De Gids. Jaargang 71
(1907)– [tijdschrift] Gids, De– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Gijsbert Karel van Hogendorp op Adrichem
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‘Sire, vous paraissez, le bonheur va renaître;
Tout un peuple à genoux vous demande la loi;
Le Batave est surpris et d'adorer un maître
Et d'être libre enfin sous le pouvoir d'un Roi.’Ga naar voetnoot1)
Van Gijsbert Karel kan men zeggen dat hij àf -, niet dat hij opwachtte.
De verandering in levensomstandigheden voor de natie viel samen met een verandering in levensomstandigheden voor Gijsbert Karel persoonlijk. Hij liet den handel varen, en trok zich terug op zijn buitengoed aan de Beverwijk. Het was een bezuinigingsmaatregel. Als koopman had hij geld verloren; veel geld had hij vervolgens verloren in zijn kolonisatie-onderneming aan de Kaap. Men kent de geschiedenis. Het terrein aan de Plettenbergsbaai, hem door de regeering in Nederland toegestaan, was hem ontzegd geworden door de regeering aan de Kaap, op gronden waarvan de rechtmatigheid door Gijsbert Karel werd betwist. Hij zocht recht bij het Staatsbewind, bij Schimmelpenninck; hij zou het nu zoeken bij Lodewijk Napoleon. Hij verlangde restitutie van het verlies, dat de onderneming, naar hij beweerde uitsluitend ten gevolge eener niet voorziene beslissing der Kaapsche regeering, hem had opgeleverd. Intusschen was het dubbele etablissement, te Amsterdam en buiten, hem met zijn talrijk gezin te kostbaar, en voor Adrichem vond hij geen kooper. Uit het handelskantoor, dat hij eigenlijk al sinds 1802 geheel aan zijn broer Willem had overgelaten, trok hij zich nu geheel terug, en zou als landheer buiten leven en zich bemoeien met de opvoeding van zijn kinderen. Bemoeien ook met zichzelf. Hij was thans drie-en-veertig jaar; een jeugd vol eerzucht en beweging had hem niets dan teleurstellingen gebracht; de wereld ging haar gang zonder hem noodig te hebben. Een oogenblik dat maande tot zelfinkeer: elders dan waar hij het gezocht had zou hij voortaan zijn levensinhoud moeten vinden. In deze stemming begon hij het merkwaardig dagboek, waaruit ik eenige reeds gedrukte | |
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passages ga bespreken, en, met welwillend verlof van Mr. H. Graaf van Hogendorp, eenige nog ongedrukte ga mededeelen.Ga naar voetnoot1) | |
27 Aug. 1806.Ga naar voetnoot2)- Je sens une tranquillité intérieure, quand je pense que je suis à peu près délivré des liens qui m'ont attaché au commerce et à la ville d'Amsterdam... Je possède moins, et je forme moins de prétentions. Je rens grâces à Dieu et je me résigne à Ses volontés, persuadé qu'Il me conduit pour mon propre bien-être et pour celui de ma femme et de mes enfans.
Zóó begint het; ernstig, toch niet geheel oprecht. De rust was niet volkomen; de vraag van een vriend, of hij zich nu toch eindelijk niet mede zou laten employeeren, had onrust gebracht. Gijsbert Karel had geantwoord van ja, als men hem vroeg; zich aanbieden wilde hij niet. Maar - nauwelijks was het woord er uit, of er kwam plotseling opnieuw oorlog in het zicht; de vierde coalitie: | |
13 Sept. 1806.- Je me trouve dans un embarras que j'étois loin de prévoir. Dans le mois passé la paix sembloit faite, et l'ordre de choses actuel confirmé en Europe. Dès le 20 juillet le traité entre la France et la Russie étoit signé à Paris, et plus d'une fois on a répandu que les préliminaires l'étoient avec l'Angleterre.Ga naar voetnoot3) J'avais recu de M. Brougham le pamphlet sur les relations extérieures de l'Angleterre, et il m'assuroit que cet écrit contenoit les sentimens du ministère.Ga naar voetnoot4) Aussi | |
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tout le monde à Londres, à Paris, à La Haye, attendoit la paix d'un moment à l'autre. En même tems nous venions de changer de gouvernement, en obtenant un roi constitutionnel et héréditaire, et ce roi annonçoit les meilleures intentions tant par son application aux affaires que par des mesures sages, et par le choix d'anciens régens aux principaux emplois. Je concluois de toutes ces circonstances, que le sort de ma patrie étoit fixé par le consentement des grandes puissances; que je devois m'y soumettre comme on doit toujours faire aux événemens amenés par la Providence, et que si le Roi m'appelloit à quelqu'emploi, je pouvois l'accepter avec une perspective d'être utile à ma patrie et d'établir mes enfans. L'expérience m'avoit assez appris que le commerce n'étoit pas mon fait...
