De Gulden Passer. Jaargang 43
(1965)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Auteursrechtelijk beschermd
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L'édition projetée de la correspondance de Juste Lipse
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Les diverses tentatives d'arriver à une édition des lettres de Lipse.Encore de son vivant, les contemporains de Lipse avaient vu l'intérêt que présentait la Correspondance du professeur en latin et en histoire, qui avait enseigné à Iéna, à Leyde, à Louvain, et qui avait refusé les chaires que lui présentaient les plus hautes autorités de France et d'Italie. Ses lettres étaient conservées avec un soin et une fierté légitime. Nous en avons rencontré beaucoup de témoignages. Traitant des actualités parfois brûlantes, elles circulaient souvent dans des copies | |||||||||||||||||
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manuscrites. Aussi Lipse, lui-même, pressé sans doute par ses éditeurs qui y voyaient marchandise à vendre, avait entamé l'édition de sa propre correspondance. Ainsi parurent les deux premières centuries - c'est-à-dire deux recueils chacun de 100 lettres - d'abord à Leyde, où il résidait entre les années 1578 et 1591; après son retour aux Pays-Bas espagnols et catholiques, les Moretus, d'Anvers, successeurs de Plantin et ses amis éprouvés, publièrent les six autres centuries. Cela fait au total 800 lettres environ qui virent le jour pendant la vie même de Lipse. Immédiatement après la mort de Lipse en 1607, les Moretus publièrent encore deux centuries. C'étaient des lettres choisies, presque censurées, destinées à mettre en lumière la foi inébranlée de Lipse, qui pourtant - vous le savez - avait souvent, selon les circonstances, changé ses opinions religieuses. Les milieux protestants hollandais n'avaient pourtant jamais digéré l'affront - la trahison - que leur infligea Lipse en les quittant en plein combat contre les armées espagnoles, et ils ne se lassaient pas d'accentuer les contacts amicaux et fréquents que Lipse avait eu avec ceux qu'il considéra plus tard comme ‘hérétiques’. Ainsi fut publiée en 1621, l'édition des Epistolarum decades duo de viginti, en 1727, la grande édition de Burman: les Syllogen epistolarum, en 1858 enfin, la collection plus petite mais très intéressante du point de vue politique, publiée par Delprat. Ces trois ouvrages publiant près d'un millier de lettres, sont des publications hollandaises, plus ou moins entâchées d'un esprit de revanche surtout dans leurs commentaires. Une appréciation plus sereine et plus scientifique perça dès le début de ce siècle. On exprimait le voeu d'éditer non des sélections choisies de lettres ‘revues et corrigées’, mais l'édition complète et scientifique de toute la Correspondance. Nous ne sommes pas très bien informés sur les projets - si projets il y avait - des historiens de l'humanisme d'avant la seconde guerre mondiale, notamment par Bergmans ou Roersch. Si quelques-uns d'entre nous avaient des données plus précises, nous les prions de bien vouloir les communiquer. Le premier projet, dont nous avons eu connaissance plus en dé- | |||||||||||||||||
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tail, est celui de Madame Delcourt, professeur-émérite de l'Université de Liège, l'éditeur savant de la Correspondance de Laevinus Torrentius. Madame Delcourt se désista de son projet, pour laisser la priorité à celui de feu M. Bouchery, conservateur du Musée Plantin-Moretus et plus tard professeur à l'Université de Gand.Ga naar voetnoot1. D'accord avec son collègue, feu le professeur Van de Woestijne, plusieurs dissertations de licence furent faites par ses élèves, traitant de Lipse. Lui-même consacra à Lipse une belle étude, qu'il publia dans le Bulletin de l'Académie Royale Flamande. Les décès consécutifs et prématurés de ces deux savants ont privé l'érudition belge de ce travail, auquel nul mieux qu'eux était préparé. Les choses en étaient là, lorsqu'il y a plus d'une année, notre Président, le professeur Gerlo, d'accord avec son collègue de l'Université de Louvain, le professeur Nauwelaerts, prit la décision de reprendre ce sujet délaissé depuis quelque temps, à la suite de la mort des deux professeurs gantois. L'occasion fut fournie par la publication, par les soins du professeur Gerlo et de votre serviteur, d'une thèse doctorale de Mademoiselle Irène Vertessen qu'encore une fois la mort avait surprise au travail. Cette thèse avait pour sujet la Correspondance inédite de Juste Lipse conservée au Musée Plantin-Moretus. Nous avons publiés plus de 200 lettres inédites dans le Gulden Passer de 1964. Nous espérons publier en 1966 une édition globale, comprenant au surplus les commentaires, les documents et une bibliographie lipsienne en supplément à celle de Van der Haeghen et de Bouchery. Voilà en quelques mots l'histoire du projet. Abordons maintenant le second point: le but que l'initiative actuelle espère atteindre. | |||||||||||||||||
