De Gulden Passer. Jaargang 52

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Quelques réflexions sur la carrière de Louis Lebeer

Il y a tout juste quarante-cinq ans que le Professeur Lebeer et moi nous nous rencontrions pour la première fois. Cela se passa à l'Athénée royal d'Anvers durant le premier congrès scientifique du Livre et de la Bibliothéconomie (1930); en tant qu'un des bibliothécaires de la Bibliothèque royale il assuma la trésorerie. Ce premier contact se limita à une poignée de mains polie sous le regard souriant du Professeur Maurits Sabbe, président du congrès, conservateur du Musée Plantin-Moretus à cette époque. Dans le cadre des congrès scientifiques, dont l'importance s'est avérée si grande pour la confirmation de la valeur de la science néerlandaise en Belgique (encore avant la néerlandisation de Gand), on tenta de savoir si, également dans le domaine du livre, de la typographie, de l'illustration, des lieux de conservation de ce bien culturel, il serait possible de réunir efficacement un nombre suffisant de têtes en compagnie de quelques savants des Pays-Bas, p.ex. le Professeur Burger. Messieurs Fréd. Lyna et Louis Lebeer représentaient la Bibliothèque royale, Messieurs René Apers et Carl Debaive l'Université de Gand, Mgr Van Cauwenbergh l'Université catholique de Louvain, le Professeur Maurits Sabbe l'Université libre de Bruxelles. Le monde du livre était représenté par Prosper Verheyden, les entrepôts généraux de matériel de lecture par Emm. de Bom (Bibliothèque municipale d'Anvers) et par Lode Baekelmans (Bibliothèque populaire d'Anvers). Ce dé en était jeté; nous aurons formé là un groupe d'une vingtaine de ‘collègues’: Louis Lebeer agissait discrètement, sans faire de bruit. Il se bornait à accomplir sa tâche. Ce n'est qu'au cours du deuxième congrès (Gand, 1932) que, déjà comme conservateur, il prit à son compte une partie de l'agenda. De cette voix un peu aiguë que je lui ai connue jusqu'à aujourd'hui il lut un clair exposé

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sur De juiste dateering van Hendrik Utenbogaerde's ‘Sprituale Pomerium’, calmement, avec précision, réservant à chaque mot et expression le temps nécessaire pour être bien compris de son auditoire.

Depuis lors j'ai rencontré le professeur Louis Lebeer en diverses occasions: soit comme conservateur de ce Cabinet des Estampes qu'il a organisé en fonction de l'analyse des gravures d'art conservées, soit comme Secrétaire perpétuel de la ‘Kon. Vlaamse Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten’, ou dans des entretiens où nous représentions ‘nos’ organismes; mais toujours il se manifestait, tant en sa qualité d'homme que de savant, indéfectiblement fidèle à lui-même. Par son allure réservée il se distinguait bien un peu de feu le Docteur Jan Lebeer, qui fut à Anvers un pédiatre hautement estimé et très moderne pour son temps, membre de la ‘Koninklijke Academie voor Geneeskundige Wetenschappen’, habitant une maison jugée à l'époque très moderne. Extérieurement, celui-ci était plus vif, plus corpulent aussi, d'une volubilité débordante. Mais ils étaient étroitement apparentés l'un à l'autre par le dévouement - chacun dans son domaine -, par le sérieux dans l'exercice de leurs examens, par l'intérêt pour tous les aspects de leur discipline, pour l'histoire de leur profession, par l'amour pour tout objet qui comme tel leur passait entre les mains.

Madame Mauquoy, dans sa contribution à ce recueil, suit le savant dans ses nombreux itinéraires, Le Grand Maréchal de la Cour H. Liebaers le considérera dans sa carrière, de sorte que nous pourrons garder en nous un portrait complet d'un homme extrêmement actif, tandis que la diversité des contributions qui lui sont consacrées dans cet album, constitué par les soins de M.L. Voet, Conservateur du Musée Plantin-Moretus, peut témoigner de l'éclectisme de l'historien d'art, du professeur et du chercheur, car mainte pièce naquit tout de même d'une orientation identique, d'une disposition à examiner de concert quelque détail ou problème artistique, d'une suggestion spontanée, résultant d'une maîtrise si complète des arts graphiques dans leurs innombrables variantes et procédés, dans leurs styles si différents les uns des autres.

Personnellement je ne veux pas oublier avec quelle complaisance

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le ‘trésorier’ du Cabinet des Estampes me vint en aide à l'étage du Palais de Charles de Lorraine, à l'époque où je cherchais l'image authentique des lieux où un moment littéraire des lettres des Pays-Bas s'était déroulé dans les Ardennes belges, près de Laroche. Touchant la rencontre de Jacques Perk et de Mathilde Thomas je souhaitais connaître l'aspect de la ‘patache’ qui avait transporté Perk et Mathilde et Oscar Wilde et Rennell Rodd. Le Conservateur en personne sonda avec moi d'éventuelles sources authentiques: eaux-fortes, dessins, journaux illustrés à la main, photos, etc. Finalement de poussiéreuses rangées de cartes vues bien classées et rangées, sans valeur artistique et de tout âge, mais du point de vue documentaire inestimables. La main du bibliothécaire se faisait nettement sentir dans la pratique du conservateur. Moi-même je me sentais flatté et rassuré, car qui à cette époque et... à un aussi haut niveau aurait voulu reconnaître avec moi la valeur d'une carte postale (avec ou sans timbre)? Conclusion: la voiture romantique faisait son apparition. Ma chasse était couronnée de succès, mais personne n'était plus heureux que le conservateur luimême, qui avec un fin sourire et un regard pénétrant m'initiait dans ses intentions de considérer toutes les gravures (= reproductions) d'un point de vue culturel, géographique, historique, artistique, urbanistique, technique, archéologique (dans son aspect industriel; le terme propre n'existait pas encore), sans oublier les moyens de transport, la mode et la coiffure et bien d'autres choses encore. Ces jours-là je suis retourné à mon travail et chez moi enrichi.

Prendre un aperçu des compétences si nuancées du Professeur Lebeer conduit à l'admiration pour le savoir accumulé et pour la perspicacité du savant qui ne pouvait mais ne voulait non plus restreindre l'importance de ses collections en les réservant exclusivement à un glorieux passé: la reconnaissance des mérites de notre plus récent présent est clairement inscrite dans la richesse de notre Cabinet des Estampes national. Si souvent le Professeur Lebeer a par son goût donné joie et assurance à des artistes contemporains! Dans ce domaine il se révéla être le pair de l'anversais Roger Avermaete. Les arts graphiques, parmi tous les arts pratiqués chez nous au cours des siècles, ne continuent-ils pas à réclamer uni-

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versellement l'attention en tant que phenomène à caractère constant? D'avoir sans déclamation ni violence, sans arrêt non plus pendant environ soixante ans mis en application cette vue si nette, d'avoir enrichi systématiquement et analytiquement pendant si longtemps le Cabinet des Estampes, d'avoir durant toute cette période voulu prodiguer sa sagesse dans des écrits, des cours et des conférences, voilà ce qui remplit de joie une foule d'amis, de collègues, de lecteurs et d'élèves à l'égard du Professeur Lebeer. Heureux l'homme qui peut récolter pareils fruits.

Ger Schmook

Président de la ‘Vereeniging der Antwerpsche Bibliophielen’