De Gulden Passer. Jaargang 31
(1953)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Extrait des mémoires de Jean-Martin Cordero de Valence
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Cancionero de Romances, le Cancionero general de 1557. Il a dû corriger les épreuves du Lazarillo de Tormes et connaître le mystérieux auteur de la deuxième partie de ce roman picaresque paru en édition originale chez notre éditeur anversois. En relation avec Plantin et Nutius, il allait faire éditer dix traductions espagnoles dans nos contrées. Sa vie était peu connue jusqu'au jour où le manuscrit de ses mémoires parvint entre les mains du biographe des poètes de Valence, M. Francisco Marti GrajalesGa naar voetnoot(1). C'est à lui que nous devons la publication de ces mémoires qui intéressent en grande partie nos contrées, où Cordero a vécu près de dix ans et y a noté des détails curieux. Il semble à lire cette biographie écrite vers 1588, soit trente ans après le séjour aux Pays-Bas, qu'il s'agisse d'un projet, d'un premier jet, qui devait faire l'objet d'une révision et être complété (il laisse des blancs pour reproduire ses armoiries). Il est difficile de rétablir l'époque exacte de ses séjours à Louvain et à Anvers: le style surtout, les répétitions inutiles ne rappellent pas l'auteur qui, trente ans auparavant, publiait à Anvers La manera de Escribir en Castellano. Mais tel qu'il nous est parvenu ce texte est précieux. Il nous a paru utile d'en donner une traduction partielle, pour la partie concernant nos provinces. Jean Martin Cordero, est né à Valence le 11 Novembre 1531, son père se nommait Gabriel CorderoGa naar voetnoot(2) ‘de lignage et de maison connue, et hidalgo comme il appert de ses armoiries et de son ascendance ancienne’. Sa mère, Gracia Olivar, appartenait à la famille des Olivares, elle avait un frère professeur à l'Université | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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de Paris, mais il aura quitté cette capitale pour l'Angleterre, lors du séjour de notre jeune Jean Martin dans cette ville. Par tradition, il se destine au notariat, car il a deux oncles notaires, et travaille chez l'un d'eux; mais son frère aîné qui s'était voué aux autels, étant décédé, c'est de très bon gré, nous dit-il, et pour faire plaisir à son père qu'il quitte la basoche, pour faire sa théologie et se destiner à la prêtrise, comme le veut la tradition pour l'un des fils dans chaque famille. A Valence sa ville natale, le samedi saint de l'an 1550 (année du jubilé) il prêche dans la cathédrale un sermon latin, avec succès faut-il croire, car il est sollicité pour assurer le sermon de la veille de Noël la même année, mais il se récuse étant décidé d'aller à Paris, achever ses études. Il y débarque le 24 septembre 1550, après un voyage de 34 jours. Après un an il reçoit d'un maître craintif le conseil d'achever ses études dans les Flandres, ‘parce que la guerre sévissait entre l'Espagne et la France, où il se trouvait isolé en terre ennemie, et qu'à Paris il avait mille occasions de se perdre.’ Sortant de la capitale par la porte Saint-Denis, il se rend à Senlis. Il tombe dans une embuscade, il est fait prisonnier comme sujet du Roi d'Espagne, et retenu par le Sire de Roberval, qui en espère une rançon. Après un an de détention et une fuite dramatique, il regagne Paris où il se cache (il déclare en passant qu'il connaît déjà parfaitement la langue française). Après une grave maladie il décide de partir pour les Flandres par une autre route: il descend la Seine sur un chaland et retrouve des amis espagnols à Rouen.
A partir d'ici nous lui cédons la parole:
‘mes amis s'avisèrent de me faire voyager ainsi: en envoyant des marchandises en Flandres, avec un sauf-conduit du Roi de France, ils me munirent de lettres de recommandations, et d'un saufconduit pour sortir de France et d'autres pour entrer dans les Flandres espagnoles, ils ajoutèrent un peu d'argent pour le voyage. Ainsi j'arrivai à Amiens, ville frontière de France, et j'y trouvai trois ou quatre seigneurs espagnols qui me reçurent avec beaucoup d'honneur, car ils étaient au service et représentaient mes amis | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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de Rouen. Je m'y arrêtai une huitaine de jours. Un matin, nous partîmes avec les charrettes et nos sauf-conduits. Je me sentais tout joyeux de la réception que m'avaient faite ces gens. Nous nous dirigeâmes vers une autre ville, appelée Doullens: dans cette direction, elle est la dernière de France. Plus tard, le Roi d'Espagne notre seigneur y viendra mettre le siège et, non loin, le Roi de France y établira son camp. C'est là qu'ils firent la paix par le mariage de la princesse de France avec notre Roi. Cette ville, bien pourvue de fossés, est située entre Amiens et Arras, qui appartient à notre Roi. J'eus ainsi l'occasion de connaître Doullens qui est très belle et solidement fortifiée. Nous y arrétâmes les charrettes avec nos marchandises, j'exhibai le sauf conduit que je tenais du Roi de France, et à midi déjà nous pouvions partir. Marchant toute la nuit, le matin nous nous trouvions sur les territoires de notre Roi, et à midi à Arras. Là nous eûmes plus de mal pour entrer que précédemment pour sortir de France, car on nous fouilla et on voulut examiner tout ce que nous transportions, mais me trouvant déjà en territoire ami, je ne tins pas rigueur de cet excès. Je pris une journée de repos. Je remarquai un individu qui tuait les chiens abandonnés et on me dit que c'était pour faire des gants, la peau de chien étant très recherchée dans ce pays, pour se préserver les mains par les grands froids. Le matin, je fus à Courtrai qui est une fort belle ville, très animée par le va-et-vient des carrosses. C'est là que se fabriquent la serge et les camelots de Flandres. De là, dans un carrosse à quatre roues, très grand comme ils le sont dans ce pays, je me rendis à Gand, autre ville des plus belles et très étendue, où naquit l'empereur Charles-Quint. Je la visitai en entier, à tel point que par souci de tout voir j'y dépensai beaucoup d'argent et de temps, voulant aller partout où il y avait quelques curiosités. Cette ville est aussi grande que Paris, les constructions y sont magnifiques, il y passe des rivières comme il y en a beaucoup dans ce pays. Sur un pont, je vis une stèle de bronze représentant un garçon qui fait le geste de décapiter son père, (tandis que ce père avait ordre d'exécuter son fils, et avait refusé de le faire par piété pater- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nelle) ce fils sans tenir compte de la piété filiale, et comme la condamnation à mort avait été prononcée, décapita son pèreGa naar voetnoot(1). De là, je pris un autre coche qui me conduisit à Louvain et j'arrivai à cette Université qui est la plus importante dans ces terres-ci du Roi. J'y trouvai des amis que j'avais connus à Paris; tous étaient anxieux d'avoir de mes nouvelles, car on avait appris ma fuite de prison que j'avais réussie grâce à Dieu et à notre prouesse. J'y pris une journée de repos, recevant force visites, et le lendemain j'appris qu'il m'était arrivé quelque argent. En quittant Paris, j'avais en effet écrit à mon père qu'il m'envoie de l'aide dans les Flandres où je me rendais à cause de la guerre. C'est ainsi qu'il m'avait fait parvenir trente écus de six sous de gros, qui valent 26 écus d'or. Arrivé à Anvers, je me rendis chez un commerçant, une connaissance de Valence, appelé Lucas Sauli Casanova, originaire de Gênes, mais qui s'était marié à Valence. Il se souvenait m'avoir entendu prêcher en latin le sermon sur la Résurrection, dans la cathédrale de Valence, le Samedi Saint, avant mon départ comme je l'ai raconté plus haut. Il s'offrit à m'accompagner pour toucher cette somme, parce que j'étais inconnu du commerçant où je devais négocier ma lettre de crédit. Je l'encassai sur le champ, et aussitôt je retournai à Louvain où je me fis habiller à la mode de cette ville. Je décidai de m'y installer pour achever mes études, mais aussi résolu à éviter la société des Espagnols, pour apprendre la langue flamande et ne pas oublier le français. Ce devait être un bon exercice pour moi car j'aime de comprendre la langue du pays où j'habite. