Noël en Armenie
1.
L'air est de la neige. La neige est pure.
Le soir s'enflamme sur la plaine.
Le soleil meurt doucement et le linceuil de l'infini est rose et puis tout rouge. Ce brasier immense crepe dans les arbres, grimpe les montagnes et s'incendie dans le ciel.
Toute blanches sont les montagnes.
Gigantesques et hièratiques, les chaines de Gegham inclinent leurs cîmes vers l'espace pure et Aragatz éclate comme un énorme fruit de grenat.
Ararat veille.
Debout, à la tête de rubis, calme, terriblement calme, il s'insinue dans les yeux comme du silence et rampe sur la plaine.
Mes paupières deviennent íncandescentes et les cloches sonnent.
L'atmosphère titube, des ailes invisibles bougent lentement et la neige resonne.
L'église de Rhipsimé - là bas au pied d'Etchmiadzine - salut à travers les siècles tous les anges.
Les paysans s'en vont par groupes et font des taches d'encre sur des pages qui tremblent.
D'autres cloches repondent et des rayons rouges dardent les sons étincellants dans la neige et percent précipitemment l'air.
C'est Noël.
L'âne, au seuil d'une chaumière, a froid et ses yeux de velour caressent des visions que nous ne connaissons pas.
Les vaches sont couchées sur de la paille d'or; elles écoutent attentivement l'espace et disent des choses à tous le silences.
Les enfants s'acheminent derrière leur vieux, avec la joie dans le coeur, qui saute comme un moinau dans l'herbe verte. Ils donnent leurs petites mains à l'infini et s'en vont comme un peu ivres, à cause de la fête.
Il fait froid. Le vent aux doigts de neige effeuille une à une les pages miniées d'or et de rouge.
Les têtes chantent au son des cloches et Dieu est comme une douce fièvre qui travaille dans le sang.
Toutes les routes pensent.
La boue des rues charrie de la lumière. Les gens ferment leurs portes, se saluent et se dirigent vers l'Eglise, tels ceux de la mer qui vont à l'encontre du voilier arrivé de loin.
Dans les villes, les marchés sont comme des ruches affolées. Les pois-