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Chronique des Expositions industrielles.
CETTE fois-ci la moisson à recueillir sur le champ des expositions industrielles n'est pas très plantureuse. Quelques nouvelles de l'étranger, nouvelles qui n'ont même pas le prestige de l'absolue nouveauté: voilà tout.
Heureusement nous sommes en mesure de dédommager amplement le lecteur en communiquant in extenso le magnifique Discours prononcé par M. Ernest Slingeneyer, à l'occasion de la discussion sur le budget des beaux-arts et de l'agriculture à la Chambre des Représentants. Ce discours, traitant de l'enseignement aux écoles professionnelles et industrielles, en remontre à ceux qui voient dans l'agriculture seulement, la source du bien-être matériel d'un pays, à ceux qui ne veulent point reconnaître à l'art un rôle prépondérant dans la vie humaine. Comment donc! un homme intelligent et sensible vivrait-il uniquement par la matière?
Mais écoutons plutôt le sympathique orateur.
Parmi les problèmes que nous avons eu à examiner depuis que les questions ouvrières sont soumises à nos délibérations, il en est peu d'aussi ardus et d'aussi importants que celui concernant les écoles professionnelles et industrielles. Il me paraît donc urgent que nous étudiions la question sous ses côtés multiples et que nous cherchions à profiter des lecons de l'expérience.
Il y a quelques années, nous étions encore, au point de vue industriel, dans certains de nos métiers artistiques, dans un état d'infériorité incroyable. Ainsi, lors de la construction de la Colonne
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du Congrès, nous n'avions pas d'artisans sculpteurs, et sauf les grandes sculptures de Simonis, de Guillaume et Joseph Geefs et de Fraikin, aucune main belge n'a touché aux ornements de ce monument national. La Banque Nationale a été décorée dans les mêmes conditions. Heureusement, depuis quelques années, plusieurs écoles ont été établies, qui ont beaucoup relevé le niveau artistique de nos artisans, entre autre celles de Saint-Josse-ten-Noode, de Molenbeek-Saint-Jean et d'Ixelles; de plus, l'on vient d'en instituer une à Etterbeek. Il suffit de parcourir nos rues pour constater, dans d'heureux détails d'ornementation, l'influence des enseignements nouveaux. Ce serait donc un grand bienfait que de voir, comme en France, en Angleterre et en Allemagne, le nombre des écoles industrielles et professionnelles augmenter notablement et ces utiles institutions s'implanter dans toutes nos villes; mais à la condition, toutefois, que l'enseignement y soit artistique et n'ait pas un caractère exclusivement matériel. Ces écoles ne peuvent devenir florissantes et produire d'heureux résultats que pour autant que leur enseignement ait comme base l'étude du dessin et les notions fondamentales de l'art. L'exercice de l'oeil a toujours pour résultats la justesse du coup d'oeil, la sensibilité et l'habileté de la main. Aucun enseignement n'est plus propre à préciser les idées et àdévelopper l'intelligence de nos ouvriers. Il ne faut pas commencer, comme on semble vouloir le faire dans nos écoles professionnelles, la pratique d'un métier sans cette préparation préalable. Il ne faut pas faire de nos ouvriers des hommes maniant habilement la matière; il importe de leur faire acquérir la véritable intelligence du travail,
c'est-à-dire, leur faire comprendre la beauté de la forme, la pureté de la ligne et leur inspirer à tous, à des degrés différents, suivant leur spécialité, le sens artistique de leur travail; il faut enfin en faire des artistes à différents degrés et non des manoeuvres. Notre abaissement actuel en cette matière est même incompréhensible, en présence de ce que nous révèle l'étude des anciens.
Nos ancêtres - et c'est ce qui a toujours fait leur force et leur gloire - avaient pour principe l'indivisibilité de l'art, et ils croyaient de leur devoir de ne rester étrangers à aucune de ses manifestations.
Les artistes de la Renaissance combinaient l'art pur et son application aux objets industriels. Ils étaient presque tous, à la fois peintres, sculpteurs, architectes:
Léonard de Vinci et Michel-Ange étaient peintres d'histoire, sculpteurs, architectes, poètes et ingénieurs. Ils ont construit des fortifications, entre autres celles de Florence.
