De Gulden Passer. Jaargang 4
(1926)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Joseph II a Anvers en 1781.
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secrétaire de l'Académie royale des Beaux-Arts à Anvers, avait destiné à l'empereur Joseph II à l'occasion de sa visite à Anvers. C'est un recueil de neuf compositions originales, peintes à l'huile et en camaïeu sur papier, par Otto Vaenius, le professeur bien connue de P.P. Rubens, accompagnées de textes explicatifs en latin, français et flamand. Comme le prince, tout en faisant l'éloge de l'oeuvre d'Otto Vaenius, n'accepta pas le présent que Jacques van der Sanden voulut lui faire, les compositions d'Otto Vaenius sont restées à Anvers. Leur proprietaire les a réunies dans un manuscrit de 24 folios (34 × 22) calligraphié avec soin, où il raconte comment l'empereur le reçut en audience. A en juger d'après le texte, Jacques van der Sanden comptait publier son manuscrit avec les compositions d'Otto Vaenius, reproduites par la gravure; mais son projet ne fut jamais réalisé.Ga naar voetnoot1)
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Le document comprend 1o une longue dédicace, pompeuse et ampoulée, à Joseph II qui avait ‘vu, examiné et loué’ les compositions d'Otto Vaenius (‘vidit, suspedit, laudavit’); 2o une préface ‘au lecteur et au spectateur’, où Van der Sanden raconte en latin la vie de l'artiste-peintre; 3o les compositions d'Otto Vaenius, au nombre de neuf, représentant des chasses ‘réelles et allégoriques’, des dieux de l'Olympe. (a. Diane à la chasse au gibier, b. Vénus chassant les coeurs, c. Junon pourchassée par les gens avides de charges et d'honneurs; d. Apollon chassant après les génies; e. Mars chasseur à la guerre; f. Pluton et la chasse aux richesses; g. Penia chassant les ivrognes et les libertins; h. Cronos chassant la vie à coups de faux; i. Jupiter à la | |
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chasse des vertus; 4o des impromptus rimés en français, flamand et latin sur chaque morceau de chasse; 5o la supplique présentée par J. van der Sanden à l'empereur pour lui demander de vouloir bien accepter son hommage; 6o le compte rendu de la visite de Joseph II à Anvers et de l'audience accordée à Van der Sanden; 7o des ‘épigraphes en dialogue’ en l'honneur de Joseph II; 8o une épigraphe rappelant que Marie-Christine, princesse royale de Hongrie, etc. et Albert Casimir, prince royal de Pologne, etc. ‘lieutenans-gouverneurs et capitaines généraux des Pays-Bas’ avaient honoré d'une visite l'Académie royale des Beaux-Arts à Anvers, le 24 août 1781; 9o une lettre au comte de Neny, président du conseil privé de l'empereur, à Bruxelles, dans laquelle J. van der Sanden lui souhaite la bonne année et lui annonce l'envoi ‘d'un monument d'un genre nouveau, un colosse consacré à la mémoire immortelle du voyage de Joseph II à Anvers’Ga naar voetnoot1). Les compositions d'Otto Vaenius ne sont pas des chefs-d'oeuvre, mais elles sont très caractéristiques de la manière de l'artiste et méritent certes d'être conservées dans une collection publique. A. von Würzbach ne signale que la collection Spengler de Copenhague et l'Albertina de Vienne comme possédant des dessins et des esquisses à l'huile d'Otto Vaenius. On peut donc considérer ces oeuvres comme assez rares. Le récit de l'audience de l'empereur dénote chez son auteur J. van der Sanden un esprit d'observation très éveillé. On y reconnaît la plume du journaliste qui de son temps dirigeait la Gazette van Antwerpen. Malgré la rhétorique obséquieuse de son style, on distingue dans son compte rendu un accent de sincérité naïve. Ces pages ont une valeur réelle au point de vue de la ‘petite histoire’. On pourra s'en rendre compte par les fragments que nous en reproduisons.
