Dietsche Warande. Nieuwe reeks. Deel 2
(1879)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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[Franse bijlage]Bulletin périodique de la ‘Dietsche warande’.
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La ripopéequi, du fond de la Hollande, est allé en France porter ses hommages aux pieds de Victor Hugo, et a inspiré la pièce qu'en badinant j'ai nommée Dithyrambe, la voici:
‘A Victor Hugo!
Ce serait manquer au respect dû au génie que de ne pas participer aux grands évènements dans la vie d'un de ses enfants les plus illustres. - A ce jour, Votre 75ième anniversaire, nous tous, employés au bureau télégraphique d'Amsterdam, nous avons à vous donner une marque de notre respect et de notre admiration en Vous communiquant les sentiments de la haute estime et de la vénération qui remplissent nos coeurs dès le premier moment que nous fimes la connaissance de la vie et des oeuvres d'un génie “trop original pour suivre le chemin battu” d'un esprit “impérieux, tumultueux, violent”, ne voulant que “.....sonder cette double mer du temps et de l'espace
Où le navire humain toujours passe et repasse, et qui
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Pour nous en reporter quelque richesse étrange,
Et dire si son lit est de roche ou de fange,
Se plongea seul et nu sous le flot inconnu.”’
‘Nous voulons avec la France, avec le monde entier, célébrer la fête d'un poète lyrique et épique des plus grands que les temps modernes aient jamais eus; qui nous faisait chanter “Gastibelza”; qui nous donnait “la légende des siècles”; qui nous apprend “à croire, à aimer, à pleurer; qui nous aide à monter vers la douleur saine et féconde; qui nous fait sentir l'utilité céleste de l'attendrissement,” - nous voulons faire honneur au héros, qui, depuis plus d'un demi-siècle “faisait son devoir”, malgré l'envie et la haine, en dépit du méprit [?] et de la malédiction. “Qui luttait pour le vrai, pour le bon, pour l'honnête,
Et qui subit vingt ans l'exil dans la tempête,
Et recommencera demain si Dieu le veut.”’
‘- Puisse l'hommage de quelques étrangers Vous fortifier dans la conviction qu'un jour, que demain l'humanité vénérera son bienfaiteur, qu' à present elle méconnait. - Il vient un temps “que la profondeur dira à la hauteur: “Je t'aime”, que le mal expirera, que l'affreux gouffre inclément cessera d'être sourd.” - Dans Votre vieillesse, ce sera votre consolation et Votre orgueil que de n'avoir pas vécu en vain.’
Telle est donc l'adresse qui partit d'Amsterdam pour Paris. Comme en ce fameux mois de Février, il en était qui se sont donné tel mouvement à l'honneur de Mons. Darwin, et de feu Mons. Spinoza, j'ai rappelé aussi ces deux faits du jour, dans ma pièce du jour. Dans l'épilogue se prononce sur Victor Hugo un jugement tout autre que dans l'adresse. Le jugement de l'Épilogue est celui de l'auteur de ces lignes. Je veux croire que ce jugement sera partagé par tous les Catholiques, et même par des Protestants conservateurs de la Néerlande. | |
Dithyrambe.Parva magnis. Sous des Alpes de ténèbres,
Comme un crétin du Nord
Qui dort
Dans un linceul de neige et de brouillards funèbres,
La Hollande dormait comme un sommeil de mort.
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Et cependant du Roi des ‘immortels’Ga naar voetnoot1 célèbres -
‘Esprit impérieux’ ainsi qu'un ouragan,
‘Esprit tumultueux’ autant qu'un océan,
Esprit plus violent qu'un violent volcan -
Au bout de l'horizon, en gerbes de lumière,
Superbe jaillissait ton jour anniversaire,
Victor Hugo!
Soleil de Marengo,
Ton aube fut moins chère
Aux quatre coins du monde,
Que ce jour trois fois grand dont la splendeur inonde
Ce siècle tout entier jusques à son berceau.Ga naar voetnoot2
Oh, Hugo! ta splendeur par ‘trop originale’,
Immense et colossale,
Fait germer au cerveau
Lyrique
De plus d'un jouvenceau
Épique,
Debout dans son bureau,
L'hymne extatique:
Gastibelza, Gastibelza.
Les siècles vont éclore où du grand Spinoza
Lui-même,
L'immensurable profondeur
A ton adorable hauteur
Dira: Je t'aime!
C'est à rendre jaloux cet immortel troisième
Qui prend place au trio modernement divin:
Spinoza, qu'à la Haye un certain monde fête,
Hugo, ‘qui pour le vrai, pour le bon, pour l'honnête’
Luttait, ‘et voit l'époque où, qui jadis fut bête,
Est devenu Darwin.