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Mes relations avec les étudiants n'y eussent pas suffi car entre eux ils ne parlent que le latinGa naar voetnoot(1). Je pris logement dans la maison d'un procureur nommé Maître Jean Simonis, où je suis resté environ un an, et je dois reconnaître que la société des Flamands me plaisait beaucoup, bien que je fusse navré de les voir si grands buveurs. Nous y étions six étudiants, et je me rendais si utile que par politesse on m'appelait ‘l'espagnol serviable’, bien qu'ils me vissent éviter les choses vulgaires. Cependant je désirais ne pas me distinguer d'eux dans la façon de boire, de manger, de me promener, de plaisanter et de me comporter. Sans savoir d'où celà m'est venu, j'eus des fièvres durant quatre mois. On m'avait tellement en amitié qu'un de mes grands amis de Valence, qui aujourd'hui repose dans la gloire de Dieu, le Docteur Messaguer, en eut de la peine et m'invita à quitter cette maison pour loger chez un Espagnol, Diego Bitores, originaire de Burgos, qui tenait une dizaine de pensionnaires. A cette époque j'avais encore reçu de mes parents des lettres de crédit, en réponse à mes appels pour me faire libérer, et comme je les avais mis au courant de tout ce qui m'était arrivé, ils m'envoyèrent la valeur de 40 écus d'or à me payer en or sur lettre de change, tirée sur le même négociant d'Anvers. Je fis le trajet d'Anvers pour toucher mon argent, et rentré à Louvain, je quittai, suivant le conseil de mon ami, le logement où je me trouvais et je me mis en sa compagnie dans une pension où se trouvaient d'autres Valenciens. A vrai dire, je n'osai pas faire connaître ma décision de quitter la maison où j'étais, avant la veille au soir. Alors, avant le souper, je commandai du vin, car il est d'usage à Louvain, à l'arrivée et au départ, qu'on fasse fête en buvant du vin à ce moment; au début du repas, je m'expliquai, et je demandai pardon à tous si je les avais mécontentés en quoi que ce soit; disant bien que tout en quittant leur logement, je ne renoncerais jamais à les tenir les uns pour mes parents et les autres pour mes frères. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Lorsqu'ils entendirent cette nouvelle qui les prenait à l'improviste, il sembla qu'un nuage recouvrît leurs yeux à tous, et tous furent grandement attristés. Mes hôtes étaient si émus qu'ils se levèrent de table sans pouvoir manger une bouchée, et moi aussi je pleurai avec eux, mais je les consolai en leur disant que je ne m'en allais pas définitivement, que je changeais simplement de logement, et que nous nous reverrions tous les jours. Non seulement les grandes personnes mais aussi les enfants et les domestiques de la maison, tous vinrent à moi en pleurant. Au matin, les ayant embrassés, je partis et m'installai au logement que j'avais retenu. Là j'eus les leçons du recteur Ruardus, qui était célèbre et avait pris part au Concile, ainsi que du Docteur Thilesius, qui également avait siègé au Concile. A la Faculté de Droit, j'assistai aux cours du Docteur Curtius, ainsi que de beaucoup d'autres, tous hommes éminents, parmi lesquels la plupart sont devenus Évêques. Les après-midi je suivais le cours De Regulis Juris du docteur Longolius, ainsi nommé parce qu'il était très long, mais son vrai nom était Elbertus. J'eus aussi les cours de grec, et ceux du professeur Eutenius: celui-ci avait été frère Hiéronymite en Espagne, mais, revenu dans son pays, faute de retrouver un couvent de son ordre, il était entré chez les Dominicains; c'était un érudit. Étant à Paris, puis durant ma captivité, j'avais entrepris de traduire les Christiados de Jérôme Vida (I)Ga naar voetnoot(1), et à mes moments de loisirs, je terminai cette traduction. Mais je la fis beaucoup plus littéralement que je n'aurais dû, suivant de trop près les tournures et les vers de l'auteur et c'est pourquoi l'ouvrage fut prohibé dans la suite. Je me rendis à Anvers pour le faire imprimer et je m'entendis avec un libraire, que je regardai comme plus habile qu'aucun autre dans le commerce et l'art de l'imprimerie. A cette époque eurent lieu les soulèvements en Angleterre. Je n'ai pas à en relater l'histoire ici, je parlerai seulement du mariage de Don Philippe qui est aujourd'hui notre roi, avec la Reine Marie. Apprenant qu'il allait se rendre en Angleterre, il me prit l'envie de voir les splendeurs de ce pays, et aussi la Cour d'Espagne qui | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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devait accompagner notre prince, fastueusement et en grand apparat, dans un pays réputé comme couvert d'or et de richesses, ce qui, dans la suite, s'est avéré bien faux. Je décidai de dédier mon livre à la Reine Marie d'Angleterre, fille de la Reine Catherine d'Aragon et du Roi Henry VIII et petite-fille du valeureux roi Ferdinand-le-Catholique. Ainsi pour montrer la valeur de ce que j'offrais, je dédiai la primeur de mes travaux à la Reine et j'en fis relier un exemplaire par Christophe Plantin parce qu'il était de ParisGa naar voetnoot(1), et très habile relieur. Ayant donc décidé d'aller en Angleterre, où mon oncle, le Docteur Olivario avait longtemps résidé, je ne voulus pas entreprendre ce voyage sans m'être muni de quelques lettres de recommandation de sa part pour ce royaume, où il avait beaucoup d'amis. J'appris qu'il était à Liège, avec l'évêque, à l'époque Georges d'Autriche, qui était en même temps archevêque de Valence. Je partis donc d'Anvers pour m'y rendre, mais arrivé à Liège, on me dit au Palais qu'il était parti la veille pour CurangeGa naar voetnoot(2) maison de campagne et de repos de l'Évêque. Je repartis dès le lendemain mais, arrivé à cet endroit, on me dit qu'il venait de faire route pour Louvain. Je vis cette habitation toute entourée de verdure, hêtres, chênes et ormes, et autres arbres si remplis d'oiseaux chanteurs, surtout de rossignols, car nous étions en mai, que je ne pus m'empêcher de m'attarder un moment à écouter le gazouillement d'un si beau concert. Puis je repartis pour Louvain, désirant voir mon oncle et lui parler, car nous nous étions souvent écrit lorsqu'il était à Cologne et à Paris, mais nous ne nous étions jamais vus. L'ayant enfin trouvé, nous passâmes une soirée agréable avec d'autres amis. Le lendemain il me fait