‘La renommée ne devança gueres le voyage rapide de Joseph Benoit Auguste, si désiré de ses fidèles sujets Belgiques... Sa Majesté partit du palais de Vienne le 23 mai 1781 sous le nom de Comte de Falckensteyn, n'ayant qu'une suite peu | |
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nombreuse et les équipages nécessaires au service, sans aucun éclat. Arrivé le 31 du même mois dans le Luxembourg, il déploya dans la Capitale de cette Province son caractère auguste, donna des audiences, parcourut et visita successivement les frontières et les Provinces de Namur, de Hainaut, du Tournesis, la côte, les ports et les villes de Flandres. Ayant sejourné le 17 juin au bourg de Saint Nicolas, pays de Waes, il y monta à cheval le 18, lundi, à cinq heures du matin, accompagné du Général Baron de Terzij, et d'un Guide, officier de la Poste. Ayant reconnu les frontières vers la Flandres Hollandoise, l'Empereur longea l'Escaut, et trouvant à midi la chaloupe de la frégate amirale sous le Fort de Perle, il congédia les chevaux, fit porter la selle du sien dans la chaloupe, et s'y embarqua avec le Général de Terzij, nonobstant l'ardeur du soleil. Mr le Comte Charles de Proli, amiral dc la Rivière, ayant eu l'honneur d'y recevoir l'Auguste Souverain, conjointement avec Mr Jean G. Michiels, capitaine de la fregate, qui se mit au Gouvernail de la chaloupe, ramée par quatre matelots. Il les questionna sur tout le remarquable des Forts, des digues et de l'Escaut et leur dit entre autres; j'en aurai du moins une idée. Les matelots ainsi que le capitaine eurent des gratifications. L'Empereur mit pied à terre et entra en la ville d'Anvers par la porte au trajet de Flandres, vers le quart avant trois heures après midi, où Mrs J.A. Van den Cruyce, premier Bourgmestre, et Norbert Bom, Conseiller, Pensionnaire, députés du Magistrat eurent l'honneur de le recevoir, et conduire jusqu'au grand Laboureur sous le son de toutes les cloches de la ville, accompagné de la musique du carillon de la Cathédrale, pendant que l'air rétentissoit des acclamations de joie, auxquelles il marqua sa sensibilité. De là traversant les principales rues vers la place de Meir, le Monarque en habit très uni de voyage resta debout dans sa voiture ouverte, en forme de biroutche à deux chevaux, et il daigna saluer tout le monde: descendu au Logement susdit, préparé par ses ordres, il fixa les audiences pour le lendemain, 19, à 11 heures. Il visita la même soirée l'École Militaire pendant trois heures, en traitant les élèves, comme ses enfants, et y donnant une gratification au militaire. Le lendemain ayant travaillé de bon matin à l'expédition des dépêches pour Londres et après avoir visitée la Citadelle, dont la garnison exécuta les manoeuvres, et reçut une gratification, il donna les audiences depuis 11 heures jusqu'à 2 après midi à son logëment, où je me portai avec mon portefeuille en carosse de louage pour l'audience’.
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‘Aujourd'hui le 19 juin 1781 à une heure et quart après midi. S.M.I. & R.A. Joseph II. daigna accepter cette supplique dédicatoireGa naar voetnoot1) mise au net en grand caractère, et sur une feuille de médian. En la présentant je me tins sur un genou à ses pieds. Jusqu'à ce qu'il me dit: he bien levés vous! Après ces paroles prononcées d'un ton doux et d'un air très serein, et Sa Majesté ayant lue la supplique, Elle se mit à mon coté droit devant un bureau, où j'ai déployé mon portefeuille et elle me fit l'honneur de lui faire voir l'ouvrage. M'ayant informé sur l'étiquette, et sachant, que ce monarque | |
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n'aime pas qu'on soit trop officieux, je ne fis qu'une génuflexion à l'entrée de la salle d'audience, et une autre en m'approchant de sa Personne Sacrée, se tenant debout sur un tapis au milieu de la salle. Ayant jetté jusqu'à deux reprises son coup d'oeil sur l'ouvrage, que je feuilletois: il me dit: C'est beau, gardes-le vous! Puis il me fit des questions sur l'état de l'académie et expressément: l'Académie estelle nombreuse? Sur quoi je répliquai: Sa Majesté Sacrée, elle s'est considérablement augmentée sous les Auspices de feue Sa Majesté l'Impératrice-Reine, et de feue Son Altesse Royale, son Protecteur. Cette réplique lui parut satisfaisante; ensuite se retirant de mon côté droit, et s'étant remis sur le tapis, j'y lui fis une profonde révérence, en lui adressant ces paroles: Sa Majesté Sacrée! Je me felicite, d'avoir eu un accès gracieux auprès de mon Auguste Souverain. Il me fixa toujours d'un air