Le but.Le but de cette réédition est de réunir dans une seule publication, facile à manipuler, toutes les lettres de Lipse, ou à lui adressées.Ga naar voetnoot2. | |||||||||||||||||
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Nous n'incluons pas les lettres sur Lipse - ce serait vouloir la réédition de toutes les correspondances de la fin du xvie siècle - ni les poésies, les vers liminaires, les satires de Lipse, ou faites à son intention. D'autre part, nous tâcherons d'inclure ses épîtres dédicatoires, figurant souvent au début de ses oeuvres imprimées ou de celles de ses amis. Nous nous limiterons donc - pour des raisons qui sont principalement d'ordre pratique - au genre épistolaire. Je pense que nous devons nous demander: pourquoi cette réédition? Quelle serait son importance? On peut admettre qu'elle aurait une importance d'histoire littéraire. Lipse étant un des grands maîtres du néo-latin, on pourrait étudier sa langue, son style, son influence sur le genre épistolaire plus aisément en possédant une édition moderne et critique de ses lettres. Disons immédiatement que ce point de vue ne nous a pas guidé dans la décision de rééditer la correspondance globale. Pour la finalité que je viens d'esquisser, une large sélection aurait suffit. L'intérêt majeur de la réédition de la Correspondance de Juste Lipse réside plutôt dans sa valeur historique, au sens large du mot:
Si l'on voulait lire cette correspondance, non du point de vue de l'historien de faits détaillés et de courants d'idées limités, quoique honorables, mais bien en voyant les grandes lignes et surtout les procédés, les ‘Gestalt’ comme disent les Allemands, on serait frappé par la similitude de certains faits historiques avec ceux que nous venons de passer et passons toujours, et même par l'inéluctabilité des faits et par l'insuffisance totale de la bonne volonté des individus, des personnalités même les plus grandes de leur temps, contre ce que j'oserais appeler les grands rouages de l'histoire. | |||||||||||||||||
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Voilà le but; abordons à présent notre troisième chapitre: la méthode de notre projet. | |||||||||||||||||
La méthode.Nous avions divisé le travail en deux phases. L'une à brève échéance: l'inventaire; l'autre à longue échéance: la réédition. Disons quelques mots d'abord de l'Inventaire qui sera édité sous la responsabilité de notre président et de moi-même. Il s'agira d'un aperçu, aussi complet que possible, des lettres de ou à Lipse, ne mentionnant que
Cet incipitaire est en voie d'achèvement. En fait, il est déjà constitué en grande partie. Il nous reste encore à examiner les cas difficiles et les petits détails. Nous osons espérer la date de publication pour 1967. Je peux déjà vous en donner l'aperçu suivant: il y a au total environ 4.000 lettres desquelles
L'ordre de l'inventaire sera chronologique avec des index aux noms des correspondants et aux incipit. Le placement des lettres dans l'ordre chronologique ne se fait pas sans difficultés. Plusieurs centaines de lettres ne sont pas datées: par exemple, toutes celles du Recueil Epistolicae Quaestiones. Ensuite nous rencontrons des difficultés avec la chronologie elle-même. En effet, 1580-1606: c'est la période de la transition (dans | |||||||||||||||||