Salut! Honneur! Victoire à l'illustre Triade!
Un chacun de ces trois vaut une myriade!
Mais du sacré Trio
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La figure centrale,
Homériquement colossale,
Spinozamment transcendentale,
Darwinement originale,
Que nul ange ou démon n'égale,
C'est toi toujours, Hugo!
Intrépide plongeur ‘aux mers de la pensée,
Tu plongeas seul et nu
Sous le flot inconnu,’
Mais vois au jour présent vers ta cloche élancée
Une admiration trop longtemps entassée
Dans la cité du Nord,
Où l'Amstel dort,
Où tout Amsterdam dort calmement léthargique,
Hollandaisement apathique.
Mais grâce aux fronts emplis d'extase pour Hugo,
Il est dans la ville aquatique
Un bureau;
Il est, près du Palais de feu la République,
Dont les pieds adorés se baignaient dans les eaux
De Baruch Spinoza qui baisottaient la lange,
- Canevas bleu de Prusse aux entrelacs d'Orange -
Un bureau des bureaux.
Près d'un de ces canaux
Où le navire humain toujours passe et repasse,
‘Sondant la double mer du temps et de l'espace
Pour nous en reporter quelque richesse étrange,
Et dire si son lit est de roche ou de fange’
Si le gouffre inclément cessera d'être sourd,
Le cerveau d'être vide et l'esprit d'être lourd:
Près de ce ‘canal grand’ où roule le Pactole,
Veillait debout,
Quand tout
Autour du Capitole
S'endormait lourdement, peut-être
Sans avoir jamais vu dans un rêve apparaître
Victor Hugo;
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Veillait, debout au grand bureau
Des courants électriques,
Un corps d'esprits télégraphiques.
Aux moments solemnels où les profanes bruits
S'endorment dans les bras du silence des nuits,
Ces vaillants en travail, pour penser réunis,
Méditont des plans pindariques.
Hugo,
‘Sans manquer aux respects qui sont dus au génie,’
Ils porteront ton nom des bords du Coango
Jusqu'aux pics glacials de la Scandinavie.
‘En dépit de la haine, en dépit de l'envie,
Ils participeront aux grands faits de ta vie.’
Si jamais ton soleil arrivait un peu tard
Aux sphères du SénatGa naar voetnoot1), ces rois inamovibles,
Frustrés de tes splendeurs au scrutin invisibles,
Contempleraient encor ton trop tardif départ
Comme une ombre au soleil: un crime pardonnable.
Mais l'autre Majesté, le Roi du boulevard,
Le gamin de Paris, par trop inexorable,
Trouve ton cas, un cas pendable,
Il ne pardonne pas.
Pour se distraire il va nonchaland, pas à pas,
Aux champs élysiens, et chante ton histoire
En ritournelle dérisoire.Ga naar voetnoot2)
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Mais nous chantons, malgré leur malédiction,
‘Pour te sortifier en ta conviction:’
Paris est trop petit pour te pouvoir comprendre.
Mais vienne l'avenir que le présent engendre,
Et l'on t' honorera comme nous t' honorons;
Et l'on t' adorera comme nous t' adorons.
En attendant, que notre hommage,
D'une telle chanson
Sans rime ni raison
Bien amplement te dédommage.
Oui! malgré le mépris, la malédiction,
Pour te fortifier en ta conviction
Daigne, nous accordant quelques voix au cha pître,
Relire quelquefois tout-à-fait notre Épître.
Dans ce mielleux espoir,
Faisant notre vaillant devoir,
Nous disons à la terre,
Aux rose-croix
Avec leur monde tributaire,
Aux Empereurs, aux Rois
Aussi,
Comme à toutes les Républiques
De l'Europe et des Amériques,
Ceci:
Malgré les éclairs des temps
Et la pluie et les vents,
Victor Hugo revoit le jour anniversaire,
Où son cri premier-né retentit sur la terre;
Et nous tous, employés au graphique bureau,
De nos hymnes naissant saluons son berceau.
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Nations! il est né dans le pays des Gaules.
‘Ses aïeux franchissaient le Rhin comme un ruisseau;
Sa mère le baigna dans les neiges des poles,
Tout enfant, et son père aux robustes épaules,
De trois grandes peaux d'ours décora son berceau.’
De tout le genre humain suprême bienfaiteur,
D'un nouvel age d'or futur opérateur,
Puissance d'annexer, puissance de pourfendre,
Le monde est trop étroit pour te pouvoir comprendre.
Le genre humain te méconnaît.
