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Brieven van Emile Zola aan J. van Santen Kolff
Paris, 9 février 1880.
Cher monsieur,
Je vous remercie mille fois de votre bonne lettre que j'ai lu avec le plus grand plaisir. Il est doux de se savoir des amis, lorsqu'on sait autour de soi tant d'adversaires. Voici mes réponses à vos questions. Il me serait très difficile de retrouver et de vous envoyer les feuilletons du bien public. Mais, très prochainement je vais publier un recueil de mes articles les plus importantes sur le théâtre, ou vous trouverez ce que vous me demandez. Retardez donc votre étude. Vous avez du voir que le Voltaire doit publier plusieurs de mes correspondances de Russie. Je compte aussi réunir des correspondances en deux volumes, un volume de portraits littéraires et un volume de questions généraux, qui seront mis en vente dans quelques mois. ‘Le Ventre de Paris’ a paru dans un journal qui a succédé à la Cloche, mais dont je ne puis retrouver le titre; ‘La Conquête de Plassans’ et ‘Son Excellence Eugène Rougon’ ont paru dans la Cloche; quant à ‘La faute de l'Abbé Mouret’ elle a été publiée directement en volume. ‘La Curée’ n'a pas parue dans le Siècle, mais dans la Cloche. Il me serait impossible aujourd'hui de vous donner les dates de publication. Veuillez écrire au Siècle. La Cloche a disparu depuis longtemps. Vous avez raison: il faut juillet ‘et non’ juin. La correction a été faite un peu tard, pendant le tirage.
Encore une fois merci, et croyez-moi votre bien dévoué
ÉMILE ZOLA.
Je vous enverrai ‘Nana’ dès son apparition dans huit jours.
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Paris, 10 mars 1880.
Cher monsieur,
Je ne vous ai pas encore remercié de votre bonne lettre. Vous me posez quelques questions auxquelles pourtant je veux répondre. J'ai peu lu Thackeray dans nos traductions anglaises; on m'a dit qu'il fallait lire Thackeray dans le texte, mais je goûte beaucoup ce que je connais de eet auteur bien qu'il ne soit guère dans le genre de notre race. Quant à George Eliot eet auteur vient à peine, je crois, d'être traduit dans notre langue. Je veux la lire. En somme, ce qui me rend un peu froid pour le roman contemporain c'est la façon étiquée et incomplète dont il étudie l'homme, en retranchant tout ce qui blesse les convenances. Comparez Dickens à notre Balzac, et vous comprendrez mon goût: je préfère l'anatomiste au peintre, le physiologiste au moraliste.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 30 décembre '83.
Mon cher confrère,
Je suis bien surpris que vos deux autres lettres ne me soient pas parvenues, car il suffit de mettre sur un lettre, Emile Zola, France, pourque cela m'arrive. Je me trouve accablé de travail, et je vais répondre brièvement à chacune de vos questions. J'ai parcouru l'ouvrage que M. Oscar Welten a publié sur moi, et je l'en ai remercié. Le livre m'a paru sympathique, bien fait, sans critique profonde pourtant. Je n'ai rien écrit depuis une campagne en dehors de mes romans. Depuis deux ans, j'ai complètement quitté la presse. Il est vrai que j'ai tiré un drame de mon roman ‘La curée’. Mais ce drame, à tête reposée ne me plait pas beaucoup, et je doute, que je le fasse jamais jouer. Je ne me rappelle plus si, dans le ventre de Paris, la phrase sur Gervaise a été intercalée après coup. Il n'y aurait pourtant rien d'étonnant à ce quelle fût dans la première édition, que je n'ai pas sous la main, car beaucoup de mes romans ont des sujets arrêtés longtemps à l'avance. Et il me reste de vous remercier de votre grande sympathie. Je me sens bien heureux de me savoir des amis à l'étranger, ce qui compense un peu mes ennemis de France.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 9 sept. '84.
