64 Stefan Zweig
Sa dernière lettre, que je reçus un jour avant sa mort, était signée ‘ton ami des profondeurs du siècle dernier’. Pendant plus d'un quart de siècle en effet nous fûmes liés par une virile et fraternelle camaraderie et je sais peu de choses dans ma vie, dont j'aie été aussi fier que de son inébranlable confiance au cours des années claires comme au cours des années sombres. [...] Disait-on de quelqu'un: ‘C'est un ami de Bazal!’, c'était la plus précieuse des garanties et cela voudrait dire: un homme loyal, sûr, qui ne pactise pas, un ‘camarado’ au sens de Walt Whitman, son modèle et son maître. Pendant toutes ces années j'ai infiniment appris de lui, car, dans cette vie modeste qu'il a vécue presque terré loin de tous les bruits du monde, il donnait l'exemple splendide de cette vertu de l'artiste qui est devenue une véritable rareté: l'indépendance. [...] Rester libre, voilà ce qu'il voulait, et il l'est resté.
Europe, 15.6.1929, p. 157-158.