Ons Erfdeel. Jaargang 13
(1969-1970)– [tijdschrift] Ons Erfdeel– Auteursrechtelijk beschermd
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en france: le combat régionalrobert lafont Le général de Gaulle est tombé sur un projet qu'il disait de ‘participation’ et qui comportait, comme l'on sait, une réforme du Sénat et une mise en place d'institutions régionales. Le peuple français a repoussé le texte ambigu qui lui était soumis; le chef de l'Etat en a tiré la conclusion que les citoyens ne voulaient pas de cette modification substantielle du destin national, dessinée dès mars 1968 dans un discours à la Foire de Lyon et confirmée après les événements de mai. Il est retourné à sa méditation solitaire. Sa place a été occupée par des hommes qui, sans rupture apparente, en continuant à se réclamer de lui, ont installé un nouveau style de pouvoir et de gestion et ont mené à bien quelques opérations (au premier chef la dévaluation du franc) contraires à sa philosophie politique. L'échec est éclatant, à la mesure de ‘l'homme d'histoire’ qui l'a subi et de la mobilisation de l'opinion publique qu'il avait voulue. Il est profond, puisqu'il engage à la fois une conception des institutions de l'Etat et un ensemble de choix politiques fondamentaux.
Dans l'affaire, tout se passe comme si la régionalisation n'était plus à l'ordre du jour. Au gouvernement, dans l'opposition on n'en parle plus que très peu Une conspiration du silence règne dans la presse. Les Français ne paraissent plus y songer. Effet banal, habituelle récession d'une idée qui n'a pu s'imposer et qui doit attendre une nouvelle promotion d'actualité? Ou soulagement d'une opinion à qui l'on avait imposé de débattre d'une question qu'elle n'avait pas été préparée à envisager? Les deux interprétations se recoupent et sont sans doute également à retenir. La France est un pays de tradition centralisatrice. Elle ne pouvait en quelques mois abandonner des habitudes de pensée incrustées dans l'administration, soutenues par l'Ecole et par toute la pratique sociale. Pour les remettre en cause une nouvelle fois, d'autres ébranlements, d'autres appels à la réflexion urgente seront nécessaires.
D'où peuvent venir ces appels? Viendront-ils? C'est là une question qu'on se pose à l'étranger et que se posent en France les régionalistes qui se sont trouvés entre l'été 1968 et le printemps 1969 au centre de la vie nationale. De deux choses l'une: ou ce centre s'est réellement déplacé, et le général de Gaulle s'était abusé sur l'importance de la question régionale; ou il n'y a qu'apparence de déplacement, et le silence actuel est plus qu'une récession automatique et une distraction: on peut y voir une protection anxieuse. | |
Histoire d'un référendum, ou les subterfuges inutiles.Pour répondre à cette question, il faut reprendre le fil des événements qui ont amené au référendum. | |
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Il existe en France une tradition régionaliste fort ancienne, diverse et abondante. Pratiquement tous les hommes politiques d'un certain niveau de réflexion et toutes les formations ont été appelées depuis cent ans et plus à faire leurs certaines critiques de l'appareil étatique centralisé, à concevoir des schémas de décentralisation administrative et culturelle. Il n'est pas vrai que cette tradition soit de droite uniquement. Il y eut des fédéralistes même dans les rangs des socialistes, et non des moindres.
Mais cette tradition était restée jusqu'à une date récente parfaitement inopérante. Ceux qui s'en réclamaient, une fois au pouvoir l'oubliaient bien vite. Elle ne pouvait aboutir qu'à de médiocres réformes, comme l'élargissement des compétences des ‘collectivités locales’ (départements et communes) à l'intérieur d'un système infrangible de tutelle. Elle ne pouvait atteindre de larges couches de l'opinion. Elle demeurait marginale.
L'axe de la vie nationale était au contraire dessiné par l'Etat de type napoléonien continué, que l'on a vu réussir en ce pays comme nulle part ailleurs et qui s'est fait accepter pour son efficacité.