les lettres d'introduction et je pris congé de lui. Je partis pour Anvers et, de là, à la marée descendante, pour la Zélande, à bord d'un remorqueur. Nous fîmes route sur l'Escaut qui est très large et très utile, car grâce | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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à ce fleuve on peut embarquer toutes les marchandises et les plus grands chargeurs peuvent y accoster. A l'aube nous arrivâmes à la première ville de Zélande qui est Rammekens et à midi nous étions à Middelbourg où je trouvai un tout petit bateau en partance pour Londres. Je m'y embarquai quoique je me fusse aperçu qu'un homme, décédé à bord, s'y trouvait. A la nuit, tout en naviguant, après trois Pater et trois Ave, récités par tous les passagers agenouillés à l'entour, on le jeta à la mer enveloppé dans une natte. Et je me souvins du Palinure de l'Enéide: ‘Ignota, Palinure, jacebis arena!’Ga naar voetnoot(1). Nous naviguâmes la nuit entière et traversâmes sans encombre les bancs de FlandresGa naar voetnoot(2), qui sont des dunes sous-marines que la mer forme à cet endroit. Leur traversée est pleine de dangers bien qu'ils soient signalés par des piquets et des cordages: ce qui exige un travail continuel, parce que ces bancs se déplacent suivant les caprices du vent et des courants. Nous étions déjà en vue des côtes d'Angleterre que le vent se mit à tourner et nous obligea, sans qu'il y eut rien à faire, à rentrer à Middelbourg. Comme ce voyage sur un sol mouvant ne me convenait pas, je décidai de quitter le navire et aussitôt je pris une barque pour passer de Zélande aux terres fermes de Flandres. Passant par l'Écluse, qui est un petit bras de mer, en cinq ou six heures, je touchai la terre de Flandres et j'arrivai à Bruges. C'est une ville très importante des Flandres, une des meilleures et des plus grandes du Comté, et j'en parlerai plus longuement dans la suite. De là je pris la poste pour Calais, où j'arrivai une après-midi, et j'entrai dans la ville, qui faisait peine à voir: encore au pouvoir des Anglais, elle était aussi forte que possible à cause, d'une part, de la mer, d'autre part des fossés et des fortifications entourées d'eau. Une forte garnison l'occupait. Je visitai la ville en entier, et me rendis à l'église qui était transformée en basse-cour, sans aucun ornement ni autel, sauf | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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un seul, tout petit, où l'on disait une seule messe, qui était suivie par fort peu de monde. La population se rangeait du côté du gouvernement et de la politique de la Reine, qui était très prudente et plus ou moins teintée par la réforme. Le même jour arriva un ambassadeur extraordinaire de l'empereur nommé Mr de Currièra accompagné d'un Alcade de la Cour, nommé l'Alcade de Birbiesca. Bien qu'il y eût sur place un autre ambassadeur ordinaire, appelé Monseigneur Reuarte, l'Empereur les envoyait tous deux: de Curriera, avec titre d'Ambassadeur, pour adresser des félicitations à l'occasion du mariage signé entre le prince et la Reine Marie, et Birbiesca avec mission de maintenir la concorde entre les Espagnols qui s'y trouvaient. Ceux-ci, d'ailleurs, vivaient très paisibles et en bonne entente, mais, selon ce qu'il avait appris, la colonie espagnole voyait d'un mauvais oeil le rapprochement des deux peuples et le mariage entre la Reine Marie et le Prince Philippe. Sa venue était sans objet puisque tout était calme, sans danger de révolte, mais par sa présence la situation était devenue plus tendue qu'auparavant. Je rejoignis le Sire de Currièra, il me promit sa protection auprès de l'ambassadeur en titre, et, me fiant à sa parole, nous nous embarquâmes tous à 9 heures. Dans l'après-midi nous traversions le détroit, qui est parfois très difficile à franchir, comme en fait mention Jules Caesar dans ses Commentaires, et à trois heures nous arrivions à Douvres, qui est la première ville d'Angleterre de ce côté. A Douvres, pendant que les autres se reposaient, je pris des chevaux de poste avec cinq ou six seigneurs qui se joignirent à nous et nous allâmes à Canterbury. Cette belle ville possède une église qui mérite d'être visitée, car c'est là que fut assassiné le Bienheureux Thomas, qui en était l'évêque; nous avons vu sa sépulture. Ici la coutume de louer des chevaux se pratique ainsi: la location une fois payée on nous laisse partir sans déposer caution ou donner garantie, et arrivé à destination on abandonne les chevaux dans la rue, ils se rendent eux-même à l'écurie et personne ne les surveille; jamais il ne manque un cheval: à quoi on reconnaît l'honnêteté de ce peuple. Je me rendis à une petite ville sur la | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Tamise, et de là par le fleuve nous arrivâmes à Londres, la plus grande ville d'Angleterre, la principale, la plus riche et la plus puissante. Deux ou trois jours après, les seigneurs que nous avions abandonnés en chemin, arrivèrent, et fixèrent l'audience avec la Reine, au Dimanche, après le déjeûner. Ainsi je me trouvai dans leur compagnie, car j'avais déjà parlé à l'Ambassadeur pour qu'il me patronne et je lui avais offert un exemplaire de mon livre. Arrivés au Palais, on nous fit entrer dans la salle d'audiences qui est la première salle du Dais, où se trouve un siège retourné vers le mur. Personne, fût-il prince ou seigneur, n'oserait y entrer sans se découvrir. Quand on eut avisé S.M. la Reine que l'ambassadeur était là, elle fit son entrée, avec une suite nombreuse: le grand chancelier du Royaume, qui est l'évêque de Winchester, que la reine avait fait sortir de la prison où il était incarcéré depuis plusieurs années à cause de la foi chrétienne, ainsi que beaucoup d'autres qui l'accompagnaient, tous hommes éminents. La Reine lui avait concédé cette dignité qui est la plus haute du Royaume: Chancelier du Conseil Royal et de tout le Royaume. Elle était aussi entourée du comte d'Arundel, du duc de Norfolk, de l'Amiral et de beaucoup d'autres que je ne puis nommer. Une vingtaine de Dames de haut rang, richement habillées et avec toutes leurs parures, la suivaient. Nos trois seigneurs attendaient: l'Ambassadeur, Mr de Currièra et l'Alcade de Birbiesca, ainsi que de nombreux autres chevaliers, au milieu desquels je me trouvais avec mon livre. Après que chacun d'eux eut parlé de l'objet de la visite, les Ambassadeurs en français, l'Alcade en espagnol, la Reine répondit en anglais, et le hérault, qui était un grand seigneur, répétait et traduisait ce que chacun disait, et ce que répondait la Reine. Au moment où les discours allaient prendre fin, et avant de prendre congé, l'Ambassadeur Ruarte dit à la Reine: ‘Madame, daignez recevoir un présent’, et moi, agenouillé, je lui remis mon livre. Pour le prendre, elle inclina la tête et me demanda en français s'il était en espagnol. Je lui répondis: ‘Oui, Madame, et je souhaite que vous l'agréiez en hommage de votre | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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serviteur’. Je lui dis cela en français comme elle m'avait parlé. Pendant que la reine se retirait, nous fûmes invités à boire comme c'est l'usage, du vin ou de la bière (qui est très bonne dans ce pays) en mangeant un bout de pain.’