aimable, en sortant je fis des pas en arrière, et une profonde révérence à la porte, sur quoi le Monarque affable se daigna baisser très gracieusement. Joseph II est d'une taille audessus la moyenne, c'est à dire plus haute de six pieds, bel homme, d'une proportion héroïque, les cheveux à la blonde, qui tient du brun, yeux bleuatres, né acquélin, la barbe assés forte, la bouche et les traits du visage bien prononcés, et des contours doux. D'ailleurs d'un air très majestueux, il parle le Français avec facilité et d'une éloquence coulante: Ses mots sont précis et laconiques. Il était en uniforme blanche, paremens rouges, et en bottes: la chevelure frisée sans faste, un colet noir à la militaire, décoré des marques de la Toison d'or, ayant les ordres tant le Civil de Saint Etienne, premier Roi Apostolique de Hongrie, que le militaire de Marie Thérèse brodés du côté du coeur. Son visage était fort halé du Soleil, et de fatigues: sa vie laborieuse et reglée tient du prodige. Sa Majesté n'acceptant point des présens, accepta cependant ma susmentionnée supplique de ma main droite et la mit sur une table, après l'avoir lue en sorte qu'il m'est rèussi, de lui inspirer une bonne idée de la nation et en faveur de l'Académie. M. le Général Baron de Terzy, compagnon principal de voyage, ayant la clef d'or à la poche droite, et orné du Cordon de Commandeur de l'Ordre militaire de Marie Thérèse, faisait le service de Chambellan et il ouvrait et fermait la porte à chacun admis à l'audience de l'Empereur, qui se trouvait tout seul. En sortant de l'audience je fis à M. le Chambellan mes remercimens pour l'introduction, en le priant de bien vouloir renouveller mes hommages dans le cas que Sa Majesté Sacrée se souviendrait de moi. M: J.A. Van den Cruyce, premier bourgmestre, et le comte Charles de Proli étant descendus de l'anti-chambre, M. de Terzy en observant toujours son poste très attentivement, me fit l'honneur de m'employer pour faire monter une rangée des supplians et des suppliantes, qui se trouvaient à l'escalier. J'ai les conduit et rangé devant l'entrée de la salle d'audience en leur disant d'un ton bas et doux, en Flamand et en Français: Ainsi chacun aura son tour, comme à la confesse: il faut se garder du moindre désordre. M. de Terzy m'en marqua sa satisfaction d'un air riant et il m'assura de ses bons offices. C'était un spectacle attendrissant. que de voir les personnes de tout état et même de basse condition, de femmes du commun, même une avec son enfant sur le bras, entrer auprès de sa Majesté I. et R. et en revenir avec des marques de satisfaction et de confiance, après avoir déposées entre ses mains leurs suppliques. J'ai joui de cette scene, ou brilloit l'Humanité; plus d'une heure avant et après mon | |
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audience; j'ai observé que Mr Cornelissens, seigneur de Schooten et Mr le comte de Robiano, cidevant employé à la cour de Vienne, eurent des Audiences pendant plusieurs minutes; celles du clergé même n'étoient que d'une ou deux minutes: mais les audiences de Mgr l'Evêque et le Mr le Doyen à la tête du chapitre Cathedral ainsi que des Mrs du Magistrat en corps avaient été solemnelles, quoique courtes en général. Le P. Guardien des Récollets, qui y fut avec un de ses confrères; m'avoua, que l'Empereur ne demanda que de suppliques et les congédia d'un air satisfaisant, en disant: Priés pour nous. S.M. logea au Grand Laboureur, ayant sa cuisine et lit de voyage. J'avais rédigée une liste des sujets, qui se distinguent en Peinture, en mettant à leur tête les Directeurs et Professeurs de l'Académie, en Peintres d'Histoire, y exprimé l'ouvrage de Mr A.C. Lens,Ga naar voetnoot1) intitulé: le Costume etc. Cet auteur eut l'honneur de servir Sa Majesté I. et R. voyant les principaux tableaux à la Cathédrale, et chez quelques particuliers, ainsi que la vaste maison de la Hanse Teutonique, batie pour le commerce et la navigation. Le Monarque finît ainsi le jour de juin et régala son conducteur d'une riche tabatière d'or. En consacrant ce récit à la vérité et à la juste gloire d'un si grand Prince dont la vertu et l'exemple brillent devant l'Univers; je lui applique les épigraphes suivantes en dialogue...’Ga naar voetnoot2).
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Dans une note, au bas de la page 5. J. van der Sanden, signale que le chirurgien en chef de l'empereur, J.A. Brambilla, visita l'académie des Beaux-Arts, le 19 juin, sous la conduite d'André Corneille Lens.
Maurice SABBE. |
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