De Gulden Passer. Jaargang 10
(1932)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Livres.Vervollständigte Holzschnittfolge der Passion Delbecq-Schreiber nach dem ersten antwerpener Drucke des Adriaen van Berghen von 1500; 46 Abbildungen mit einer Einführung von Paul Heitz. - Einblattdrucke des fünfzehnten Jahrhunderts. - 77. Band. - Strassburg, J.H. Ed. Heitz, 1932. gr. in-4o.Au début du XIXe siècle se trouva dans la riche collection de manuscrits de Van de Velde, bibliothécaire de l'Université de Louvain, un petit livre de dévotion dédié à sainte Godelive. Il contint une quarantaine de gravures, bois et cuivres, enluminées à la main et collées, dont, en dehors de quelques pièces uniques dispersées actuellement dans les cabinets d'estampes de Paris et de Londres, une série de 20 bois, mesurant 94 × 68 mm. et représentant la Passion du Christ. En 1833, le manuscrit entra en possession du fameux collectionneur gantois Delbecq, dont les collections importantes furent vendues à Paris en 1845Ga naar voetnoot1). Toutefois le catalogue de la vente renseigne, sous le no 60, la dite Passion comme une série indépendante: les images ont été enlevées du manuscrit. Dès lors elles passent en différentes mains et, en 1890, elles sont acquises, du marchand berlinois Gutekunst, par l'iconographe allemand W.L. Schreiber. A partir de ce moment, la série est appelée ‘la Passion Delbecq-Schreiber; elle est considérée comme un exemplaire unique et acquise, vers 1914, par le Cabinet des Estampes de Bruxelles. Entretemps, W.L. Schreiber l'avait renseignée dans son fameux Manuel de l'Amateur de la Gravure sur bois et sur métal au XVe siècleGa naar voetnoot2). Cet iconographe qui se distingue surtout par la tendance de faire passer pour des oeuvres allemandes les gravures primitives françaises et flamandes, décrivit cette série comme ‘une Passionsuite exécutée vers 1480, dans le bassin du bas Rhin’. | |
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En 1908, elle fut publiée, comme une oeuvre néerlandaise cette fois, par Wilhelm Molsdorf, bibliothécaire de l'Université de Breslau, dans la série des Einblattdrucke des fünfzehnten JahrhundertsGa naar voetnoot1). Mais de même que Schreiber, Molsdorf ne s'en était pas rendu compte que ces 20 bois ne constituaient qu'une partie de la série et, en outre, qu'ils ne devaient pas être considérés comme une suite xylographique indépendante, mais bien comme illustrations de livres. Ce fut M. Louis Hissette, bibliothécaire au Cabinet des Estampes de Bruxelles qui, en 1914, démontra que les bois de la soi-disant Passion Delbecq-Schreiber n'étaient que des gravures sur bois découpées dans des post-incunables anversoisGa naar voetnoot2). Toutefois, M. Hissette ne fit remonter qu'à 1510 la première apparition de ces images. Des recherches récentes ont démontré qu'elles sont plus anciennes. Et leur ‘curriculum vitae’ est plus étendu et plus compliqué qu'on ne l'avait cru jusqu'à ce jour. Molsdorf les avait datées environ 1490. Mais la plus ancienne impression anversoise, dans laquelle nous les avions retrouvées, fut Dleven ons Heeren de Ludolphus de Saxonia, imprimé en 1503 par Henri Eckert van Homberch qui, en 1466, avait transporté ses presses de Delft à Anvers. Voilà toutefois que M. Paul Heitz, par son étude qui vient de paraître, essaie d'avancer la date ‘ante quem’ jusque 1500. En effet, si nous devons admettre comme tout à fait exact ce qu'il avance, cet éditeur strasbourgeois serait en possession d'un petit livre imprimé à Anvers par Adrien van Berghen, portant la date 1500 et comprenant 40 bois de la Passion Delbecq-Schreiber. D'après la description qu'en donne le propriétaire, le livre (dont le titre manque) serait une édition du Leven ons liefs Heren et le colophon porterait ‘Gheprent Tantwerpen In de groote Mortier ⁌ Int jaer ōs herē M.CCCCC’. ‘De groote Mortier’ est l'enseigne de la maison où Adrien van Berghen, travaillant à Anvers de 1500 à 1540, habita jusqu'en 1506. | |
