C'est une draperie tissue de soie et d'or, qui cache aux yeux de l'étranger l'épouvantable misère dans laquelle se débat vainement la France.
D'un côté du rideau, l'orchestre aux mille voix, c'est le spectacle éblouissant pour les yeux, c'est la fête, c'est la joie, c'est l'épanouissement d'un luxe inoui.
De l'autre côté, c'est la gêne, c'est le désespoir, c'est la ruine pour le commerce, l'industrie, l'agriculture.
Déjà vous avez vu que les commerçants de Paris reconnaissent que l'Exposition n'est pour eux que la plus cruelle des déceptions et que jamais les affaires n'allèrent aussi mal pour eux qu'au milieu de cette immense caravane de visiteurs, qui défilent devant les magasins sans s'arrêter, et qui s'engouffrent, pour y rester, au milieu du Champ de Mars et de ses attractions innombrables.
Pour la province, c'est pire encore.
De toutes parts s'élèvent des voix désolées.
Ici, c'est la Gazette agricole, de Lyon, qui s'écrie;
‘S'il est certain que l'Exposition profite à Paris, on ne peut pas en dire autant de la province, c'est une constatation qui s'affirme de plus en plus et il existe un malaise général qui n'est plus à dissimuler...
Là c'est la Revue vinicole qui dit:
‘L'Exposition ne suffit pas. La prospérité relative qu'elle donne à certains marchés est toute passagère. Pendant que nos plaintes se multiplient, la pieuvre fiscale étend de plus en plus ses tentacules sur le budget. L'avenir reste sombre.’
Le conseil général de la Marne, la Chambre de commerce de Tours, le syndicat de Lille, sont d'accord pour déclarer que la situation économique de la France ‘est des plus grave, qu'une partie de la nation est à la veille de la ruine, que les cultivateurs n'en peuvent plus.’
Enfin, la Chambre de commerce de Perpignan, composée exclusivement de républicains radicaux, comme la Chambre de commerce de Tours, pousse une clameur désolée:
‘Malgré l'Exposition, la situation économique, loin de s'améhorer, n'a fait qu'empirer. On n'a pas d'idée, à Paris, de la détresse dans laquelle la campagne est plongée. C'est la misère, la douleur, bientôt le désespoir. Il ne faut pas se faire illusion.’
Telle est la vérité de la situation, vérité triste s'il en fut, mais indiscutable.
En vain s'amuse-t-on au Champ-de-Mars tous les soirs, en vain les vieux sénateurs lubriques vont-ils applaudir la dans e du ventre et se font-ils brouetter jusqu'au haut de la tour Eiffel; tout cela ne modifie en rien, hélasl l'état effrayant de la fortune publique.