De Gulden Passer. Jaargang 16-17
(1938-1939)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Une requête autographe de L.-Th. Schenckels
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1588-1593). En arrivant, la seconde fois, dans notre métropole, il adressa aux families une circulaire en latin annonçant, qu'après dix-huit années de pratique, il se mettait à leur disposition tant pour l'enseignement de la piété et des bonnes moeurs, des arts et des langues que pour une éducation facile, bienveillante et libérale. Il accueillait aussi des pensionnaires qui fréquenteraient le Collège des JésuitesGa naar voetnoot1). Parmi les élèves que lui valut sa réclame se trouvent les petits-enfants de Plantin, à qui vers la fin de l'année 1588 il fit représenter le martyre de Se. Catherine, une pièce de sa composition et où lui-même jouait un rôleGa naar voetnoot2). Sans doute, ses leçons particulières ne lui rapportèrent-elles pas de quoi subsister, car, peu de mois après, il figure parmi les quarante-huit maîtres d'école de la ville d'AnversGa naar voetnoot3). Mais ce ne fut que pour une année. En 1590 et 1591, il est inscrit comme instituteur libre et en 1592, il refuse de payer sa cotisation de membre. Une dernière annotation signale son départ pour la France. Ce fut vers cette époque de sa vie que Jean Moretus choisit Schenckels comme collaborateur à un ouvrage qu'il voulait éditer à la pieuse mémoire du fondateur de l'imprimerie plantinienneGa naar voetnoot4). Notre humaniste s'y trouve en compagnie de plusieurs personnages | |
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dont les oeuvres ont passé à la postérité: Jean Bochius dont les Epigrammes funéraires occupent la moitié du volume, le philologue Jean LievensGa naar voetnoot1), le gentilhomme autrichien et historien Michel AitsingerGa naar voetnoot2), Johan Post, médecin de la Cour de l'Electeur PalatinGa naar voetnoot3), l'illustre correcteur Corneille Van KielGa naar voetnoot4) et François Raphelengien, petit-fils de PlantinGa naar voetnoot5). L'éloge posthume consacré par Schenckels à la gloire du célèbre architypographe n'a jamais été réimprimé. Comme les morceaux de ce genre et de cette époque, il est hyperbolique et ne mérite pas le nom de chef-d'oeuvre. Et cependant, il ne nous paraît pas indigne d'être mis sous les yeux du lecteur. Voici comment, sous une forme épigraphique, il glorifie la personnalité et les travaux de son héros: ‘De Plantin, les cendres en ce sépulcre
reposent, homme célèbre dont la renommée
vole par l'univers entier.
Car, expérimenté en son art, il l'était
au point que le passé le vit sans égal
et qu'aux siècles futurs, il le restera à jamais.
De tous il a bien mérité, unanimement
on l'a reconnu, mais surtout des savants
à qui ses travaux rendaient service infiniment.
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Toi donc, à qui son art a profité,
prie que son âme obtienne la vie
éternelle et sa cendre le repos.’
Ici la pièce originale: Plantini cineres in hoc sepulchro
Conduntur, celebris viri, per orbem
Cujus fama volat vel universum.
Nam sic ille fuit peritus artis,
Vt nullum dederit parem, nec aetas
Huic sit posterior parem datura.
De cunctis bene confitentur omnes
Ipsum promeruisse, sed tamen de
Doctis praecipue; quibus labores
Suscepti sine fine serviebant.
Ergo quisquis opem per ejus artes
Percepisti, animae precare vitam
AEternam: cineri simul quietem.
Lambertus Schenck. Dusilv.
