Maatstaf. Jaargang 39
(1991)– [tijdschrift] Maatstaf– Auteursrechtelijk beschermd
[pagina 1]
| |
[Nummer 4]Harry G.M. Prick
| |
[pagina 2]
| |
Arrivés à l'heure précise, nous nous dirigeâmes sans hésiter vers lui, car nous le connaissions par ses portraits. Il nous proposa de l'accompagner chez Mme Berthe Morisot, la belle-soeur de Manet; elle possédait encore dans son appartement de nombreuses oeuvres du peintre. Nous nous y rendimes donc et Mallarmé nous présenta. Cette dame ne possédait pas seulement des tableaux et des dessins magnifiques, elle était elle-même une grande artiste. Elle avait une allure élégante, bien qu'elle ne fût plus jeune. Sa chevelure était déjà griseGa naar eind4, son visage maigre et osseux. Sa conversation était sérieuse. Eile remercia Mallarmé pour l'envoi d'un de ses poèmesGa naar eind5, mais ajouta sans ambages qu'elle n'y avait rien compris. Fièrement, le poète rejeta la tête en arrière: “C'est votre droit,” répondit-il. Après cette visite à Berthe Morisot, dont l'appartement luxueux et brillant était cependant meublé avec une grande sobriété, Mallarmé nous convia à passer une soirée chez lui. Nous nous y trouvâmes à l'heure dite. Il demeurait rue de Rome, au troisième étage me semble-t-il. Il nous reçut trés cordialement, et nous présenta à sa femme et à sa filleGa naar eind6. Il y avait encore un autre visiteur, un Anglais, grand, avec des favoris bruns. Je ne crois pas que ce fût un artiste.’ En 1979 parut un numéro spécial, consacré à la littérature française, de la revue Maatstaf (‘Norme’, ou ‘Critère’). Dans un article intitulé ‘Stéphane Mallarmé en Tachtig’Ga naar eind7, examinant les relations de Mallarmé avec le mouvement littéraire des années 1880 en Hollande et avec la revue De Nieuwe Gids, j'étais heureux de pouvoir publier six lettres inédites de Mallarmé, adressées en 1896 à des correspondants hollandais.Ga naar eind8 De plus je pouvais démontrer que, dans ‘Une visite chez Mallarmé’, la mémoire d'Erens a mis en désordre la chronologie des deux événements. En réalité, la visite chez Mallarmé a été antérieure à la visite chez Berthe Morisot. Dans l'article de Maatstaf, j'ai cru prouver qu'Erens et son ami le peintre Israels ont présenté leurs respects à Stéphane Mallarmé le mardi soir 8 octobre 1889. Par conséquent, la première lettre de Mallarmé, ici publiée pour la première fois - voir no. 1 - doit dater du 8 octobre 1889. La lettre du 11 octobre 1889, dans laquelle Mallarmé avait écrit: ‘Je vous attendrai tous deux (tel jour, à telle heure) sous l'Arc de Triomphe, lieu digne de vous’, n'est pas retrouvée, mais cette lettre est attestée primo par la mémoire de François Erens et secundo par la lettre du peintre Isaäc Israels, du 12 octobre 1889; voir ‘Notes et références’ 1. Cette dernière lettre pourra nous expliquer que la visite chez Berthe Morisot aura eu lieu lundi 14 octobre 1889. | |
[pagina 4]
| |
Trois lettres de Stéphane Mallarmé
| |
IIParis 89 rue de Rome Vendredi 14 décembre 1889 Merci, cher Monsieur Eyrens, qui ne m'oubliez pas. Le projet de conférences en Belgique me semble s'évaporer et c'est par elles que j'eusse été vers celles de Hollande, il faudra que vous reveniez à Paris, où votre place attend chaque Mardi soir, pour qu'il y ait lieu de vous revoir; mais puisque vous ne renoncez pas au mode de rencontre autre, sur le papier, et par la pensée, vous traduisant et moi dictant, j'ajoute que cela, mûri, me séduit. Voulez-vous être mon interprète vous-même auprès de Monsieur Van der Goes Prinsengracht, lui dire par exemple que ce seraient des articles courts, comme des notes, tantôt sur la crise poétique contemporaine (où l'on veut bien m'attribuer une influence); bref faits pour illuminer de traits vifs et définitifs ce qui de loin paraît chaos, en même temps que jusqu'à un certain point tenir le lecteur au courant de l'art et de la littérature d'ici, | |
[pagina 5]
| |
au jour le jour. Le tout, émondé et groupé plus tard, formant le livre que vous et moi entrevoyons.. Ici, à Paris même, j'aurais l'air de pontifier. Les conditions, vous les traiterez avec la direction du Nieuwe Gids: qu'elles soient honorables, et c'est tout. Votre main, et mon souvenir le meilleur à Monsieur Israels. Stéphane Mallarmé Monsieur Frans Eyrens avocat. Schaesberg prés Heerlen Limbourg Hollandais | |
IIIParis 25 Février [1890] Ah! mon cher Monsieur Erens, comme j'aurais voulu pousser jusqu'en Hollande, même au risque de prévenir votre bonne invitation, trouvée ici au retour. Le congé, que je pus prendre, était trop court; mais je retournerai en Belgique, le saurai d'avance ces fois-là et nous nous entendrons. Je vous regrette aussi après [-] demain Jeudi, le soir, chez Madame Eugène Manet, où je redonne, devant un dessus de panier parisien, cette conférence qui a ému la Belgique, m'a attiré l'injure ou les sympathies. Je voudrais avoir là M. Israels à qui vous serrerez la main. Votre Stéphane Mallarmé Monsieur Frans Erens 184 rue Jean Steen Amsterdam | |
Notes sur les lettresAutographes: Frans Erens-archief, Nijmegen. Photocopies aimablement communiquées par M. Andries F.J.M. Munnichs, Nijmegen. | |
IInédite. Petit billet, plié pour former une enveloppe. Parce que l'enveloppe n'est pas affranchie et qu'en outre l'adresse manque, il est évident que Mallarmé a porté lui-même, ou a fait porter par quelqu'un, ce billet à l'Hôtel Soufflot,rue Toullier 9, Paris.
