De Gulden Passer. Jaargang 26
(1948)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Autour des études de Juste Lipse sur Tacite
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l'autre de ces éditions et ainsi apporter une modeste contribution aux précieux renseignements fournis par la Bibliotheca Belgica sur l'histoire de l'imprimerie au xvie siècleGa naar voetnoot(3). Les éditions plantiniennes dont il est question ici, ne se présentent pas toutes sous la même forme. En 1574, Lipse n'avait laissé publier que le texte revisé de Tacite, en l'accompagnant de brèves Notae critiquesGa naar voetnoot(4). En 1581, si le volume de commentaire, - le Liber Commentarius -, qui est publié en même temps que le volume renfermant les textesGa naar voetnoot(5), est à la fois critique et historique, il n'embrasse toutefois que le seul texte des AnnalesGa naar voetnoot(6). Ce n'est qu'à partir de 1585 que l'oeuvre lipsienne prend sa physionomie définitive avec la publication en un seul volume des textes et d'un commentaire completGa naar voetnoot(7). C'est sous cette forme que se présentent les éditions de 1589, 1595, 1600 et 1607Ga naar voetnoot(8). Les publications de 1588 seules font exception. Cette année-là, l'humaniste se contenta de rééditer le volume de texteGa naar voetnoot(9), en même temps qu'il publiait un opuscule additionnel - les Curae secundae -, qui complétait son commentaire antérieurGa naar voetnoot(10). La Bibliotheca Belgica consacre à chacun de ses volumes une analyse détaillée, qu'un nouvel examen ne peut que très rarement compléterGa naar voetnoot(11) ou simplement confirmerGa naar voetnoot(12). Seule l'édition de 1595, | |
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et plus précisément, l'édition des textes, qui forme la première partie du volume paru cette année-là, appelle une étude nouvelle. En effet, si la seconde partie, le Liber Commentarius, se présente de la même manière dans tous les exemplaires rencontrés, il n'en est pas de même, ni pour la première partie, celle qui renferme les textes, ni pour la page de titre, commune aux deux parties du volume. De ce point de vue, les exemplaires examinés se divisent nettement en deux groupes, l'un très peu représenté, l'autre comportant beaucoup d'exemplaires. Nous appellerons le premier groupe L, le second, G, du nom des Bibliothèques Universitaires de Liège et de Gand, où se trouve un exemplaire de chacun des deux groupesGa naar voetnoot(13). Dans les deux groupes, la page de titre présente le même intitulé, distribué en un même nombre de lignes, avec le même emploi de capitales et de minuscules, de caractères romains et italiques: C. CORNELII / TACITI / OPERA / QVAE EXSTANT. / I. LIPSIVS quintum recensuit. / Seorsim excusi / COMMENTARII meliores plenioresque / cum CVRIS SECVNDIS. / (marque plantinienne) / LVGDVNI BATAVORVM, / Apud Franciscum Raphelengium. / CIƆ. IƆ. VC. Les caractères typographiques employés de part et d'autre offrent un mélange de lettres identiques et de lettres différentes. Ainsi, tandis que ‘TACITI’ se présente de la même manière des deux côtés, la lettre s dans ‘excusi’ comme dans ‘Franciscum’ diffère nettement d'un groupe à l'autre. Le premier s se termine sans boucle inférieure dans L, alors que cette boucle existe en G. De même, le second s, en L, | |
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termine sa boucle supérieure par une nouvelle boucle rentrante, inexistante en G. D'autre part, la disposition des mots et l'espacement des lettres varient d'un type à l'autre. Une ligne tracée sur chacune des pages de titre à partir de deux lettres choisies comme points de repère le montre clairement. Si, par exemple, cette ligne est tracée du bord gauche du e de ‘EXSTANT’ au bord gauche du i de ‘IƆ’, cette ligne, en L, passe au milieu de c de ‘TACITI’, de m de ‘Franciscum’ et elle sépare o et r de ‘CORNELII’, s et q de ‘LIPSIVS quintum’, s et s de ‘CVRIS SECVNDIS’. En G, au contraire, la ligne passe au milieu de