Il assiste à l'entrée du prince d'Espagne et quitte Londres en Novembre de la même année non sans emporter un précieux souvenir: ‘Je retournai à Hampton Court baiser la main de la Reine et repartis pour Londres où de nombreux seigneurs voulaient me retenir auprès d'eux, mais je m'y refusai, répondant que je n'avais pas terminé mes études et que je devais retourner à Louvain pour les achever. Je préparai mon retour et j'emportai un très gros livre de ce pays: une bible en latin et en français, avec des figures commentées dans les deux langues, des enluminures anciennes en couleur et en or. J'estime qu'il a dû coûter au moins 600 écus. J'ai toujours cru qu'il provenait d'une bibliothèque de l'ancien roi Henry, car il en possédait plusieurs et de très belles, mais toutes avaient été pillées par les révoltés. Je l'avais découvert à Londres dans une hôtellerie où je me trouvais et où il servait d'escabeau à un gamin qui se chauffait près du feu. Je l'achetai de l'hôtelier pour 10 réaux de Castille, et l'emportai en Flandres. Voici comment je rentrai. Avec trois ou quatre compagnons, nous décidâmes le départ et nous nous embarquâmes à Londres sur une barge, chargée de tonneaux de bière, laquelle est bien meilleure mais aussi plus chère que celle qui se boit en Flandres. Nous nous embarquâmes le 18 novembre et, après trois jours de mer, nous fûmes arraisonnés par les Anglais, mais quand ils apprirent que nous transportions de la bière, ils dirent ‘amis - amis’ et passèrent leur chemin. Nous arrivâmes ainsi en Zélande, où nous attendîmes la marée. La veille de Sainte Catherine (24 nov. 1554) j'étais à Anvers. Avant de partir j'avais emporté 30 écus de change pour le voyage et en entrant dans cette ville j'en trouvai trente nouveaux que mon père m'avait envoyés. Je restai là quelques jours mais je ne cédai pas aux instances des seigneurs qui voulaient me retenir et je retournai à Louvain. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Là je demeurai deux nouvelles années pour poursuivre mes études, et une autre encore pour étudier les belles lettres. Car celles-ci jamais je ne les oubliai ni ne les oublierai jusqu'à la tombe. De Louvain, où je me trouvai à court d'argent, je retournai à AnversGa naar voetnoot(1), où m'appelait Martin Nutius, qui voulant faire droit à la demande de quelques marchands, me pria de traduire en espagnol le Duel d'Alciat (II), ce que je fis, et je le dédiai à Don Gonzague, Général de l'Empereur. Après quoi, cédant à ses instances, je pris logement chez Martin Nutius, l'imprimeur, pour corriger ses épreuves, et je traduisis les Flores de Sénèque (III), qu'imprima mon ami Plantin, et ce fut le premier livre qu'il imprima à AnversGa naar voetnoot(2). Puis étant encore chez Nutius, je fis une nouvelle traduction du Bello Judaico de Josèphe (V) que je dédiai au Roi, notre Sire, et un autre livre appelé discours sur la mort, et autres sujets auxquels j'ajoutai La manière de bien écrire en espagnol (IV) je traduisis aussi Eutropius (X) et le Manuel des Médailles (II), qui a été imprimé à Lyon par Guillaume Roville, un des meilleurs imprimeurs de cette ville. A la demande d'un Allemand, très curieux, nommé Hubert Goltzius, je traduisis aussi Les Médailles et la Vie de tous les empereurs, en in-fo (IX), et ensuite la Doctrine Chrétienne (VI) (que j'ai fait réimprimer plus tard à Valence, sensiblement augmentée). Elle a été imprimée à Anvers et en Castille, et je la dédiai au Duc de Sesa avec qui je liai une étroite amitié dans les Flandres. C'était un homme très courageux, d'un excellent jugement et de très bon conseil pour notre Prince; il était le petit-fils de Gonzalo Fernandez, le Grand Capitaine. J'étais à Anvers quand je fus sollicité par mon père d'en finir avec mes études, mais je ne pus lui donner satisfaction, avant | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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d'avoir terminé tous les travaux que j'avais entrepris après quoi je retournai à Louvain et passai en deux fois ma thèse de droit romain. Puis je rentrai à Anvers, après que j'eus terminé à Louvain et que j'y fus resté quelques jours fort bien accueilli par de nombreux seigneurs, gens très riches et désireux de comprendre et de savoir: Espagnols aussi bien qu'Allemands, Italiens et Portugais. J'ai toujours aimé les gens qui avaient les moyens ou au moins le désir de s'instruire, et détesté les gens grossiers et bornés. A cause de cela j'acquis à Louvain une très bonne réputation, car c'est la ville où les gens intelligents et capables sont très estimés et appréciés, bien entendu parmi les hommes bons et fidèles ceux que j'ai toujours fréquentés. Car je me tenais à l'écart des gens vulgaires et des hérétiques et de ceux qui suivent la mauvaise voie, me souvenant toujours que j'étais le fils de parents honorables et que j'avais quitté ma patrie très jeune encore, non pour m'avilir - (et les occasions ne manquent pas dans ce pays, avec ce grand luxe de boissons et de bonne chère) - ni encore moins pour commettre ce qui pouvait entacher mon nom d'infamie. Comme je le dirai plus loin à cette époque déjà on m'appelait le fléau des hérétiques. Et donc, à ce temps-là, comme j'habitais Anvers, un chevalier de Logroño, Don Francisco de Soria, tomba malade. Les médecins, voyant que ce n'était que mélancolie et imagination, et qu'il ne fallait donc aucun traitement puisque tout était affaire de persuasion, on lui conseilla, pour changer ses idées, de voyager à l'étranger, d'autant plus qu'on était au mois de Mai, époque fraîche et agréable. Et comme il devait chercher un compagnon avec qui il pût se divertir, on lui dit que j'étais tout à fait l'homme qu'il pouvait désirer. De nombreux amis intervinrent pour que je veuille bien accepter. Je ne pus éluder cette offre, ni me dégager d'aucune manière bien que je l'eusse vivement souhaité. Ce seigneur se fit faire une litière magnifique, et outre les grands frisons destinés à la litière, il acheta également une mule et quatre chevaux. Avec tout cet appareil, nous sortîmes d'Anvers et fîmes la promenade qui nous conduisit à la maison de campagne de l'Évêque d'Arras, qui dans la suite devint le Cardinal Granvelle. