Dietsche Warande. Nieuwe reeks 2. Jaargang 5
(1892)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Gedeeltelijk auteursrechtelijk beschermd
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Bijlage.
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Ce qu'il y a de remarquable dans ce quatrain populaire, c'est que la voyelle e est remplacée par la voyelle a. Balle est pour ‘Belle’, nom flamand de Bailleul; Kapalle pour ‘kapelle’, gald pour ‘geld’. Le dicton bailleulois signifie donc: ‘à Bailleul, derrière la chapelle, on vend du lait pour de l'argent’. Cet usage de changer les e en a ne se trouve qu'à Bailleul et dans quelques communes du voisinage. On ne le trouve pas dans les autres cantons flamands de la France; ceux-ci se distinguent seulement entr'eux par des locutions particulières à chacun d'eux, et empruntées aux diminutifs des noms, aux adverbes, aux conjonctions, à des formes spéciales des temps du verbe, etc. ‘Plusieurs causes, dit M. Carnel, ont contribué à produire cette diversité de dialectes flamands. Il ne nous appartient pas d'entrer à ce sujet dans des considérations philologiques et ethnographiques qui ne sont même pas entièrement mûries et fixées.’ Nous regrettons vivement cette abstention, car l'étude du lauréat de Lille aurait pu nous aider à découvrir la cause de l'existence de ce dialecte de Bailleul, et comment il s'est établi dans cette contrée. Les langues et les dialectes sont les documents que les peuples laissent sur les chemins qu'ils parcourent, pour indiquer la marche de l'humanité à travers le monde. Lorsque les Goths se furent installés en Europe et y eurent importé les langues teutoniques, leurs descendants se divisèrent à l'ouest en Saxons, en Anglo-Saxons et en Frisons, et ces populations donnèrent naissance à l'anglais, au hollandais et au flamand. Le flamand de France, devenu aujourd'hui un patois parce qu'il n'est pas une langue écrite, a conservé beaucoup de formes anciennes qui appartiennent au vieux saxon, à l'anglo-saxon et au frison. Aussi, aux septième et huitième siècles, les missionnaires anglais qui vinrent sur le littoral du nord de la France pour convertir nos pères païens, furent-ils compris par eux. Je me bornerai à citer pour preuve St Winoc, vénéré à Bergues, en Flandre. Un fait important que M. Carnel a constaté dans le dialecte de Bailleul, c'est que le pronom personnel de la deuxième personne gi, ie, est unique pour les trois genres et pour le singulier et le pluriel; et cette particularité est commune aux autres dialectes flamands. Cependant, très anciennement, le vieux flamand possédait le pronom de la deuxième personne du singulier, qui était tu ou du. Dans le Hainaut, au concile de Leptines en 742 ou 743, on rédigea une formule d'abjuration où se trouve le pronom de la 2me personne tu: Forsachistu diabolae? Renonces-tu au démon? Dans le poème de Floris et Blanchefleur, vers 1234: ‘Floris, seit soe, wel lieve kint
Hoe domlike heefstu gemint!’
(Floris, dit-elle, bien cher enfant, comme tu as sottement aimé! et dans le poème de St Brandaen, vers 60: ‘Du heves evele mesdaen...’ Tu as commis bien des fautes. | |
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A quelle époque le dialecte bailleulois a-t-il perdu le pronom de la 2me personne du singulier? Voilà ce qu'il aurait été intéressant de savoir. Pour le flamand ou le néerlandais en général, on dit qu'il s'est perdu quand s'est introduite, comme en France, la mode de parler à une personne, en se seivant par politesse du pronom de la seconde personne du pluriel. On pense que cette mode date du règne des ducs de Bourgogne dans les Pays-Bas. On considérait alors, et l'on considère encore aujourd'hui qu'il est plus poli de se servir du pluriel en s'adressant à une personne plus élevée que soi. De leur côté, les chefs du pouvoir public et les magistrats se servent du pronom de la première personne du pluriel, en écrivant leurs ordonnances ou leurs sentences. Ils disent: ‘nous’, et on leur dit: ‘vous’. Cependant, des écrivains flamands voudraient reprendre le pronom singulier Du, et le poète Dautzenberg a écrit sur le Du des vers charmants, qu'il a adressés à Prudent Van Duyse. En terminant nous devons féliciter M. l'abbé Carnel du succès qu'il a obtenu dans la capitale de l'ancienne Flandre française, et tous ceux qui auront lu son ouvrage voudront joindre leurs éloges à ceux que lui a décernés un linguiste distingué, M.V. Henry, aujourd'hui professeur de linguistique à la Sorbonne.
Louis de Backer. |
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