Otto Venius, maître de Rubens, était peintre d'histoire, architecte et ingénieur, et, en cette dernière qualité, il occupa les fonctions d'ingénieur en chef des armées du duc de Parme.
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Coeberger était peintre d'histoire, architecte, économiste, poète, antiquaire, numismate, ingénieur: on lui doit le desséchement des Moëres, marais qui existait entre Furnes et Bergues-Saint-Winoc, et qui, dès 1622, grace à ce savant artiste, avait commencé à être assaini. Ce travail enrichit l'agriculture des Flandres de plusieurs milliers d'hectares et rendit la vie possible dans ces parages.
Il est passé en préjugé de conspuer un de ses chefs-d'oeuvre: la façade de l'église des Augustins, à Bruxelles, tant admirée par Baudelaire, dont les papiers posthumes révèlent qu'il s'est en vain adressé à des Belges pour apprendre de qui elle était, et qui ajoute que jamais aucun d'eux n'a pu le lui dire.
Je signale, en passant, le nom par trop oublié de ce grand homme à la reconnaissance du pays.
Vredeman de Vries était sculpteur, architecte et poète: il a fait, entre autres, un livre et des meubles qui resteront toujours des types superbes de style et de goût.
Rubens n'a-t-il pas dessiné des quantités de modèles de tapisseries de haute lisse? Combien de constructions monumentales et d'arcs de triomphe ne compte-t-il pas dans son oeuvre, sans parler des nombreuses illustrations dont on voit encore les dessins originaux au musée Plantin, à Anvers!
Avant Rubens: Lambert Lombard, Van Orley, Corneille et Jean Floris, Quentin Metsys, Lucas Fayd'herbe et tant d'autres de nos Flamands en avaient fait autant.
Benvenuto Cellini a appliqué son puissant génie même à la confection de surtouts de table.
Et, si les artistes d'alors avaient, comme règle générale, adopté d'étudier l'art sous toutes ses formes, dans toutes ses manifestations, qu'elles appartinssent à l'art appelé aujourd'hui industriel ou à l'art pur, les artisans, de leur côté, tachaient de se rapprocher des artistes et d'élever leurs connaissances en perfectionnant sans cesse leur éducation artistique. Il en résultait une espèce de communion entre les artistes et les artisans, qui a fait produire à nos ancêtres ces oeuvres d'arts appliqués que nous admirons aujourd'hui et que nous ne savons plus égaler. Cette entente à duré aussi longtemps que l'indivisibilité de l'art a servi de base à l'enseignement.
L'éducation artistique, ainsi faite, créait moins de déclassés que de nos jours, car, dans le parcours de ses études variées, embrassant toutes les branches de l'art, l'élève découvrait inévitablement sa voie. Au surplus, il lui était facile d'abandonner la spécialité qu'il avait d'abord adoptée, pour en embrasser une autre, répondant mieux à sa véritable vocation.
C'est ainsi que Quentin Metsys, l'auteur des admirables grilles de Westminster et de la belle fontaine d'Anvers, attiré plus vivement vers la peinture, abandonna la ferronnerie et, en peu de temps, devint un peintre célèbre.
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Ce grand principe de l'indivisibilité de l'art est aujourd'hui méconnu. On a séparé l'art de ce qu'on se plaît à appeler l'enseignement industriel, comme si les arts industriels étaient autres que l'art appliqué aux choses dites ‘utiles’. Ces deux enseignements doivent se confondre. Au lieu de cela on a fait bifurquer les études en autant de directions différentes qu'il y a de branches dans l'art. Dans nos académies et nos écoles de dessin, chaque élève se confine exclusivement dans le genre qu'il a choisi: sans avoir pu juger préalablement de ses aptitudes, il opte au hasard pour la peinture, la sculpture ou l'architecture. On a même créé des classes pour enseigner le paysage, les animaux, voire les natures mortes: autant d'innovations inconnues de nos anciens maîtres, chez qui tout marchait de pair. Ce mode d'enseignement offre un autre désavantage: comme il est moins aisé d'apprendre beaucoup de choses qu'une seule, ils est vraisemblable que, si nos vieux maîtres en toute espèce d'art et d'arts appliqués nous sont restés bien supérieurs, c'est que, à cette époque, l'éducation artistique étant plus complète et exigeant des facultés plus sérieuses, les forts seuls ont résisté; mais les autres pouvaient au moins se rabattre sur les métiers artistiques, chose devenue impossible avec notre système de subdivisions, qui ne produit que des spécialités.
