Mededelingen van het Cyriel Buysse Genootschap 2
(1986)– [tijdschrift] Mededelingen van het Cyriel Buysse Genootschap– Auteursrechtelijk beschermd
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4Nevele, le 12 Mai 1893
Mon cher Albert,
Pour ne plus l'oublier, voici, en détail, un tas de renseignements dont vous pourrez tirer profit, si vous allen en Amérique. D'abord, ce n'est pas une question de médiocre importance, que le choix du steamer avec lequel vous ferez la traversée. Voici une nomenclatureGa naar voetnoot(1) des principalen lignes avec leurs défcuts et leurs qualités. 1o La Cunard line. Partant de Liverpool pour N. York chaque Samedi. A partir du mois de Juin, cette ligre possédera les deux plus grands, plus beaux et plus rapides navires à double hélice de l'océan. Ce sont La Campanic et la Lucania. Ces navires feront la traversée en 5 jours. Les autres bateaux de cette ligne L'Etruria et L'Umbria roettent 6 jours minimum. Le Servia et l'Aurania 7 à 8 jours. Ligre renommée pour sa sécurité et sa détestable cuisine. C'est la ligre des richards Américains. 2o La White Star Line. Départs de Liverpool chaque Mercredi. Deux navires rapides et splendides à double hélice faisant la traversée de 5½ à 6 jours, le Teutonic et le Majestic. Tous les autres navires très lents. C'est la ligre qui, actuellement a la vogue. Le public y ent plus ‘gemüthlich’ que sur les Cunard et la cuisine beaucoup meilleure. 3o Hamburg-American-Packet Co[.] Departs de Hambourg le Vendredi avec escale à Southampton le Samedi. Quatre steamers express à double hélice: le Fürst Bismarck, Augusta Victoria, Normannia et Columbia. Traversée de 6 à 7 jours de Southampton. Cuisine délicieuse, société de musique à bord, mais navires trop rouleurs et avec cela les plus chers de l'océan. 4o L'American Line. Départ de Southampton le Samedi. Traversée 6 jours par les deux steamers express New York et Paris. Les autres navires de cette ligre très lents. Je suis rooi-même revenu avec le New York et je n'ai eu qu'à m'en loner. Ce sont des navires | |
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immenses et très luxueux. La cuisine est bonne, les prix sont modérés[.] 5o Nordde[u]tscher Lloyd. Partant de Brème le Mardi avec escale à Southampton le jour suivant. Navires peu recommandables. Il y a deux steamers rapides, le Havel et la Sprée mais ils sont à simple hélice et on page très cher comme sur tous les bateaux Allemande. Il est vrai qu'on y tient un banquet perpétuel et que la cuisine est encore meilleure que sur les steamers de la Hambourg Co. C'est la ligne des gastronomes. 6o La Compagnie Transatlantique Française. Départ le Samedi, du Hâvre. Cette ligne, la plus coûteuse de toutes s'abime de plus en plus dans un discrédit complet. Mauvaise cuisine; mauvais public de commis-voyageurs et de joueurs, capitaines insouciants et négligents, rien n'y manque. Il fait bon d'y avoir l'oeil au guet et la main sur la bourse. Enfin, it y a les lignes secondaires comme la Red Star Line par exemple, où l'on n'est pas si mal et qui ne sont pas chères mais qui ont ce désavantage, décisif pour bien des geus, d'avoir des navires qui roettent des 10 et 12 jours à faire le voyage. Voici maintenant, en général, quelques conditions pour faire un bon voyage. 1o Toujours, de préference, ne prendre qu'un navire à double hélice. En offet, ces navires là ont 2 machines absolument distinctes Tune de l'autre, de sorte que, si l'une se casse, il reste encore l'autre en réserve. De plus, la force étant divisée sur 2 hélices, le danger de casse est infiniment moindre. C'est pourquoi les navires rapides à hélice simple comme le Havel, la Sprée, l'Umbria et l'Etruria, etc. où toute la force est accumulée sur un arbre de couche unique sont très dangereux[.] La Sprée et l'Umbria ont tous deux eu leur arbre de couche cassé en plein océan, cet hiver. De plus encore, la double hélice donne au navire une stabilité bien plus grande. Et, justement, voilà encore une chose des plus importanter. Sur un navire rouleur ou tangueur vous êtes malade tout le temps. Sur un navire à double hélice vous ne sentez presque rien. Les rouleurs les plus célèbres de l'océan sont d'abord tous les vaisseaux Français la Touraine seule exceptée. | |