Als het onmiddellijk vervolg van deze, moet de volgende aanteekening gelezen worden. | |
23 Sept. 1806.- Quand ma santé chancelle, les inquiétudes viennent assaillir mon âme, et c'est ce qui m'est arrivé la dernière fois, quand j'ai voulu insérer dans ce journal un embarras qui me pesoit. J'avois écrit à M. Meerman que je n'avais plus de répugnance à accepter un emploi dans le gouvernement, et c'étoit en réponse à la question formelle qu'il m'en avoit faite. Depuis toute l'Europe avoit changé de face, et on n'entendoit parler que de guerre et d'une quatrième coalition. Je m'exagérois cependant cet embarras. En effet si notre sort n'est pas fixé, en avois-je moins lieu de croire qu'il l'étoit? Supposé que M. Meerman dise au Roi que j'accepterois un emploi, il n'est pas sûr que le Roi aussitôt n'en donne un. Et supposé encore qu'il m'appelle au gouvernement, ne dois-je pas regarder cet événement comme amené par la Providence de même que ceux qui ont précédé, et que la demande de M. Meerman? Y ai-je contribué, me suis-je mis en avant? Je suivrai donc la route que Dieu daignera me tracer, et je m'abandonne à Sa conduite avec la simplicité du coeur qui exclut les doutes et les inquiétudes. En attendant il est très probable qu'on fera la guerre sans penser à moi. | |
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Die ‘on’ is de koning, die inderdaad de grens overtrok om het bevel in Westfalen op zich te nemen, en eerst na ettelijke maanden weer terug kwam. Gijsbert Karel ging toen naar den Haag, om voor zijn schadeloosstelling te werken. Of hij ook nog met andere gedachten ging? Dit is zeker dat hij volhardde in zijn houding van ‘gevraagd te willen wezen.’ Hij had gezorgd dat de koning hem kende, door, op verzoek van den staatsraad van IJzendoorn, en quasi te diens behoeve, zijn denkbeelden mede te deelen in zake koloniaal beheer, een onderwerp, waarover hij sedert 1801 geschreven had ten voordeele van de richting van zijn broeder Dirk tegen die van den behoudsman, Nederburgh. - Hij zou nu, voor de Kaapsche zaak, bij den minister van der Heim, en later wellicht bij den koning, op audientie gaan. Hem wachtte een zware vernedering. Van der Heim vroeg: of hij, bij wijze van afkoop, een ambt aanvaarden wilde? | |
12 Jan. 1807.Ga naar voetnoot1)- Je lui demendai, si je n'avois pas les mêmes tîtres que d'autres à être employé, abstraction faite de mon affaire? - ‘Sans doute,’ reprit-il, ‘et vous en avez plus que cent autres.’ - ‘Eh bien,’ dis-je, ‘mettez-vous à ma place, et prononcez, si vous voudriez acheter si cher ce que vous pourriez attendre naturellement.’ - ‘Mais,’ dit-il, ‘ne voudriez-vous donc accepter aucun emploi?’ - ‘Oui,’ dis-je, ‘si le Roi m'appelloit; après tout ce que j'apprens de ses bonnes dispositions à faire le bien, j'accepterois.’ - ‘Mais,’ répartit-il, ‘il faut bien que quelqu'un vous fasse connoître au Roi.’ Je persistai cependant à désirer que cela ne se fit point en rapport avec mon dédommagement.
Beleedigd keerde hij naar Adrichem terug. Nu wilde hij naar den koning zelf; hem een particulier gehoor vragen. Hij zou zich door hem weten te doen verstaan, meende hij: | |
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très variées. Officier aux gardes six ou sept ans, prêt à combattre l'Empereur Joseph II quand il nous menaça injustement, j'ai employé les années de paix aux études à l'université de Leyde, et à un voyage dans les Etats Unis, où je me suis rendu sur une escadre, afin d'apprendre à connoître notre marine. J'ai été sept ans conseiller et pensionnaire de la ville de Rotterdam, et V.M. sait que ces charges, sous notre ancien gouvernement, donnoient accès à toutes les affaires majeures. M. le Grand Pensionnaire van de Spiegel prit plaisir à me former, et j'ai eu le bonheur de jouir de sa confiance. A la révolution de 1795 je fus chassé avec tout le gouvernement. Réduit alors à la sphère rétrécie d'un particulier, je saisis l'occasion qui se présenta d'entrer dans la maison de commerce de ma belle-mère, et je m'établis à Amsterdam. Je profitai de toutes les occasions qui se présentèrent de faire le bien qui étoit à ma portée. Je payai cher les efforts que je fis en commun avec quelques maisons de commerce pour conserver à la patrie le commerce de la Chine. Je n'épargnai rien pour introduire les institutions du comte de Rumford.Ga naar voetnoot1) J'entrai dans le comité des pauvres, et j'y travaillai avec succès. Mais je donnois surtout mes soins à la colonie du Cap par une grande entreprise qui étoit toute entière dans le sens du gouvernement. Le commerce ordinaire ne suffit pas à mon activité, et me parut embarrassé de soins trop minutieux. Je m'étois associé mon frère,Ga naar voetnoot2) qui s'est présenté dernièrement à V.M.; je lui remis mes affaires afin que l'établissement de ma maison, telle que je l'avois trouvée, ne fut pas perdu pour l'Etat. Je me livrai entièrement au dessein de peupler d'habitans industrieux un grand district du Cap, et d'inviter mes compatriotes à des entreprises semblables. Les révolutions dans notre gouvernement, dans le Conseil Asiatique, et dans le système des Indes, qui se sont succédées avec une rapidité incroyable, ont ruiné toutes mes espérances, et causé pour le moment une grande brêche dans ma fortune. Mais je demeure | |
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persuadé que V.M. me rendra justice et qu'Elle m'accordera un dédommagement pour des frais que j'ai faits sur la foi publique. En attendant la prudence exigeoit que je changeasse de manière de vivre, et que j'observasse une grande économie. J'ai quitté la ville d'Amsterdam où il fait si cher vivre; je me suis retiré dans ma maison de campagne, où j'administre ma terre et m'occupe de l'éducation de huit enfans. Avant de voir terminée ma grande affaire, je ne saurois prendre de parti pour l'avenir, et je viens supplier V.M. de mettre une fin à cette incertitude, en décidant sur une affaire qui à déjà passé par les mains de deux gouvernemens qui ont disparu avant de pouvoir en connoître.’ J'ai écrit ce long discours, afin de m'y préparer et de le relire avant l'audience.
