s'efforcent de déboucher sur un avenir à créer chaque jour.
Cet élan se manifeste aussi bien à l'Ecole régionale des beaux-arts, magnifiquement installée à l'entrée nord de Lille, depuis trois ou quatre ans, qu'à l'Ecole régionale d'architecture, encore jumelée avec la précédente dans le même immeuble, avant d'être transfermée au sein du centre universitaire de la nouvelle Ville-Est. Les futurs architectes accomplissent des recherches, sur contrat, destinées à doter cette agglomération de demain d'un cadre urbain à la mesure de l'homme et de son existence sociale. Ils s'associent, à longueur d'année, à leurs camarades des Beaux-Arts’, pour présenter des expositions originales.
Ainsi, en peu de temps, à la faveur de l'arrivée de directions très dynamiques, ces Ecoles sont devenues des pôles d'animation artistique dont les contacts se développent avec la population régionale, sans démagogie, sans conformisme, mais avec un souci constant de replonger l'Art tel qu'on l'enseigne dans le bain de la vie.
Bien sûr, les millions d'habitants de la métropole lilloise ne défilent tous en rangs serrés dans le hall d'exposition. Ceux qui viennent peuvent révéler des réactions sceptiques ou craintives devant ce qu'on leur montre. Mais les idées et les formes nouvelles font leur chemin, aidé par l'appréciation d'un public plus ouvert.
Ainsi, jusqu'en septembre, sculptures, dessins, peintures, collages, études d'architecture sont offerts à la convoitise ou à l'amusement du visiteur. Pour peu qu'il n'abandonne pas à la porte tout sens de l'humour, il goûtera bon nombre d'oeuvres, fera le partage entre ce qui lui plaît et ce qu'il n'admet pas, entre le bon grain et l'ivraie. Il découvrira ce que lui proposent les créateurs de la fin du XXe siècle, avides d'élaborer un cadre visuel où la décoration est promue au rang d'art majeur, libéré des esclavages mercantiles.
Tubes et globes de verre, mobiles de fer et de cuivres, blocs de polyester, raie de lumière, projecteurs deviennent des matériaux nobles qu'il s'agît de faire chanter ou vibrer.
Parmi les jeunes artistes qui se sont illustrés ici, cinq noms prometteurs: Anne Dubuisson, Monique Bertin, Jean Delattre, Yves Dejonghe et Gilbert Hendoux, organisateurs d'une exposition en avril. L'autre exposition, ouverte fin juin, met en vedette, à des titres divers, une cinquantaine d'élèves. Nous avons remarqué en particulier les scupltures de Jean-Marc Bigeast et de Bootz.
La photographie tient une place de choix dans l'enseignement de l'Ecole. Il était juste qu'elle apparraisse au catalogue des expositions. Les oeuvres de Bernard Malaisy et d'Yves Mercier ont marqué le printemps 69.
Au nombre des manifestations les plus intéressantes de ces derniers mois, il faut mettre en relief, évidemment, la ‘Rencontre 69’ de l'Atelier de la Monnaie, douzième du genre, installée dans le pavillon de l'ancien hôpital Saint-Sauveur, vestige admirablement restauré du
Sculpture à l'Ecole des Beaux Arts.
quartier en cours de rénovation. Auprès des toiles, dessins ou sérigraphies, on trouvait également des objets de bois ou de métal, le tout signé par l'un ou l'autre des dixneuf artistes de Lille, de Paris ou de l'étranger.
Le titre donnait une sorte d'harmonie à l'ensemble: ‘Métamorphoses de l'Espace’. ‘Fusées ou pas, nous devons admettre notre impuissance radicale à conquérir l'espace en profondeur... Autour de nous, à deux pas d'ici, c'est toujours la même énigme, le même brouillard à couper au couteau. Rien ne sort de conquérir l'espace... ce qu'il faut, c'est le métamorphoser’, a écrit Edouard Jaguer en présentant cette exposition.
La production du Belge Matton tranchait, dans ce microcosme assez froid, par la sincérité de ces toiles sous-marines, à l'imagination généreuse et à la palette habile.
Le scarabée géant de Jund a intrigué bien des admirateurs. La carapace métallique s'animait bruyamment si l'on tirait sur une chaîne dissimulée au milieu de multiples tentacules bourdonnantes.
Plus rassurantes, malgré tout, sont les toiles - une cinquantaine - que le service officiel de la Jeunesse et des Sports promène d'école en lycée, depuis quelques mois. C'est un choix de dix-sept peintres régionaux, tous vivants, où l'on retrouve des noms familiers, représentatifs de cette vie artistique dont la qualité finit par triompher de l'ingratitude des débuts obscurs: eaux-fortes vigoureuses de Van Steelant, paysages miniers, transfigurés, de Marius Wrobel, campagnes équilibrées, un peu tristes, de Himpens, univers caricatural, figé, de Manesse, natures mortes sereines de Deronne... Arrêtons là. Nous ne ferons pas de distribution des prix. Mais il est certain que ce genre d'exposition itinérante favorise grandement une relation directe entre les oeuvres et les jeunes, ceux-ci étant bien plus disponibles à l'évolution des moyens d'expression que des adultes victimes de trop d'habitudes.
Il conviendrait à ce propos d'analyser les progrès en cours de l'éducation artistique dans bien des établissements scolaires. Si l'école maternelle est exemplaire en ce domaine, l'école primaire française, aujourd'hui encore, provoque une rupture désolante. Mais le renouveau apparaît dans l'enseignement secondaire. Une heure par semaine, c'est peu. Elle peut être bénéfique, cependant, si le professeur est bon pédagogue. Il est sans doute plus enrichissant pour la personnalité de peindre une seule toile en amateur tâtonnant que de visiter un grand musée. La peinture ne doit pas être absente de la ‘civilisation des loisirs’ qui se prépare maintenant.
Jean Demarcq
La Grange de Himpens.