Il faut souligner cette efficacité. La France des cent dernières années a connu des guerres terribles; elle a été trois fois envahie militairement et totalement occupée une fois; des déchirements sociaux l'ont secouée. Elle ne s'est jamais défaite ni en conscience ni en fait. A travers les grands accidents et à travers les régimes successifs, l'idéal unitariste a été comme un signe de permanence. Et la permanence a été effectivement assurée par une administration tatillonne, mais omniprésente, toujours descendante, mais d'autant mieux soumise à la perspective nationale globale, aux intérêts du corps collectif indifférencié. Le césarisme administratif a maintenu les débats hors de l'expérience quotidienne du français, administré qui se croit citoyen. Les professions de foi régionalistes ne pouvaient ainsi être que des professions de foi. Le régime de Vichy s'est proclamé régionaliste en son temps; mais il s'est bien gardé de s'attaquer à l'autoritarisme de l'appareil d'Etat. Il l'a même perfectionné en supprimant les conseils municipaux élus.
On en était là dans la France des années 60, dans une France une et indivisible, qui ne reconnaissait l'autonomie de ses collectivités locales qu'idéalement, dans une France des préfets, quand une pression fit passer le régionalisme des voeux pieux et fades à la conscience publique. Sur cette pression, nous allons avoir à revenir. Disons maintenant qu'elle n'était et ne pouvait être administrative. Elle était en partie culturelle, et surtout économique. Le problème régional n'était pas institutionnel. Il y avait un ‘malaise régional’, lié aux inégalités de développement sur le territoire métropolitain, condensé dans le fameux ‘désert français’.
Une véritable pression: il ne faut pas croire que le régime gaulliste ait conçu de lui-même une réforme de la centralisation. Les textes qu'il mit au point en mars 1964 ne parlaient que de déconcentration et mettaient sous ce terme une présence plus ferme du pouvoir central sur le terrain, par le renforcement des pouvoirs des fonctionnaires. C'est parce que la pression se fit plus forte par la suite et élargit son domaine qu'à la fin de l'hiver 68, une nouvelle étape apparut indispensable. En fait, le gaullisme utilisait | |
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dans le cadre de l'Hexagone le procédé qui lui avait réussi en Afrique dans la décolonisation: il prenait à son compte nominalement les concessions qui lui étaient arrachées.
Vint mai 1968: un bouleversement. Une grande peur. Le thème régionaliste n'était pas absent des événements. Il n'en était pas non plus l'essentiel. Mais de Gaulle y voyait un moyen de circonscrire la montée révolutionnaire sur un terrain où il avait préparé sa tactique. Le référendum sur la réforme de l'Etat fut la conclusion du drame que la nation venait de vivre et dont elle se remettait dans le fidéisme électoral de la Province. On allait pouvoir jouer la carte de la ‘participation’ sans trop de risques en mettant à l'ordre du jour la décentralisation.
Sans trop de risques: il n'est pas dans la nature d'un pouvoir autoritaire d'abandonner son autorité. Un Etat centralisé ne se décentralise pas par générosité soudaine. Le texte soumis au référendum renouvelait les subterfuges de 1964. Il était d'une complexité telle que l'électeur, même attentif, ne pouvait le comprendre véritablement. Mais ceux qui redoublaient d'attention y découvraient toutes les précautions prises contre la démocratie régionale qu'on prétendait instituer. Ils ne pouvaient que recommander la défiance, dont la forme première était le vote ‘non’. La transformation du Sénat venait compliquer encore l'analyse et durcir le refus.
Ce fut alors une étrange partie politique. Le pouvoir offrait un combat à l'opposition, où il croyait avoir le choix des armes. Face à des partis tous centralisateurs, il proclamait la décentralisation. Mais, parce qu'il trichait avec cette décentralisation, ses armes lui échappèrent. Une vague de réflexion, partie de certains clubs, membres ou non de la Convention des Institutions républicaines, gonflée à partir des colloques régionaux qui firent suite à Grenoble, reprise en relais par le PSU, vint toucher toute la gauche. La France du coup fut régionaliste (les déclarations centralistes de cette période se comptent sur les doigts d'une main), l'opposition pratiquant la surenchère à la démocratie régionale. Une plate-forme implicite des adversaires du pouvoir était trouvée avec la revendication d'assemblées régionales élues au suffrage universel et d'exécutifs régionaux dépendant d'elles. Et si le référendum a été repoussé, c'est, si l'on veut bien en croire toutes les déclarations faites, parce qu'il était faussement décentralisateur.