Dan volgt er, zooals bij hem herhaaldelijk in dezen tijd, een retour sur soi-même: | |
25 Jan. 1807.- Il y a trop d'ostentation dans cette histoire de ma vie. Je veux dire simplement que j'ai toujours tâché de servir ma patrie, et qu'on en trouverait les preuves dans les situations variées où je me suis trouvé... Je n'ai d'ailleurs pas besoin de lui parler au long de ma personne pour me faire connoître, puisque dès l'été passé M. Röell, qui avoit remis ma lettre au Roi,Ga naar voetnoot1) m'a dit que depuis il l'avoit deux fois questionné sur mon sujet. Il est constant que le Roi questionne beaucoup dans ce genre et qu'il veut connoître ceux qu'il voit. Il m'est arrivé plusieurs fois de soupconner que mes avisGa naar voetnoot2) sont écoutés... J'avoue que je fais avec plaisir cette observation. | |
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Hij ging wederom naar den Haag; begin Februari. Van der Heim had de Kaapsche zaak nog niet verder gebracht. Gijsbert Karel ging bij den koning, maar op de gewone, publieke audientie; hij kondigde zijn voornemen aan een particulier gehoor te vragen, wanneer het rapport van van der Heim zou zijn uitgebracht. ‘Volontiers’, was het korte antwoord. Overigens was er iets gebeurd, dat, naar hij een oogenblik meende, zijn geheime hoop nieuwen grond scheen te moeten geven: de koning bleek over hem gesproken te hebben met den nieuw-benoemden Gouverneur-generaal, Daendels: | |
10 Febr. 1807...Ga naar voetnoot1)En attendant, j'ai fait la connoissance de ce fameux général Daendels. Nous avons dìné ensemble chez mon frère.Ga naar voetnoot2) Je l'ai toujours cru brave soldat, et rien de plus, comme fait encore la grand partie du public. Mais il a par-dessus du bon sens, et une volonté déterminée, qui dégénère en passion quand il croit qu'on le trompe, tandis qu'elle se plie à la franchise et la bonne foi. M. NederburghGa naar voetnoot3) a éprouvé sa colère, quand Daendels a découvert ses artifices. Il s'agissoit de l'engager à consentir dès-à-présent à une organisation du Conseil des Indes à Batavia, d'où on auroit chassé M. van Ysseldijk, en le dégradant du rang de directeur-général, tandis qu'on auroit fait directeurgénéral à sa place M. Engelhard. Par là on visoit à faire triompher d'un trait de plume le système prohibitif et à lier les mains à M. Daendels. Maintenant il a gardé tout pouvoir d'organiser le conseil, et peut remettre l'organisation six mois entiers. En même tems il est résolu à conserver M. van Ysseldijk. Je suis sûr que ce dernier n'alloit être disgrâcié que parce que j'avois démontré qu'il est d'accord sur les principes d'administration avec mon frère et moi. M. Daendels en étoit convaincu par la lecture du mémoire où j'ai fait cette démonstration, mémoire que j'ai traduit pour le Roi, l'été passé, et que le Roi a | |
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recommandé un de ces jours à Daendels. Il venoit de l'achever, quand je l'ai vu une seconde fois chez lui, et qu'il s'ouvrit à moi avec une entière confiance... Quand j'ai vu cette grande confiance de Daendels en moi, et cette recommandation de la part du Roi de lire mon mémoire, j'ai cru un moment qui je serois appelé pour donner des avis en ce moment critique. Mais à présent mes réflexions m'amènent à reconnoître qu'on veut bien profiter de mes écrits, mais qu'il y a quelque chose qui éloigne le Roi de ma personne. | |
11 Febr. 1807.- J'ai communiqué à ma mère et mon frère l'offre de dédommagement que M. van der Heim m'avoit faite, ainsi que ma réponse, et tous deux ont approuvé celle-ci sans balancer... Mon frère s'écria: ‘Voyez comme les hommes sont inconséquens. J'ai entendu ce même van der Heim faire de vous l'éloge le plus pompeux et prétendre que vous deviez nécessairement être élevé aux emplois. En attendant voilà la proposition qu'il ose vous faire’... Mon frère ajoute que mes amis devroient savoir que j'accepterois un emploi; Röell surtout. - ‘Van der Heim me l'a demandé, et je lui ai dit que si le Roi m'appeloit, j'accepterois. Röell ne me l'a jamais demandé.’ - ‘Il me semble que vous seriez à votre place au Conseil d'Etat.’ - ‘En ce cas je vivrois fort tranquillement, car j'ai fait de grandes pertes, notamment dans les expéditions pour la Chine, et cinq mille florins d'appointement ne couvriroient pas l'excédent de dépense que le séjour de La Haye me causeroit avec ma nombreuse famille.’ - ‘Comme vous avez servi, je ne vois pas pourquoi le Roi ne pourroit pas vous faire président de la section de la Guerre. Un frère Verhuell est président de la section de la Marine, pendant que l'autreGa naar voetnoot1) a le ministère (les présidens ont un tiers d'appointement en sus).’ - ‘Je crois que le Roi n'est pas porté pour ma personne. Je sais qu'il a pris des informations sur mon compte dès le commencement.’ - ‘Je ne crois pas cela.’ | |
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J'ai vu M. Meerman qui ne m'a pas dit ce qu'il a fait de mon mémoire sur la police des pauvres.Ga naar voetnoot1) Il l'a peut-être oublié. Le Roi vient de le nommer Directeur-Général des Sciences et de l'Instruction publique, et de lui donner pour commissaires MM. de Kinsbergen, Calkoen, de Leyden de Westbarendrecht, de Perponcher et Boers. Mon frère dit que Meerman les a proposés. Voilà des emplois qui ne tiennent pas à la politique, et qui en même tems n'excluent pas d'autres emplois. Meerman n'a-t-il pas songé à moi? M'a-t-il jugé au-des-sous de l'emploi, ou l'emploi au-dessous de moi? Je l'ignore.Ga naar voetnoot2) Le sien m'a paru très beau, et tel que j'aurois pu l'ambitionner. Il m'a témoigné beaucoup d'amitié, comme il fait toujours. Son beau-frère Mollerus depuis qu'il est ministre de l'intérieur me bat froid. Au Conseil AsiatiqueGa naar voetnoot3) il étoit prévenant pour moi, et me dit un jour que je lui parlois en faveur de mon frère: ‘Ah, il y a une grande différence entre votre frère et vous’. Aujourd'hui collègue de mon frère, je vois qu'il est avec lui sur un pied de familiarité... | |