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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C'était un homme de sage conseil, de rares capacités, et qui eût été très heureux dans ses entreprises si une mort inopinée ne nous l'avait enlevé quelques années plus tard, au grand dommage de ses protégés, de ses amis et favoris, dont j'étais l'un, bien que très indigne. Je reçus de lui, en effet, bien des faveurs. Il avait été Vice Roi de Naples, grand président du Conseil d'État et du Conseil de Guerre parce qu'il s'était trouvé mêlé a beaucoup d'entreprises, en compagnie de l'Empereur, et ensuite du Roi notre Sire. Nous sommes restés là quelques jours, admirant cette propriété qui valait la peine d'être visitée à cause des curiosités qui s'y trouvaient. De là, après deux journées, nous nous rendîmes à Bruxelles, à Gand, et finalement à Bruges où nous sommes restés quelques mois. Tout l'hiver nous avons été les hôtes d'un important négociant, Juan de Matança, et nous avons été somptueusement traités comme on peut s'y attendre d'un personnage aussi considérable; nous eûmes des relations d'amitié avec de nombreux seigneurs pendant à peu près tout l'hiver et une partie de l'été. Cette ville n'a pu conserver le monopole du commerce (car Bruges avait dans le temps l'importance que la ville d'Anvers a aujourd'hui); c'est par la faute de ses bourgeois et du peuple qu'elle a mérité de perdre ses privilèges à l'exception de celui de la laine, car toutes les laines d'Espagne et d'Angleterre y sont déchargées. Qu'on ne m'accuse d'être trop bref sur ce sujet! je ne fais pas l'histoire des Flandres mais bien celle de ma vie, et je me reconnais comme très obligé vis-à-vis de Bruges car nous y fûmes reçus par tout le monde avec beaucoup d'amitié et de courtoisie. Lorsque vint la bonne saison nous partîmes pour un long itinéraire et, par les meilleurs endroits des Flandres, nous allâmes à N.-D. de Hal, où je vis une statuette de l'empereur Charles, en armure et à cheval, toute en argentGa naar voetnoot(1). Puis nous nous rendîmes à Paris, et de là à Rouen et au Hâvre. Enfin nous prîmes le chemin | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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de Calais: cette ville, qui était encore aux Anglais lors de mon premier passage, appartenait maintenant aux Français.’Ga naar voetnoot(1).
(De Calais il regagne Paris. Il a des discussions parfois violentes avec les réformés. Puis il revient en Flandres.)
‘Comme le seigneur avec qui je voyageais était mieux portant et se sentait fortifié, malgré un reste de mélancolie, nous prîmes la décision de nous rendre à une source thermale qui se trouve dans le pays de Liège, et qu'on nomme la source de Spa. Elle produit une eau ferrugineuse, et possède la vertu de guérir plusieurs maladies, spécialement les fièvres quartes et tierces, les constipations, les maux du foie et des reins, comme il est expliqué dans un petit livre que j'ai composé (lisez: traduit) sur place et qui a été imprimé à Anvers (VIII). Déjà Pline dans son histoire naturelle en parle ainsi: ‘apud Eburones est fons etc...’: c'est celle de Liège, ville ou auparavant j'avais rendu visite à l'évêque Georges d'Autriche, ancien archevêque de Valence. Il semblait que le seigneur de Soria s'y plaisait, et y serait resté tout l'été. Comme je l'avais accompagné une année entière, de mai à mai, et que son humeur était sérieusement améliorée, je lui demandai la permission de m'en retourner à Anvers. Bien qu'il lui déplût de se passer de ma société, il n'osa pas me la refuser, je lui promis d'aller le revoir, ce que je fis, et lorsque j'y retournai, il revint à Anvers avec moi. Quand il me libéra de ses services, il me donna 50 livres de gros, ce qui correspondait à 150 écus d'or. Après avoir pris définitivement congé de lui, je partis pour Bruges, faire mes adieux à ces messieurs qui s'étaient montrés si aimables pour moi, et rentrai à Anvers où je restai encore quelques mois en compagnie d'un marchand portugais appelé Diego Fernandez, homme de bien, très haut dans ses armes, qui me combla de prévenances. J'avais envie d'aller en Italie, je préparai ce voyage, mais, pas | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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suffisamment vite, et je ne pus réaliser mon projet: je reçus en effet des lettres de Valence, de mon père et de mes soeurs, et d'un flamand originaire de Bruges, qui était allé dans mon pays (il a bien réussi dans la vie aujourd'hui), et il me prit si grande envie de revoir ma patrie, que je pris toutes mes dispositions pour partir. Je fis aussitôt mes adieux à mes amis de là-bas, avec l'intention bien arrêtée de revenir au plus tôt. L'aimable seigneur de Soria était à Bruges, et je lui rendis visite avant de quitter les Flandres. Il me donna 36 ducats, pour l'achat d'un cheval pour mon voyage. Je saluai le Seigneur Matança et tous les autres. Je retournai à Anvers, où l'on m'offrit la compagnie de deux jeunes gens de Burgos nommés l'un Pedro Cerezo, l'autre François de San-Bitores, et d'un Aragonnais nommé Francisco Ruiz. Ainsi tous les quatre nous quittâmes Anvers, et passant par Louvain, où je pris congé de mes anciens hôtes, nous arrivâmes à Bruxelles. De là nous allâmes à Mons, en Hainaut, d'où, en droite ligne, nos étapes nous menèrent à Péronne, ville forte qui est déjà en France, et puis à Paris.’ Plus loin il dit encore: ‘quand je quittai les Flandres, je ne croyais pas en être absent plus que quatre ou six mois, et je comptais certainement y retourner, car si j'avais su que mon départ était définitif, j'aurais emporté de ses trésors. C'est pourquoi je n'emportai qu'un seul coffre de très bons livres, encore étaient-ils destinés à être offerts aux amis de Valence dès mon retour.’ Ainsi se termine le séjour de Juan Martin Cordero dans les Flandres; bien qu'il ait quitté nos contrées avec l'idée bien arrêtée d'y revenir, il n'y revint jamais. Rentré au pays, en 1563, il est ordonné prêtre en l'été de la même année. Il poursuivra alors sa carrière dans l'Église, mais'à part un court voyage à Rome, il ne quittera plus sa patrie. Il remplit diverses charges ecclésiastiques, et mourut, selon M. Marti Grajales, au début du xviie siècle, à Mongente près de Valence. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Voici dans l'ordre chronologique les ouvrages qu'il a traduits et édités dans nos contrées: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
I
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Bruxelles, Bib. Royale. II. 33307. A. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. |
New York, Hispanic Society of America. |
Antonio III, p. 738; Gallardo, 1890; Nuyts, p. 24, no 9; Palau VII, p. 171; Peeters, 1458.