Même la Hollande se tait.
Mais nous, les préposés au fil télégraphique,
Nous chantons à ta gloire, en prose poétique,
Un tout original cantique
De jubilation;
Chant de participation
A ton vaillant anniversaire.
De ce jour, de ce chant pour nous va dater l'ère
De notre émancipation.
Oh! que chacun de nous en sa cervelle insère
Les éclairs de génie en tes ceuvres inscrits!
En hommes de progrès, en dépit du mépris,
Et de l'envie et de la haine,
Nous persévérerons à nourrir nos esprits,
Chaque jour de chaque semaine,
Du pain substantiel
De ta phrase sonore,
Où ton verbe potentiel
Rayonne comme un météore;
Où l'adjectif produit encore
Comme une étoile qui surdore
Ta chape de Pontife et ton bandeau de roi.
Indépendant de tout, tu ne connais de loi,
De loi primaire,
Que ton génie et la grammaire.
Ton regard créateur sait rendre grand et beau
Tout, jusqu'au néant, tout, jusqu'au crapaud.
Ta main transforme en fleurs les chardons de la plaine.
Et ton pied, quand il se promène
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Dans la république des vers,
Change en paillettes d'or le sable des déserts.
Ton cauchemar même est une magnificence.
Le mal expirera.
Le peuple devient roi; de partout l'indigence
S'en ira; s'en ira.
Chaque chaumière aura sa corne d'abondance.
Victor Hugo, géant, tu tiens de chaque main,
Comme une Déité dn Sort, une balance:
Dans un plateau tu mets la France,
Et dans l'autre, le genre humain.
S'inclinant à tes pieds, humblement il faut croire
Que dans l'autre balance, où tu pèses la gloire,
L'aiguille hésite encore entre la France et Toi:
Et le fléau demande aux peuples en émoi:
De par l'Histoire,
Qu'en dites-vous?
Et Spinoza répond à Darwin sans genoux:
‘Puissance de penser, puissance de s'étendre’;Ga naar voetnoot1
Le monde est trop petit Hugo, pour te comprendre.
Mais il est, en Hollande, un bureau qui t'entend.
C'est que ton beau génie à leurs beaux yeux apprend
‘L'utilité céleste
De l'attendrissement.
On monte à la douleur féconde, saine’, leste:
Et les pleurs ne sont plus qu'un rafraichissement.
‘Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos riches tabliers:
Quelquefois les brigands surpassent
En audace les chevaliers.’
Des Siècles la Légende
Ouvre un monde nouveau,
Et bientôt toute la Hollande
S'élèvera jusqu'au niveau
De ce bureau.
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Les darwinistes.Des sublimes penseurs les foyers se déplacent.
(‘Enfants voici des boeufs qui passent
Les étages et les paliers:
Leurs pas aveugles s'embarrassent
Dans les marches des escaliers.’)
Ils vont, deux cent dix-huit, à l'exemple fidèles
Des ‘sélections naturelles’
D'au-delà des rives du Rhin,
Aux pieds de leur Darwin
Présenter leurs hommages.
Darwin eut préféré, dit-on, à leurs imagesGa naar voetnoot1,
Deux cent dix-huit fromages.
Ni lui ni ses petits n'en auraient fait usage.
La basse-cour de son riche chateau
En eut eu l'héritage.
Aux bêtes de génie elle en eut fait cadeau,
N'appelant aux banquets de ces fromageries
Que les héros futurs de ses ménageries.
Et le monde aurait vu ces animalités,
Faisant en quatre moins les progrès de cinq lustres,
Atteindre à la hauteur de ces cranes illustres,
Pleins de deux cent dix-huit originalités.
Le grand Darwin s'abîme en ces rivalités;
Il observe, il compare, il calcule, il estime
Qu'ici le nom seul fait la différence ultime.
Et Darwin, pour prouver son pouvoir créateur,
Anéantit ce trait de dissimilitude:
Et paie aux Hollandais son cens de gratitude.
Écoutez, nations: de chaque donateur
Il donnera les noms, devenus populaires,
En forme de diplôme aux bêtes exemplaires,
Types avant-coureurs des siècles à venir.
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Spinoza et Renan.A la Haye, en ce jour, entendez-vous hennir
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De superbes cavales?
Des singes de Darwin ces sublimes rivales
Accourent au grand trot. C'est le jour annuel
Où Baruch Spinoza cessa d'être mortel.
Puis un FrançaisGa naar voetnoot1 est là dont l'emphase pullule.
Il couve un nouvel oeuf de l'ancienne formule.