14 Febr. 1807.‘C'est aussi une révolution’, dit M. van IJzendoorn à ma mère, ‘que l'état actuel de votre fils Dirk. Cela doit vous causer une grande satisfaction’. Ma mère garda un silence expressif, et je répondis à M. van IJzendoorn que ma mère par l'expérience qu'elle avoit du monde, craignoit une élévation trop subite... Le ministre de la guerre est le plus actif, le plus courtisé, le plus souvent auprès du Roi. C'est réellement une révolution. Les inquiétudes | |
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de ma mère n'en sont pas moins fondées. Mon frère conserve toujours un grand nombre d'ennemis, quoique plusieurs ont changé absolument de langage à son sujet, et il a un caractère impérieux qui peut le rendre désagréable au maître... Mon frère est peu changé depuis qu'il est ministre, et on doit d'autant plus s'attendre aux suites naturelles d'un caractère comme le sien, qui voudra de plus en plus faire prévaloir ses opinions... Quand il m'a témoigné que le Roi pourrait bien me nommer président de la section de la guerre au Conseil d'Etat, j'ai senti qu'il aimerait mieux me voir dans ce poste que tout autre, et que s'il songeait à moi, il songeait à lui en même tems. Je n'aimerais pas pour moi ce département, je n'aimerais pas le contact avec mon frère, et je prévois qu'on diroit que mon frère m'a élevé par son crédit. En attendant, fidèle à ma résolution d'attendre la volonté du Roi, et de la regarder comme une vocation, je n'ai rien répondu qui marquât une opinion quelconque. Je suis parfaitement incertain de ce que je dois désirer pour moi-même. La lutte générale entre la France et ses ennemis ne paraît avoir rien perdu de sa vivacité. Les Russes ont l'avantage de faire la guerre sur leurs propres frontières. La supériorité des Anglois sur mer est au plus haut point. Voilà de quoi balancer les progrès des Francois. Notre sort politique est par conséquent incertain comme il l'a été tant d'années. Mais supposonsGa naar voetnoot1) que tout soit irrévocablement arrêté, que Louis Napoléon et ses fils règnent longtemps sur nous, il est évident que la carrière des emplois est devenue toute différente de ce qu'elle était; que les emplois du premier ordre dépendent de la simple volonté du monarque, et que tous ceux des ordres suivans dépendent d'employés, qui sont leurs supérieurs. Je vois les ministres dans la plus grande dépendance du Roi, se tenir toujours prêts à être appelés chez lui, ne pas découcher sans sa permission. Ils sont fort | |
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occupés de toutes les cérémonies, obligés à voir du monde. Est-ce que l'état de ma santé, mes habitudes, mes goûts s'accommoderoient d'une pareille existence? Heureusement, j'ai assez appris à connaître le monde pour ne plus placer en lui mes espérances, et pour ne le regarder que comme un lieu de passage, où tout est indifférent, excepté l'étude de nos devoirs, et d'où nos oeuvres seules nous suivront. Pauvre ou riche, grand ou petit, occupé ou désoeuvré, je ne veux m'attacher qu'aux devoirs de toutes les situations où Dieu me placera. Il n'y en a plus aucune que je désire, ni que je craigne. Le bonheur n'est dans aucune et la vanité est dans toutes. Quoiqu'il arrive, j'éleverai mes regards à Dieu, et je me déterminerai selon ce qu'Il daignera m'inspirer. Mais après tout, les circonstances sont telles que je resterai apparemment dans ma retraite. Je suis connu du Roi, par lettres, mémoires, informations prises, discours tenus, et après sept mois il n'a rien fait pour moi, tandis qu'il a nommé conseiller d' Etat en service extraordinaire et décoré de l'ordre pour les mérites une foule de gens qu'en partie il n'a jamais vus. Je ne veux citer qu'un seul trait. Il recommande la lecture de mon mémoire sur les Indes au Gouverneur Général qu'il vient de nommer, et il ne m'appelle pas même en service extraordinaire à la section des colonies du Conseil d'Etat, où siègent des gens qui n'en savent rien. Il a donc quelque prévention contre ma personne.
In Maart een nieuw bezoek aan den Haag. Van der Heim is weder niet gereed; ‘j'étois outré d'être remis comme les deux autres fois, mais je n'en témoignai rien’. Hij wil nu den koning het particuliere gehoor dan maar vragen: | |
12 Maart 1807......Je me rendis chez mon frère et m'en ouvris à lui. A ma grande surprise il me le déconseilla, lui qui m'avoit toujours incité à ne pas m'arrêter pour l'amour de M. van der Heim. Il m'assura que le Roi étoit accablé d'affaires, et venoit d'ailleurs de lui dire qu'il n'avoit pas dormi de quatre nuits. Mon ami Röell que je vis le même soir chez lui, et | |
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avec qui je m'ouvris entièrement comme toujours, étoit aussi d'avis d'attendre le rapport.... Je me rendis à ses avis, et le lendemain au lever du Roi quand il m'accosta gracieusement par ces mots: ‘M. de Hogendorp, que venez-vous faire ici?’ je répondis: ‘Sire, je suis venu parler à M. van der Heim, mais je crois qu'il n'est pas le moment d'entretenir V.M. de mon affaire.’ - ‘Vous désiriez me parler.’ - ‘Sire, je le désire en effet, mais pas à présent. Je sais que ce n'est pas un moment favorable d'importuner V.M. d'une affaire privée.’ Alors il me témoigna par un geste expressif qu'il me savoit gré de ma discrétion, et poursuivit sa tournée..... Le Roi a reconnu dans ma conduite envers lui quelque chose, si j'ose le dire, qui tient du procédé. Mon affaire gagne même dans l'opinion publique, parce que ma conduite ne peut rester cachée, et que l'attention générale se fixe sur moi. Sous l'administration de M. Schimmelpenninck, à l'époque où je désistai de mon entreprise, et me déterminai à demander le remboursement, le médecin de ma mère lui en parla comme de la nouvelle du jour, et lui dit en propres termes: ‘si votre fils Charles n'obtient pas un dédommagement, il s'élèvera un cri général.’ Les courses que je fais de tems en tems à La Haye entretiennent cette bonne disposition du public.
Bij gebreke van 's konings bijval, die van den dokter zijner moeder! Gijsbert Karel in zijn diepste vernedering.