II
Alciatus, Andreas. [1555]
ALCIATO. / De la manera / DE DESAFIO, TRADV- / zido de Latin en Romance Castella- / no, por Iuan Martin Cordero / Valenciano, y dirigido al Ilus / triss. y Excelentiss. Se- / ñor Don Hernando / de Gonzaga.
[Médaillon ovale portant les armoiries de D.H. de Gonzaga.] EN ANVERS / En casa de Martin Nucio. / Con gracia y Priuilegio. [sans date mais début 1555]Ga naar voetnoot(1)
au dern. feuillet marque de Nutius, Bca. Bca. 8. Van Havre 7.in-8o de 116 ff. mal chiffrés 117 (les 8 premiers et le dernier f. n'étant pas chiffrés.); sign: A-O8, P4.
Florence, Bib. Baron G.E. Levi. |
Londres, British Museum G. |
Madrid, Bib. Nacional. |
New York, Hispanic Society. |
Rome, Bib. Alexandrine. |
Sienne, Bib. communale. |
Antonio III, 738 (dit avec raison 1555); Heredia, 7903; Levi & Gelli, p. 106; Nuyts, p. 26, no 3; Palau 2o: 6068; Peeters, 24; Salva. 1505.
III
Seneca, Lucius Annaeus. 1555
FLORES / DE L. ANNEO / SENECA, TRADVZIDAS / DE LATIN EN ROMANCE / Castellano, por Iuan Martin Cor- / dero Valenciano, y dirigidas / al muy magnifico Señor / Martin Lopez. /
[Marque de Plantin, Bca. Bca no 2. Van Havre, mar. Plant. no 1]
EN ANVERS, / En casa de Christoforo Plantino, / cerca de la Bolsa nueua, / 1555. / Con Priuilegio de su Magestad.
in-8o de 8 ffnch. 165 ffch. 2ffnch. et un f. blanc. sign: *8, A-X8. dans certains exemplaires, les feuillets 145, 147, 149, 151, sont chiffrés par erreur 137, 139, 141, 143.
Anvers, Musée Plantin. R. 55. 6. |
Bruges, Bib. de la ville. |
Bruxelles, Bib. Royale. VH. 13226 (ex domo de Serrure à Van Hulthem, 25 Aout 1830). |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. (2 ex.) |
New York, Hispanic Society of America. |
Antonio, III, 738 (attribue erronément à Nutius); De Georges, p. 54; Gallardo, 1891; Heredia, 4277; Nuyts, p. 26, no 4 (suivant
l'erreur de Antonio); Palau VI, 492; Peeters, 1299; Pellicer, p. 113; Rooses, p. 82; Ruelens, no 2.
Ce livre est qualifié par le traducteur, Cordero, de ‘Premier livre imprimé par Plantin’. Il fait évidemment erreur, car nous savons que le premier livre sortant de ses presses est La institutione di una fanciulla nata nobilmente pour l'impression duquel il avait obtenu dès le 2 Avril 1555, le privilège en même temps que pour les Flores et le Roland Furieux.
L'historien de Plantin, Max Rooses, nous dit aussi que cette première impression porte la marque de Bellère et que Plantin ne s'en est réservé qu'un très petit nombre d'exemplaires. On peut donc à bon droit considérer Plantin comme étant uniquement l'imprimeur et Bellere l'éditeur. Quant au Flores, Plantin en est aussi l'éditeur, il porte sa marque pour la première fois. Ce serait alors le premier livre (comme dit Cordero) sorti de cette maison d'édition qui devait répandre dans la suite tant d'ouvrages de valeur.
IV
[Vives. Johannes Ludovicus.] 1556
[Moffan. Nicolas de]
[Erasmus, Desiderius]
[Cordero. Johannes Martinus]
LAS QVEXAS Y / LLANTO DE POMPEYO / ADONDE BREVEMENTE SE / muestra la destrucion de la Republica Ro / mana. Y el hecho horrible y nunca oido / de la muerte d'el hijo d'el gran Turco / Solimano dada por su mismo padre, / con vna declamacion de la muer- / te por consolacion de vn ami- / go. Al muy magnifico Se- / ñor Gonçalo Perez. /
Marque de Nutius, Bca. Bca 4, Van Havre 6.
EN ANVERS, / En casa de Martin Nucio à la enseña / de las dos Cigueñas. / 1556.
Petit in-8o de 124 ffch. par erreur 127. sign: A-P8, Q4.
Bruxelles, Bib. Royale. VB. 7423a. A. |
Lisbonne, Academia das sciencias. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. |
Londres, British Museum. 1057, b, 28 et 280, b, 32. |
Madrid, Bib. Nacional. |
Paris, Bib. Nationale. [J. 14645] |
Antonio, III, 737; Heredia, 6889; Nuyts, p. 32, no 11; Palau II, 293; Peeters, 381; Salva, 2232.
Recueil de 5 pièces: Pompeius Fugiens de Vives, Soltani Solymani horrendum facinus de Nicolas de Moffan, De Morte declamatio et Oratio de Virtute amplectenda d'Érasme, La manera de escrevir en castellano de Cordero lui-même.
V
Josephus, Flavius. 1557
LOS SIETE LIBROS / De Flauio Iosefo / LOS QVALES CONTIENEN LAS / guerras de los Iudios, y la destrucion de / Hierusalem y d'el templo: traduzi- / dos agora nueuamente segun / la verdad de la historia / Por Iuan Martin Cordero, / y dirigidos / A la S.C. y R.M. d'el Rey don Felipe, / por la gracia de Dios Rey de España, &c. / nuestro Señor.
Marque de Nutius, Bca. Bca. 4, Van Havre 6.