Cher monsieur,
Il est parfaitement vrai que mon prochain roman ‘Germinal’ est l'étude d'une grêve dans le cadre d'une mine de houille. Je suis en effet allé au Auzin, et les quelques lignes que vous avez lues dans les Victimes du devoir étaient prises à mes notes. Le roman commencera à paraitre dans le Gil Blas vers le 25 novembre et durera jusqu'à février, car il sera, je crois, un des mes plus longs. J'en suis content, mais cette question sociale est fort dure à étudier. Toutes les nouvelles dont vous me parlez ont d'abord paru dans une Revue de Russie, le Messager de l'Europe, traduites en russe. Ce n'est que plus tard que je les ai publiées en France. Non je ne sais où vous pourriez vous procurer ma préface du catalogue Duranty. Si j'en retrouve un exemplaire je vous le donnerai. En 1883, j'ai passé deux ans à Benodet, en Bretagne, près de Quimper seulement je n'ai pu écrire là que deux chapitres de la ‘Joie de vivre’, la mort de la mère et le suivant. Merci encore de votre bonne amitié littéraire. Je suis très heureux d'apprendre qu'on commence à me traduire en Hollande et je vous envoie une cordiale poignée de main pour cette bonne nouvelle.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 8 décembre '84
Cher monsieur,
Ma prétendue lettre, au sujet des femmes internes est une simple mystification. Un chroniqueur du Gil Blas, dans un article fantaisiste c'est amusé a parodier le style de quelques écrivains, en imaginant des lettres ou chacune d'eux donnait opinion. Evidemment le journal de Berlin a pris ce jeu pour une belle et bonne réalité, et de là l'erreur. Je me suis complètement retiré de la presse, j'ai bien assez de travail avec mes romans. ‘Germinal’ durera, dans le Gil Blas jusqu'au le 12 février. Ce roman m'a en effet donné beaucoup de mal, et je crains qu'il ne soit guère compris. Le succès s'en annonce pourtant très vif. Je n'ai absolument pas fondu mon idée d'un roman judiciaire dans celle de ce roman socialiste. Etienne Lantier doit être, simplement le héros des deux romans. Je sais qu'une traduction paraît en Allemagne et en Autriche.
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Quant à George Eliot, dont vous me parlez, elle a écrit certainement des romans très remarquables, mais elle est si loin de notre formule naturaliste française, que j'avoue ne pas la goûter autant qu'elle le mérite.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 23 Février 1885.
Cher monsieur,
Merci de votre grande admiration. Ça me réconforte, du sortir de ce grand et lourd travail de Germinal. Je me repose un peu dans ce moment, très las de cervelle et de corps. Enfin je serais heureux, si je trouve seulement quelques lecteurs comme vous. Le roman paraît le 2 mars chez Charpentier. Ne l'achetez pas, je veux me faire le plaisir de vous l'adresser moi-même.
Je ne connaissais pas la revue de M. Conrad; mais je savais que M. Conrad était un de mes défenseurs en Allemagne. Je lui suis bien reconnaissant de tout ce qu'il fait pour me faire connaitre. Je n'ai rien reçu de votre part, mais je vous remercie pas moins de vos efforts pour me populariser en Hollande.
Merci encore et bien cordialement à vous.
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Médan, 6 juillet '85.
Cher monsieur,
J'ai bien reçu vos deux lettres et j'ai à vous remercier de tout mon coeur de la peine que vous avez prise à traduire les articles de M.M. Zabel et Bleibtreu, pour m'être agréable. Comme vous l'avez pensé, ces articles, si élogieux, m'ont causé une grande joie en me prouvant qu'on commence à me comprendre, hors de France, Ils sont, certain, exagérés dans l'admiration; mais cela est si bon de se sentir aimé et compris.
Ma reconnaissance va surtout à vous, car si vous ne veillez pas là bas, je n'aurais rien vu de ces deux belles études.
Merci donc, et merci encore.