Een klein jaar nu had Lodewijk Napoleon geregeerd. Tegenover zijn broeder machteloos, zette hij evenwel in de binnenlandsche aangelegenheden zijn wil door, en vond een groote mate van dociliteit. De doorvoering van het monarchaal principe in de gansche administratie stuitte op geen wezenlijken tegenstand. Maar was zij doel, of middel? Ook in deze vraag waren, voor een zoekende, troostgronden te vinden: | |
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qu'on en parleGa naar voetnoot1), et M. Meerman m'en a écrit l'été passé, en ajoutant que lors même qu'on réformât l'église catholique, comme il s'y attendoit, il seroit néanmoins dangereux pour nous d'y entrer, et que l'église catholique réformée lui paroîtroit toujours formidable. Je sais bien que si nos craintes sont fondées, la fin ne manquera pas d'être bonne, et que Dieu dirige tous les événemens en sorte que Sa gloire en sera le dernier fruit. Mais la passage peut être douloureux, et pour moi la grande question demeure toujours, si je dois prêter les mains à l'oeuvre qu'on se propose d'accomplir, ou si je dois rester dans l'obscurité et dans la retraite. De la manière dont je m'y suis pris, savoir de ne pas solliciter d'emploi, il semble que je ne serai pas employé, et il se peut qu'on ne me recherche pas, parce qu'on démêle ma facon de penser et qu'on me trouve peu propre aux desseins qu'on a formés. Dois-je m'en affliger? Non, certainement pas, et je dois plutôt reconnaître dans cette issue la protection divine, qui me conserve et qui même m'a inspiré cette conduite afin de me préserver des tentations. Ma femme ne cesse de me dire qu'elle désire que je ne sois pas employé, et qu'elle le désire par un motif religieux. Il paroît qu'elle a un sentiment confus de ce que je viens d'expliquer, et je dois peut-être encore considérer ce sentiment en elle comme une voix divine qui m'avertit..... Si l'événement trompoit mes attentes et que je fusse appellé aux conseils du Roi, comme je ne l'aurois pas sollicité, il en résulteroit évidemment que j'entrerois en charge sans changer de principes, que j'aviserois suivant ma conscience, et que tout ce qui pourroit m'arriver de pis, ce seroit d'être renvoyé. En un mot je n'aurois jamais à répondre du mal qui se feroit, je pourrois contribuer au bien...... | |
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Na een gesprek met Dirk over een staatkundig onderwerp ('s lands financiën): | |
30 Maart 1807.Ga naar voetnoot1)....J'ai eu véritablement du plaisir à m'entretenir avec mon frère sur cette matière, et j'ai reconnu que la sphère des grandes idées administratives est proprement celle qui convient à mon espritGa naar voetnoot2), et dans laquelle il se plaît comme dans son élément. Quand il faut descendre aux détails de l'exécution, non pas pour les surveiller, mais pour les exécuter, mon attention se perd, et je fais faute sur faute. Voilà pourquoi je ne saurois diriger un bureau de commerce..... Il est dur pour moi de devoir me sevrer de ce qui me charme, d'avoir dû en agir ainsi douze années, les plus belles de ma vie, et de n'avoir guères d'autre perspective pour le reste de mes jours. Mais c'est mon devoir, et Dieu saura m'y affermir. Cette vie est si courte, et si je ne me trompe pas sur la trempe de mon âme, ce caractère me demeurera peut-être au delà du tombeau, et je serai plus glorieusement employé par le Roi des Rois dans Son royaume bien supérieur à ceux du monde.
Hij onderwijst zijn zoons. - Overdenking naar aanleiding van dit onderwijs: de letterkundige vakken voor een aanstaand staatsman meer ontwikkelend dan de mathesis: | |
1 April 1807.- On a vu des hommes, qui avoient joint l'étude des mathématiques à celles de la grammaire, se perdre par des argumens rigoureux dans les affaires politiques qui n'en sont pas susceptibles. C'est le reproche qu'on a fait au fameux Jean de Witt...... Nous raisonnons dans cette science sur des objets de notre invention, qui au fond ne sont pas dans la nature: des points, des lignes, des surfaces, dont nous faisons d'abord des abstractions, et qu'ensuite nous considérons comme des réalités...... Dans le monde moral, où nous som- | |
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mes appelés à vivre, il n'en est pas ainsi, et tout ce qui paroît de rigueur, devient toute autre chose par l'événement. Il faut toujours de la défiance dans nos lumières, et une grande déférence à l'expérience et aux lumières de ceux qui en ont acquis. La grammaire est la clé des langues, l'étude des langues est liée à celle de l'histoire, l'histoire éclaire la religion, la politique, les lois, et par celles-ci on se forme à la carrière qu'on embrasse.... Nous vivons dans un siècle militaire où la gloire des armes semble éclipser toutes les autres et ouvrir seule les portes du temple de la Fortune. Mais c'est là même une raison de croire qu'un autre siècle approche. Aujourd'hui il se passe plusieurs siècles dans la vie d'un homme.
Het journaal wordt onderbroken door ziekte. De koning is vertrokken naar Barège: | |
23 Juni 1807.- Les derniers jours d'avril le Roi avoit fait une tournée en Nord-Hollande. A son retour il devoit descendre un moment chez le baillif van Blarcom au Beverwijk. Je m'y rendis pour faire ma cour à S.M., mais elle passa pour inspecter des hussards. M. Blarcom qui la suivit, lui dit que je m'étois trouvé chez lui. ‘Où est-il?’ demanda le Roi, et M. van Blarcom de me faire avertir, mais j'avois repris le chemin d'Adrichem. Ayant manqué cette occasion, je me proposois de retourner à La Haye, pour obtenir ou le rapport de M. van der Heim, ou l'audience privée du Roi. Mais la mort du jeune princeGa naar voetnoot1), le séjour du Roi à Voorburg, ensuite au Loo, et enfin son départ m'ont ravi toutes les occasions. Il faut attendre de nouveau plusieurs mois....Ga naar voetnoot2) | |
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En attendant, quand je réfléchis à ma situation, je ne saurais me trouver à plaindre. Voilà trois mois au moins de délai, et durant cette époque le sort de l'Europe et celui final de ma patrie doivent bien se décider. Nous verrons aussi de quelle manière se termineront ces changemens continuels dans notre administration intérieure. En un mot nous saurons à quoi nous en tenir, tant par rapport à nos relations extérieures qu'à notre constitution. Alors aussi je pourrai prendre un parti avant de me présenter chez le Roi, et s'il requerroit mes services, les lui offrir, ou m'excuser sur ma santé, suivant que ma conscience me le dictera. Tout change si rapidement et si totalement, que je ne saurois prévoir, d'ici-là, ce qui sera de mon devoir de faire. Si j'avois dû me décider plus tôt, quel embarras? En attendant, une audience privée y eût infailliblement conduit; je le sens intimement. Et si le Roi m'eût simplement demandé si je voulois être employé, je ne pouvois plus répondre qu'affirmativement, comme j'avois fait à M. Meerman, à M. van der Heim, et à mon frère.