Ainsi, par exemple, pour ne parler que de l'architecture, les architectes d'autrefois n'étaient pas de simples constructeurs: c'étaient des artistes complets, ayant des notions justes et des idées créatrices dans toutes les parties des différents arts qui doivent concourir à la beauté d'un monument. Aujourd'hui, sauf de rares exceptions, l'architecte ne s'occupe que des constructions et nullement de la partie décorative qui doit compléter son oeuvre et habiller son squelette.
Il n'est pas rare à notre époque de voir plusieurs sculpteurs ornemanistes travailler à un même objet, l'un ne sculptant que les figures, un autre les fleurs, un troisième les emblèmes et ainsi de suite, comme on fabrique des fusils à Liége au moyen de la division du travail! On ne songe pas que la qualité essentielle de tout objet d'art est de constituer un ensemble et d'être tout entier l'expression d'une pensée unique. Si l'on compare les produits exécutés ou plutôt ‘fabriqués’ dans de semblables conditions aux admirables travaux de la Renaissance, on est frappé de la supériorité de ces derniers. Ce spécialisme ainsi poussé à outrance ne sert que la spéculation et non les intérêts de l'art. On cherche à fabriquer vite et à bon marché et, sous cette tendance tyrannique, nous abdiquons notre puissance artistique, ce qui, vis-à-vis des autres nations, mieux avisées, nous place dans un état d'infériorité incontestable.
Je crois donc qu'il nous faudra faire un pas en arrière et tâcher de reprendre certaines traditions.
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Dans les ateliers des corporations, on commençait par donner aux apprentis des leçons de dessin, afin de leur faire acquérir la sûreté de l'oeil et la fermeté de la main; on leur donnait également, pour la plupart des métiers, des leçons générales relatives aux premiers éléments de l'art. Après cet enseignement, les apprentis travaillaient sous les yeux des maîtres. On les classait d'après le métier de leur choix, en tenant compte, cependant, de leurs aptitudes. On fixait un certain temps à l'apprentissage et, avant de conférer la maîtrise aux apprentis, on exigeait d'eux une garantie complète de capacité industrielle et artistique par la production d'un échantillon appelé chef-d'oeuvre. Ce noviciat expiré, on avait le droit de devenir maître, mais non autrement. L'organisation de ces compagnies mériterait une étude sérieuse et approfondie: peut-être même y aurait-il lieu de nous en rapprocher autant que le permettent nos lois et nos usages. Certains de nos voisins n'ont pas hésité à le faire, et, dans notre pays du reste, la tendance de nos classes ouvrières vers la création de syndicats est un indice de leurs aspirations dans le sens de ce progrès.
Le gouvernement doit s'occuper d'urgence de ces importantes questions. L'illusion n'est plus possible: toute notre population ouvrière est fort arriérée au point de vue de l'enseignement des arts du dessin. Tandis que les statistiques constatent que, en France, en Angleterre et en Allemagne, sur 1,000 habitants, 123 apprennent à dessiner, en Belgique, sur 1,000 habitants, 59 seulement sont dans le même cas. Cependant le moins que l'on soit en droit d'exiger d'un ouvrier ordinaire, comme minimum de connaissances, c'est qu'il sache dessiner l'objet qu'il est appelé à exécuter: il doit savoir le décomposer, l'analyser, expliquer la raison d'être de chaque morceau et en donner la forme exacte.
A ceux qui professent un métier que nous pourrions appeler relativement élevé, il faut des connaissances de dessin plus étendues, y compris celles des styles d'architecture qui caractérisent les production des divers peuples et des différents époques. Cette classe de travailleurs doit être en état de dessiner ou de modeler ses propres compositions.
Quant aux ouvriers d'élite, dont le travail est très rapproché de l'art, il leur faut une éducation artistique presque complète. Cette mission appartient aux académies. Former des artistes n'est pas en leur pouvoir: les élèves exceptionnellement doués surgiront à leur heure, quoi qu'on fasse.
Le passé est là pour nous servir d'exemple. La première académie en Belgique n'a été établie à Anvers qu'en 1664, par Teniers, à la suite d'un décret de Philippe IV, et, par conséquent, les Van Eyck, les Rubens, les Van Dyck, les Jordaens, ni aucun de nos illustres peintres flamands n'en ont jamais connu l'existence.