Ainsi le pouvoir, en voulant fixer des bornes ‘sages’ à la réforme de l'Etat, ne pouvait que débloquer les esprits et favoriser un débat qui lui échappait. Dans les semaines qui précédèrent la consultation, on vit ainsi les idées les plus audacieuses se développer librement. On concevait de grandes régions, débordant parfois le cadre national, et des pouvoirs régionaux si clairs que la France paraissait devoir se fédéraliser.
On comprend bien qu'aujourd'hui il y ait recul ou silence. Si le débat reprend, on ne pourra empêcher qu'il reprenne là où il s'est arrêté. Ce qui a été dit, le reste. Les Français ont commencé à repenser la France. Le centralisme n'est plus qu'un mort en sursis dans la conscience nationale.
Pratiquement, l'actuel Président de la République a déjà prévu un | |
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moyen de limiter le débat. Il a dû reconnaître que les Français n'avaient pas été hostiles à la régionalisation. Un projet, si une nouvelle pression apparait, pourra donc être présenté par la voie parlementaire, qui, comme on sait, est aujourd'hui en France la voie la moins encombrée d'opposants. | |
Le non des colonlsésMais où est cette pression? Le gouvernement aimerait la recevoir des corps constitués, des notables, qui de fait commencent à s'organiser pour cela.
La véritable pression, pourtant, n'a pas désarmé. Elle se situe ailleurs, naissant des problèmes sociaux qui agitent présentement tout le pays. Elle est facilement reconnaissable.
Dans l'année 1967, un mot alerta l'opinion: celui de ‘colonisation intérieure’. Un certain nombre d'analyses régionalistes avancées, d'abord contestées, franchissaient ainsi le seuil de crédibilité. On commençait à voir que les régions françaises sous-développées, ne l'étaient pas par une fatalité naturelle, mais qu'il fallait accuser l'alliance de l'Etat centralisé et de la classe capitaliste qui leur avait imposé des processus de déstructuration économique, de soumission, de paupérisation, de dépopulation.
Le combat régionaliste quittait ainsi le plan institutionnel, où il s'était trop longtemps maintenu, loin des problèmes véritables qui se posent aux hommes. Il devenait un combat pour la décolonisation, et de cette façon révolutionnaire. La prise de pouvoir au niveau régional n'aurait aucun sens, si elle n'était pas prise du pouvoir économique. A quoi serviraient même des assemblées régionales élues, si restaient hors de leur champ d'action les centres de décision qui modèlent la vie de la région? Une enquête récenteGa naar eind(1.) prouve qu'en 1963 les établissements de la région parisienne dépendant de sièges sociaux situés en province ne représenteraient que 20% de l'emploi dans cette région. Par contre 56% des salariés d'entreprises multi-régionales dépendent en province de sièges sociaux situés hors de leur région d'emploi, et Paris étendait son influence sur 1.146.000 salariés provinciaux. Au déséquilibre facilement chiffrable (la région parisienne emploie près de 2 millions de salariés industriels), s'ajoute donc la sujétion des régions à la capitale, ou plus exactement à la ‘région du pouvoir’ (car c'est l'ensemble de la région parisienne, et non la seule agglomération de Paris, qu'il faut considérer si l'on veut établir les véritables relations de dépendance économique dans l'ensemble français; on évite par ce fait de prendre pour une décentralisation industrielle l'implantation d'usines à quelque 100 ou 150 kms de Paris).
