rés. Il allait enfin pouvoir les rencontrer en personne. Après qu'il eût tourné le dos à l'église et entrepris une carrière de journaliste et de critique, la littérature française est demeurée son principal centre d'intérêt: Vinet, Sainte-Beuve, Michelet, Musset, Voltaire, Murger, About. À Sainte-Beuve notamment, il consacre un essai élogieux. Le portrait de ce maître acquiert tout naturellement les traits d'un auto-portrait. Même lorsque ses activités professionnelles le mènent jusqu'aux Indes néerlandaises, la parution d'oeuvres nouvelles ou le décès d'un écrivain français continuent de susciter ses commentaires.
Cependant, revenu définitivement à Paris en 1876, il se sent comme un pèlerin à la Mecque. Lire les journaux parisiens à Paris: rien n'égale ce plaisir-là! Il se sent redevenir étudiant! Sa préférence pour la France croît dans la même mesure et au même rythme que son pessimisme vis-à-vis de la Hollande. Toutefois la France et les Pays-Bas partagent ses griefs: un déclin de la courtoisie, un parler devenant plus grossier parse que influencé davantage par le peuple. Il pensait néanmoins que l'esprit français résisterait mieux que le néerlandais. C'est ainsi qu'il a espéré, en vain, l'introduction du français comme seconde langue aux Pays-Bas, pour faciliter sa réunion avec la Belgique. En un jour comme celui-ci, où nous mettons à l'honneur ce grand critique néerlandais, il n'est pas nécessaire pour autant d'ignorer que son esprit perspicace, ironique, rationnel n'etait pas infaillible.
Il n'a jamais accepté Flaubert de grand coeur, il mentionne Zola mais ne l'adopte point, trop tôt il considère le naturalisme comme étant du passé, il n'a pas même vu Baudelaire. Malgré ces lacunes qui se sont révélées par la suite, c'est pourtant en sa qualité de médiateur de la littérature française que le lecteur néerlandais lui est hautement redevable.
Aux Pays-Bas son oeuvre est entré dans la domaine du bibliophilie, une réédition complète est du domaine de l'utopie, sa lisibilité diminue à vue d'oeil. On dirait que les écrivains tombent dans la désuétude avant les peintres. Il n'est pas pour autant tombé dans l'oubli. L'inauguration d'une plaque commémorative fait partie des nombreuses initiatives prises pour ranimer l'intérêt autour de Conrad Busken Huet. Elle se veut en même temps un témoignage de reconnaissance envers la ville de Paris qui l'a hébergé dix ans durant, lui a procuré une seconde jeunesse et une sépulture.