De Gulden Passer. Jaargang 3
(1925)– [tijdschrift] Gulden Passer, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Jean Michel Bruto, historien et pédagogue.
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L'oeuvre de Bruto que nous venons de rappeler fut, comme nous l'avons dit, imprimée à Anvers en 1555; il est certain qu'à cette époque Bruto se trouvait dans cette belle ville. En effet, dans les paroles aux lecteurs qui terminent l'oeuvre, il s'excuse des erreurs possibles de la traduction française de Jean Bellère ‘savant jeune homme de rare valeur, qui n'a pu mettre la dernière main à cet ouvrage, appelé par d'importantes affaires à Francfort, d'où il ne put revenir aussi tôt qu'il le pensait, à temps pour une dernière vérification.’ La lettre-dédicace à Marietta Catanea précise mieux encore l'époque où Bruto vécut dans la métropole flamande: elle se termine par cette indication ‘D'Anvers, le premier mars 1555’; indication répétée à la fin de l'oeuvre de façon moins complète ‘D'Anvers’Ga naar voetnoot4) On ne peut donc douter que Bruto n'ait séjourné à Anvers, pas plus qu'on ne peut douter des relations d'études qu'il eut avec Jean Bellère pendant ce séjour, car il met trop bien en relief les mérites de ce collègue de Plantin, célèbre dans toute l'Europe par son admirable activité d'éditeur. De plus, la riche correspondance de Bruto, qui nous permet de suivre l'historien vénitien à travers ses pérégrinations en Europe. contient de nombreuses allusions aux Flandres, aux événements politiques, religieux et militaires qui s'y déroulaient en ces temps troublésGa naar voetnoot5). Bruto, il est vrai, s'intéressait aux événements politiques de toute l'Europe, dont ses amis d'études, épars dans tant de villes jadis visitées ou habitées, ne manquaient pas de lui parler. Enfin, rentré en Italie après des années de vie vagabonde, il se fixa momentanément à Lucques, d'où il écrivit à Alexandre Milesio une longue lettre, dans ce style limpide et élégant qui caractérise son latin. Cette lettre, comme beaucoup d'autres, ne porte pas d'indication d'année; mais on sait de façon certaine que Bruto se trouvait en cette ville en 1561 et 1562; il n'est donc pas douteux qu'elle appartienne à cette période, puisqu'elle fut écrite dans une villa voisine de Lucques. Bruto dans cette longue lettre parle des pays et de peuples d'Europe, admirables et admirés pour leur richesse matérielle et intellectuelle. Après avoir parlé de l'Angleterre, où il a séjourné, et de beaucoup de villes d'Italie; de Venise, sa patrie, dont on a fait si grand éloge, mais dont ‘tamen multa de illa dici pro illius magnitudine non possunt’ (dont on ne pourrait pas dire beaucoup | |
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à cause de sa grandeur); de Gênes, qui par sa magnificence, ses richesses d'hommes et de choses ‘imprimis Italiae nobilissima habetur’ (est considérée comme la plus noble cité de l'Italie), il rappelle AnversGa naar voetnoot6). Il loue son activité commerciale, admire sans réserve la profusion de savants qui honorent cette ville d'où rayonnent et vers laquelle convergent toutes les activités de l'époque. Florence seule n'a rien à lui envier; l'auteur compare les deux villes, et cette comparaison est une longue suite de louanges pour la cité du nord où tant d'Italiens des régions les plus diverses scellent l' activité commerciale et intellectuelle des deux peuples, Bruto, écrivant à un ami de Lucques, fera ressortir l'activité commerciale de cette ville qui a répandu dans toute l'Europe ses citoyens tenaces et énergiques, jouissant à Anvers d'une haute considération: ‘Nam cum aliquot ab hinc annis Antverpiae agerem qua in urbe, ex ea civitate, homines honestissimi permulti, et splendidissimi negotiantur: illud quidem animadvertebam, cum eorum nulla vere domus esset, quae non hospitio clarorum hominum