De Nieuwe Gids. Jaargang 44
(1929)– [tijdschrift] Nieuwe Gids, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Une renaissance de la langue Française? par Frédéric Egger.En France le mouvement littéraire se répartit en deux tendances opposées: l'académisme et les novateurs. L'académisme est de pure tradition classique, défend la langue contre les innovations, révolutions de tous les auteurs insatisfaits en quête de formes nouvelles Ceux-ci cherchent une expression d'eux-mêmes qui leur soit personnelle. Avouons que ce n'est pas facile. Dans tous les pays, mais particulièrement en France, tout a été dit, toutes les expériences ont été faites, tous les procédés, tous les genres, tous les styles ont été employés, du 16ième siècle à nos jours. Il ne reste plus qu'à se taire, disent les uns: les modernes à outrance, les anti-intellectuels partisans de l'action et de la femme à l'auto. D'autres, partisans de la tradition, déclarent: ‘ne renonçons point à penser ni à écrire, mais revenons à la clarté classique et latine de nos ancêtres. Cessons de tout embrouiller et, sous prétexte de trouvailles originales, de détruire ce qui fait aux yeux du monde la valeur du génie français: clarté, concision, brièveté et propriété de termes, logique, absence de périphrase et de parenthèses, distinction des genres. Enfin les novateurs. ‘Vos règles, vos formules, vos principes?’ répondent-ils, ‘nos prédécesseurs ont eu le mérite de les forger et d'en tirer un instrument adapté à leur époque, un style qui l'exprime. Etre Français, ce n'est point les imiter. C'est en s'inspirant d'eux recréer un style nouveau adapté à notre vingtième siècle. | |
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Les vigoureux, ayant dépendu les vieux cadres jetés pêle-mêle sur le plancher du vieux magasin rhétorique, marchaient dans le tas et faisaient tout craquer. Ils sont partis se rafraîchir autour du monde, télégraphiant aux éditeurs leurs impressions dans un style défiant l'intelligence. Par devers eux ils sentent monter une force étrangère et aveugle, ces vastes réseaux ferrés, ces locomotives vibrantes faisant trembler l'écho des gares, ces usines précises et ces antennes de métal, avions, paquebots, cerclant la terre où se concentre, là, cette vigueur primitive dont se vidaient les mots exsangues, anémiés d'étymologie et d'antiquaille. Il y a, parmi ces révolutionnaires de la littérature, des modérés et des extrémistes de toute nuance; comme à la Chambre. Pour ne pas se perdre dans le détail, il convient de constater les deux tendances en question et un parti moyen, que représente assez bien le groupe de la N.R.F. (Nouvelle Revue Française) avec Gide, Proust, Valéry, Claudel, Romain, Rivière, Thibaudet, Duhamel, - pour le roman l'éditeur Grasset avec Morand, Cendrars, Montherland, Delteil, et le romancier vaudois C.F. Ramuz. Enfin Jean Cocteau, l'équilibriste et son groupe de chercheurs a la fois audacieux et positifs; puis plus à droite, tendant à un dépouillement classique mais moderne: Maurois et Kessel (N.R.F.). Nous ne prétendons pas les citer tous. Il y en a une telle foison, qu'on y mettrait des pages. Il s'agit simplement de déterminer une tendance. Examinons les reproches que des lecteurs superficiels ont souvent fait à maint d'entre eux. On verra qu'ils se résument en ceci: ‘vous n'écrivez pas en français, vous n'avez pas le génie de la langue; vous vous laissez influencer par l'étranger et avec les meilleures intentions du monde ou par démangeaison de gloire, vous trahissez votre race. On verra comment ce conflit met en cause tout spécialement le petit pays de suisse Romande, où s'opposent les deux races, nordique et méridionale, et d'une façon générale deux styles et deux pensées européennes dont disputèrent un jour Gérard Bolland et l'espagnol Eugénio d'Ors. Quel est en France l'apport étranger? Le génie français aura-t-il d'ici un siècle la destinée de cristalliser les formes | |
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essentielles de la pensée européenne et d'assurer à la civilisation occidentale cette communauté de pensée que le grec et le latin donnèrent au monde romain? Déjà un Romain et un Chinois ont choisi la forme française pour y inscrire leur oeuvre...Ga naar voetnoot1) Mais n'anticipons pas. A Lausanne un Hollandais et un Suisse romand se sont un jour rencontrés. Ils se sont tôt aperçu que le problème des races les intéressait l'un et l'autre quoique différemment. Ils proposent aux lecteurs de ce journal un débat d'urgente actualité et sont prêts à répondre à leurs objections sur ce premier point: la langue française est susceptible d'élargir sa forme sans rien perdre de sa nature, et d'exprimer tous les types de pensée occidentale.
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Mais il convient auparavant de résumer les objections que l'on a faites en France aux auteurs nous permettant cette affirmation. Proust fait des phrases trop longues. Il faut faire un effort pour suivre les détours de sa pensée avec ses incidentes, ses parenthèses, ses périodes qui s'emboîtent les unes dans les autres, parfois à travers la page. Ce n'est pas la pure tradition de Voltaire. Valéry est obscur à force d'être dense. Il est précieux, hermétique. Il fait des rapprochements inattendus qu'il ne se donne pas la peine d'expliquer, de mettre en scène. Il brise les lois de la logique pour se créer des lois artificielles à son usage. Claudel dans ses rythmes, reste à mi-chemin entre la prose et les vers. Il ne distingue pas les genres. Morand, Cendrars et les autres romanciers de l'action ont un style-cinéma, un style-télégramme défiant la syntaxe. Cocteau jongle avec les machines à écrire, les phonos et autres accessoires. Il joue sur les mots. Ramuz enfin, ânone et bêtifie à plaisir dans une espèce de patois vaudois francisé où les naïvetés et les répétitions voulues alourdissent la phrase. | |
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‘En d'autres termes,’ répondent les modernes, ‘tous affirment la primauté de la matière sur la forme et se donnent le droit de briser et recréer la forme traditionnelle si la matière l'ordonne. Proust astreint son oeuvre à la forme même de ses souvenirs, Valéry la sienne à celle de ses idées, Morand, Cendrars ont un style de voyage qui rend la sensation de vitesse. Ramuz, celle de lourdeur paysanne’. Tel est le caractère de cette renaissance. Or le Français se distingue par la netteté, la pureté de sa forme dominant la matière. On voit que cette révolution pose en France même le problème des races. Dans quelle mesure? C'est ce que nous verrons aus prochains articles. |
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