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Si donc les détails fournis par M. Heitz sont exacts, nous nous trouverions en présence d'un post-incunable encore inconnu jusqu'à ce jour et l'histoire de la Passion Delbecq-Schreiber en serait singulièrement modifiée. Mais nous avons des raisons sérieuses pour rester sceptique devant les affirmations de M. Heitz qui jusqu'ici a refusé catégoriquement de soumettre son précieux bouquin à l'examen des spécialistes, bibliographes et iconographes néerlandais. Seule une autopsie de l'impression peut nous donner la certitude qu'aucun faux n'a été commis, soit en altérant le colophon, soit en combinant des feuillets appartenant à deux impressions différentes. Les connaisseurs des post-incunables savent que ces faux sont malheureusement assez fréquents. La soi-disant impression de Van Berghen de 1500 renferme donc 40 bois, dont le dernier est la marque d'imprimerie de Van Berghen, représentant la maison du ‘Grooten Mortier’. Mais ce bois se trouve à la page 324 du livre, c'est-à-dire à 35 pages plus loin que le dernier bois de la Passion, le Jugement dernier. Qui nous certifie que cette marque appartient bel et bien au livre et est exécutée par le même graveur qui tailla les bois de la Passion? Qui nous certifie que ce bois n'a pas été ajouté d'une façon arbitraire à un fragment qui ne serait pas imprimé par Van Berghen? Mais le post-incunable de M. Heitz nous pose devant un autre problème troublant. Van Berghen aurait donc été le premier, en 1500, à employer les bois de la Passion Delbecq-Schreiber. Mais dans ce cas le livre appartenant à M. Heitz est aussi la seule impression de Van Berghen où ces bois furent mis en oeuvre. Car, déjà en 1503, nous voyons apparaître 23 de ces bois dans une impression de Eckert van Homberch, Dit is dleven ons heeren Ihesu Christi (NK 1407)Ga naar voetnoot1). La même année, c'est-à-dire le 1 octobre 1503, Eckert van Homberch emploie le bois de l'Annonciation dans Onser Liever Vrouwen Souter (NK 291). Mais, quelques jours plus tard, notamment le 17 octobre, Adrien van Berghen publie Leven ons Heren Ihesu Christi, avec un texte assez étendu, illustré de 42 bois. Dans son étude, M. Heitz prétend | |
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que ceux-ci sont identiques à ceux de sa soi-disant impression de 1500. Or, il n'en est rien: la comparaison prouve d'une façon péremptoire que les bois employés par Van Berghen en 1503 sont des copies. La technique de la taille est beaucoup plus maigre, les hachures sont plus minces et plus nombreuses et les images présentent fréquemment des différences assez notables. Le dessin est moins pur et moins ferme, quoique ces copies ne soient pas sans mérite. Dans une lettre particulière, M. Heitz a bien voulu reconnaître son erreur et il nous annonce une rectification. Mais le fait nous rend encore plus sceptique quant à la date de 1500 attribuée à sa soi-disant impression de Van Berghen. Il nous paraît inadmissible que Van Berghen, après avoir été en 1500 le premier à employer les bois originaux de la passion, les ait cédés déjà en 1503 à son concurrent Eckert van Homberch, pour ne se contenter, lui-même, quinze jours plus tard, que de copies. Car ces copies n'apparaissent plus, à partir de ce moment, que dans des impressions de Van Berghen: en 1504. Die Vertroestinge der gelatenre menschen (NK 2148); en 1507, Boeck van die vier Oeffeninghen Bonaventure; en 1510, dans Ludolphus de Saxonia, Dit is dleven ons heeren Ihesu Christi (NK. 1408). Quant