Les académies doivent donc, sans tarder, s'occuper beaucoup
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plus des artisans que des artistes. Elles auraient à reprendre, sous une forme appropriée à notre temps, l'ancien enseignement de nos pères, qui était empreint de logique et de bons sens. Tous les élèves indistinctement suivaient, dans les ateliers du maître, les mêmes études et, en raison de leur intelligence, chacun d'eux s'arrêtait à la dernière limite de ses facultés: ainsi se formaient successivement les différentes catégories d'artisans; les moins capables se bornaient à suivre les cours inférieurs et restaient dans les métiers ordinaires; les autres continuaient leurs études: ainsi, graduellement, les plus forts devenaient des artistes complets. Grâce à ce système, l'art se trouvait délivré de beaucoup de médiocrités et l'industrie y gagnait des forces considérables.
L'expérience s'est chargée de démontrer ce fait indéniable que, depuis plus de deux siècles que nos académies fonctionnent dans le pays, les arts ne sont plus remontés à leur niveau d'autrefois et, à plus forte raison, les arts appliqués, qui en dérivent. Je tiens à dire que cette situation est le résultat des méthodes et non des professeurs, en général très capables et dont quelques-uns sont même d'un mérite hors ligne. Cependant, nous sommes actuellement impuissants à atteindre les résultats obtenus par l'instruction magistrale, telle que la comprenaient nos pères et telle qu'ils l'enseignaient aux grandes époques où l'industrie a revêtu ses formes les plus belles et les plus artistiques. Il n'entre pas dans ma pensée de conseiller l'imitation de l'art qui florissait alors: on ne saurait assez répéter que l'art, comme toul en ce monde, ne se recommence pas; jamais il ne retourne en arrière. Je n'envisage que la méthode, qui autrefois était excellente et simple, qui dans l'élève dégageait le maître. De nos jours, au contraire, on surcharge les études, on surmène les cerveaux. Rien de tout cela n'existe dans les anciens traités de dessin et de peinture.
Une circulaire récente de l'honorable M. de Moreau concerne les écoles professionnelles et industrielles. Ce document, fort instructif, qui date du 14 mars 1887, fait connaître certaines opinions exprimées par de grands industriels étrangers. Il y est dit, entre autres, que des hommes éminents de France demandent que l'Etat développe spécialement l'enseignement de l'art, - la plus puissante machine de l'industrie - selon leur expression. Cette nécessité est aujourd'hui comprise partout, sauf dans la patrie de Rubens!
‘Tous les pays, nous a dit l'honorable ministre, même l'Amérique, le pays le plus utilitaire du monde, ont dépensé des millions pour l'enseignement artistique, pour les musées et tout ce qui est relatif aux arts.
En Hollande, où il n'y avait pas de budget des beaux-arts, il y en a un aujourd'hui, et il se chiffre par des dépenses à peu près égales aux nôtres. L'Angleterre multiplie les millions pour
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toutes les dépenses d'art. La France et l'Allemagne rivalisent avec acharnement sur le terrain des beaux-arts: il y a deux ans, 2 millions de marcs ont été dépensés pour les acquisitions des musées. On dépense en ce moment 6 à 7 millions pour transformer le vieil arsenal, à Berlin, en un panthéon où les artistes sont appelés à représenter les grands faits et les grandes figures de l'histoire nationale. La France de son côté, a notablement augmenté son budget des beaux-arts.’
Voilà ce qui se passe autour de nous, voilà ce que l'honorable ministre est venu, avec raison, constater à cette tribune, le 17 fevrier 1887, dans un excellent discours sur les beaux-arts, et l'augmentation de ces dépenses d'art, a-t-il ajouté, a eu pour conséquence la plus-value des industries artistiques de ces différentes nations. Pour la France seule, le produit annuel a augmenté de 300 millions de francs.
