De Gulden Passer. Jaargang 52

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Hommage à Louis Lebeer

Une propension à bien mener toutes ses entreprises en se donnant à fond, avec méthode et précision, caractérise la carrière de Louis Lebeer. Aussi l'a-t-on vu réussir une candidature en sciences, un doctorat en philosophie et lettres (philologie germanique) et l'examen de candidat-bibliothécaire avec une première spécialisation en catalographie bientôt suivie d'une deuxième en histoire de l'art et de la gravure.

Il ne tarda pas à mettre à profit ces deux spécialisations en dotant le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale de Belgique d'un catalogue alphabétique par sujets qui fit l'admiration et l'envie de ses collègues étrangers. Son but était d'améliorer les moyens d'utilisation des collections afin de les mettre au service du public, l'égal de la collection de livres imprimés.

En 1930, René van Bastelaer, sur le point de prendre sa retraite, jugeait Louis Lebeer seul capable de lui succéder à la tête du Cabinet des Estampes. Dans un rapport circonstancié, le conservateur sortant mettait l'accent sur les qualités de son candidat. Faisant remarquer qu'il avait rapidement acquis la maîtrise et les connaissances requises, il insistait sur la compétence scientifique du jeune bibliothécaire, sur son acribie, sur son zèle autant que sur sa pondération, sans omettre son enthousiasme qui en faisait un véritable apôtre... En effet, pendant plusieurs années, Louis Lebeer n'était-il pas allé de ville en ville, donner des centaines de conférences à des auditeurs de toutes sortes d'institutions culturelles, pour révéler le rôle de l'estampe et en démontrer l'importance. Bien que la lourde charge de la direction du Cabinet des Estampes - auquel il donna d'emblée un rayonnement exceptionnel - l'ait forcé à réduire le rythme de ses conférences, jamais il ne cessa d'affirmer, à si juste titre, que la gravure n'avait été que trop méconnue de la plupart des historiens de l'art.

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En 1960, une exposition en l'honneur de Louis Lebeer, conservateur sortant, eut pour but de donner une idée - forcément restreinte - de l'ampleur et de la qualité de trente années d'acquisition sous sa direction. Les nombreuses expositions qu'il organisa contribuèrent à faire apprécier les richesses des collections et la beauté des oeuvres des maîtres anciens, modernes et contemporains, nationaux et étrangers. Souvent elles furent l'occasion de catalogues enrichis d'une introduction pleine d'enseignements, encore qu'en certains cas, il ait malheureusement fallu s'en passer, par exemple lors de l'exposition des oeuvres de James Ensor, au lendemain du décès du génial aquafortiste d'Ostende.

Toute la carrière de Louis Lebeer fut ponctuée de publications relatives à la gravure aux époques les plus diverses et sous ses aspects les plus variés. N'a-t-il pas élucidé bien des problèmes soulevés par les anciennes xylographies flamandes dans L'esprit de la gravure au XV^e siècle et surtout dans son étude sur le Spirituale Pomerium? Le rôle joué par Rubens dans le domaine de la gravure ne manqua pas de susciter un long article de même que le Plan de Bruxelles dit ‘de Tailly’, de 1640, dont il avait eu la joie d'acquérir un exemplaire, impeccable et rarissime, en Ier état. À Rembrandt, il consacra des pages nuancées dans lesquelles il analysa en détail les versions successives des Trois Croix. Il dressa le catalogue raisonné des Eaux-fortes de Jacob Smits et rédigea de nombreuses monographies ou notices sur presque tous les artistes qui participèrent au renouveau de la gravure originale en Belgique, d'Ensor à nos jours, en passant par Armand Rassenfosse, Jules De Bruycker, Albert Delstanche, les frères Cantré, Frans Masereel, Edgard Tytgat, Walter Vaes, Dirk Baksteen, Rodolphe Schönberg, sans oublier ceux qui sont encore actifs actuellement et dont plusieurs sont des amis.

La retraite ne ralentit nullement son travail, au contraire, il assume les fonctions de secrétaire perpétuel de la Koninklijke Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van België, il a publié de nouveaux livres, un surtout, fruit de quarante années de recherches et de réflexion: le Catalogue raisonné des Estampes de Pierre Bruegel l'ancien, à l'occasion de la commémoration du quatre centième anniversaire de la mort de l'artiste:

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Pour Louis Lebeer, un autre moyen - et non des moindres - de militer en faveur de l'étude de la gravure à travers les siècles fut l'enseignement qu'il dispensa, dès 1930, à l'Institut supérieur d'Histoire de l'Art et d'Archéologie de Bruxelles et ensuite aux universités de l'État de Gand et de Liège, variant d'année en année les sujets traités et y divulgant le résultat de ses recherches dans le domaine de l'histoire des arts graphiques. Bref, l'étendue de ses connaissances, la chaleur avec lesquelles il les communiquait, la compréhension autant que l'aménité avec lesquelles il recevait les artistes, les collectionneurs, les chercheurs aussi bien que les élèves et les marchands, lui valurent l'estime et l'admiration de tous. Aussi nombreux sont ceux qui auraient voulu collaborer à ce volume que De Gulden Passer lui dédie, mais que les circonstances ont empêché de le faire, à leur vif regret.

Tous s'associent de grand coeur aux auteurs des articles pour souhaiter à Louis Lebeer de continuer encore longtemps à faire partager son enthousiasme pour la gravure et pour son histoire.

Herman Liebaers,

Président de la ‘Vereeniging der Antwerpsche Bibliophielen’