o de ‘CORNELII’, de s de ‘CVRIS’ et elle sépare a et c dans ‘TACITI’, v et s dans ‘LIPSIVS’, u et m dans ‘Franciscum’. L'examen du texte donne des résultats parallèles à ceux-ci. Si l'ensemble des caractères employés, la disposition des pages et la technique de l'impression portent nettement la marque d'un même atelier, travaillant selon les mêmes méthodes, celles que l'on retrouve dans l'ensemble des éditions plantiniennes, des divergences réelles se manifestent néanmoins. Comme dans la page de titre, on peut aisément relever, dans le texte, des caractères propres à chaque groupe. Comme dans la page de titre encore, le tracé d'une ligne montre à l'évidence qu'il y eut deux compositions distinctes, bien que le texte à éditer ait été distribué entre les pages d'une manière identique. Les 9 dernières lignes de la page 300 fournissent un cas extrême de différenciation due à une utilisation différente des abréviationsGa naar voetnoot(14): - 9 igniū progressa necem & arma perliceret; C. Cassius adignium progressa necem & arma perliceret; / C. Cassius | |
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- 4 gatissimū senatusconsultū, quo ciuitati Syracussanorum vulgatissimum senatusconsultū, quo ciuitati Syracusa- Ces textes, reproduits ici dans l'ordre LG, outre qu'ils accusent nettement l'existence de deux éditions dites de 1595, montrent également que G est une copie de L, nous semble-t-il. Les divergences s'expliquent, en effet, aisément dans cette hypothèse. Le compositeur de G a le souci de garder la même distribution du texte par page, mais sa copie n'est évidemment pas servile au point de suivre son modèle dans l'utilisation des abréviations familières et des espacements. C'est la négligence de la forme abrégée ‘igniū’ qui entraîne, pour une bonne part, les divergences que nous constatons. Les lignes - 9 à - 7 se caractérisent, d'autre part, dans G, par l'emploi de deux formes non abrégées et de trois espacements, tandis qu'à partir de la ligne - 5, le même compositeur supprime deux formes pleines et quatre espacements existant en L. La rareté des exemplaires de la série L s'explique mieux si l'on admet l'antériorité qui vient d'être suggérée. On ne voit pas clairement la raison de cette réédition. La composition a-t-elle été détruite avant que l'imprimeur se soit aperçu qu'il n'avait tiré que trop peu d'exemplaires? La première édition a-t-elle été jugée trop défectueuseGa naar voetnoot(15)? Quoi qu'il en soit, il semble bien que l'imprimeur n'ait pas voulu attirer l'attention sur l'existence de deux éditions du texte, que l'on trouve reliées l'une et l'autre avec l'unique édition du Liber Commentarius, qui fait partie du volume de 1595. Un détail semble indiquer ce souci de l'imprimeur. La Bibliotheca Belgica, dans l'analyse du volume de 1595, note que c'est à tort qu'il est souvent question d'une édition de 1590 ou d'une autre de 1598. Elle explique cette erreur des catalogues par une mauvaise lecture d'un défaut typographique du V de la date CIƆ. IƆ. VC. Le défaut existe, mais, en réalité, il se présente sous | |
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deux formes: dans la série L, le V a conservé intacte la haste droite, tandis que la haste gauche s'est cassée, de sorte qu'elle se présente comme les deux demi-hastes gauches d'un XGa naar voetnoot(16), tandis que dans G, la partie inférieure des deux hastes du V a disparu, si bien que l'on peut interpréter la partie restante comme une détériorisation des deux hastes verticales d'un II. Ces deux formes donnent ainsi naissance aux pseudo-éditions de 1590 et de 1598. Elles s'expliquent parfaitement si L est bien le modèle de G. Le défaut typographique, extrêmement rare, sautait aux yeux du lecteur. Au moment de composer une seconde fois ou de vérifier la composition première, l'imprimeur aura conservé le caractère défectueux, qui, à l'impression, se sera détérioré davantage en prenant la forme qui distingue les exemplaires GGa naar voetnoot(17).