EN ANVERS, / En casa de Martin Nucio, à la enseña de las / dos Cigueñas. M.D.LVII. / Con priuilegio Real.
La dédicace est datée D'esta Vniversidad de Lovayna, dia de Pascua de Resurrecion año 1557.
in-8o de 16 ffnch. 352 ffch. sign: *8, a8, A-Vv8, Xx4.
Bruxelles, Bib. Royale. VB. 79881-A. |
Leyde, Bib. Univ. |
Londres, British Museum. 294. B. 20. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. |
Santiago de Compostela, Bib. Université. 1221. |
Antonio III, 738; Gallardo, 1893; Nuyts, p. 36, no 10; Palau IV, 136; Peeters, 748; Pellicer, p. 114.
VI
[Canisius, Sanctus Petrus.] 1558
SVMMA DE LA / DOCTRINA CHRISTIANA. / Compuesta por Preguntas y Respuestas, para / prouecho y vtilidad de la Rep. Christiana: / agora nueuamente traduzida en Ro- / mance Castellano por I.M.C. / POR MANDAMIENTO Y AVTHO- / ridad d'el Serenissimo Rey d'España, d'In- / glatierra, Francia, y Napoles, Don / Phelipe nuestro Señor. /
Marque de Simon, Bca. Bca. et Van Havre no 1.
EN ANVERS / En casa de Guillermo Simon ala en- / seña d'el Abestruz. / 1558. / CON PRIVILEGIO. /
Le traducteur date sa dédicace ‘D'esta Vniversidad de Lovayna a los 15 de Mayo 1558’.
in-8o de 8 ffnch. 108 ffch. sign: A-N8, P4.
Evora, Bib. Provincial. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. |
New York, Hispanic Society of America. |
Paris, Bib. Nationale. [D. 52805]. |
Antonio III, 738 (avec erreur de date: 1556); Palau 2o, 42282; Peeters, 384 (répétant l'erreur d'Antonio: 1556).
VII
[Rouillé ou Rovillio, Guillaume] 1558.
Primera parte del Promptvario de las medallas de todos los mas insignes varones que ha avido desde el principio del mundo, son svs vidas contadas brevemente, traduzido agora nuouamente por Iuan Martin Cordero, y dirigido al muy alto y muy poderoso Señor don Carlos por la gracia de Dios Principe de las Españas &c. nuestro Señor.
Lovania, 1558. in-4o en deux parties, avec figures. |
aucun exemplaire ne peut être situé.
On trouve trace de cette édition dans le catalogue de livres vendus a Amsterdam le 20 Février 1724. lot. 152: Promptuario de medallas por Juan Martin Cordero, Lovania 1558. fig. ‘voir dans Le Bibliophile Belge, année 1850, tome VI. p. 341.
Nous donnons le titre d'après l'édition de Lyon 1561 (la seule que mentionne Cordero lui-même); édition qui reproduit le dédicace du traducteur datée ‘Desta universidad de Louayna a los ocho de setiembre anno 1558 (Baudrier, Bibliographie Lyonnaise, Tome IX, p. 285). Ce promptuario avait paru à Lyon en 1553, en latin, italien et français.
VIII
Fuschius dit Lymborch, Gilbertus. 1559.
Tratado breve de las fventes azedas qve nacen alrededor de la selva de Ardveña y principalmente de la del lugar llamado vulguarmente Espa que es la fuente que suelen dezir de Lieja, por el doctor Gilberto Lymborch, medico.
Impresso en Anvers, en casa de Juan Bellero, Al Halcon, M.D.LIX.
in-4o de 14 ff non chiffrés.
aucun exemplaire n'est situé en ce moment.
Body, p. 6; Palau IV, 242; Peeters, 807; Theux, 1616.
IX
Goltzius, Hubertus. 1560.
Titre imprimé dans un motif renaissance, en deux teintes, à pleine page, surmonté d'un portrait de l'auteur:
LOS VIVOS RE- / TRATOS DE TODOS LOS / Emperadores, desde Iulio Cesar hasta el / Emperador Carlos. V. y Don Fer- / nando su hermano: sacados de las / mas antiguas monedas, no co- / mo fueron sacadas por otros, sino / pintadas muy fiel y verdaderamente, y las vi- / das y hechos, costumbres, virtudes, / y vicios, pintados con sus colo- / res, y puestos por historia. /
Al poderosissimo Principe / DON PHELIPE / Catholico Rey de España, / Por Huberto Goltzio Pintor. /
En Anuers, / Año M.D.LX. / Lib. I.
à la fin: IMPRESSO EN ANVERS, / à despesas de Huberto Goltzio Pintor, en la / emprenta de Egidio Copenio de Dist. / Año del Señor. 1560.
in-fo de 176 ffnch. dont le dernier est blanc.
sing: A6, a6, b6, D-Ee6, Ef4. Gg4. (il n'y a pas de sign. C.)
Bruxelles, Bib. Royale. III. 63775 B. et II. 53831 B. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas. |
Paris, Bib. Nationale [J. 195] et [Res. J. 517]. |
Funck, p. 322/23 no 4; Heredia 1172; Palau III, 353; Peeters, 593; Salva, 3451.
X
Eutropius, Flavius. 1561.
LA HISTORIA / DE EVTROPIO / VARON CONSVLAR, LA / QVAL CONTIENE BREVEMEN- / te en diez libros quanto passo̓ despues de / fundada Roma hasta la vida de VALENTE / Emperador con vna suma breue de to- / das las dignidades, oficios, y tierras / que los Romanos posseyeron, / traduzida por Iuan Martin / Cordero, y dirigida / Al muy magnifico Señor FRANCISCO / de SORIA VILLOSLADA, &c. /
Marque de Nutius: Bca. Bca. 4, Van Havre 6.
EN ANVERS, / En casa de la Biuda de Martin Nucio, / Año de M.D.LXI. / Con gracia y preuilegio Real. /
La dédicace est datée ‘De Anuers y de Março alos X. año. 1561’.
in-8o de 8 ffnch. 144 ffch. sign: A-T8.
Bruxelles, Bib. Royale. VB. 8809 A. |
Londres, British Museum, 9040. a. 24. |
Louvain, Bib. Peeters-Fontainas (exempl. de Salva-Heredia). |
New York, Hispanic Society of America. |
Paris, Bib. Nationale. [J. 14240] |
Antonio, III, 738; Gallardo, 1892; Heredia, 6892; Nuyts, p. 48, no 5; Palau 2o, 84788; Peeters, 486; Pellicer, p. 115; Salva 2782.
