Mais depuis une cinquantaine d'années, les antithèses sociales ont inspiré la poésie et le drame. A la vue d'un enfant pauvre couché dans son berceau, un poète flamand s'est ému, et il a écrit des vers pleins de larmes et de compassion:
‘Pauvre petite fille! Pourquoi donc sur la paille de ton berceau, dors-tu et souris-tu ainsi? Peut-être dans tes rêves souris-tu à l'avenir qui t'attend?
Ton avenir! Ah! regarde! à peine pourras-tu marcher seule, qu'il te faudra aller pieds nus, à travers la neige et le vent, mendier le long des rues, depuis le commencement du jour jusqu'à la nuit, - et c'est ainsi que tu grandiras et deviendras une jeune fille qui ne mendiera plus, mais qui chaque jour travaillera courageusement pour avoir du pain....’
Anciennement en Flandre, le mariage était précédé de la cérémonie des fiançailles. La jeune fille donnait alors à son fiancé une pièce de toile blanche, lui faisant comprendre par là qu'elle attachait le plus grand prix à la pureté, à la sainteté de ses intentions, et qu'elle mettait, elle, au nombre de ses obligations les plus chères, celle de filer le lin et d'en vêtir les membres de sa famille.
De nos jours, la cérémonie des fiançailles a disparu; mais il arrive souvent que des jeunes gens engagent leur foi par le don d'une simple fleur. Dautzenberg, ce coeur qui fut si aimant et si aimé, si jeune enlevé à notre affection, nous a laissé un petit poème exquis sur la fleur qu'il offrit, comme gage de son amour, à celle qui eut le bonheur de devenir sa compagne. C'est le Myosotis ou Ne m'oubliez pas, une perle enchâssée dans l'or le plus pur:
‘Qui connait le petit ruisseau de la prairie, où sourient de tendres fleurs aux robes bigarrées? Ma mie et moi, nous en cueillons tous les deux les plus belles quand vient le soir. - Aucune des fleurs de la prairie, si riche de coloris, si douce d'odeur, si attrayante quelle soit, n'est préférée à ses soeurs.
Mais tout près du petit ruisseau de la prairie, nous attire en souriant, ombragée des roseaux qui tremblent, la petite fleur au bleu de ciel: “ne m'oubliez pas.”
Et vers le petit ruisseau de la prairie ma mie pencha sa tête d'ange; la jolie plante perdit la perle de sa couronne.
Dans la prairie, ma mie posa la petite fleur bleue sur mon coeur; elle pensait à l'heure de la séparation et s'affligeait. - Et là où le petit ruisseau fuit à travers les saules et les aunes, nous nous embrassâmes et nous nous écriâmes: ‘ne m'oubliez pas, ne m'oubliez pas.’
Vous le voyez, Monsieur et illustre maître, le Nord a connu la vraie poésie; il n'a donc pas produit uniquement de l'orge, du blé et de l'avoine.