décernerais à moi-même un brévet d'incapacité, et le nimbe que les naifs mettent autour de mon front de novateur, s'évanouissant, rien ne pourrait me sauver de la chute la plus humiliante.
Que dire de ces adeptes d'un art faux, sans cesse en quête d'une formule nouvelle, ne craignant pas d'étaler chaque année à la même époque des ébauches informes, brutales, débraillées et cyniques comme des filles qui auraient traîné leur ivresse dans le ruisseau! Pour nous ces exhibitions d'oeuvres incohérentes, nous font toujours l'effet d'un essai fait, sur ses pensionnaires, par quelque savant aliéniste, qui aurait découvert dans cette occupation agréablement absorbante, un salutaire dérivatif aux idées fixes de ses intéressants malades. Voyez ces lignes hésitantes, ces contours mal ébauchés, ce coloris fantastique, tout cela ne semble-t-il pas produit par des imaginations en délire, et quel rapport cela a-t-il avec les éternels principes de l'esthétique, sans lesquels il n'est point d'art?
Comprend-il sa mission, l'artiste qui se complaît dans la contemplation du laid et applique toutes ses facultés à la reproduction de ces accidents de la nature? Non, car ainsi que dit Platon: Le beau est la splendeur du vrai. Le beau n'est pas seulement dans les régions idéales, il est aussi la splendeur de la nature; il est la vie, la réalité. Il ne peut y avoir de chef-d'oeuvre sans beauté et nul n'aura droit au titre d'artiste s'il n'est enthousiaste du beau, car telle est sa mission. S'il s'en écarte, il produira une oeuvre que le mauvais goût de ses contemporains pourra acclamer, mais que le temps, ce juge impartial, dont les sentences sont sans appel, n'honorera pas même des honneurs de la critique.
Le beau élève et purifie, et le charme qui s'en dégage, laisse un parfum dans le souvenir. L'admiration qui en résulte, est saine et salutaire; elle émeut l'âme et la dispose au bien.
Que toutes les routes soient libres pour l'artiste; que les barrières s'abaissent devant lui; mais qu'il s'élève dans l'amour de la beauté, pour élever à son tour ceux qu'il a la mission d'initier à l'art!
Le laid ne peut inspirer l'enthousiasme; son influence, loin de faire vibrer en nous des sentiments élevés et purs, ne peut être que funeste et démoralisante. Il commence par inspirer l'horreur et le dégoût, mais peu à peu, l'oeil s'y habituant, il ne produit plus cette impression de juste répugnance et le goût se déprave en condamnant la recherche du beau.
Quel profit l'humanité tirera-t-elle de l'exposition d'oeuvres sevrées de beauté, incapables d'échauffer l'âme d'un rayon de vivifiant soleil? Aucun. Le visiteur insouciant et ignorant de tout ce qui touche l'art, se contentera de rire de ces insanités et n'y verra que le but d'un rendez-vous, voire le moyen de passer à couvert une heure ou deux de pluie. Mais celui qui, à l'instar Platon, pense que le beau est la splendeur du vrai, celui qui