De Gulden Passer. Jaargang 43
(1965)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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La traduction de l'opus epistolarum Des. Erasmi
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Des collaborateurs éventuels furent trouvés, grâce au dévouement de Jean Lameere qui sut leur transmettre son enthousiasme, et, après 2 ans, alors qu'on ne s'y attendait plus, les subsides, ou plutôt une première tranche de subsides, furent accordés. Des équipes de traducteurs furent constituées, des réviseurs leur furent ajoutés, et l'énorme travail put commencer. Nous avons le ferme espoir que le premier volume de lettres, traduites par Madame Marie Delcourt et son équipe liégeoise, sortira de presse vers Pâques de l'année prochaine. Malheureusement, Jean Lameere, mon regretté prédécesseur, ne sera plus là pour constater qu'une première étape - il est vrai, la plus difficile - aura été franchie. A peine le travail de traduction avait-il commencé, qu'il mourut brusquement, le 3 décembre 1964. Une deuxième perte, aussi cruelle, a frappé notre jeune entreprise, il y a six semaines, en la personne de M. Louis Bakelants, qui n'avait pas hésité à mettre sa capacité de travail et sa haute compétence dans le domaine des lettres néo-latines, à la disposition de notre Institut en tant que réviseur. Nous ne sommes pas superstitieux, sinon, après la mort prématurée des candidats-éditeurs de Lipse, après celle aussi tragique de deux animateurs de la traduction d'Erasme, nous devrions préférer nous abstenir.
Je ne vous parlerai pas de la correspondance d'Erasme, que vous connaissez, ni du genre épistolaire humaniste en général, que l'on connaît beaucoup moins. J'en dirais beaucoup trop, ou trop peu. Je resterai donc, comme l'avocat de Martial, auprès de mes chèvres. Je vous parlerai brièvement, et en ordre principal:
Notre but, c'est de fournir la première traduction intégrale de la correspondance d'Erasme, aussi bien des lettres d'Erasme que de celles adressées à Erasme, sur la base du célèbre Corpus epistolarum d'Allen en 12 volumes. Nous osons espérer que notre traduction sera la traduction de référence pour les lecteurs français de la Cor- | |||||||||||||||||
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respondance (ou plutôt pour ceux qui la lisent en langue française), comme l'est l'édition d'Allen pour les lecteurs du texte latin. Nous voulons permettre à tous ceux qui n'ont pas une connaissance suffisante du latin, de prendre connaissance de cette correspondance qui, d'après Paul Van Tieghem est ‘après celle de Voltaire, la correspondance la plus variée, la plus riche d'idées, la plus intéressante historiquement et intellectuellement que nous puissions lire en aucune langue’.Ga naar voetnoot1. Nous désirons que cette source inestimable soit désormais accessible au grand public. Du même coup, nous voulons rendre service aux chercheurs, philologues et historiens qui doivent consulter les lettres d'Erasme et dont le travail se trouvera, souvent, particulièrement allégé, même s'ils doivent encore avoir recours à l'original. Car, soyons sincères, même pour le philologue classique, la lecture d'Erasme dans le texte original n'est pas toujours chose aisée. Nous ne vivons plus au xvie siècle. Et rares sont ceux - et c'est dommage - qui peuvent se targuer d'avoir lu ne fût-ce qu'un tome de l'Opus epistolarum. Il existe assurément quelques traductions partielles, quelques anthologies de lettres traduites - je cite, par exemple, les recueils de Thomson, de Noordenbos et Van Leeuwen et les anthologies de Köhler, de Facer ou de Flower et les livres d'Albert Hyma - mais il importe de pouvoir revivre, presque jour après jour, non seulement la vie d'Erasme, qui forcément sera mieux connue, mais toute cette tranche de l'histoire européenne telle qu'Erasme l'a vécue, commentée et appréciée. Par ailleurs, aussi, tout n'est pas également important dans ce vaste épistolaire de 3.150 lettres. A cette objection je répondrai d'abord que ce qui est secondaire ou insignifiant pour tel lecteur ou tel chercheur, peut être très important pour un autre. Et ensuite, je dirai avec Erasme lui-même, confronté avec un même problème: ego nihil fastidiendum duco, quantumnis humile, quod ad bonas pertineat literas.Ga naar voetnoot2. Donc, nous avons entrepris une oeuvre de haute vulgarisation. Je veux néanmoins signaler que cette oeuvre ne saurait pas ne pas être scientifique. | |||||||||||||||||