Ces faits sont trop éloquents pour nécessiter des commentaires. Le rôle du gouvernement est ici clairement indiqué: il a pour premier devoir d'élever sensiblement le budget consacré aux arts, et qui est vraiment lamentable pour un pays comme le nôtre, où les aspirations vers l'art et les arts appliqués correspondent aux instincts de notre race. On n'a pas suffisamment encouragé ces dispositions physiques et intellectuelles qui existent chez nous, et c'est une grande faute. Nous en ressentons les déplorables effets. Je l'ai déjà dit, je le répète, car on ne saurait assez le dire: le gouvernement doit, dans l'intérêt du pays, subsidier l'art le plus largement possible, parce qu'il est un des besoins sociaux les plus intenses et les plus salutaires. L'Etat doit aussi faire tous ses efforts pour imprimer une nouvelle vigueur à l'art vraiment national, à cet art plein d'originalité, qui est à nous, oui, bien à nous, et qui a valu tant de pages glorieuses à la Belgique! Il doit l'encourager sous toutes ses formes, en faisant décorer nos édifices publics, en augmentant nos collections d'art et d'arts appliqués, tant en province que dans la capitale, en modifiant le mode d'enseignement' dans nos académies, en réorganisant et en multipliant les écoles professionnelles et industrielles.
La section centrale devant laquelle j'ai eu l'honneur de développer récemment ces idées s'y est ralliée, en ce sens qu'elle a accepté en principe une augmentation du budget des beaux-arts, dans l'intérêt de notre industrie. Je prie la Chambre de la suivre dans cette voie. Je ne doute pas que l'honorable ministre n'appuie cette mesure. J'en trouve un gage dans les paroles que je rappelais tout à l'heure et qu'il a prononcées dans la session dernière.
L'honorable ministre comprend aussi bien que n'importe qui qu'un gouvernement trouve aisément un grand honneur dans l'appui donné à l'art sous toutes ses manifestations et il est imbu spécialement de cette vérité, vraiment contemporaine, qu'il faut soutenir
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et encourager les arts industriels. Ce sont ces derniers qui entrent dans la vie pratique, dans la vie universelle, en embellissant les objets d'un usage quotidien; ce sont eux qui, étant dans toutes les mains, étant constamment sous les yeux de tous, contribuent véritablement à l'épuration du goût dans toutes les classes de la société, et civilisent la population entière.
Les beaux-arts proprement dits, quand on les envisage sous leur forme la plus élevée, se localisent, de notre temps, chez les riches et ne descendent pas jusqu'aux masses. C'est la marque de leur dignité, mais c'est, en même temps, leur inconvénient. Avec les idées démocratiques qui se développent si rapidement, il faut penser à la généralité, satisfaire à ses besoins, veiller à l'améliorer sans cesse, afin de lui inculquer ce goût et de lui donner cette juste mesure qui sont les conditions les plus efficaces de l'ordre et de la moralité. C'est par l'application de l'art à l'industrie, par l'introduction de l'art dans tous les métiers, qu'on y arrive le plus promptement.
Un gouvernement qui méconnaîtrait cette verité serait en dehors de notre époque: il manquerait à son premier devoir. Celui qui, au contraire, la comprend et la favorise devient un instrument intense de progrès et facilite, en répandant partout le goût des belles choses et l'horreur du laid et du désordre, l'organisation d'une société où l'on retrouvera la bienveillance et la paix, dont le manque un peu partout se fait tant sentir aujourd'hui.
On fait de louables efforts pour protéger les intérêts agricoles et pour sauver la grande industrie, qui sont incontestablement d'une importance capitale pour un pays et qui méritent de trouver dans la Chambre, où ils sont d'ailleurs largement représentés, de nombreux et ardent défenseurs.
Mais il ne faut pas d'exclusivisme. Il importe que, en Belgique, la grande portée sociale des beaux-arts soit comprise comme elle l'était autrefois, comme elle l'est maintenant chez nos voisins. Il faut que l'on cesse, chez nous, de ne voir là qu'un simple objet de luxe, un superflu, que l'on comprenne que la chute de l'art entraînerait fatalement celle de l'industrie et que l'on soit bien convaincu que, vivant des conquêtes artistiques, la production industrielle, sans cette source d'inspiration, perdrait tout éclat et sombrerait dans la banalité et le mauvais goût!
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Petites nouvelles.
Bologne.
Mai-Novembre 1888: Exposition internationale d'instruments de musique anciens et modernes, autographes,
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éditions curieuses, instruments d'aoustiques, ouvrages sur l'histoire et la théorie de la musique, inventions nouvelles, etc. Président d'honneur: Giuseppe Verdi; Présidents: Arrigo Boïto et Codronichi. (Entre parenthèses: Des représentations de l'opéra Tristan et Yseult de Wagner, avec le concours du célèbre ténor Winkelmann, auront lieu à Bologne à cette occasion.)