Cette sujétion apparait structurellement dans la prédominance dans certaines régions périphériques de l'extraction sur l'industrie de transformation: qu'il s'agisse du gaz de Lacq ou de la bauxite languedocienne, aujourd'hui du tungstène de l'Ariège. Le tableau colonial classique se complète par l'aliénation au niveau régional du domaine agraire et des circuits commerciaux. Cette situation n'est pas aussi grave partout: il est des régions qui peuvent abor- | |
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der les mutations nécessaires de l'époque présente avec des atouts en main, une puissance d'intervention non négligeableGa naar eind(2.). Mais il n'est pas de région qui, à l'heure de l'Europe, n'ait à mettre en cause la sujétion économique qui lui est imposée par l'Etat central, que cet Etat limite les mécanismes d'insertion européenne (pour la région du Nord en particulier), ou qu'en les imposant, il accélère la ruine d'économies non encore adaptées à la concurrence.
Cette prise de conscience de la colonisation intérieure n'est pas un phénomène froid, une lucidité de penseurs en chambre. Elle circule dans tous les grands mouvements sociaux depuis quelques années: grèves qui ont de plus en plus le motif d'un emploi sur place, grèves contre le démantèlement du réseau ferré secondaire, grèves régionales; mouvements de protestation des agriculteurs.
Elle était dans l'affaire du référendum vigoureusement présente. Des deux côtés. Car derrière le parti du rejet, se durcissait la mise en accusation d'un régime qui, sous couvert de développement global, hâtait les crises de sous-emploi et accélérait les déplacements de population. Dans le texte gouvernemental, il était facile de voir que les précautions prises contre l'autonomie régionale, l'étaient aussi et surtout contre une autonomie de développement économique, contre la liberté que réclamaient de plus en plus les régionaux de concevoir eux-mêmes et d'assumer la modernisation de leur pays, de dessiner leur propre ‘plan’.
Car l'enjeu profond était bien, de part et d'autre, le contrôle d'un centre de décision économique, par un canal politique. Le pouvoir entendait continuer d'opérer les grands choix, selon le Plan, qui informent les économies régionales. Et avec lui l'ensemble capitaliste intéressé à l'exécution de ce plan. En face, la partie la plus éclairée de la gauche commençait à comprendre que des pouvoirs régionaux démocratiques, - et non ceux qui étaient proposés - devraient envisager la décolonisation du territoire; que la prise du pouvoir dans la région inaugurait un nouveau genre de lutte anti-capitaliste. Entre les deux, hésitaient les bourgeoisies régionales, ou ce qu'il en reste, tentées de courir l'aventure de l'autonomie et les risques d'une alliance avec les populations protestataires, car la menace d'un écrasement ou d'une forclusion pesait sur elle (le capital régional n'a pas eu grande part à prendre dans les gigantesques mises en valeur touristiques du Midi méditerrannéen et alpin).
Partie jouée sur l'institutionnel, la partie économique continue, plus serrée. Une hâte s'est emparée des équipes gouvernementales, pour réaliser ce qui avait été rejeté avant le référendum. L'agitation sociale de cette rentrée est grave, en réponse. Elle semble avoir perdu le motif régional. Mais qu'on y réfléchisse: les concentrations capitalistes qui sont actuellement en cours placent de façon encore plus claire les économies régionales dans la dépendance de l'extérieur (cf. ce qui vient de se passer à Roquefort); l'abandon à l'entreprise privée de divers grands secteurs d'aménagement public, dont il est tellement question, risque de faire abandonner les critères structuraux et d'avenir au bénéfice d'une rentabilité à court terme (on préférera financer les voies de tourisme, voies colonisatrices par excellence, et on négligera les axes intérieurs aux ré- | |
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gions); le plan Vedel pour l'agriculture revient à sacrifier des zones agricoles entières plutôt qu'à les reconvertir.