Renau et Spinoza, ce sont deux grands cerveaux:
Puis, en apostasie, amiables rivaux.
L'un, enfant d'Israël, sut abjurer Moïse;
L'autre, enfant de la France, a renié l'Église.
Renégat du Calvaire, apostat du Sina,
Que la Haye ait pour vous un infame hosanna!
Et pourquoi non? Les singes Darwinistes
Et les cavales panthéistes,
Couples bien assortis,
Offrent esprit et corps aux mêmes appétits.
La seule différence
Est question d'état et budget de finance:
Est question de choix, question de goût,
Et voilà tout.
Que chacun ait pour tous un peu de déférence,
Et laisse son prochain libre en sa préférence.
Tel est encor grossier qui deviendra très-fin.
Le Français, né galant, sait sublimer Darwin.
Sous des dehors divers, le fond revient au même;
Darwin et van HoutenGa naar voetnoot2 sont du même système,
En principe, à la fin, et surtout au milieu.
Mais non, parlons plus net; ils diffèrent un peu.
Darwin veut de la bête élaborer un homme:
Au nom de la raison van Houten veut, en somme
Zoölogue éminent,
Distiller l'homme en bête, en état permanent.
Des Siècles la Légende
Ouvre des horizons nouveaux.
Déjà dans la Hollande
Les États-généraux
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Pourront voir sur leurs bancs siéger une bête.
Allons, faisons un choix de ces héros de fête.
Pour l'Élu des bureaux
Notre couronne est faite,
Et notre vote, déclaré.
Leur encens égaré
Du moins cherche un poète
Qui lutta pour le vrai, pour le bon, pour l'honnête,
Et porte un nom, jadis par chacun honoré.
Aux museaux Darwinistes,
Aux cerveaux Spinozistes
C'est l'aigle qu'ils ont préféré.
Laissons des employés electro-magnétiques
Les bureaux sympathiques
Élever aux accords d'un antique orphéon
A cet ange déchu leur nouveau panthéon;
OEuvre de maitre,
Dont le plan
Ne peut être
Que du grand Luliman.
La Béotienne coupole
Et le piédestal de l'idole
Sont l'oeuvre d'un Éberéon,
Où de Victor Hugo pour rehausser la gloire
Au de-là de toute victoire
De Charles-le-Grand et du grand Napoléon,
Une triple épopée en extase accompagne
Le glaive de Charlemagne,
Et l'éperon
Du petit Napoléon
Aiguillonnant la cavale qui fume:
Et puis, au milieu d'eux, Victor Hugo, ta plume.
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Épilogue.Victor Hugo, permets à l'âme qui vénère
Ton glorieux passé,
De pleurer un moment à tes pieds. Étrangère
Au beau pays fleurdelisé,
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Elle sent cependant, et tout haut veut le dire
Après cette heure de satire,
Qu'après l'humble pays créé par ses aïeux,
A tous autres pays sous le soleil des cieux
Son amour préfèra, ce qu'encore il préfère:
Le beau pays fleurdelisé,
La France, au glorieux passé.
Permets donc à mon coeur que ma bouche profère
Ce que cette âme craint, ce que cette âme espère
Pour la France et pour toi.
Je vais parler, pardonne-moi.
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La France.Du Christ sous les sacrés parvis
La France est née au grand jour du baptême
Du Roi Clovis.
Son front créé pour porter diadème
Fut oint par l'huile sainte et marqué du Saint-Chrême,
Et puis, par l'eau sainte et le signe de la croix
Fut consacré trois fois.
Et la France était là, la France tout entière.
Chevaleresque et guerrière,
Elle était là debout, victorieuse et fière,
Mais humble aux pieds du Christ et soumis à sa loi.
Elle unissait sa vie au règne de la Foi.
Glorieux avenir! sublime destinée!
De l'Église du Christ elle est la fille-ainée.
De son coeur germeront les guerriers de la croix.
Apôtres du Seigneur, ses fils auront le choix
De Jean ou de Pierre aimant le divin Maître.
Ou de Judas le traitre.
Mais le choix de tes fils, o France, fait ton sort,
La vie aux pieds du Christ; loin de Rome, la mort.
Plus ton trône fut haut, plus la chute est profonde.
Deux fois ce siècle vit, pour instruire le monde,
Le Vicaire du Christ, par tous abandonné,
Le baiser de Judas par la France donné.
Oh! pardonne, pardonne à ma franche parole...
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Ton empereur était cet esprit malévole
Qui te fit quitter Rome et marcher à Sedan.
L'enfer s'est réjoui. Le Père au Vatican
A pleuré sur ton sort. Les pleurs de sa paupière
Accompagnaient longtemps son ardente prière.