aux bois originaux, ils n'apparaissant, tout d'abord, que dans des impressions de Eckert van Homberch: en 1505: Een Boecxken van Devocien gheheeten die Neghen Couden (NK 622; deuxième édition en 1517, NK. 625); Jacques de Voragine, Passionael (seconde édition en 1516, NK. 1193 et 1195); en 1510: Dleven ons Heeren (NK 1355), petit livre de dévotion, contenant 45 bois chacun avec deux lignes de texte; Dleven ons Heeren, texte de 208 pages, illustré de 42 bois; Henricus van Santen, Collacien (NK. 1854, 1855) avec 1 bois, le Christ aux Limbes; Suverlijcke Oeffeninghe vander passien ons heeren (NK. 1620), où les bois commencent à montrer des traces d'usure; en 1512: S. Bonaventure, Boec van die vier oeffeninghen; Jacobus de Theramo, Belial (seconde édition en 1516, NK. 1190 et 1192); en 1514: Die Keyserlike Crone ons heren (NK. 647); en 1516: Godschalc Rosemondt, Oefeninghen in die seven bloetstortinghen; en 1517: Godschalc Rosemondt, Boexken vander Biechten ende van die seven dootsonden (seconde édition en 1519; NK. 1813, 1814, 1816); | |
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en 1518: Fasciculus Mirre (NK. 923). On les retrouve ensuite dans des impressions anversoises de Thomas van der Noot (1510), Michel Hillen van Hoochstraten (1518, 1519 et 1530), Guillaume Vorsterman (1518, 1525, 1530, 1540), Claes de Grave (1520), Jan van Ghelen (1524, 1525), Jacob van Liesvelt (1536), Henri Peetersen van Middelburch (1540). En 1551 on en retrouve 4 dans une impression de Antoine Marie Bergaigne, imprimeur à Louvain, Die Poorte oft Dore des eeuwighen levens. Très tôt, déjà en 1510, on les rencontre en Hollande dans des impressions de Hugo Jansz van Woerden à Amsterdam et de Laurens Hayen à Bois-le-Duc; en 1533 dans les Statuten van West-Vrieslant, chez Reynier Heynricx à Amsterdam. Jusqu'à preuve du contraire, nous sommes tenté de croire que le livre découvert par M. Heitz n'est autre que Dleven ons Heeren, imprimé par Eckert van Homberch en 1510 (NK 1355), exemplaire incomplet auquel seraient ajoutés quelques feuillets d'une impression de Van Berghen. Cette opinion est d'ailleurs partagée par Mlle M.E. Kronenberg, dont les avis font autorité en la matière. M. Heitz, dans son introduction, cite le Dleven ons Heeren de Eckert van Homberch, mais il n'en connaît que deux exemplaires, celui de la Bibliothèque Royale de Bruxelles (qui est très incomplet) et un second dans une bibliothèque privée d'Amsterdam. Il n'a pas pris connaissance de l'exemplaire plus complet qui provient de la collection van Havre d'Anvers et qui se trouve au Musée Plantin, où M. Heitz déclare avoir fait des recherches. Nous ne comprenons pas très bien non plus pourquoi M. Heitz attribue à Juchhof (Druck-und Verlegerzeichen, Munich, 1927) la première publication de la marque typographique de Van Berghen, publiée longtemps auparavant par des bibliographes belges, comme Victor de la Montagne. La publication de M. Heitz n'apporte aucun élément nouveau au problème toujours non résolu de la Passion Delbecq-Schreiber. Nous avons tenté ailleursGa naar voetnoot1) de grouper autour de cette série quelques autres bois anversois de la même époque, que nous attribuons au même graveur ou au même atelier. Nous avions espéré | |
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que M. Heitz nous eût révélé un post-incunable anversois encore inconnu dont l'étude nous eut apporté quelque lumière dans l'histoire de la gravure et de la typographie anversoises du début du XVIe siècle. L'introduction superficielle et vague de M. Heitz qui ne nous donne que des affirmations sans preuves, sans argumentation scientifique pertinente, nous laisse dans l'incertitude.
A.J.J. DELEN. |
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