Nous l'avons vu plus haut, ce fut en 1593 que Schenckels quitta Anvers. Cette date marque aussi, dans sa carrière, le commencement d'une activité nouvelle qui lui valut une renommée quasi européenne. Désormais il abandonne l'enseignement des Lettres et se fait professeur de mnémotechnie, science qu'il enseignait du reste déjà depuis 1584. Son succès fut considérable et incontestéGa naar voetnoot1), non seulement durant sa vie mais pendant tout le XVIIe siècle. Pour mieux en comprendre la raison, on se rappellera qu'à cette époque l'enseignement en humanités et même aux universités consistait en grande partie à charger la mémoire d'une immense érudition et à imposer l'étude par coeur d'un nombre considérable de pages choisies dans les auteurs anciens. Ainsi s'explique que plusieurs universités et de nombreux évêques aient bien voulu accorder audience à l'exposé de | |
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la nouvelle méthode et, vu son succès, à l'approuver. En France, où Schenckels se rendit tout d'abord, Louis XIII lui accorda même des lettres patentes d'exclusivité pour tout le pays et l'Université de Paris l'admit à professer son art en Sorbonne. Il parcourt ensuite, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Bohème, presque l'Europe entière, allant de ville en ville, logeant dans les hôtelleries, comme certains marchands d'aujourd'hui. Par circulaires, de nouveau, il avertit les théologiens, médecins, philosophes, avocats et, en général, tous ceux qui désirent développer leur mémoire de façon plus qu'ordinaire, qu'ils sont attendus durant huit jours; si alors ses clients n'atteignent pas la douzaine, il s'en ira et ne reviendra que deux ans plus tardGa naar voetnoot1). En même temps, il avait consigné l'essentiel de sa méthode dans un écrit qui parut, dès l'année 1593, en latin et en français à Douai et à Arras. Deux éditions latines, publiées sous un nouveau titre, virent encore le jour de son vivant à Rostock et à Venise, en 1619. Cette même année, il fit également imprimer á Strasbourg une méthode pour apprendre le latin en six mois et l'année suivante, son dernier ouvrage daté, un panégyrique latin de l'empereur Mathias et de Ferdinand, roi de Bohême et de Hongrie (Fribourg en Brisgau). Puis, pendant quatre ans, on ne sait rien à son propos. C'est ici que notre document va nous renseigner quelque peu. En avril 1624, y lit-on, Schenckels se trouve à Bruxelles et présente au Conseil de Brabant et au Conseil privé une demande de privilège pour l'impression d'une nouvelle méthode d'enseignement. De quoi s'agitil, au juste? Impossible de le dire d'une façon certaine, vu l'imprécision des termes employés dans les requêtes. Mais, parce qu'il y est question d'une méthode d'instruction de la jeunesse en tableaux et que la spécialité de notre pédagogue était le latinGa naar voetnoot2), nous croyons que son nouvel écrit se rapportait également á l'enseignement de cette branche. L'ouvrage en question devait se composer de deux tableaux, l'un dessiné, l'autre servant de commentaire, en caractères d'imprimerie. A la demande de l'auteur, pendant l'espace de six années, aucun imprimeur ni graveur au burin (plaetsnyder) ne pouvait les reproduire sans sou autorisation. | |
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Voici, au surplus, les termes mêmes de l'octroi dont la minute a été, suivant l'usage, écrite sur la requête même: Philippus etc... Wij hebben ontfangen die ootmoedighe supplicatie van Lambert Schenkel inhoudende dat hij twee tafereelen met vuytlegginge des inhouts der selver geinventeert heeft tot lof ende vervoirderinge vande Jonckheijt deed gedruckt ende dander gheteekent... Waeromme zoo eest dat wij... den voorn. Suppliant hebben geoctroyeert... dat hij de voornoemde tafereelen met de vuytlegginge der selver, sal moghen doen drucken... Verbiedende... alle druckers... ooc alle plaetsnijders de voorn. tafereelen ende vuytlegginge der zelver naer te drucken, vercoopen ofte distribueren binnen den tijt van sesse jaeren... Brussel, 18 April 1624. Pareil octroi n'empêchait la contrefaçon que dans le territoire du Duché de Brabant. L'auteur désirant protéger ses droits dans toute l'étendue des Dix-sept Provinces des Pays-Bas se rendit le lendemain au Conseil privé et y rédigea, de sa propre main, la supplique qui suitGa naar voetnoot1): | |
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Ce second privilège ne nous apprend rien de plus que le premier touchant l'ouvrage à éditer. Ces documents sont-ils donc sans intérêt? Certainement non, car ils nous ont conservé certains détails sur l'individualité et la fin de carrière d'un humaniste qui eut son heure de célébrité. Et d'abord, ils témoignent de son incessante activité littéraire au moment où il n'est pas loin de sa quatre-vingtième année; ils précisent aussi et situent au 19 avril 1624 la dernière date certaine de son existence. La pièce autographe enfin, nous révèle une fermeté de main peu commune chez un vieillard. En même temps, elle nous fournit un spécimen fort caractéristique de signature du XVIIe siècle. On y trouve, à côté du nom d'origine Dusilvius (Bois-le-Duc), la marque de Schenckels, sous forme d'un monogramme composé des lettres L et S, réunies par des S entrelacés, ces derniers étant, semble-t-il, les initiales du latin subscripsi; ensuite, dans les enjolivements le chiffre 3, répété jusqu'à huit fois, une précaution croyons-nous, pour rendre plus difficile l'imitation de ce parafeGa naar voetnoot1). L. Le Clercq. |
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