clauses des traités que nous nous sommes engagés à faire respecter dans l'intérêt des nations européennes? Est-ce qu'ils laisseront d'autres se disputer les régions de l'Asie du Sud-est? Laisseront-ils régler par d'autres ces affaires qui sont des affaires vraiment françaises?
Cette théorie existe; elle est professée par des esprits sincères, qui considèrent que la France ne doit avoir désormais qu'une politique exclusivement continentale. Alors il faut aller jusqu'au bout de cette théorie et faire ce que comporte la logique de cette politique nouvelle et restreinte: qu'on se débarrasse donc de ce gros budget de la marine qui impose à notre Trésor des sacrifices considérables.
Mais, si personne n'ouvre cet avis, si personne n'accepte cette conséquence logique des prémisses posées, alors cessez de calomnier la politique coloniale et d'en médire, car s'est aussi pour notre marine que les colonies sont faites.
La politique coloniale de la France, la politique d'expansion coloniale, celle qui nous a fait aller en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Algérie, celle qui nous a amenés aux Antilles, cette politique d'expansion coloniale s'est inspirée d'une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant l'attention: à savoir qu'une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d'abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement.
Voilà des considérations qui méritent toute l'attention des patriotes. Les conditions de la guerre maritime sont profondément modifiées. A l'heure qu'il est, un navire de guerre ne peut pas porter, si parfaite que soit son organisation, plus de quatorze jours de charbon, et un navire qui n'a plus de charbon est une épave sur la surface des mers, abandonnée au premier occupant. D'où la nécessité d'avoir sur les mers des rades d'approvisionnement, des abris, des ports de défense et de ravitaillement. Et c'est pour cela qu'il nous faut la Tunisie; c'est pour cela qu'il nous faut Saigon et la Cochinchine; c'est pour cela qu'il nous faut Madagascar, et que nous sommes à Diégo-Suarez et à Vohémar, et que nous ne les quitterons jamais...! Dans l'Europe telle qu'elle est faite, dans cette concurrence de tant de rivaux que nous voyons grandir autour de nous, les uns par les perfectionnements militaires ou maritimes, les autres par le développement prodigieux d'une population incessamment croissante; dans une Europe, ou plutôt dans un univers ainsi fait, la politique de recueillement ou l'abstention, c'est tout simplement le grand chemin de la décadence! Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l'activité qu'elles développent.
Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l'écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l'Afrique ou vers l'Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, c'est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième et au quatrième.
C'est d'où vient le devoir pour la France de se créer, dans l'Archipel des Indes, un contrepoids à l'Angleterre.
(en remerciant J. Ferry, H. Lyautey en J.P. Proudhon)
(Dit was in het Frans, ik weet niet waarom? - Droogstoppel).