Na die drie maanden, de catastrophe: | |
10 Oct. 1807Ga naar voetnoot1)- Tout est dit. J'ai eu mon audience privée; la décision de mon affaire est remise à la Haute Cour Nationale; le Roi ne m'a pas même parlé de mes mémoires, il ne m'a témoigné aucune sorte d'intérêt. Il suffit. J'ai fait ce que j'ai dû, sans aller au delà. J'ai travaillé sans relache à obtenir un remboursement; je ne perdrai jamais de vue cet objet. En même tems je me suis fait connoître du Roi tant en personne que par mes écrits, et je n'aurai pas à essuyer les reproches, ni de mes enfans, ni de mes amis, ni de ma patrie, de m'être caché dans un moment où je pouvois être utile. Le Roi, ou les confidens du Roi ne veulent pas de mes services. Je ne les ai pas offerts et je ne le devois pas. M. Röell m'a répété tout naturellement cette fois qu'il a été appelé à son poste, et qu'il n'a jamais fait le moindre effort pour l'obtenir. | |
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Le 28 septembre je me suis rendu à La Haye, le lendemain j'ai écrit au Roi pour demander une audience privée, le surlendemain je recus un billet du chambellan qui m'appointoit pour le 4 octobre; peu après ma mère recoit une invitation du même chambellan pour le concert du lendemain. Mon billet étoit adressé à la maison de ma mère. Il ne se peut donc rien de plus disgrâcieux. Je n'en dis rien d'abord, de peur qu'on mendiât pour moi une invitation, mais je le fis remarquer ensuite.... On m'avoit d'abord fait entrer dans la grande salle au palais du Bois. La cohue s'y rendoit pour l'audience publique. On m'appelle avec cinq ou six autres personnes dans un appartement. Après une demie-heure nous entendons frapper à une porte, un de nous l'ouvre; c'est le Roi seul. Il m'accoste, se place dans une embrasure de fenêtre et dit: ‘Vous avez désiré me parler.’ - ‘Sire, V.M. a recu de son ministre un rapport sur mon affaire.’ - ‘Oui, mais il faut encore examiner, il faut du tems. Je n'ai pas une idée juste de ce dont il s'agit. Dites-le moi.’ - ‘Il y a un an que j'ai eu l'honneur d'adresser à V.M. une lettre qui contient en peu de paroles et distinctement le sujet de mes réclamations.’ - ‘Il est vrai, mais dites-le moi à présent.’ - ‘Sire, j'ai obtenu des terres au Cap de Bonne Espérance pour faire une grande entreprise commerciale et d'agriculture; après six mois on retire cette concession; on m'offre d'autres terres qui ne me conviennent en aucune facon, comme on le savoit; et en attendant les fraix étoient faits et sont perdus.’ - ‘Combien y avez-vous mis?’ - ‘Sire, j'y avois mis 150.000 florins; je me suis appliqué à recouvrer le plus possible, mais je perds encore 110.000 florins, ce qui assurément est beaucoup pour un particulier.’ - ‘Nous verrons, quand les colonies nous seront rendues, si nous pourrons vous accorder quelque dédommagement de ce côté-là.’ - ‘Sire, je m'étois flatté que durant la guerre, j'obtiendrois du moins les intérêts du capital que j'ai déboursé.’ - ‘Nous n'avons pas la paix. Les colonies ne nous sont pas rendues. L'état des finances....’ - ‘Ah, Sire, le bien que j'ai engagé est celui de ma | |
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femme; il doit retomber à mes enfans. Je pouvois demeurer tranquille, et jouir de ma fortune, mais j'ai voulu rendre un grand service à l'Etat.’ - ‘Vous avez demandé d'y aller.’ - ‘Sire, j'ai demandé des terres pour les cultiver.’ - ‘Nous verrons, nous verrons.’ Alors il me quitta pour un autre, et la tournée faite, il se rendit à l'audience publique. On ne peut pas appeler privée une telle audience, où plusieurs témoins vous épient à quelque distance. J'avoue que cette circonstance m'a plus ou moins embarrassé ou plutôt contenu. En outre, le Roi avoit un regard froid qui glacoit, il m'envisageoit avec attention, mais sans âme....
En nu komt onmiddellijk in het journaal iets nieuws: kritiek op den koning die hem teleurgesteld heeft; op zijn wispelturigheid; op het prohibitief stelsel: | |
(Zelfde dag, 10 Oct. 1807).- J'ai trouvé l'opinion publique très changée. La longue absence du Roi lui a nui. Son départ de La Haye qu'il avoit déclaré sa résidence excite les murmures les plus vifs.... Mon frère me dit que La guerre auroit été finie beaucoup plus tôt, si depuis la révolution on avoit une seule fois persévéré deux ou trois ans de suite dans le système prohibitif à l'égard de l'Angleterre. Je lui répliquai qu'aucun de tous les gouvernemens révolutionnaires que nous avons eus, n'auroit osé y penser. - ‘Et pourquoi pas?’ - ‘Parceque tous ont promis à la nation un bonheur qu'elle n'avoit pas connu sous l'ancien gouvernement, et que rien au monde ne pouvoit être plus contradictoire à cette promesse, en fermant toutes les mers à notre propre pavillon par le seul mot de guerre à l'Angleterre, que de couper la dernière ressource du commerce, qui étoit la communication avec l'Angleterre sous pavillon neutre’.... Dans cette guerre il n'est que trop à craindre que nous périrons sous nos propres efforts, c'est à dire que la stagnation du commerce arrêtera le mouvement de toute notre machine politique, et que d'abord les particuliers et ensuite le gouvernement surseoiront à leurs payemens.... | |
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Welk lot zou de stijfzinnige man en hartstochtelijke vrijhandelaar als minister van Lodewijk Napoleon gehad hebben! Toch altijd weer die toon van spijt dat hij niets is, vergeten wordt, bij zijn minderen achterstaat: | |
28 Jan. 1808Ga naar voetnoot1).- Appelé à un emploi je rentrerai dans me sphère, je le sens, et j'ai pu m'en convaincre le peu de fois que j'ai paru à la cour pour mon affaire du Cap. Habillé pour m'y rendre, paroissant à l'audience, entretenant le Roi, j'ai toujours eu un sentiment d'aise, qui m'a prouvé que j'étois à ma place.