Je me suis mis à mon prochain roman, et ce roman, en effet, a pour milieu le monde litéraire et artistique. J'ai repris mon Claude Lantier, du Ventre de Paris. C'est toute mon jeunesse que
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je raconte, j'ai mis là tous mes amis, je m'y suis mis moi-même. Je veux surtout étudier comment pousse l'oeuvre d'art, et j'ai un drame de passion en travers du livre, qui intéressera, je crois.
De nouveau merci, et bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 26 juillet '85.
Mon cher confrère,
Excusez-moi de n'avoir pas répondu tout de suite à votre lettre. J'ai été très occupé et un peu souffrant.
Certainement, je vous autorise à vous servir de ma lettre, de toutes mes lettres. Je sais que c'est pour le bon motif.
Maintenant, je réponds par ordre à vos questions.
1. Non, le Midi ne trouvera pas place dans mon prochain roman. J'ai dû supprimer cette partie, ou du moins la réduire à quelques pages, pour des raisons de composition.
2. Le roman s'appellera sans doute l'oeuvre. J'ai beaucoup cherché, je n'ai rien trouvé qui indiquât mieux le sujet. C'est en effet l'histoire d'une oeuvre, la genèse et le drame de l'oeuvre dans le cerveau d'un artiste.
3. Il n'est pas encore certain que ‘l'Oeuvre’ paraîtra dans le Gil Blas. On me fait de très grosses propositions ailleurs. Le roman commencera à paraître en novembre ou décembre.
Quant à mes feuilletons inédits du Voltaire je vous donne bien volontiers l'autorisation de les traduire et de les publier dans la Revue de M. Conrad C'est une bonne idée, dont je vous remercie.
Vous êtes mon fidèle défenseur, et je me dis bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 14 février '86.
Je vous réponds en hâte et brièvement, mon cher confrère, car je n'aurai fini ‘L'Oeuvre’, que dans une dizaine de jours, et je suis accablé de travail. Merci mille fois de votre article sur ce nouveau roman. Et merci des impressions que vous me communiquez et qui me font grand plaisir.
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Vous me posez une question sur la divergence des critiques qui ont parlé de ma façon de travailler. Tout ont raison. La vérité est que j'écris mes livres sans recopier et sans trop de ratures; seulement, je corrige ensuite beaucoup sur les épreuves. Le feuilleton du Gil Blas lui-même me sert d'épreuve, et si vous vous amusez jamais à collationner ce feuilleton avec le volume, vous trouverez entre les deux textes de nombreuses differences.
Le prétendu extrait du ‘Petit Rouennais’, dont vous me parlez, est une simple petite lettre que ce journal m'avait demandée pour servir de préface à sa publication de ‘Germinal’ et vous avez eu, dans le Gil Blas la lettre entière, je ne pourrais vous en envoyer davantage.
Je savais que M. Natschez s'occupait de moit, et je l'en remercie vivement.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 27 mai '86.
Cher monsieur et confrère,
Je vous remercie mille fois de la peine que vous avez prise de me traduire les principaux passages des articles de M.M. Zolling et Zabel. Les articles sont fort sympathiques et m'ont fait le plus vif plaisir. Je vous remercie aussi de votre seconde lettre ainsi que des autres bonnes nouvelles qu'elle me donne.
Mais vous me terrifiez vraiment, en demandant des notes sur mon prochain roman: ‘la Terre’. Je travaille encore au plan, je ne me mette à écrire que dans une quinzaine de jours: et ce roman m'épouvante moi-même, car il sera certainement un des plus chargés de matière, dans sa simplicité. J'y veux faire tenir tous nos paysans avec leur histoire, leurs moeurs, leur rôle; j'y veux poser la question sociale de la propriété; j'y-veux montrer où nous allons, dans cette crise de l'agriculture, si grave en ce moment. Toutes les fois maintenant que j'entreprends l'étude, je me heurte au socialisme. Je voudrais faire pour le paysan avec ‘la Terre’, ce que j'ai fait pour l'ouvrier avec ‘Germinal’. Ajoutez que j'entends rester artiste écrivain, écrire le poème vivant de la terre, les saisons, les travaux des champs, les gens, les bêtes, la campagne
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entière. Et voilà tout ce que je puis dire, car il me faudrait autrement entrer dans des explications qui dépasseraient mon courage. Dites que j'ai l'ambition démesurée de faire tenir toute la vie du paysan dans mon livre, travaux, amours, politique, religion, passé, présent, avenir; et vous serez dans le vrai. Mais aurai-je la force de remuer un si gros morceau. En tout cas, je vais le tenter.
