De Nieuwe Gids. Jaargang 46
(1931)– [tijdschrift] Nieuwe Gids, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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[De Nieuwe Gids. Jaargang 46. Nummer 8] | |
ToespraakGa naar voetnoot1) door L van Deyssel.Opgedragen aan Dr P.C. Boutens, Voorzitter van den Nederlandschen P.E.N. Club, en aan den heer Herman Robbers, Voorzitter der P.E.N. Congres-Commissie, om ze geluk te wenschen met het voortreffelijk welslagen van het Congres en dank te betuigen voor de gastvrijheid, bewezen aan de eere-gasten.
Mesdames et Messieurs,
En ma qualité de président d'honneur de la Société des Gens de Lettres des Pays-Bas j'aspire à vous adresser un instant la parole. Mon rôle est tout autre que celui de feu mon collègue Joost van der Poorten Schwartz, se nommant Maarten Maartens en littérature, lorsqu'au banquet offert à lui à Londres, lors de son élection comme membre d'honneur, par l'Authors Club, il célébra les relations ayant existé depuis plusieurs siècles et existant toujours entre l'Angleterre et la Hollande. Mais quoique mon rôle soit tout autre et que j'aie à m'adresser non pas à un seul grand royaume mais à toute la terre, je tiens à commencer par un remerciment sincère et profond au Poets, Essayists, Novelists Club Anglais de m'avoir si splendidement favorisé en m'accordant, en même temps qu'à notre grand poète Willem Kloos, le titre de membre d'honneur du Club, faveur, donnée à deux littérateurs seulement dans chaque pays faisant partie de notre grande société internationale. | |
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Je suis très heureux, Mesdames et Messieurs, de me trouver en face d'un auditoire de collègues, comprenant à peu près toutes les nations du monde. Tels que nous sommes ici, nous représentons donc la littérature entière de ce temps, puisque les littérateurs d'une nation ici présents, n'y figurent pas seulement comme créateurs de leurs propres oeuvres, mais comme symboles des Belles-Lettres complètes de leur pays. C'est donc le moment d'instituer une camaraderie infiniment variée, de nouer ou de renouer des amitiés dans toutes les directions, en nous rendant compte de ce que c'est que la littérature parmi les valeurs qui constituent la culture et la richesse d'un peuple. Eh bien, Mesdames et Messieurs, quoique les Beaux-Arts - la musique, la peinture, la sculpture, l'architecture - parlent plutôt un langage compréhensible pour tous les peuples, que ne le fait la littérature, même des plus grandes nations, - la littérature possède un caractère national, qui l'élève au-dessus de toutes les autres propriétés d'une race, d'un peuple, d'une culture. C'est par la langue qu'il parle, qu'un homme se manifeste comme Français, comme Italien, comme Allemand. C'est par la langue qu'il se fait comprendre par ses compagnons, par ses compatriotes, et que la communion entre les hommes s'établit, - c'est par la langue qu'il convainc, qu'il édifie, qu'il fait naîtie l'enthousiasme, qu'il fait pleurer et rire, qu'il rend quelquefois pour longtemps heureux ou malheureux, qu'il signifie ses plus solennelles promesses; c'est dans la langue que prend forme sa dernière pensée, son dernier sentiment, à son lit de mort; c'est dans la langue que se fait entendre la musique passionnée ou la musique très silencieuse et timide de son premier amour; c'est dans la langue, - la langue, qu'il a apprise de sa mère, - et c'est à cause de cela que nous appelons en Hollande, d'une façon jolie, la langue nationale la langue de mère, - c'est dans cette langue donc que comme tout petit enfant il aura bégayé les premiers sons se donnant l'allure de paroles. Or, par rapport à la littérature la langue est la matière, la matière très fine, très noble, très tendre, dont elle se sert pour sculpter, pour bâtir, pour chanter, ses ouvrages. La langue, qui déjà en soi a ses images, son architecture et | |
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ses chants, les confie au littérateur comme matière première pour qu'en des combinaisons, pour qu'en une composition supérieure, il l'élève jusqu'aux plus grandes hauteurs spirituelles, il l'élève jusque dans la sphère des plus hautes oeuvres d'art, de religion et de philosophie. Nous avons donc le droit d'être fiers, Messieurs et Dames, de notre vocation, en nous estimant les ciseleurs de la couronne des civilisations nationales, que sont les littératures, hauts artisans, heureux de se rencontrer aux congrès du P.E.N. Club, qui sont les assemblées d'une autre Société des Nations, moins matérielle, plus subtile que celle de Genève, ayant en vue le rehaussement du niveau de la spiritualité du monde par l'échange d'idées, de connaissance des Belles-Lettres, d'influences bienfaisantes pour notre oeuvre commune, l'art littéraire contemporain. Mesdames et Messieurs, - selon l'usage je vous appelle ainsi en faisant suivre les unes par les autres, quoique dans mon for intérieur un peu ancien je sois enclin à faire suivre les messieurs par les dames, non par ordre de rang ou de qualité, mais au contraire par ce que les reines de la création doivent être précédées et protégées et parce qu'on ne montre pas tout d'abord ce qui nous est le plus cher. Messieurs et dames donc, - je bois à votre santé et je bois pour souligner la satisfaction joyeuse que ressent la Hollande par la réussite remarquable du IXième Congrès du P.E.N. Club. |
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