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Puis tous les navires Allemande, y compris les 4 de la Hambourg Co. parcequ'ils sont trop courts; mais les deux qui décrochent la timbale et qui sont connus par tous les voyageurs, eest le Lahn, de Brême, avec lequel j'ai fait une traversée, et l'Aurania, de la Cunard, qu'on pourrait classer hors concours, parait-il, tellement ça y va. Maintenant, pour les prix du voyage. Cunard, White Star et American ont à peu près le même tarif, la White Star peut être un peu plus chère que les 2 autres. Pour 600 francs j'ai pu avoir un ticket aller et retour en 1re. En payant 100 fr de plus j'avais wie cabine pour moi tout seul. Je vous engage très vivement à prendre une cabine pour vous seul. Moi j'ai pour règle de demander à la Cie le tarif le plus ré-duit pour une cabine seul, aller et retour. Il faut savoir qu'on vous compte le prix, selon la grandeur et la situation de la cabine. Il y a des cabines qu'on paye jusqu'à 2500 fr pour une seule traversée. Mais, si vous êtes seul dans votre cabine, et qu'elle est 1e classe elle sera toujours assez grande et assez bien située et vous en serez content; tapdis que, bien souvent, vous vous plaindrez d'une cabine plus belle et que vous payerez peut être plus cher, si vous devez l'occuper avec un compagnon. Dieu sait quel compagnon on vous donne! C'eet souvent un être grossier, insupportable; it gagne le mal de mer, see offets vous gênent, il fait du bruit la ruit, etc. etc. enfin mille misères mutuelles qu'on donnerait tout pour éviter. Enfin, si vous me demandiez de spécifier un choix, je vous conseillerais beaucoup de prendre un aller et retour par un des steamers New York ou Paris de l'Américan Line parce que j'ai l'expérience qu'on y est bien. Je ne crois pas que vous trouverez mieux sous tous les rapports. Arrivé à N. York, vous n'aurez aucune difficulté avec la douane. Vous pouvez bien avoir encore 50 cigares dans votre malle, si vous voulez. Mais, je m'aperçois que j'oublie de vous donner encore quelques renseignements concernart le navire. - D'habitude on donne 10 shillings de pourboire au garçon qui vous sert à table et autant à celui qui fait votre lit. Si vous fréquentez le | |
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fumoir, vous deuren donner 5 shillings au garçon du fumoir et il faudra aussi 2 shillings pour le cineut de bottes. Certains soirs il y aura des concerts: concert pour les veuves et orphelins de matelots; concert au bénéfice de la société de musique du bord, s'il y en a une; concert pour la jeune fille des troisièmes à qui l'on a volé son potte-monnaie. Ceci est une tradition, presque une institution: je n'ai jamais fait un passage sans qu'il y eut dans l'entrepont une jeune fille dopt on volaft le potte-monnaie. Tout cela coute quelques shillings inévitables. A bord, it vous faut des vêtements, tout au moins un paletot, d'hiver, même en plein été; et it est bon aussi d'avoir une malle de cabine assez grande pour y mettre des chemises et un costume de rechange. - Ne pas oublier non plus d'apporter dans vos malles votre costume de soirée. Si l'on vous invite quelque part à diner ou au théâtre, it faut y aller en habit. Vous constateren qu'à N.Y. on s'habille très chic et qu'on y fait beaucoup de luxe de toilette. Arrivé à N.Y. done, la première chose à éviter eest de prendre un Eiacre. Si vous vous y risquez vous en aurez pour 5 dollars quand même la course ne durerait que 5 minutes. Vous laissez tout simplement vos malles au débarcadère après avoir chargé l'expresman (il y en aura là des douzaines) de conduite vos malles à telle ou telle adresse. L'expres-man est un camionneur, un employé dune vaste institution qui s'appelle L'Expres Company et qui se charge, moyennant 2 francs 50 pièce de conduite vos malles à domicile. Vous pouvez vous adresset de confiance au premier qui viendra à vous; vous lui donnerez l'adresse, it vous remettra un ticket, on collera un autre sur vos malles et vous n'avez plus à vous occuper de riep: cela arrive à bon port, comme une lettre à la poste. Si vous comptez resten a N.Y. plus dune semaine, je vous conseillerais d'occuper une chambre garnie. Vous payerez cela G à 7 dollars par semaine sans déjeuner. Sinon, it faudra aller à l'hôtel ou vous payerez au moms 2 doll. par jour pour logement seul. Il y a à N.Y. une quantité d'hotels recommandables, mais tous très grands, tous très cher. Le Brunswick hotel serait peut être encore ce qui vous conviendrait le mieux. C'est en plein beau- | |