Merci encore de votre dévouement, et veuillez me croire votre bien reconnaissant et bien dévoué
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 29 juillet '86.
Votre surprise, mon cher confrère, m'a été très agréable et m'a beaucoup touché, car je vois que vous ne laissez passer une occasion de m'être utile. En effet, une telle étude était imprévue, intéressante, fertile en point de vue cureaux. J'ai pu suivre le sens général sur le texte, grâce aux indications, contenues dans votre lettre. Merci, mille fois merci.
Vous dites vrai, je suis en plein travail, pour mon roman ‘la Terre’. Mais c'est une besogne terrible, je ne compte pas être prêt avant mars, et je doute que je publie cette fois l'oeuvre en feuilleton. Pourtant, rien n'est décidé. Je ne suis pas mécontent des quelques chapitres faits; seulement, le sujet me déborde, il est si vaste, car j'y veux faire tenir toute la question rurale, en France, moeurs, passion, réligion, politique, etc. etc. Enfin, je ne puis que me donner tout entier, et c'est ce que je fais: le reste est hors de ma puissance.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 9 nov. '86.
Mon cher confrère,
Merci d'abord pour les bonnes nouvelles que vous continuez à me donner. Je suis très touché de votre fidélité et de votre empressement à m'être agréable.
Je réponds maintenant à vos quelques questions.
J'ai en effet écrit une lettre à M. Mons au moment où nous avons traité avec lui pour la représentation en Amérique de
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‘Germinal’ interdit; cette représentation est d'ailleurs reculée là bas comme en France, tant la peur est grande de la vérité sur les misères sociales. La lettre a paru dans tous les journaux de Paris; mais je ne puis vous donner la date, et je n'en ai pas un seul exemplaire. Je n'ai d'ailleurs publié aucune autre lettre depuis de longs mois.
Je dois toujours faire une préface pour la ‘Femme d'un Cabotin’, mais le livre ne paraîtra pas en librairie avant plusieurs mois. Je vous le ferai envoyer.
Je n'ai aucune connaissance d'une série de biographies qui aurait paru sous le titre ‘Personnalité contemporaines’.
Enfin, je travaille toujours à ‘la Terre’, mais je ne suis pas encore à la moitié du livre. J'ai dû prendre des vacances eet été étant très bas. Le livre ne peut plus paraître avant mai.
Je ne sais encore si je le publierai dans un journal, et quel sera ce journal. Vous et mes amis me conseillent d'arriver directement au public avec le livre, car les coupures des feuilletons font le plus grand tort à nos romans de vérité et d'analyse. Il est encore vrai que le personnage central sera Jeanne Macquart et que l'action se passera dans la Beauce. Mais tout cela est d'une réalisation encore lointaine.
Merci de nouveau, mon cher confrère, et croyez-moi, votre bien cordial et bien reconnaissant
ÉMILE ZOLA.
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Paris, 12 mars '87.
Mon cher confrère,
Merci d'abord, et toujours pour vous bonnes nouvelles, qui me sont chères. Maintenant je vais répondre ibrièvement à vos questions.
Si je ne signe pas les drames que Busnach tire de mes livres, c'est que je n'en accepte pas la paternité; et, dès lors, je ne puis vous dire quelle est ma part de collaboration à la pièce, ce qui serait difficile d'ailleurs. Si le sixième tableau a été signé de mon nom, dans le Figaro, il n'y a là qu'une simple erreur. Il faut royer cette signature. Busnach seul a la responsabilité devant le public, et seul il doit signer.