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D'abord il y a les difficultés réelles et parfois presque insurmontables de la traduction. Pour pouvoir la réaliser il faut une compétence qui n'est pas donnée à n'importe quel philologue classique. Ne traduit pas Erasme qui veut. Puis, nous publierons, sinon notre objectif ne saurait être atteint, une traduction annotée, c'est-à-dire le texte des lettres avec, au moins, toutes les notes, introductives et autres, qui sont indispensables pour une bonne compréhension du texte. Ici encore, nous avons à notre disposition cet admirable outil qu'est l'édition annotée d'Allen. Mais parfois les notes de l'édition d'Allen datent d'il y a 50 ans (de 60 ans exactement pour le premier volume). Il y a donc des choses à corriger ou à rectifier. Et parfois, même souvent, les auteurs du Corpus epistolarum conservent un silence pieux sur telle ou telle difficulté, tel ou tel passage appellant un mot d'explication. Nous voulons donc mettre à jour ‘Allen’ là où c'est nécessaire pour le but que nous poursuivons, en nous servant, notamment, des multiples publications post-Alleniennes consacrées à Erasme et dont M. Margolin a dressé récemment un magistral et impressionnant bilan pour les années 1950-1960. La bibliographie érasmienne est donc tenue à jour, et les titres les plus importants sont communiqués régulièrement aux traducteurs, ainsi que d'autres renseignements utiles. Nous voulons aussi, soit dit en passant, refaire en un dernier volume, les tables d'Allen qui sont très insuffisantes. Enfin, quelques lettres devront être ajoutées, quelques dates rectifiées. Donc, oeuvre scientifique, mais aussi: oeuvre collective, puisque, pas plus que pour l'édition de la correspondance érasmienne, les forces d'un seul ne sauraient suffire pour la traduire, du moins dans un délai raisonnable. Ceci m'amène à parler brièvement de l'organisation de notre travail et des méthodes adoptées. Nous avons constitué 5 équipes de traducteurs, dirigées chaque fois par un réviseur. Les réviseurs forment, avec le Directeur de l'Institut pour l'Étude de la Renaissance et de l'Humanisme, le comité de rédaction qui se réunit régulièrement. Il a élaboré les règles générales qui doivent être suivies par les traducteurs et il discute des multiples problèmes qui se posent encore à nous en cours de route. Ceci doit nous permettre d'assurer aux 12 tomes que comportera la traduction, l'unité et l'homogénéité indispen- | |||||||||||||||||
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sables. Je dirai d'emblée que cette unité ne saurait être atteinte du point de vue du style, sinon une personne devrait réécrire les 12 volumes. Ici, la seule unité que nous poursuivons est celle de la fidélité par rapport à l'original. Nous voulons éviter les à peu près, les paraphrases et le délayé, bref, nous désirons serrer le texte érasmien de près, et aussi, respecter le plus possible le style et le ton de l'original. D'autres règles générales ou lignes directrices que nous avons adoptées sont les suivantes:
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Est-il besoin de vous dire que les difficultés que nous rencontrons sont multiples? J'en citerai quelques-unes à titre d'exemple. Les passages théologiques sont parfois très ardus. Ainsi, l'on trouve, dans la correspondance échangée entre Erasme et Budé, des échos - pas plus - d'une controverse théologique avec Lefèvre d'Etaples à propos d'une traduction (je souligne le mot) d'un passage des Évangiles. Autre exemple: la traduction d'un mot est parfois très difficile, ce mot n'ayant visiblement pas sa valeur habituelle. Je veux rendre cela plus clair d'une façon indirecte, en me servant d'un texte moderne. Dans un article récent du professeur P. Mesnard que nous publierons dans les Actes de notre 3e colloque, article consacré au genre épistolaire et à Erasme épistolier, il est question d'‘escalade’ et de ‘nouvelle vague’ dans le sens qu'un passé récent a donné à ces mots. Ces mots très clairs pour nous, devront être commentés plus tard; ils seront beaucoup moins clairs d'ici quelques générations. Eh bien, dans la correspondance d'Erasme - nous en sommes conscients - de pareilles allusions verbales ou jeux de mots doivent être très nombreux. Difficiles sont aussi les passages qui sont des pastiches ou des applications plaisantes de certains langages, par ex. de la langue juridique. Ainsi - pour donner un exemple - nous lisons dans Allen I, p. 208, 5 sqq.: Tum enim qui rei erat, actoris fiet, et qui iurisdicialis, coniecturalis aut certe definitiuus erit, vt quaeratur quid sit necessitas. Traduire cela donne du fil à retordre aux meilleurs. Et que dire du grec sophistiqué de Budé? En tout cas, chaque fois que nous ne parviendrons pas à élucider tout à fait une énigme, nous le dirons dans les notes. Une autre difficulté est la traduction des noms propres. Par ex. le nom Faber peut signifier Lefèvre, mais aussi Schmitt si Faber est allemand. Allen ne donne pas toujours la solution, loin de là. Ici, il faut avoir fait les recherches qui s'imposent avant de pouvoir traduire. C'est d'ailleurs une leçon qu'apprend bien vite celui qui traduit des textes classiques ou humanistes; il faut disposer d'un bon com- | |||||||||||||||||
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mentaire, ou bien le rédiger soi-même, avant de pouvoir traduire. La traduction en français de la 1ère et de la 2e personnes, aussi bien du singulier que du pluriel, constitue également un problème, et cela dès la toute première lettre adressée au tuteur Winckel. Le nos y représente Erasme (pluriel de majesté) ou bien Erasme et son frère. Comme règle de conduite, nous avons adopté ceci: Nous traduisons nos par je sauf dans les cas réellement douteux, sinon, en décalquant, on induit en erreur le lecteur. Nous conservons le tu dans la traduction sauf là où l'auteur emploie expressément le vous majestatif. Enfin - pour citer une dernière difficulté - il faut veiller à l'uniformité des titres et finales.
