De Gulden Passer. Jaargang 52
(1974)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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Henri-Joseph Godin, graveur liégeois
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Les auteurs des notices en cause sont bien excusables; car sur quoi pouvaient-ils faire fond? C'est à Liège qu'on est le mieux placé pour faire connaître Godin, puisqu'il y a passé le plus clair de son existence; on y conserve ses oeuvresGa naar voetnoot3, et on dédaigne rarement les occasions de les montrerGa naar voetnoot4; on fait place à son nom dans le palmarès d'une école de gravure dont on est fierGa naar voetnoot5; mais on ne s'est pas jusqu'ici arrêté à lui. C'est à Seraing-sur-Meuse qu'il a vu le jour. Il a été baptisé le 5 mai 1747Ga naar voetnoot6. Ni son père, Jean, ni sa mère, née Marie-Claire Dupont, ni ses parrain et marraine ne semblent avoir eu la moindre accointance avec le monde des arts. Comment la vocation lui vint, sous la férule de quel maître il fit ses débuts, cela reste à découvrir. Avant d'avoir atteint l'âge d'homme, il prit le chemin de Paris, en vue de parachever sa formation. Il entra à l'École académique, préfigure de la moderne École des Beaux-Arts; quelques graveurs s'y mêlaient aux peintres et aux sculpteurs venus de tous les coins de France et de l'étranger, dont beaucoup de ‘Flamands’, y compris une poignée de sujets du prince-évêque de Liège. ‘Henri Godin | |
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graveur liégeois, âgé de 19 ans’ (il a, en fait, vingt et un ans révolus) est inscrit dans le registre en juin 1768; il a pour ‘protecteur’ le sieur d'Huez, originaire d'Arras, connu pour sa bienveillance envers les garçons qui viennent ‘du Nord’; il est l'élève de Michel Poisson, et demeure chez lui, au Palais royal. Il réapparaît en 1772; il a pour lors un maître réputé, chef d'un atelier particulièrement important, Le BasGa naar voetnoot7. Son premier professeur est un graveur obscur dont le nom a été préservé de l'oubli à cause des 72 planches des Cris de Paris dessinées d'après nature et publiées par ses soins; le premier des douze cahiers de six pièces, annoncé dans le Mercure d'octobre 1771 en même temps que le second, a pour titre une planche intitulée ‘Achetez mes belles estampes’ (pl. 1) et signée ‘M. Poisson inv. - H. Godin Sc.’; on lit les mêmes noms sur deux autres planches du premier cahier et sur celle qui sert de titre au deuxièmeGa naar voetnoot8. Ce n'étaient pas là les essais initiaux du jeune Liégeois: dès septembre 1769, le Mercure avait annoncé un portrait du pape Clément XIV gravé de sa mainGa naar voetnoot9. Plusieurs autres oeuvres de lui portent l'adresse de Poisson; elles peuvent sans doute être situées vers le même moment; et de même celles qui ont l'adresse de libraires parisiens, tels Niquet et Dubois, dont les noms se lisent sous le portrait du pape. Godin n'allait pas tarder à rentrer au pays natalGa naar voetnoot10. Ce qui l'y a déterminé, c'est selon toute apparence l'honneur d'avoir été appelé à faire partie de l'académie fondée, en l'an 1775, par le prince-évêque François-Charles de Velbrück, ami des lettres et des artsGa naar voetnoot11. | |
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Liège n'était d'ailleurs pas sans offrir de belles possibilités à un graveur-illustrateur. L'imprimerie y était florissanteGa naar voetnoot12. Les imprimeurs-libraires Gerlache, Bassompierre, Tutot et Desoer mirent bientôt l'académicien à l'ouvrage. La liste des livres qui naquirent de cette collaboration s'ouvre en 1776Ga naar voetnoot13. On y relève force portraits; et puis des cartes, des blasons, et autres frontispices. Les besognes que Godin se voyait confier de la sorte n'absorbaient pas toute son activité. Il gravait aussi des planches indépendantes, auxquelles il s'efforçait d'assurer du retentissement. Il en choisissait les sujets avec soin. Il se plaisait à leur donner des formats que les tendances de l'édition ne permettaient guère. Il attirait sur elles l'attention du public en faisant passer des annonces dans deux feuilles locales, L'Esprit des journaux et La Gazette de Liège; cet art-là aussi, Paris le lui avait montré. La plus ancienne des annonces venues à ma connaissance remonte à 1775; elle concerne un portrait du pape Pie VI, qu'on peut se procurer chez Godin, au Pistolet couronné, rue Sur-Meuse, ou bien chez Tutot à Bruxelles ou chez Desoer à LiègeGa naar voetnoot14. La suivante est de 1778Ga naar voetnoot15; elle s'étend avec complaisance sur deux estampes | |