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Paris.
Un comité d'experts, prépare en ce moment une exposition rétrospective d'objets ayant rapport à l'histoire de la grande révolution française de 1789. Le comité fait appel à tous les amis de cette révolution, sans distinction aucune. D'autre part, une société spéciale pour l'étude de son histoire, va être constituée sous peu.
A l'occasion de l'exposition il y aura un congrès d'agriculture, divisé en trois sections: 1o Les rapports entre les propriétaires et les fermiers; 2o Le crédit agricole; 3o Convention internationale pour la protection des animaux utiles, et l'extirpation des insectes nuisibles.
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Le Comité exécutif belge à l'Exposition de Paris en 1889.
La Commission belge a élu son Commissaire général, et avis de cette désignation a dû être donné au Gouvernement français. C'est M. Carlier, représentant de Mons, qui a été nommé Commissaire général.
Voici comment est composé le Comité exécutif.
M. Victor Lynen, président;
MM. le comte de Ribeaucourt, E. Slingeneyer, De Naeyer, vice-présidents;
M. Gody, secrétaire général.
MM. de Savoye, Sabatier, Eninotte, Systermans, Linden, Goemaere et Eloy, membres.
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Vienne.
Une exposition internationale des beaux-arts est ouverte cette année à Vienne, à l'occasion du 40me anniversaire de l'avènement au trône de S.M. l'empereur François Joseph I.
Un compartiment belge y sera organisé et pourra comprendre des oeuvres d'art de toute nature, créées depuis 1882, et qui n'ont pas encore figuré à Vienne.
Un artiste ne pourra exposer plus de trois oeuvres du même genre. L'espace réservé à l'exposition belge étant restreint, la commission belge ne pourra admettre qu'un très petit nombre d'ouvrages.
Les frais de transport et d'assurance des oeuvres sont à la charge de la commission belge.
Au moment de mettre sous presse nous recevons encore les communications suivantes:
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Exposition rétrospective d'art industriel organisée par le Gouvernement sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi des Belges. - 1888. Bruxelles.
L'exposition comprendra les classes suivantes:
Époque belgo-romaine; époque franque; orfèvrerie et émaillerie religieuses; orfèvrerie et émaillerie civiles; bijoux, montres et miniatures; médailles; cuivres; étains; ferrures; coffrets; armes et armures; ivoires; marbres et albâtres; bois sculptés; meubles; horloges et pendules; cuirs et reliures; verres; vitraux; grès; terres vernissées; faïences; porcelaines; terres cuites artistiques; tissus; tapisseries; broderies; dentelles; vêtements
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sacerdotaux; costumes civils; éventails; manuscrits enluminés; instruments de musique; gildes et corporations.
L'Exposition sera installée dans des bâtiments présentant toutes les garanties de sécurité contre l'incendie.
Tous les frais d'assurance, d'installation, de surveillance et de transport seront à la charge du Gouvernement.
Le Président, Edm. Reusens. - Le Secrétaire, Edm. Parmentier. - Vu et présenté: Le Commissaire général du gouvernement, Cte Ad. d'Oultremont. - Le Commissaire international, Cte Alb. de Beauffort. - Approuvé: Bruxelles, le 22 février 1888. Le Ministre de l'Agriculture, de l'Industrie et des Travaux Publics, Chev. de Moreau.
Voir: Moniteur officiel du Grand Concours, 15 mars 1888.
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Bruxelles.
La première exposition de l'Union des Arts décoratifs aura lieu ce mois-ci dans les locaux de l'ancien musée de peinture.
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Na de kunstenaars van La recherche de la lumière, Les XX, komen die van den Essor, De opvlucht, die voorzeker niet minder dan hunne kunstgenooten van
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het andere gezelschap, naar nieuwe lucht- en lichteffecten zoeken.
Dit is trouwens wat elke kunstenaar, op doek, paneel of muur steeds heeft gedaan; of wel hij was een groote stumper.
Doch neen! ‘Zoeken,’ wil ik juist niet zeggen.