Les éditions plantiniennes furent reproduites plusieurs fois à l'étranger pendant la période qui va de 1574 à 1607. La Bibliotheca Belgica est ici moins complète. S'il suffit de signaler, à propos des éditions parisiennes de 1599Ga naar voetnoot(18) et de 1606Ga naar voetnoot(19), l'un ou l'autre exem- | |
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plaire qu'elle omet, il est quatre éditions qui lui ont complètement échappé. Les moins importantes sont celles que publièrent en 1603, à Lyon, et, en 1604, à Ingolstadt, les imprimeurs Jean Pillehotte et Adam Sartorius. A dire vrai, le nom de Juste Lipse n'apparaît dans aucun de ces volumes, pas plus qu'il n'est mentionné dans la réédition du texte de Tacite, publiée par l'imprimeur Jérôme Commelin, en 1595, à HeidelbergGa naar voetnoot(20), mais l'examen du texte montre que nous nous trouvons en présence de rééditions de l'oeuvre lipsienne. Le texte que suit la première de ces deux éditions, et les variantes critiques qui sont groupées en fin de volume prouvent qu'elle reproduit une édition plantinienne de 1595, vraisemblablement par l'intermédiaire de l'édition d'Heidelberg. En effet, si elle s'ouvre par quelques pièces propres, absentes de l'édition allemande, par ailleurs, elle présente avec celle-ci trop de ressemblances pour ne pas en dépendreGa naar voetnoot(21). L'édition de 1604, | |
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elle, reproduit le texte de l'édition plantinienne de 1600, mais en se bornant à une oeuvre de Tacite, les AnnalesGa naar voetnoot(22). Plus intéressant est le Liber Commentarius publié en 1585, par Antoine Gryphe, à Lyon. Mieux que toute autre réédition, ce volume montre, par sa composition même, l'intérêt suscité par les travaux de l'humaniste belge. L'édition lyonnaise reproduit le Liber Commentarius plantinien de 1581, consacré uniquement aux Annales, avec toutes ses pièces accessoires, y compris l'index final. Mais ce n'est là qu'une première partie. Les Notae, nom que Lipse donne à son commentaire du reste de l'oeuvre de Tacite, suivent telles qu'elles se présentent dans l'édition plantinienne de 1585Ga naar voetnoot(23). Si étrange qu'il paraisse au premier abord le fait trouve une première explication quand on sait que l'édition plantinienne de 1585 sortit, en réalité, de presse en août 1584Ga naar voetnoot(24) et qu'elle était | |
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en vente à la foire de Francfort à l'automne de cette même annéeGa naar voetnoot(25). L'intérêt des Gryphe pour tout ce qui touchait à Tacite se comprend aisément. Dans les dernières années, ils avaient réussi à monopoliser, en quelque sorte, le texte de cet auteur par leurs éditions de 1542, 1551 et 1559Ga naar voetnoot(26). De plus, ils avaient réédité, en 1542, les commentaires de Béroald (1515), d'Alciat (1517) et de Rhenanus (1533)Ga naar voetnoot(27). C'est à leur imprimerie aussi que deux de leurs correcteurs, Ferretti et Vertranius Maurus, avaient fait paraître, en 1541 et en 1569, les derniers commentaires qui avaient été consacrés à l'ensemble de l'oeuvre de TaciteGa naar voetnoot(28). Dans de pareilles conditions, il n'est pas étonnant qu'Antoine Gryphe ait manifesté de l'intérêt pour les éditions plantiniennes. En 1576 déjà, il avait reproduit la première édition de Juste Lipse, en la reliant avec un exemplaire du commentaire de Vertranius MaurusGa naar voetnoot(29). En 1584, il rééditait le texte de Tacite paru à Anvers, en 1581Ga naar voetnoot(30). La genèse de l'édition hybride de 1585 se laisse dès lors deviner. Après avoir réimprimé le texte plantinien de 1581, les ateliers lyonnais entreprirent la réédition du Liber Commentarius qui l'accompagnait. Au moment d'achever ce nouveau volume, Antoine Gryphe eut connaissance, sans doute grâce à la foire de Francfort, de la mise en vente d'une troisième édition, complète cette fois. Dès qu'il en eut un exemplaire en sa possession, il entreprit l'impression de la partie du commentaire de 1585, qui venait de paraître pour la première fois. Il réussit ainsi à mettre sur le marché une édition apparemment identique à celle d'Anvers et portant la même dateGa naar voetnoot(31). | |