Date précise conjecturale. | |
[pagina 6]
| |
IIInédite. Carte-lettre recto-verso. Sur le recto de l'enveloppe, un inconnu a biffé ‘Schaesberg prés Heerlen / Limbourg Hollandais’ et ajouté ‘Amsterdam. Jan Steenstraat 184’. Sur ce recto aussi, mais assez indistinct, cachet du départ: Paris R. des Batignolles. Sur le verso de l'enveloppe, dans l'écriture de François Erens: ‘Mallarmé’. Également sur ce verso, cachet du départ de Heerle, 15 décembre 1889 et cachet de l'arrivée à Amsterdam, 18 décembre 1889.
Mallarmé écrit ici, ainsi que sur l'enveloppe, le nom de Erens d'une façon incorrecte par la suite de la façon curieuse dont Erens rend la lettre r. Les conférences en Belgique: voir Stéphane Mallarmé, Correspondence, iii, Paris, 1969, p. 159, où Octave Maus écrit le 11 janvier 1888 à Mallarmé: ‘Mon cher Maître / Verhaeren m'a dit que nous aurions peut-être la joie de vous voir à Bruxelles eet hiver, et que vous consentiriez à faire au Salon rénovateur des xx une conférence littéraire. Ce projet est si beau qu'il m'apparaît un rêve (...).’ Dans une note Lloyd James Austin commente: ‘Le voyage de Mallarmé n'aura lieu qu'en 1890: il y pariera de Villiers de l'Isle-Adam’; voir aussi pp. 288-289. Frank van der Goes (1859-1939), Prinsengracht 293, Amsterdam, était un des amis de François Erens et un des rédacteurs du Nieuwe Gids (‘Le Nouveau Guide’). Van der Goes, qui voudrait ranimer cette revue, aura demandé à Erens d'écrire à Mallarmé en son nom, afin de s'assurer de sa collaboration régulière. Après la mort de Mallarmé, Erens lui-même écrira sur l'air de pontifier dans l'hebdomadaire De Amsterdammer (‘L'Amsterdammois’) du 18ième septembre 1898: ‘Il [Mallarmé] pontifiait volontiers’; voir Frans Erens, Litteraire wandelingen (‘Promenades littéraires’), Amsterdam, 1906, p. 72. Cette observation est parfaitement en accord avec les ‘gestes d'officiant’ que Georges Rodenbach attribuait à Mallarmé; voir L'amitié de Stéphane Mallarmé et de Georges Rodenbach. Lettres et textes inédits 1887-1898, publiés avec une introduction et des notes par François Ruchon, Genève, 1949, p. 134. | |
IIInédite. Carte postale avec cachet du départ de Paris 68 Bd. Rochechouart [mardi] 25 févr. [18]90 et cachet de l'arrivée à Amsterdam 26 feb. [18]90 12-1 N.
Mallarmé était parti pour Bruxelles le lundi 10 février 1890; voir Correspondence, iv, Paris, 1973, p. 42, n. 3. Le 18 février Mallarmé va voir la mer à Ostende, avant de regagner Bruxelles par le train et le 19 février il sera de retour à Paris; voir idem, p. 564. Le 27 février 1890 Mallarmé fait sa conférence sur Villiers de l'Isle-Adam chez Berthe Morisot, 40 rue Villejust; voir Stéphane Mallarmé, OEuvres complètes. Texte établie et annoté par Henri Mondor | |
[pagina 7]
| |
et G. Jean-Aubry, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1945, pp. 481-510: le premier de ‘Quelques médaillons et portraits en pied’. Je voudrais avoir là M. Israels: Néanmoins Mallarmé écrira le lendemain à Henri Cazalis (81 rue Blanche, Paris) qui lui avait demandé la permission d'amener ‘quelques raffinés’ à la lecture chez Berthe Morisot: ‘Hélas! cher, on dispose de trop peu de place, et les invitations ont été vingt fois remaniées, pour ce motif. Mais si tu avais une seconde jolie dame, amène la, cependant’; voir Stéphane Mallarmé, Correspondance, iv, Paris, 1973, p. 74, ou Documents Stéphane Mallarmé, vi, présentés par Carl Paul Barbier, Correspondance avec Henri Cazalis / 1862-1897 / recueillie, classée et annotée avec la collaboration de Lawrence A. Joseph, Paris, 1977, p. 523. |
|