Elke geniale meester drukte de verlichting der voorwerpen op de wereld zóó uit als hij die zag, of hij Rembrandt, Claude Lorrain, Ruysdael, Breughel, of Teniers of Watteau heette.
Bij het binnentreden der zalen valt het oog allereerst op de levensgroote processie van J. Mayné, bescheiden van toon, goed van groepeering, verdienstelijk van teekening, doch niet sprekend van waarheid in de stoffen, die meer waterachtig dan geweven uitzien. Vele typen der figuren zijn recht oorspronkelijk, vooral de pastoor die het Hoogwaardig draagt; maar eene zeer aantrekkelijke verheffende poëzij vindt men hier niet. De omstanders zijn evenmin geroerd, want van allen, klein en groot, knielt er niet één.
Merkwaardig vertoont zich, wanneer men zich omdraait, die Hymne aan de zon van Lacroix: man, vrouw en kind wenden den toeschouwer den rug, staan half naakt (het kind geheel in Adamskleeding) met uitgestrekte armen, naar boven ziende, midden op de schilderij. Heeft men zich bij de XX over zonderlingheid te beklagen, hier voorzeker niet minder, en een meesterstuk kan dit werk niet juist genoemd worden. Wij slaan liever 't oog naar Francois' winter, waar de stilte recht treffend is uitgedrukt.
Ook Ondine van Hoyoux vereenigt leven en poëzie, al is de type een weinig alledaagsch. L. Dardenne's waterverw-teekemngen geven evenzoo bewijs van vinding, phantasie en studie. Hij stelt den optocht van spelers
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in een middeleeuwsch godsdienstig drama voor, en bewijst in de teekening en groepeering veel geest. E. de Bièvre's phantasie steekt daarbij wel wat schrikverwekkend af, met zijne wonderlijke, ofschoon zinrijke gedrochten.
De eenvoudige, ongezochte natuurlijkheid der sprekende honden-studie van L. Van Ghelder en Ch. van der Eycken werkt nu des te streelender, gelijk Mozart na Wagner. Dergelijke specialisten brengen de kunst vooruit.
Echt menschelijk zijn de portretten van Herbó. In dit vak zijn in 't algemeen onze meesters het sterkst. En toch is daarop eene uitzondering te maken.
Wij zagen namelijk in de Salle Verlat te Antwerpen de bijzondere tentoonstelling der werken van L. van Engelen.
Deze kunstenaar voelt zich blijkbaar eerst op zijn gemak, wanneer nevens de natuur, die hij overigens sprekend maar koel opvat, ook aan zijne phantasie eene zekere speelruimte wordt gelaten, grooter dan de eenvoudige beeltenis van eenen persoon dit toelaat. Hij schilderde Bellevue (?), aan de overzijde der Schelde: een gezelschap dat bij een glas bier, enz. eenen aangenamen namiddag in de open lucht, gezellig, rond tafeltjes gezeten, doorbrengt. Eenigen kouten en lachen, anderen luisteren naar den zang van eenen ouden, maar sentimenteelen muzikant, welke zich in het midden der schilderij bevindt. Het werk heet Le Troubadour
Men vindt hier eenige portretten, die beter gelukt zijn dan de dames die zich afzonderlijk door dezen kunstenaar hebben laten afschilderen.
Het meesterwerk van deze zeer boeiende tentoonstelling is wel La Cigale en La Fourmi, voorgesteld door eene vrouw en eenen man uit het volk, op twee kleine doeken.
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Het portret wat ons het meeste boeide is getiteld Une future étoile.
Doch wij komen een oogenblik op den Essor terug.
Wij bewonderden er het hollandsche klare water van Alex. Marcette; en bijzonder L. Fréderic's vrouwelijke en andere ambachten op het veld (in 11 lijsten gevat) met houtskool geteekend.
Henri Evrard's Houthakker door den Dood bezocht, is vol uitdrukking, en gaarne zouden wij bij E. van Damme-Sylva's Kerk en koebeest wat langer stilstaan.
Maar de ruimte gebiedt hier te eindigen, nadat wij vriendelijk begroet zullen hebben onzen vermaarden Dillens en C. Samuel, wiens statuette van veel talent getuigt, al is de behandeling der kleederen ook wat nalatig, en herinnert aan de geïmproviseerde cartonkleederen van sommige gelegenheidsbeelden.
De Ticheler.
Brussel.
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voetnoot(1)
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