C'est pourquoi il faut s'attendre à un surgissement prochain de la revendication régionale, dans le mouvement ouvrier et dans le mouvement paysan. Le régionalisme peut devenir un motif de mobilisation contestataire dans la vie quotidienne d'une bonne partie des Français. | |
La révolte des ethnies.Une autre contestation existe depuis fort longtemps en France, qui répond à un autre aspect de la centralisation étatique. La France comporte en effet un nombre important de domaines linguistiques que l'on n'a pu ramener à l'unité nationale du langage que par des procédés coercitifs subtils mêlant l'interdiction pure et simple (punitions infligées à l'élève qui usait de son parler maternel à l'école) et l'interdiction dans les consciences (le préjugé de ‘patois’ qui rendait ce parler ‘illégitime’). Tous ces domaines ont connu une activité culturelle originale et correspondent pour la plupart à des aventures historiques fort illustres. Il y a les fragments détachés d'ensembles demeurés hors des frontières françaises: pays basque et pays catalan français, Corse linguistiquement italienne, ensemble alsacien et lorrain germanique, pays flamand. Il y a deux pays qui, tout entiers à l'intérieur de l'hexagone, possèdent une identité linguistico-culturelle indiscutable: la Bretagne et l'OccitanieGa naar eind(3.).
Pour parler en termes modernes et rigoureux, il y a en France plusieurs ethnies allogènes que le centralisme a forcées à s'ignorer. Comme dans le passé ces ethnies ont tendu à se donner des formes politiques (les deux cas les plus connus sont l'Etat Breton du premier Moyen-Age et la République Corse du XVIIIe siècle), on peut penser, avec l'analyse la plus traditionnelle, que la France a absorbé, après les avoir soumises, des nationalités dont quelques unes avaient une conscience nationale. La résurgence de ces consciences est, comme partout en Europe, le résultat de la vague romantique et prend forme après 1848. Le territoire français n'est pas une exception, une réserve pour le réveil nationalitaire européen du dix-neuvième siècle.
Ce qui fait réserve et exception, c'est l'insuccès populaire pendant très longtemps de ces réveils. La France leur offrait trop de difficultés, par la sévérité même de sa centralisation, et aussi, croyonsnous, parce que la conscience nationale française, politiquement rayonnante et au moins formellement démocratique, créait une contradiction entre deux appartenances qu'on ne trouvait pas ailleurs. Les renaissances linguistiques et littéraires bretonne, catalane, basque, occitane, etc... ont donc été en France des ‘régionalismes’ et ont inscrit leur trajectoire parallèlement au régionalisme institutionnel. Le régionalisme linguistique a eu les mêmes caractères de latéralisme dans l'opinion et de généralité que nous observions dans le régionalisme institutionnel: gauche et droite, de Jean Jaurès à Charles Maurras, y ont participé.
Tout vient de changer, brusquement.
Dès 1951 les progrès des cultures ethniques étaient tels et si évidents que devait nécessairement céder l'unitarisme linguistique: | |
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une loi permettait un enseignement discret du basque, du breton, du catalan, de l'occitan (pays flamand, Alsace-Lorraine et Corse n'étaient pas concernés). Depuis lors, pour élargir cette mesure reconnue inopérante, les élus politiques se sont mobilisés, appartenant à tous les partis sans exception, contre la résistance entêtée de l'Administration et de quelques MinistresGa naar eind(4.).
La nouvelle pression vient de ce que, dans les régions périphériques, la revendication linguistique a rejoint la revendication économique, sous le même voeu de décolonisation. La révolution ethnique, en chemin partout dans le monde, a croisé en France, plus tôt sans doute qu'on ne pouvait s'y attendre, la révolution régionaliste. Un type nouveau d'organismes se réclamant de l'idée nationale, comme ‘Enbata’ en pays basque ou les divers groupements nationalistes bretons, ont pu engager des actions spectaculaires. Celles du ‘Front de libération de la Bretagne’ ont suscité dans le public plus d'étonnement et de curiosité que d'indignation.
Plaçant ailleurs que dans une terminologie nationaliste, leurs définitions et leurs programmes, d'autres organismes (citons ‘l'Union démocratique bretonne’ et le ‘Comité occitan d'études et d'action’) ont pu engager un véritable dialogue avec l'opinion. - dialogue qui a culminé dans la période référendaire. Il apparaissait alors que le sentiment ethnique devenait admissible, comme ressort profond et moderne de ce patriotisme régional dont on avait besoin pour reconstruire une France décentralisée et comme aliment majeur de la créativité culturelle en Province.
