèle de sa maîtresse la Mer du Nord, de ces étreintes passionnées avec le vent et le sable sont nées des témoignages magnifiques, à propos desquels toute littérature serait superflue: ‘Mon langage c'est la peinture’.
Les tableaux de Van Hecke assurent un équilibre parfait entre l'élan spontané, l'émotion de la découverte originelle, et la rigueur structurale, apparaissant dans la disposition des masses et des couleurs. ‘Une vraie perle fine, bravo’, lui dit un jour Dutilleul. Mais une perle fine n'est point tout à fait le fruit du hasard, elle respecte ses lois internes.
‘Le dessin pour vous, disait encore Dutilleul, n'est pas à chercher dans un perfectionnement graphique et linéaire, c'est une architecture colorée violemment, conçue et contrôlée ensuite par votre méditation.’
Essayer de définir l'art de Van Hecke, c'est évoquer aussi cette luminosité qui caresse la pâte généreuse et lui donne un frémissement caractéristique, dont l'équivalent ne se retrouve que dans la nature elle-même, à Malo-les-Bains ou à Ostende.
Aujourd'hui Van Hecke, avec ses amis Delporte, Dodeigne, Hemery et quelques autres grands du Nord, est fort occupé au lancement de ‘Septentrion’. Près d'une ancienne ferme de Marcq-en-Baroeul, au lieu dit ‘le Vert Bois’, une famille bien connue a mis un vaste local rénové à la disposition de l'équipe. Il s'agit d'en faire le ‘Centre artistique de Bondues-Marcq’. Une première exposition est ouverte depuis le début d'octobre. Il y en aura beaucoup d'autres, et des soirées poétiques et musicales, et des cours de peinture pour enfants.
‘Cette maison pour nous... La réalisation d'un vieux rêve d'enfance, mais Van Hecke, non, n'a pas change. Devenu une ‘personnalité artistique’, il se rebiffe contre ce monde dévorant pour lequel il devrait produire et produire encore. Pour lui, seule compte une chose: créer.
‘... Au delà des écoles, des coteries et des modes ou variations, a écrit Looten, ce peintre est magnifiquement et tout uniment Lui-Même. Je sais de cet homme vrai qu'il ne triche point, ne truque jamais et, toujours à l'extrême peinte de son inlassable Combat avec l'Ange, se battra jusqu'à la Mort’.
Jean Demarcq