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Pl. 1. Achetez mes belles Estampes. Planche 1 des Cris de Paris de Michel Poisson, 1771 (Copyright Bibliothèque Nationale, Paris)
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appariées, La Conversation espagnole et La Lecture espagnole, gravées d'après Carle Van Loo, ‘chevalier de l'Ordre du Roi et son premier peintre’; leurs dimensions (18 pouces de haut sur 12 de large) sortent de l'ordinaire, leur prix (6 livres de France les deux) aussi. Godin s'attaque ensuite à quelque chose de bien plus propre à retenir l'attention de ses concitoyens: il grave ‘la grande fontaine du marché... travaillée par le fameux Delcour... un des plus beaux monuments de cette cité, qui fait l'admiration de tous les étrangers’; autrement dit la fontaine des Trois Grâces, habituellement nommée aujourd'hui ‘le Perron liégeois’. L'occasion s'est offerte en 1779: le monument a été consolidé et repoli. L'accueil est encourageant, c'est le mot: en sa séance du 10 septembre, le Conseil de la Cité ‘voulant encourager les talens dudit Sr Godin... ordonne au rentier de la cité de lui compter en rénumération de cette ouvrage cent florins Brabant une fois’Ga naar voetnoot16. ‘Si cette tentative lui réussit, l'auteur se propose de donner successivement au public les édifices les plus remarquables de la même ville: nous ne doutons point que des vues aussi patriotiques ne soient puissamment encouragées’, lit-on le mois suivant dans L'Esprit des journauxGa naar voetnoot17. Et de graver, en effet, l'année d'après, deux autres fontaines liégeoises dues au talent du même Jean Del Cour: celle de la Vierge, en Vinâve d'Ile, et celle de Saint-Jean-Baptiste, en Hors-Château. Le Conseil se montre moins généreux: il n'alloue plus que quatre louis, soit 78 florinsGa naar voetnoot18. Derechef, Godin fait passer une annonce aux journauxGa naar voetnoot19. Une preuve du retentissement des trois | |
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estampes, c'est la mention qu'en fait le chanoine Hamal dans son MementoGa naar voetnoot20, quand il parle des fontaines. Détail piquant, celle de la Vierge a été gravée au même moment par un autre Liégeois, Joseph Dreppe! Ce dernier obtint du Conseil un subside impartial de 39 florins, et battit son concurrent de deux jours pour l'insertion dans la Gazette de LiègeGa naar voetnoot21. Godin frappe alors un grand coup. Il donne ‘une Estampe allégorique, relative à S.A. le prince-Evêque de Liège, et à la protection que S.A. accorde aux beaux-arts. Le Portrait, frappant par la ressemblance et la beauté de l'exécution, est soutenu d'un côté par la Religion, et de l'autre par Minerve et la Sagesse, audessus d'un autel antique. Un groupe de génies offre l'emblème des beaux-arts que S.A. protège’. C'est la Gazette de Liège du premier janvier 1781 qui publie cette description bien dans le style du tempsGa naar voetnoot22. L'auteur gravera en 1783 au plus tard un autre portrait de François-Charles de Velbrück, plus simple et de moindres dimensionsGa naar voetnoot23. Il fera peu après celui de Constantin-François de Hoensbroeck, son successeur, à qui il aura ‘l'honneur de le présenter’ et qui daignera ‘le recevoir avec bonté’Ga naar voetnoot24. Il fixera encore | |
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Pl. 2. Portrait de François-Antoine de Méan, dernier prince-évêque de Liège, 1792 au plus tôt (Liège, Cabinet des Estampes de la Ville; photo Philippe Delaite)