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Une autre réédition montre également à sa manière la vogue que connurent les ouvrages de Lipse. Il s'agit cette fois d'une reproduction anonyme du Liber Commentarius de 1595. Cette réédition, dont les exemplaires sont assez rares, contient le même texte que les exemplaires authentiquesGa naar voetnoot(32). Le texte y est distribué, dans ses grandes divisions, suivant la même pagination que celui de l'édition plantinienne. De même que le Liber Commentarius authentique, qui n'est que la seconde partie du volume de 1595, ce volume ne possède aucune indication de date, ni de lieu et il s'ouvre par le même titre particulier: IVSTI / LIPSII / AD / ANNALES / COR. TACITI / LIBER COMMENTARIVS, / Variis in locis utiliter auctus. Mais si on le compare avec les exemplaires authentiques, il ne présente plus cette correspondance dans le choix des caractères italiques et romains qui existe entre les séries L et G du volume de texte. C'est ainsi, par exemple, que la dernière ligne du titre qui vient d'être donné est composé en caractères italiques, alors que ce sont les caractères romains minuscules qui sont utilisés dans les exemplaires authentiques. De même, la dernière ligne du titre spécial qui ouvre le Commentaire consacré aux Histoires ‘NOTAE’ est écrite en majuscules, alors qu'elle l'est en minuscules dans les exemplaires plantiniens. Les notes marginales du Commentaire composées ailleurs en caractères romains, le sont ici en italiques. Lettrines et dessins sont également nettement différents de part et d'autre. La réédition anonyme possède, en plus, une série de motifs décoratifs qui lui sont propres: un trait horizontal, p. 2, au-dessus de ‘AD LECTOREM’ et, p. 4, au-dessus de ‘MONITIO / AD LECTOREM’, une bande ornementale, p. 5, au-dessus du début du Commentaire et un cul-de-lampe, p. 446, à la fin du Commentaire des Annales. Si les grandes divisions de l'ouvrage se présentent de part et d'autre, suivant la même pagination, il s'en faut de beaucoup qu'on ait ici réussi à faire coïncider le texte de chaque page, avec la précision qui vient d'être relevée entre L et G. Un certain nombre de pages contiennent la même portion de texte que les pages correspondantes de l'édition originale, mais beaucoup n'y | |
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parviennent pas ou n'y parviennent qu'en utilisant la dernière (43e) ligne de texte, alors que l'édition plantinienne réserve toujours celle-ci à la réclame et, éventuellement, à la signature. C'est ainsi que les cinquièmes signatures de toute une série de cahiers sont supprimées, ainsi que les réclames correspondantes et toutes deux sont remplacées par une ligne supplémentaire de texteGa naar voetnoot(33). De plus le recto de chacun des feuillets suivants de ces cahiers est dépourvu de réclames et subit la même addition d'une ligne supplémentaire de texte. Fréquemment aussi le typographe a supprimé dans le même but des réclames isolées ou a multiplié les abréviations en fin de pageGa naar voetnoot(34). Ces détails prouvent que cette réédition anonyme est une copie des exemplaires ordinaires. Mais elle ne semble pas, cette fois, être sortie des ateliers plantiniens. En effet, on ne retrouve plus ici la parenté qui existait entre L et G. Outre cette suppression systématique de réclames et de signatures qui semble inconnue de la technique plantinienne, le texte lui-même est moins soigné, surtout lorsqu'il s'agit de lettres capitales. C'est ainsi que les titres, dates et inscriptions offrent rarement une composition bien horizontale. Les dernières présentent souvent, en plus, un mélange de caractères de différentes grandeurs. Rien ne permet malheureusement d'identifier cette réédition, qui doit vraisemblablement se situer entre 1595 et 1600, date de l'édition plantinienne suivanteGa naar voetnoot(35). Tous les exemplaires rencontrés sont dépourvus du texte des oeuvres de Tacite. Toutefois, le jeu de signatures utilisé est identique à celui que l'on trouve dans | |
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l'édition originale: le compositeur a employé les minuscules qu'il trouvait dans son modèle, alors que les majuscules y étaient réservées pour l'édition du texte. De plus, l'édition anonyme renvoie aux mêmes pages du volume de texte qu'indiquait son modèle. Ce sont là de faibles indices, qui laissent peut-être espérer la découverte d'une réédition encore ignorée de la partie du volume de 1595 qui renfermait les textes. Ces notes bibliographiques rassemblées au cours de recherches préliminaires à notre étude, Juste Lipse et les Annales de Tacite. Une méthode de critique textuelle au XVIe siècle (à paraître dans le Recueil des travaux d'Histoire et de Philologie de l'Université de Louvain et dans les Humanistica Lovaniensia) viennent renforcer l'impression que laissait le catalogue copieux dressé par les collaborateurs de la Bibliotheca Belgica. L'indéniable succès de librairie de travaux qui ne connurent pas moins de vingt éditions différentes de 1574 à 1607, laisse deviner leur originalité et aussi leur valeur. |
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