Tout cela est-il retombé? Là encore la réalité des problèmes demeure. Une nouvelle proposition de loi vient d'être déposée sur le bureau de l'assemblée nationale (par l'ensemble des députés socialistes, radicaux et conventionnels): elle prévoit l'utilisation des langues ethniques non seulement dans l'enseignement, mais dans l'éducation permanente, à la radio, à la télévision. Elle comporte des affirmations très nettes: ‘Notre pays a reconnu le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Au nom de ces droits, une communauté est libre d'utiliser sa propre langue à des fins culturelles.’ Un nouveau combat est engagé. Quiconque a récemment parcouru les régions de France qui ont à la fois une originalité ethnique et de graves problèmes socio-économiques, et a reconnu la jeunesse et le dynamisme du mouvement de conscience qui s'y développe, sait bien que la problème régional est aujourd'hui, sous les apparences officielles, un problème majeur de la vie française. | |
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samenvattingNa het referendum van 27 april 1969 (Projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat) heeft het er de schijn van dat de belangstelling voor het regionalisme in Frankrijk sterk verminderd is.
Het referendum moet gezien worden als een Gaullistische tegenzet om de groeiende tegenkracht van het regionalisme dat sedert de jaren zestig ook ekonomisch gericht werd, op te vangen. Die tegenzet mislukte doordat alle politieke strekkingen in Frankrijk, maar vooral de linkse oppozitie, zich gingen bezinnen over het regionalisme en de via het referendum voorgestelde maatregelen en doordat een groot deel van de bevolking die voorgestelde maatregelen als een vervalst regionalisme verwierp. Na het sukses van deze pro-regionalistische aktie die leidde tot de mislukking van het referendum voor De Gaulle moest er wel een moment van windstilte komen en is het nu wachten op een nieuwe regionalistische aktiviteit.
1967 was het jaar van de doorbraak van een nieuwe idee: het binnenlands kolonialisme. Het regionalisme vond in de alliantie van een gecentralizeerde staat met het kapitalisme de voornaamste oorzaak van het peil van onderontwikkeling waarin de meeste Franse gewesten zich bevinden. Meteen kreeg het regionalisme een revolutionair karakter. De inzet van de strijd rond het referendum en ook daarna was aan beide zijden de kontrole over de ekonomische beslissingsmacht: ofwel een blijvende centralizatie in en rond Parijs ofwel een daadwerkelijke regionale autonomie. Het kan niet anders of de regionale motieven, die nu schijnbaar op de achtergrond gedrongen zijn, zullen spoedig weer aan bod komen in de arbeiders- en landbouwersbewegingen. Want het zal binnenkort duidelijk worden dat de haastige regeringsplanning de gewesten alleen maar nog meer afhankelijk zal maken van de gecentralizeerde machten.
Frankrijk wordt ook gekonfronteerd met de bewegingen van de kulturele minderheden die in het verleden zonder sukses bleven. Hierin is echter veel veranderd. In 1951 kon een bescheiden vorm van onderwijs verkregen worden in het Bretons, Baskisch, Katalaans en Oksitaans. De taalminderheden van Korsica, Elzas-Lotharingen en Frans-Vlaanderen bleven hiervan echter uitgesloten.
Door het samengaan van taaleisen en ekonomische eisen ontstond een nieuw soort nationalistische bewegingen, vooral in Baskenland en Bretagne. Andere regionalistische bewegingen die hun programma en werking niet zozeer in een nationalistisch kader plaatsten (b.v. L'union démocratique bretonne en het Comité occitan d'études et d'action) slaagden erin een brede dialoog op gang te brengen over het regionalisme. Voor het ogenblik is een wetsvoorstel ingediend dat de taal van de kulturele minderheden ook op radio en T.V. en in allerlei vormen van permanente opvoeding wil toelaten.
Ondanks de officiële schijn is en blijft het regionalisme het hoofdprobleem in Frankrijk.
(Samenvatting door E. Vandewalle.) |
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