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dans le cuivre les traits du dernier prince-évêque de Liège, François-Antoine de Méan (pl. 2); mais on cherche en vain, cette fois, les habituelles annonces: tout était alors sens dessus dessous, tout vacillait dans la tourmente révolutionnaire. ‘Le citoyen Henri Godin’, prenant le vent, se mit en devoir de célébrer La Réunion du Pays de Liège et de la Belgique à la République française. La composition, de son invention, est décrite de la façon suivante dans la Gazette de Liège des 8 et 9 octobre 1795: ‘Une figure représente le Pays de Liège tenant d'une main la Déesse de la Liberté sur l'autel de la Patrie, et de l'autre un bouclier orné du Bonnet; à côté est le Coq, emblème de la vigilance, représentant la France qui a brisé les fers de l'esclavage; un génie représente la Belgique qui annonce au son de la trompette la Liberté; autour de l'autel de la Patrie, deux mains tenant un coeur enflammé, en signe de l'Union; dans le fond, le Temple et l'Arbre de la Liberté’Ga naar voetnoot25. Des temps singulièrement difficiles étaient venus pour notre homme comme pour bien d'autres. Que graver? Des estampes? Presque plus personne n'en voulait. Des cachets, plutôt. Maintes administrations nées de la veille en avaient un urgent besoin. Godin leur offrit ses servicesGa naar voetnoot26. Sous l'Empire, il ne crut pas déchoir en dessinant et en gravant un reçu de l'administration de l'enregistrement et du domaine national. L'agitation avait alors cessé. La demande d'estampes reprenait. En proposer une qui réponde à l'attente du public, en choisissant bien son moment et en s'aidant d'un peu de réclame, rien de mieux pour attirer la pratique. Godin grave ‘avec précision’ ‘le buste de St Lambert, un des plus beaux en ce genre,... ouvrage qui fait honneur à notre ville’, monument d'orfèvrerie qui contient la relique la plus insigne du saint patron des Liégeois, et auquel ils sont d'autant plus attachés qu'ils ont bien failli le perdre. L'entrefilet paraît dans la Feuille d'annonces du Département de l'Ourte des | |
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21 et 22 avril 1811, une semaine avant que la procession de la Translation de saint Lambert ne déroule ses fastes à travers la cité. Godin n'a pas cru devoir travailler d'après nature: il a reproduit purement et simplement, à une échelle plus modeste, le grand burin exécuté par Michel Natalis en 1653, pourtant peu fidèle au modèleGa naar voetnoot27. La reviviscence des confréries lui procure de l'ouvrage. Et aussi la réapparition des ‘bobelins’ (curistes et touristes) à Spa: il grave des cartes de promenadesGa naar voetnoot28. Et encore la construction de la nouvelle salle de spectacle de Liège, dont il reproduit en 1818 l'élévation principale. Mais c'est maintenant un vieillard, las de tenir la pointe et de doser l'acideGa naar voetnoot29. Comme par crainte de finir ses jours dans la solitude, il a pris sur le tard, le 9 août 1810, une épouse plus jeune que lui de trente et un ansGa naar voetnoot30. Il s'éteint le 24 février 1834, âgé de près de quatre-vingt-sept ansGa naar voetnoot31. Considéré dans son ensemble, l'oeuvre est celui d'un témoin de son temps dénué de prétention. Beaucoup de documents, attachants peu ou prou; mais de rêve, d'âme, pointGa naar voetnoot32. GodinGa naar voetnoot33 est essentiellement un illustrateur. Les domaines qu'il | |