paterit, studio illos inter se atque aemulatione, ne quis sibi eam laudem praeriperet, certare excipere domum, omni genere honoris, magnificentiae, comitatis a se excultos dimittere’Ga naar voetnoot7). (Je me trouvais, il y a quelques années, à Anvers, où tant d'hommes respectables s'adonnent au commerce. Je remarquai combien leurs maisons étaient hospitalières aux hommes de mérite, qu'ils se disputaient vraiment le plaisir de recevoir: hospitalité courtoise, somptueuse, comblant l'hôte d'honneurs jusqu'au moment de son départ). Dans une lettre, de la même époque bien que sans date, mais écrite de Laurentiano près de Lucques, à Francesco Iuisinio, Bruto parle longuement de son séjour à Anvers, de tant d'hommes d'études qu'il y a connus, parmi lesquels de nombreux Italiens qui trouvaient en dehors de leurs occupations commerciales loisir et plaisir aux études. Il cite en exemple Salvestro Cataneo, à qui il dédia l'oeuvre déjà citée; Lazzaro Grimaldi, Agostino et Stefano Ceva, Matteo Balbano, et ‘eius gloriae consortes fratres viros clarissimos, Lucae Johannem et Philippum, Thomam Antuerpiae habet: aemulos praeterea multos ex eadem civitate summo loco natos homines, et inter suos imprimis copiosos’Ga naar voetnoot8) (qui a à Anvers de nombreux amis: Jean et Philippe, Thomas de Lucques, hommes de grand renom, et beaucoup de citoyens anversois de haute con- | |
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dition. Tous jouissent de sa gloire et s'honorent des reflets qu'elle jette sur eux). Toujours de Lucques, de la même époque, écrivant à Silvio Vonico, Bruto rappelle avec une évidente complaisance, ce séjour à Anvers, ces cercles d'hommes d'étude et de travailleurs qu'il a fréquentés assidûment avec tant d'intérêt et de plaisir, hommes ‘cuius jam nomen est, non modo Antuerpiensi conventu maximo, et nobilissimo, sed in Europa etiam universa eluxisse’Ga naar eind9) (dont la renommée s'est répandue non seulement dans la société la plus distinguée d'Anvers, mais encore dans l'Europe entière). Il y a dans cette lettre de Bruto une vague nostalgie, un souvenir vif et tenace, presque un regret, bien étrange chez ce voyageur inlassable qui connut toute l'Europe. Certes, toutes ces lettres sont écrites peu d'années après le séjour de Bruto à Anvers; mais le souvenir de la Belgique reste gravé dans sa mémoire, comme le prouvent ses lettres, écrites beaucoup plus tard, lors de son séjour en Pologne, au moment où il rencontra Fillippo Monti, qu'il avait autrefois connu en BelgiqueGa naar eind10). Il suit avec intérêt les événement politiques, militaires et religieux qui se succèdent dans ce fier pays en ces temps agités de domination espagnole et de luttes religieuses. En avril 1579, écrivant de Cracovie à Gaspare Bechesio. il rappelle la lutte survenue à Anvers entre calvinistes et catholiques, ceux-ci ayant pris d'assaut le lieu de réunion des réformésGa naar eind11). Dans cette même lettre, il parle d'une conjuration tramée, et éventée, pour faire sauter un dépôt de poudre à Malines: cette ville était assiégée par les Espagnols qui mettaient à feu et à sang tout le pays, contre lequel, écrit Bruto, on se préparait à envoyer de Gênes un renfort de 4000 fantassinsGa naar eind12). Dans une lettre ultérieure au même Bechesio, il note la défaite infligée aux Espagnols par les habitants de Maestricht qui, en une sortie désespérée contre les assiégeants, en tuèrent 5000Ga naar eind13). Bruto, qui avait emporté de Belgique une si favorable impression, conserva pendant toute sa longue vie un vif souvenir de ce pays, et surtout d'Anvers où s'était concentrée la vie intellectuelle des Flandres; c'est pourquoi il n'était pas inutile d'extraire de la correspondance de l'écrivain vénitien ce qui a trait à la Belgique, à Anvers. Firenze. Maggio. 1925. Mario Battistini. |
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