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Je n'en suis encore qu'aux deux tiers de ‘la Terre’. Ce roman, qui sera le plus long de ceux que j'ai écrits, me donne beaucoup de mal. J'en suis content, autant que je puis l'être, c'est a dire avec ma continuelle fièvre et mon éternel doute. Il paraîtra dans le Gil Blas, mais la date n'en est pas encore fixée exactement, peut être vers le 10 avril, peut être vers le 15 mai; dans huit jours, cela sera réglé.
Le drame: ‘Le Ventre de Paris’ paraîtra certainement chez Charpentier à une époque qui n'est pas fixée, et ma lettre à Sarcey lui servira sans doute de préface. Peut-être ajouterai-je quelques pages.
J'écrirai la préface pour ‘La Femme d'un cabotin’, mais quand?
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 9 juillet '87.
Mon cher confrère,
Quelques lignes de réponse, en hâte, en bousculade de travail.
D'abord, merci encore, et toujours, pour les bonnes nouvelles que vous me donnez. Vous serez bien, bien aimable de me renseigner, sincèrement, sur l'effet produit à Berlin, par ma ‘Thérèse’, Je n'ai personne là bas, de dévoué et de franc, sur qui je puisse compter.
Maintenant, j'ai le regret de ne pouvoir vous donner d'une façon exacte le renseignement que vous me demandez. Ma phrase à Lapommeraye se trouve dans une lettre que j'ai écrite à M. Laforêt à propos du ‘Ventre de Paris’, et que celui-ci a donné dans un de ces articles du Gaulois. Mais je n'ai pas la date ici. L'article intitulé, je crois ‘Carillons dramatiques’ a dû paraître vers les derniers jours de février. Cette lettre de moi n'a d'ailleurs aucune importance par elle-même.
Non, certes, je ne suis pas allé à Anvers. Je suis un déplorable voyageur, le travail a mangé ma vie. C'est à peine si je prends trois semaines de vacances par an, ce qui fait que jamais je ne suis sorti de France.
Merci encore, et bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Médan, 7 juillet '87.
Mon cher confrère,
Je vous dis toujours merci, puisque c'est toujours merci que j'ai à vous dire. Votre surprise m'a été des plus douces et des plus inattendues, car vous avez certainement écrit sur La Joie de Vivre le meilleur article que je connaisse. Et le prix en est doublié par l'originalité qu'il y avait, à le publier dans un journal musical. Cela est une bonne propagande pour mes idées à l'étranger. On me connait si peu et si mal, que mes amis seuls peuvent détruire la mauvaise légende. Merci, merci et merci!
Maintenant, le plus nettement possible, je vais répondre à vos quelques questions. L'idée de ce que vous nommez votre catalogue-Zola m'intéresse naturellement beaucoup. J'en parlerai très volontiers à Charpentier, lorsque ce travail sera fini. Pourtant, je crois qu'il ne sera vraiment intéressant que lorsque ma série du Rougon-Macquart se trouvera, complètement terminée, dans cinq ou dix ans peut-être.
Je connais la côte de Normande, de Lion-sur-mer à Cherbourg, pour avoir passé des étés dans plusieurs stations, notamment au Saint-Aubin, en '75, et à Grand-Camp en '81. Je suis allé en voiture de village en village, et je puis vous dire que Bonneville n'est autre que Vierville, entre Port-en-Bessin et Grand-Camp, un Vierville arrangé. Le plus souvent, je crée ainsi le hameau dont j'ai besoin en gardant les villes voisines, telles qu'elles existent. Cela me donne plus de liberté pour mes personnages. C'est ce que j'ai encore fait dans ‘la Terre’. Rognes est inventé, et je me suis servis d'un village, Romilly-en-Beauce, en le modifiant. C'est au mois de mai que je suis allé passer quinze jours à Chateaudun et à Cloyes, pour prendre les notes nécessaires. J'avait fait le même travail à Auzun, qui m'a donné le Montson de ‘Germinal’. En général, une quinzaine me suffit, je préfère une impression courte et vive. Quelque fois pourtant, je retourne revoir les lieux, au cours de mon travail. Coque-ville et Grand port sont inventés. Il m'arrive pourtant de garder les vrai noms et de donner une description absolument exacte: ainsi le Piriac, des Coquillages de M. Chalbre, où j'ai passé deux mois avec la familie de Charpentier, en '76, et l'Estaque de ‘Nais Micoulin’, où j'ai vécu cinq mois en '77. J'ai du resté été élevé à Aix, qui est voisin.