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centre de N.Y. et tout le monde y parle français, comme dans tous les grands hotels, du reste. Il y a aussi l' Hotel Martin, tout à fait français celui-là, mais où l'on retrouve exactement le même monde que sur les steamers français. Enfin, à part ces deux hotels là je ne puis que vous indiquer tous les grands hotels américains en bloc, ils sont à peu près tous du même type. Si vous vous décidiez plutôt à prendre un quartier, ne fût-ce même que pour une semaine, écrivez un mot à Van Iderstine, 1'employé de Friedlaender, celui-là vous trouvera tout ce qu'il y a de meilleur. Maintenant, si, habitant l'hotel, vous y prenez vos repas, vous payerez, Brunswick et Martin exceptés, des prix exorbitants. A Brunswick et Martin on sert à partir de 6 heures un diner régulier et très bon à 5 francs sans le vin, mais dans tous les hôtels américains c'est à la carte et ça c'est ruineux. Moi, à N.Y. je ne faisais pas de très grands frain de table. Les jours ordinaires j'allais déjeuner et diner dans les restaurants français où l'on vous sert pour 2 frs. 50 un excellent repas, une demie bouteille de vin et le café compris. Il faut aller là, ne fût-ce qu'une fois. C'est inouï ce que l'on vous y donne pour votre argent et tout est propre et très bon. Pour ces pauvres 2.50 on vous donne 1 potage, 1 poisson, 2 viandes, du dessert, du fromage, vin et café. La même chose, dans un restaurant américain à la carte couterait 15 francs. De sorte que, selon moi, it faut éviter le restaurant américain, qui est cher et mauvais par dessus le marché. Voici les adresses de ces restaurants français dont je parle 1o Restaurant Pecq, entre Church street et la 6e Avenue. C'est au bas de la ville, en plein quartier des affaires. Ouvert seulement de 12 à 3½ de l'après midi. - C'est dans un sous-sol et c'est celui des endroits où l'on mange le mieux. Du monde très bien, comme public, du reste. Des gens tout à fait gentlemen. 2o Restaurant Jacquin, 6e avenue et 28e rue, ouvert tout le jour. C'est le quartier haut de la ville, le quartier de luxe. 3o The Epicurian, 23e rue près du café-concert Koster et Bial, qui est connu du monde entier. J'ai trouvé ce restaurant moins bon que les autres. 4à Restaurant Fourcade, 24e rue, près de la 7e avenue. | |
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Voilà 4 adresses, mais il y a encore beaucoup de restaurants pareils dans les mêmes parages. Van Iderstine est également très au courant de ces endroits. C'est un garçon honnête et obligeant, qui se fera un plaisir de vous montrer tout ce qu'il y a la peine de voir à N.Y. Quant à Chicago, voilà 6 ans que j'y ai été et je ne saurais réellement pas vous donner des renseignements très utiles pour ce qui concerne votre séjour en cette ville. Mais par Friedlaender vous serez absolument au courant de tout ce qu'il faut faire. Il y a différentes lignes de chemin de fer qui vont de N.Y. à Chicago. Il y a entre autres le train de luxe qui part à 10 heures du matin de Jersey-City pour arriver le lendemain à Chicago à midi. Je vous conseille de prendre ce train pour aller; c'est une merveille; mais pour revenir vous pourriez sans faire de détour passer par les Chutes du Niagara. Allez tout simplement avec Friedlaender ou V. Iderstine dans une agence de chemin de fer et achetez vous un ticket circulaire. Il y a une chose sur laquelle j'appellerai votre attention. Dans le train de luxe vous trouverez un ‘dining-car’; mais si vous revenez par le Niagara dans un autre train, il se peut qu'il n'y ait pas là de voiture-restaurant. Alors, le train s'arrêtera à des endroits déterminés où les voyageurs trouveront à manger dans un hotel de gare. Le garde criera 20 minutes d'arrêt pour déjeuner ou diner. Mais prenez garde; si vous voulez manger quelque chose dépechez vous bien fort, car jamais le train ne s'arrête au delà de 10 minutes et les voyageurs non-initiés peuvent se lever et courir vers leur train en plein milieu du repasGa naar voetnoot(2). Le mieux à faire, c'est de s'acheter un quart ou un demi poulet froid avec un petit pain et de manger ça à son aise dans le train. - Si vous voyagez de nuit, prenez un lit dans le sleeping-car; mais retenez votre lit avant le départ du train sinon vous risquez de ne plus trouver place. Le sleeping est très confortable en Amérique. Ce ne sont pas ces vilaines petites boites de nos sleepings européens; c'est un vrai lit qu'on vous y donne, spacieux et com. Cela coûte 10 francs. Voilà, mon cher Albert une assez longue ribambelle de renseignements. Si vous en désirez encore d'autres que j'ai peut être | |
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oubliés de vous donner, veuillez les préciser, je suis tout à votre disposition. En vous priant de présenter mes respects à mon oncle et à ma tante et mes amitiés à Marguerite et CécileGa naar voetnoot(3) je vous serre bien cordialement la main
[get.] CBuysse |
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