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la plupart des pays occidentaux) du calendrier Julien au calendrien Grégorien. La date de l'introduction du calendrier Grégorien en 1582-83 n'est pas du tout uniforme. L'Italie, la Pologne, le Portugal et l'Espagne sont seuls à avoir respecté la date proposée par Grégoire XIII: le 4 octobre 1582. Il faudra à la France deux mois, à l'Angleterre et à la Suède près de deux siècles, avant de respecter la date. Les différentes régions de l'Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas l'ont acceptée chacune à des dates différentes, s'échelonnant entre 1583 et 1776, chacun suivant ses goûts, surtout en matière religieuse. L'exemple de Groningue - ville du nord des Pays-Bas - est particulièrement éclairant pour ce genre de difficultés: en 1583 elle était, à la suite de la trahison de Rennenberg, aux mains des Espagnols. On y adopta donc le calendrier Grégorien. Mais une dizaine d'années plus tard, en 1594, elle fut reconquise par les États Hollandais et on y réintroduisit le calendrier ancien, qu'on nomma, par une singulière inversion de la signification des termes ordinaires, le ‘calendrier nouveau’. Voilà donc une source possible de datations fautives - il est vrai seulement d'une dizaine de jours - mais quand même il faut y prendre garde. Des correspondants méticuleux, comme par exemple Charles l'Escluse, le botaniste, datent leurs lettres suivant le ‘vetere calculo’ ou ‘stylo Gregoriano’ mais ce sont là des exceptions qu'il faut - au surplus comme nous l'avons vu au cas de Groningue - traiter avec circonspection. Une troisième difficulté, que les manuels de chronologie historique mentionnent à peine, mais qui, dans notre cas, se révèle fort encombrante, est la transposition des Kalendes de Janvier. Nos humanistes eux-mêmes ont manifestement hésité, à savoir s'il fallait dater une date de fin décembre avec l'ancienne ou la nouvelle année. Cette hésitation est parfaitement claire dans les minutes des Lettres de Lipse conservées à Leyde. Ce sont des recueils de copies, transcrits par un secrétaire, dans l'ordre chronologique des lettres que Lipse envoyait. Prenons un cas concret: Dans le fascicule 18 du ms. Lips. 3, p. ex., comprenant les minutes de 1595 à 1597, le no 192 est daté pridie novi anni Kalendas / 1596, c'est-à-dire 31.12.96; | |||||||||||||||||
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le numéro suivant est daté pridie Kalendas Januarius 1597, signifiant néanmoins la même date, le dernier de 1596. La vieille règle transmise depuis le Moyen-âge comme quoi le millésime, employé avec les Kalendes de Janvier, devrait être celui de l'ancienne année, n'est plus rigoureusement suivie. Une quatrième difficulté. La graphie quasi identique, dans l'écriture rapide du temps des noms raccourcis des mois: Jan/uarus × Jun/ius Je vous épargne des exemples, mais il y a des fautes manifestes de datation lorsqu'on rapproche certaines lettres: par ex. des Centuries avec celles publiées par Burman, dans les mois que je viens de citer. Enfin, il y a les changements conscients - falsifications si vous voulez - des dates. Mgr. Ruysschaert de la Bibliothèque Vaticane a eu l'occasion d'en démontrer une lettre manifestement postdatée et peut-être intentionnellement, puisqu'elle intéressait le litige Marc Antoine Muret-Juste Lipse. En résumant ces problèmes de datation en 3 points:
Néanmoins, nous croyons qu'en attendant cette ‘grande’ édtion, l'inventaire sommaire rendra de précieux services.
Abordons enfin le sujet de réédition globale des lettres de Lipse, qui sera publiée sous la responsabilité des professeurs Gerlo et Nauwelaerts. Cette édition devra être: critique, chronologique, complète. Chaque volume comprendra une introduction, traitant de Lipse dans la période en question, la publication des lettres elles-mêmes, que nous pensons subdiviser comme suit: | |||||||||||||||||
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Chaque volume sera clôturé par un index nominum provisoire, qui sera repris et complété par un index général à la fin de la série. | |||||||||||||||||
DiscussionIJsewijn: Est-il prévu d'établir un index des mots rares néologiques? Vervliet: Nous nous demandons jusqu'où nous pouvons aller. Les romanistes s'intéressent même à la graphie des mots. Nous nous contenterons de reprendre les mots rares dans l'index final. Van Crombruggen: Il faut être très prudent quand il s'agit d'insérer des lettres qui forment la préface dans certains ouvrages. Les Epistolicae Quaestiones ne sont pas toujours des lettres. Gerlo: C'est un problème dont nous sommes conscients. Il y a des lettres qui conviennent, d'autres qui ne conviennent pas. Autant les prendre toutes. Pour Erasme, on prend les lettres préfaces pour plusieurs raisons. Halkin: Je pense qu'il serait très utile d'avoir une monographie qui traite des problèmes de chronologie. L'examen de la pratique de chaque lieu est indispensable, non seulement pour la fin du xvie siècle, mais aussi pour son début, avec les problèmes du style de Pâques ou de Noël. |
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