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Voilà, brièvement, mes réponses. Excusez-moi, si je n'entre pas dans plus de détails, c'est que je suis écrasé de fatigue. Mais questionnez-moi toujours, j'ai grand plaisir à vous répondre, et je suis tout à votre disposition.
Bien cordialement,
ÉMILE ZOLA.
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Médan 30 octobre '87.
Mon cher confrère,
Je rentre seulement à Médan, après une absence de deux mois, et je me hâte de vous répondre. J'ai passé six semaines charmantes à Rogan, mais beaucoup d'ennemis, en dehors de la littérature m'attendaient à Paris, se qui m'a gâté un peu mes vacances. Enfin, il faut vivre.
Si ‘la Terre’ n'a pas paru et ne paraîtra que le 15 novembre c'est tout simplement que le volume n'est pas prêt. J'ai été pris de grandes paresses, j'ai trainé pour les corrections littéraires que j'ai l'habitude de faire sur les feuilletons; et c'est ainsi que les épreuves sont restées sur ma table de travail. Je n'était pas fâché d'autre part de laisser un peu de calme se faire avant de lancer le volume. Jamais je n'ai eu l'idée d'écrire une préface. Mon livre se défendra tout seul et vaincra, s'il doit vaincre. J'en suis content; je crois qu'un retour d'opinion se produira en sa faveur.
Non, en dehors des conversations que j'ai eues avec Valette, je n'ai rien communiqué aux journaux, Mais c'est effroyable le nombre d'articles qui a paru. Ah! qu'ils sont bêtes! Je suis bronzé; jamais je n'ai été aussi calme pendant cette bagarre imbécile.
Vous serez aimable de m'envoyer pour ma collection, les deux caricatures dont vous me parlez.
Merci encore de votre bonne sympathie, et bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
L'impression du volume n'avance pas, entravée par des corrections.
Merci encore, et bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
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Paris, 14 novembre '87.
Mon cher confrère,
Enfin, ‘la Terre’ sera mis en vente demain à Paris. Dès hier, votre exemplaire a dû partir pour Berlin. Merci encore et toujours pour les bonnes nouvelles que vous me donnez d'Allemagne.
Je réponds brièvement à vos questions, car je suis bien bonsculé en ce moment. Non, je ne puis m'occuper encore de la guerre avec Jean Macquart: ce roman ne sera que le dix-neuvième, l'avant dernier. Mon prochaine roman sera une bien grosse surprise, une fantaisie, une envolée que je crédite depuis longtemps. ‘La Femme des Cabotin’ est toujours sous presse. On va sans doute imprimer proohainement ‘Le Ventre de Paris’. ‘Germinal’ ne sera guère joué avant les premiers jours de mars. Quant à l'étude de M. Abraham Dreyfus, dans laquelle se trouve en effet une lettre de moi, mais peu intéressante, elle a été publié par la Revue Bleue, boulevard Saint-Germain 111. J'ignore malheureusement la date.
Bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
Merci de votre bonne lettre. En somme, je ne suis pas mécontent de cette bataille à Berlin. Mais imaginez-vous que ‘Thérèse Raquin’ est classique en Italie, en Espagne, en Portugal, où on la joue couramment; serait ce donc une question de latitude? N'importe! le tout est de remuer les foules. L'indifference seul tue. Il faut être exclué pour être aimé.
Merci encore, et bien cordialement à vous.
ÉMILE ZOLA.
Je n'ai rien écrit sur Balzac, et les reporters sont des ânes, qui ne savent même pas répéter clairement ce qu'on leur a dit.
Cordialement,
ÉMILE ZOLA, Médan.
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