In Februari en Maart 1808 een hevige aanval van zijn ziekte; na het herstel gaandeweg een andere toon; een bijtoon eerst, maar die de overhand zal krijgen: | |
19 April 1808Ga naar voetnoot2).- Privé de l'usage des mains et des pieds, j'ai été nourri comme un enfant, et je me suis senti plus humilié que jamais. L'orgueil est le vice radical de l'homme et très particulièrement le mien.... Je suis persuadé que Dieu nous envoye les maladies pour nous ouvrir ainsi les yeux. Jamais nous n'y sommes plus disposés qu'alors. Veuille ce Dieu miséricordieux entretenir dans mon coeur les sentimens d'humilité, qui semblent y prendre racine. J'ai toujours été sobre, excepté sur la quantité de ce que je me permettois, et que j'avois insensiblement augmentée. J'ai aussi cru me fortifier en buvant plus de vin. A ces deux égards je n'ai pas bien fait. Je ne suis pas fort, je ne le deviendrai jamais. Il vaut mieux me tenir bas, et ne pas viser à une vigueur qui ne m'a pas été destinée. Cette résolution est humble, et à cet égard mon médecin et ma conscience m'ont inspiré la même humilité. Ainsi ce qui | |
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d'abord n'a paru que physique, est peut-être éminemment moral. De même le désir de me fortifier, qui a toujours nui à ma santé, parce que je visais trop hautGa naar voetnoot1), tenoit évidemment à un principe d'orgueil....
26 April 1808Ga naar voetnoot2). - Ce temsGa naar voetnoot3) m'empêche de prendre des forces. Je sors quelquefois, mais je ne puis me réchauffer à l'air, et en me reposant je sens mes jambes se roidir. A l'âge de 45 ans c'est éprouver de bonne heure les maux de la vieillesse. Je ne suis pas vieux de visage, mais je le suis réellement de corps et d'esprit..... Pour le coeur, les événemens de ma vie ont servi à me détromper, à m'humilier, à me faire toucher du doigt mon orgueil, mon ambition. Hélas! en ce moment même je souffre de l'oubli où je suis laissé, du mépris qu'on semble faire de moi, et je n'étouffe ce sentiment qu'avec la plus grande peine.... Je ne jouerai plus de rôle dans ce monde, je ne vivrai pas dans l'histoire, je ne laisserai pas après moi de monument littéraire, tous objets que j'ai convoités vivement, et dont j'ai dû revenir par la force des circonstances, ou par ma propre foiblesse. Mais je me console en pensant que Dieu m'a refusé tant de choses qui tiennent à ce monde périssable pour me faire acquérir un peu de vertu, qui seule nous suit dans un ordre de choses meilleur et plus durable. Cette pensée fait ma consolation, ou devoit la faire, toutes les fois que dans le cours de la journée je me trouve empêché par ma propre foiblesse de satisfaire à mon activité naturelle. Cette foiblesse me paroît augmenter rapidement, et pour le corps et pour l'esprit, et d'autant plus que je m'efforce de la surmonter. Je n'y réussis que par une résignation parfaite à la volonté de Dieu, et il me semble qu'alors je reprens des forces. Mais ce n'est pas pour les garder à ma disposition et pour tous les travaux que j'aimerais à entreprendre. Ce n'est que | |
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pour des occasions qui se présentent souvent sans que je puisse m'y attendre. C'est ainsi que j'ai donné de bons avis à mon ami van IJzendoorn, que je donne quelquefois de bonnes instructions à mes enfans, sans y être préparé du tout. Dieu me laisse vivre pour conduire quelque tems mes enfans, et j'ai lieu de croire qu' après cela ma vie s'éteindra comme un flambeau, et que je rejoindrai mon enfant mort au berceau, pour attendre avec lui les autres dans une meilleure vie.
Natuurlijk sterft de oude mensch niet op éénmaal af: | |
3 Juni 1808Ga naar voetnoot1)- Toutes les fois qu'en compagnie j'entens parler du Roi, des emplois qu'il donne, des grâces qu'il répand, je rentre chez moi d'assez mauvaise humeur, et avec une espèce d'envie, ou tout au moins de dépit.... Quand d'un autre côté j'entens blâmer le Roi sur son inconstance, je ne puis m'empêcher de lâcher quelquefois un discours analogue, qui semble me mettre à l'aise. Il y a cependant de la contradiction dans ces mouvemens, dont je ne suis pas le maître. Car comment à la fois désirer la faveur du Roi et condamner sa conduite?....