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cultive sont ceux que la mode impose à l'édition. Le portrait vient en tête. Belle galerie: Clément XIV, Pie VI et Pie VII, Louis XVI, Marie-Antoinette, Frédéric II, l'impératrice Isabelle-Thérèse de Bourbon, trois princes-évêques de Liège, le baron de Hubens (doyen de Saint-Martin, une des collégiales liégeoises), Jean-Jacques Rousseau, Helvétius, l'abbé Nollet, physicien, William Buchan, médecin, Edward Gibbons, historien, la marquise de Sillery, gouvernante du futur Louis-Philippe, sans oublier deux personnages d'un autre temps, Henri IV et SullyGa naar voetnoot34. La présentation est le plus souvent d'un néo-classicisme passablement indigent. Puis viennent l'Histoire, ancienne ou moderne, vécue ou imaginée, de la Prise de la Bastille aux Aventures surprenantes de Robinson Crusoe, et le genre, non moins disparate, Cris de Paris, Joli Minois, frontispice du Parfait Cocher, illustration du théâtre de Mercier. Vedute, cartes et plans ont beaucoup occupé notre graveur après son retour de Paris; l'illustration des Amusements de SpaGa naar voetnoot35 en est la meilleure part (pl. 3). A la fin de sa vie, ce fut surtout l'imagerie pieuse: saints et saintes, patrons et patronnes de confréries souvent - telles Notre-Dame de la Sarte, Notre-Dame de Saint-Remy, Notre-Dame du Mont-Carmel honorée en l'église Saint-Barthélemy à LiègeGa naar voetnoot36 -, chemin de croix, souvenirs de première communion. Les formats sont fort réduits, comme le veut la mode des éditions in-12, sauf pour les planches indépendantes, telles La Conversation espagnole (415 × 325) et La Lecture espagnole (412 × 316), morceaux de bravoure où Godin étale son savoir-faire, et sans trop s'essouffler. La technique est sans surprise: de l'eau-forte, tirée en noir presque toujours, en sanguine quelquefois. Les procédés nouveaux | |
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Pl. 3. La promenade de Sept Heures à Spa, d'après Henri Wilkin, planche des Amusements de Spa (t. II, 1783, p. 264-265) (Copyright Bibliothèque Générale de l'Université de Liège)
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dont le siècle est si prodigue ne paraissent pas avoir été essayés. La composition est rarement de l'invention de Godin: il reproduit Carle et Louis-Michel van Loo, Claude Lorrain, Greuze, Maurice-Quentin de la Tour, Caresme, Chavanne, Marillier, Miris, Vernet, Vernansal, Benoît-Louis Prévost, François-Marie Quéverdo, Abraham Girardet, Robert de Launay le jeune, Raphaël, Le Corrège, Carlo Bonomi, Pompeo Batoni, Gio Petrini, Fabio Trematori, A. Graf, Hagenauer, Reynolds, Gérard Dou, Netscher, François Pourbus le jeune, les Liégeois Michel Natalis et Jean-Joseph Hanson, les Spadois Antoine et Remacle Le Loup et Henri Wilkin; confuse cohorte de peintres et de graveurs, les uns anciens, les autres modernes, d'aucuns glorieux, d'aucuns obscurs. Quand la composition est de Godin, elle est faible; les images de piété, en particulier, sont franchement médiocres. Aucun dessin de lui n'est venu entre mes mains; les deux seuls dont j'aie trouvé mention sont, l'un, une copieGa naar voetnoot37, l'autre, le plus modeste des lots d'une loterie organisée en 1783Ga naar voetnoot38. L'idée qu'il a pratiqué l'art de peindre paraît dénuée de fondement. C'était en somme un artisan plutôt qu'un artiste, s'il est permis d'appliquer à son cas une distinction qui n'avait pas encore beaucoup de force de son temps, surtout en dehors des grandes capitales de l'artGa naar voetnoot39. | |
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Henri-Joseph Godin, luiks graveur (1747-1834)De Luikse graveur Henri-Joseph Godin (1747-1834) verdient een ruimere bekendheid. Te Parijs, waar hij als leerling van Michel Poisson en van Le Bas werkte, begon hij zijn loopbaan als illustrator. Vanaf 1775 zette hij zijn activiteiten voort te Luik, waar de boekdrukkunst toen een hoge vlucht nam en de kunsten zich in de daadwerkelijke steun van de prinsbisschop François-Charles de Velbrück mochten verheugen. In die periode begon hij de portretkunst te beoefenen en maakte hij ook verschillende grote prenten met afbeeldingen van openbare monumenten. Van enige geniale aanleg is bij hem geen sprake; in feite is hij slechts een getuige van zijn tijd, maar dan ook van een tijd die als een beslissend keerpunt in de Westerse geschiedenis geldt. |
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