Bibliographie
1. | Antonio. - Bibliotheca Hispana vetus et nova, 4 vol., Madrid, 1783-88. |
2. | Bca. Bca. - Bibliotheca Belgica. - Bibliographie générale des Pays-Bas, 2ème Série, Les Marques Typographiques, 2 vol. Gand, La Haye 1891-1923. |
3. | Body. - Bibliographie Spadoise par Albin Body, Bruxelles 1875. |
4. | Degeorges. - La Maison Plantin à Anvers, Bruxelles 1878. |
5. | Funck. - Le livre belge à Gravures, Paris-Bruxelles, 1925. |
6. | Gallardo. - Ensayo de una biblioteca española de libros raros y curioses, 4 vol., Madrid, 1863-89. |
7. | Heredia. - Catalogue de la Bibliothèque de M. Ricardo Heredia, comte de Benahavis, 4 vol., Paris, 1891-94. |
8. | Lettres Romanes (Les). - Université Catholique de Louvain (Revue trimestrielle - Depuis 1947. |
9. | Levi & Gelli. - La bibliografia del Duello, Milano, 1905. |
10. | Marti. - Ensayo de un diccionario biografico y bibliografico de los poetas que florecieron en el reino de Valencia hasta el año 1700, por Francisco Martí Grajales, Madrid, 1927. |
11. | [Nuyts]. - Essai sur l'Imprimerie des Nutius, par C.J.N. 2de édition, Bruxelles, 1858. |
12. | Palau. - Manual del Librero Hispano Americano. Par Antonio Palau y Dulcet, 7 vol., Barcelone, 1923-27. |
13. | Palau. - 2o Manual del Librero, 2ème édition en cours de publication, 6 vol. parus A-H., Barcelona, 1948-53. |
14. | Peeters. - Bibliographie des Impressions Espagnoles des Pays-Bas, par J. Peeters-Fontainas, avec une préface de Maurice Sabbe, conservateur du Musée Plantin à Anvers, Louvain-Anvers, 1933. |
15. | Pellicer. - Ensayo de una bibliotheca de traductores españoles, Madrid 1778. |
16. | Rooses, Max. - Christophe Plantin. Imprimeur Anversois, Anvers, 1890. |
17. | Salva. - Catalogo de la Biblioteca de Salva, 2 vol., Valencia, 1885. |
18. | Theux. - de T. de Montjardin. Bibliographie liègeoise, 2ème ed. Bruges, 1885. |
19. | Ruelens. - (& de Backer) Annales Plantiniennes, Paris, 1866. |
20. | Van Havre. - Marques typographiques des Imprimeurs et libraires Anversois, 2 vol., Anvers, 1885. |
21. | Van Havre. Mar. Plant. - Les Marques typographiques de l'Imprimerie Plantinienne, Anvers, 1911. |
- voetnoot(1)
- Ensayo de un diccionario biogrófico y bibliográfico de los Poetas que florecieron en el Reino de Valencia hasta el ano 1770, por Francisco Marti Grajales. Madrid, Tip. de la ‘Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos’ 1927. Grand in-8o de 481 pp. L'article de Jean Martin Cordero occupe les pp. 128 à 177. L'éditeur donne peu de détails au sujet du manuscrit, qui forme un cahier in-fo de 70 pp. écrites, précédées de 6 pp. pour le projet de testament de Cordero qu'il reproduit également.
- voetnoot(2)
- Cordero est son nom de famille et Jean-Martin ses prénoms. On se demande vraiment pourquoi, dans la 2me édition du Manuel del librero Hispano Americano, Barcelone 1951, (si utile d'autre part) Mr Antonio Palau y Dulcet, au mot Cordero (Juan Martin) renvoie à Martin Cordero (Juan) (Vol. IV, p. 98).
- voetnoot(1)
- On conserve à Gand, au Musée Archéologique une toile du XVIIe siècle, représentant ce sujet. D'après la légende ce fait se serait passé en 1371, mais raconté différemment: un bourreau ayant à exécuter son père, au moment de porter le coup fatal, vit la lame de l'épée se détacher de la poignée ‘par grâce de Dieu’. Il est empêché ainsi, malgré lui, de commettre un parricide. En souvenir de ce fait remarquable les échevins firent placer ce groupe en bronze sur le pont principal, où les exécutions avaient lieu jusqu'aux environs de 1520.
Renseignement obligeamment communiqué par M. le Conservateur des Archives de la Ville de Gand.
- voetnoot(1)
- Nous nous séparons ici du texte de Cordero, qui se contredit, pour rendre ce qu'il a certainement voulu dire.
- voetnoot(1)
- Les chiffres Romains renvoient à la partie bibliographique.
- voetnoot(1)
- On sait qu'avant d'être imprimeur à Anvers, Plantin originaire de Touraine s'établit comme relieur et Cordero tenait sans doute de Plantin lui même, qu'il avait exercé l'art de la reliure à Paris.
- voetnoot(2)
- En flamand Kuringen près d'Hasselt.
- voetnoot(1)
- Enéide V 871.
- voetnoot(2)
- L'expression ‘traverser les bancs de Flandres’ est l'objet d'interprétations diverses chez les hispanisants. Voir à ce sujet l'article de M.P. Denis dans les Lettres Romanes (III, Fév. 1949, p. 22 et suiv.)
- voetnoot(1)
- Ici la chronologie est difficile à établir, le texte veut qu'à son retour d'Angleterre il passât trois années à Louvain, ce qui correspondrait aux années 1555-57, mais il affirme avoir pris logement chez Nutius, pour corriger ses épreuves, époque où il traduisit les Flores de Sénèque, livre imprimé au cours de l'année 1555. Le séjour à Anvers doit à mon sens se situer entre 1555 et 1558, (année du décès de Martin Nutius) par contre il date de Louvain (Pâques 1557) la traduction de Josèphe, du 15 mai 1558 le Canisius, 8 septembre 1558 le Rovillo).
- voetnoot(2)
- Voir note à la partie bibliographique (III).
- voetnoot(1)
- Cette statuette n'existe sans doute plus de nos jours, car M. l'abbé Fernand Crooy, n'en fait pas mention dans son ouvrage Les orfèvreries anciennes conservées au Trésor de Hal, Bruxelles, 1910.
- voetnoot(1)
- Depuis le 8 janvier 1558.
- voetnoot(1)
- Il ne faut pas hésiter à situer la sortie de presse au cours des tout premiers mois de 1555. Le traducteur Cordero, relate son retour d'Angleterre à Anvers le 24 novembre 1554, puis un séjour à Louvain, et sa rentrée à Anvers où il est sollicité de faire cette traduction.
Il semble matériellement impossible qu'elle soit faite et imprimée avant le 31 décembre 1554, mais il est certain que le livre était publié et déjà apprécié avant le 2 avril 1555. Cette date est celle du premier privilège concédé à Plantin pour l'impression de trois livres, entre autres les Flores de Seneca, dont Cordero avait été chargé de faire la traduction en espagnol, sa réputation de traducteur en prose étant assise depuis la mise en vente de l'Alciat.