Maar dan een week later het volgende: | |
9 Juni 1808.- J'ai trop tardé à consigner dans ce journal un événement que je dois mettre au premier rang de tous ceux dont j'ai eu l'expérience durant ma vie. Il y a sans doute de grandes difficultés à le faire convenablement et à m'exprimer en toute vérité; difficultés qui se manifesteront d'elles-mêmes à mesure que j'entrerai en matière, mais d'un autre côté la gratitude envers Dieu qui m'a accordé un grand bienfait, m'impose la loi de tenter au moins une description, et je dois même concevoir l'espérance qu'Il ne me laissera pas sans quelque secours pour venir à bout de cette entreprise. Quelques jours avant la crise de ma dernière grande | |
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maladie, au commencement du mois de février passé, je m'étois jeté sur mon lit, malade de corps, mais l'esprit assez libre pour m'occuper d'un journal. La lecture me fatigua au milieu de l'annonce d'un ouvrage traduit en hollandois du célèbre Garve, sur les divers systèmes de philosophie morale depuis Platon jusqu'à Kant. Je voyois même l'effet de la contention de mon esprit sur la main droite dont je tenois le livre, et qui s'enfloit à mesure qu'une humeur goûteuse s'y accumuloit. Affligé, découragé, je me dis: ‘A quoi sert mon existence, et quel est pour moi l'avantage de souffrir tous ces maux? Hélas! je voudrois tirer quelque parti de la vie en éclairant du moins mon esprit, et je dois renoncer même à la lecture, je dois me condamner à une pure végétation.’ Je murmurois encore, quand je me sentis pénétré d'une influence bénigne, et je vis à côté de moi, du côté du mur, dans une espèce d'ombre, une lueur bleuâtre en forme d'une colonne tronquée, à laquelle je crus devoir attribuer le torrent de bien-être qui m'inondoit. Il me parut en même tems qu'une voix spirituelle se faisoit entendre du fond de mon coeur en disant: ‘Insensé, qu'est-ce que des instructions que tu regrettes, si d'ailleurs je dirige tout pour ton avantage? Ne puis-je pas t'éclairer en un instant sur ce qui fait l'objet des plus longues méditations? Pour t'en convaincre, je veux que tu choisisses la question la plus difficile de toutes celles que ton auteur a touchées, et je te la ferai résoudre’. Alors je choisis celle du franc-arbitre, et j'entrevis par une suite de raisonnemens les plus simples, comment Dieu laisse à l'homme sa liberté et le conduit néanmoins au but qu'Il se propose, c'est à dire au bonheur. Je ne puis ici m'exprimer autrement qu'au figuré. Repré-sentez-vous un père qui dirige les premiers pas de son enfant pour lui montrer à marcher, qui l'entoure de matelas et de coussins, qui est toujours prêt à le soutenir, qui le laisse même tomber afin de lui inspirer de la prudence, et se relever seul pour l'encourager. Il y avoit même dans mes idées quelque chose d'approchant de cette figure, et je voyois comme des bornes placées à tout moment sur le chemin de l'homme, pour l'empêcher | |
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de faire des écarts, quand il sembloit y être porté par ses inclinations naturelles. Ainsi la volonté de l'homme se formoit peu à peu, et quand il touchoit au but, c'était en vertu de cette volonté d'abord perverse, mais à la fin redressée, et conforme à ses véritàbles intérêts. Voilà la vie, voilà l'homme, voilà Dieu, voilà la religion, voilà la vie à venir, voilà le franc-arbitre et la Providence, voilà toutes les difficultés dissipées, les contradictions levées; et parvenu à ce point, une joye inexprimable vint à remplir mon coeur, et ma reconnaissance se répandit en une prière arrosée de deux sources de larmes. J'éprouvai en même tems dans ce moment unique le sentiment d'une vérité apercue dans sa plénitude, et le sentiment d'un bienfait recu de la main la plus révérée, de celle de Dieu. Il n'y a rien de comparable à une jouissance pareille. Je jetai mon livre, je me résignai parfaitement, je subis la crise de la maladie, je fus malade et gardai la goutte deux mois, et aujourd'hui je sens tous les jours davantage que cette maladie a été le commencement d'un mieux-être physique et moral....
Hiermede is het dagboek eigenlijk uit;Ga naar voetnoot1) het loopt nog eenigen tijd door, maar zonder nieuwe stijging. Alle denkbeeld op een staatsambt verdween; daarentegen deed zich de overweging gelden, die hij reeds in 1807, na de teleurstelling der particuliere audientie, aldus had uitgedrukt: ‘Je ne puis pas vivre toujours dans cette solitude avec huit enfans; dans un an j'irai demeurer à Leyde’.Ga naar voetnoot2) - Voor Leiden werd echter den Haag gekozen, na het vertrek van het hof en van de regeeringsbureaux tot een kalme binnenstad geworden. Hij kocht er (Mei 1809) het huis aan den Kneuterdijk van waar uit de opstand van 1813 begonnen is. (Wanneer zal Holland het huis merken? Nog staat het er, maar wie weet voor hoe kort). - Adrichem werd opgegeven: | |
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pour n'y plus revenir. J'étois ému, mais maître de moimême, quand quelqu'un s'avise de raconter que sa femme s'est souvenue d'avoir vu poser la première pierre de la nouvelle maison à ma femme enfant. Cette réminiscence me fendit le coeur. Dès ce moment le coeur m'a battu violemment jusqu'aux adieux, qui pensèrent me faire perdre toute contenance.... D'un oeil sec et d'un ton familier elle me dit: ‘Ne pleurez pas.’ Elle venoit de cueillir une branche d'une plante qu'elle veut transplanter dans son jardin en ville; elle étoit sortie pour cela de la maison; elle me l'avoit donnée sans émotion, et ce trait avoit commencé à m'ébranler.... Je ne vois qu'une belle âme qui dans ce moment est capable de cette sérénité ... Pour moi, il y a longtems que la vie n'a plus de charmes pour moi, et que je la supporte par la conviction de mon devoir. Il m'est done assez indifférent de vivre ici ou à la Haye, ou toute autre part. Je ne suis charmé de ce changement de demeure que pour mes enfans. Je n'attens plus pour ma personne d'agrémens dans la vie, mais je vis pour celle à venir.Ga naar voetnoot1) In de eerste dagen van October 1809 ging ook Gijsbert Karel naar den Haag. Hij heeft daar, tot December 1812, aan historische studiën gewerkt,Ga naar voetnoot2) en vanaf December 1812 aan de voorbereiding van den opstand. | |
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Of Gijsbert Karel's teleurstelling van 1807 voor de nakomelingschap heilzaam geweest is! De genius van onze historie hield hem apart. Om te eindigen in vergetelheid, vreesde hij zelf. Neen, om hem los te houden van elken band, die hem belemmerd zou hebben bij zijn sprong, in 1813, naar het sublieme. Hij had er steeds naar gereikt, en eindelijk zou hij het toch nog grijpen. Daarna kon hij terugzinken, zijn ambt en houding verliezen, zich overleven: zijn plaats in de herinnering van ons volk was verzekerd. ‘Il vit dans l'histoire.’
H.T. Colenbeander. |
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