Un mot encore sur l'état d'avancement de nos travaux. L'équipe dirigée par Mme Marie Delcourt a pratiquement terminé la traduction du tome I de l'édition d'Allen, y compris donc le compendium vitae Erasmi et la lettre-catalogue adressée à Botzheim. Sans contretemps, ce volume pourra sortir de presse au cours de l'année 1966. L'équipe dirigée par M. le chanoine M.A. Nauwelaerts a terminé la première moitié du volume IV. Une autre équipe également dirigée par le chanoine Nauwelaerts, a entamé la traduction du volume II. L'équipe Fabri-Bakelants a terminé la traduction de la première moitié du volume III. Une équipe dirigée par M. le Professeur A. Boutemy a été chargée de la traduction du volume IX. D'autres traducteurs ont entrepris respectivement la traduction de la première moitié du volume V et la première moitié du volume VI. Ils espèrent avoir terminé ce travail pour la fin de 1966. Bref, si nous n'avons pas l'espoir d'avoir abouti en 1969, l'année du 500e anniversaire de la naissance d'Erasme, nous devrons normalement avoir quelques volumes sur le marché. Nous avons l'intention de constituer encore une ou deux équipes, afin d'activer nos travaux. Or, il n'est pas facile de trouver, dans un petit pays comme le nôtre, tous les concours nécessaires. Nous avons donc essayé de nous assurer la collaboration de quelques spécialistes français, et c'est avec grand plaisir que je puis vous annoncer que nous venons d'obtenir la collaboration de M.J. Cl. Margolin, professeur au Centre d'Études Supérieures de la Renaissance de Tours, et de | |||||||||||||||||
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Mme P. de la Garanderie, maître assistante à l'Université de Nantes.Ga naar voetnoot3. Nous en sommes d'autant plus heureux que nous sommes conscients et de l'immensité de la tâche, et de l'exiguité de nos forces. Aussi, je vous prie, en guise de conclusion, de ne pas nous ménager vos critiques et vos conseils. D'avance je vous en remercie très sincèrement. | |||||||||||||||||
DiscussionFabri: Y aurait-il moyen d'avoir une épreuve de l'impression du vol. I de Madame Delcourt? Gerlo: Il est absolument nécessaire que le premier volume puisse sortir de presse. C'est le volume type qui servira de modèle. En plus, il sera dressé et distribué une liste d'expressions constantes (titres, phrases finales, etc.). Margolin: Je ne me souviens pas si la traduction comprend les lettres des correspondants? Gerlo: Bien sûr. Nous avons cru qu'il était préférable de traduire toutes les lettres. Vervliet: Quelle solution envisage-t-on pour les lettres déplacées? Il importe de s'en tenir à la numérotation d'Allen. Gerlo: La numérotation d'Allen sera respectée. Nous essayerons de nous tirer d'affaire avec des ‘bis’ et des ‘ter’. Halkin: Je souhaite que les collaborateurs puissent recevoir les épreuves d'au moins quelques pièces du premier volume avant le bon à tirer, afin qu'ils puissent donner leur avis, par ex. sur la traduction des formules de politesse. Nous allons faire des variantes dans la traduction. Il semble qu'il faille avoir des règles générales. Vanden Branden: Les milieux scientifiques étrangers considèrent cette traduction comme une ‘aventure’. Quels sont les arguments? Gerlo: Il ne faut sous-estimer ni l'ampleur de la tâche, ni les difficultés de la traduction. Il n'est pas nécessaire de terminer la traduction pour le 500e anniversaire de la naissance d'Erasme. | |||||||||||||||||
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Halkin: A partir du moment où la traduction est commencée, il faut bien la terminer. Quant à l'unité littéraire et de style, je me réfère aux récentes traductions françaises de la Bible. En dépit de ce que des conseillers littéraires, comme Daniel Rops, avaient contrôlé la traduction, des inégalités, dues à la présence de différents traducteurs, subsistent. |
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