Et le Christ eut pitié des pleurs du saint vieillard,
Et loin dans l'avenir fit monter son regard.
Quelle France, ancienne et nouvelle,
Sort du fond des erreurs brillante de clartés,
Et porte sur le front la couronne immortelle
Des saintes vérités?
Peuples du Christ, chantez!
La France ressuscite et plus forte et plus belle,
Et marche à la victoire au nom Des droits de Dieu!Ga naar voetnoot1)
Et le vieillard disait, non, chantait avec feu:
France de Saint Louis, lève ta tête altière!
Regarde autour de toi! Vois dans l'Europe entière
Les peuples et les rois, de ta gloire étonnés,
Des bords français du Rhin au fond de l'Allemagne,
Aux pieds du Christ, en paix, humblement prosternés,
Saluer en ton Roi le nouveau Charlemagne.
O Christ, puisse ce règne épanouir bientôt!
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Victor Hugo.Et maintenant, fils de la France, un mot.
Dieu t'a créé poète.
Comme du haut des cieux l'astre du jour reflète
Bien mieux ses majestés au cristal d'un ruisseau
Qu'au feuillage mouillé d'un mourant arbrisseau,
Le créateur suprême
N'a gravé nulle part plus de traits de Lui-même
Qu'au coeur prédestiné
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De ce génie inné
Que la terre appelle poète.
Dieu te fit grand, Hugo. Dieu couronna ta tête
Des puissances de l'idéal;
Et toi-même, jadis vassal amé, féal,
Tu reconnus ces dons, et tu rendis hommage
Au trône de ton suzerain.
Chaque hymne de ta lyre en porta témoignage.
Mais au siége souverain
L'abîme t'appelait, te poussait; et ta main,
Rejetant l'encensoir de ton brillant jeune age,
A l'autel a saisi la couronne, et ton Moi
Lui-même s'est proclamé Roi,
Lui-même s'est consacré prêtre.
Étant poète, il voulait être
De tout le centre et le milieu.
Dans ton coeur tu disais: le génie à soi-même
Est son dogme, est sa fin, son but, sa loi suprême.
Étant génie, Hugo, tu voulais être Dieu.
Le soleil des printemps nous explique les roses,
L'orgueil du Paradis nous explique la mort.
Les ardeurs de ton âme et les apothéoses
Écloses sous tes pas, nous expliquent ton sort.
Règnant, dès ton enfance, aux sphères poétiques,
Tu veux règner encore aux cercles politiques.
Tu veux avoir ta place au ciel législateur,
De la France et du monde être le rédempteur.
Mais tes plans les plus beaux sont tissus d'utopies!
Tes moyens de salut sont des moyens impies!
Le prolétaire entend tes rêves d'idéal,
Voit la vie, et se croit un damné social,
Dont le trône et l'autel ont redoublé la chaîne:
Et sa haine s'anime à centupler sa haine.
Car lui, c'est la victime, et la société
Est l'infame engraissé de toute iniquité.
Du haut de. tes splendeurs tu prétendais instruire,
Hugo, mais tu n'as fait qu'enivrer, que séduire.
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Tu prétendais marcher en éclaireur divin,
Découvrir, conquérir pour tout le genre humain
Un second paradis en ce vallon de larmes.
Ce rêve fraternel, sublime, plein de charmes,
Reflet de l'Évangile, hymne consolateur,
Chez toi n'est qu'un brûlot, un cri d'accusateur.
Après avoir goûté des fruits d'or de la cime,
Maintenant tu vas mordre aux fanges de l'abime:
Après avoir versé des calices du ciel,
Tu mêles des poisons à ton rayon de miel.
Car même de nos jours, sur tes lèvres flétries
Vibraient parfois encor de saintes théories.
C'est de ce faux éclat où ton soleil s'épand,
Que s'enivre et s'enrage un peuple noble et grand.
Au peuple tu montrais comment le roi s'amuse;
Mais vois-tu maintenant comment ton peuple en use?
Les Misérables! eux, tes plus grands favoris,
Pour chercher l'âge d'or ils allument Paris.
J'admire tes tableaux, j'abhorre ton système.
Sous ton faux idéal soit inscrit: anathème!
Au nom du Christ, reviens à ton premier chemin.
Rappelle qui sont là, les armes à la main.
Au nom du Christ? Allons! nous n'en savons que faire.
Nous voulons le fusil, non la croix du Calvaire.
Nous préférons la poudre à l'encens de Noël,
Des cuves de pétrole aux burettes d'autel.
Nos boulets de canon sont nos grains de rosaire:
Bientôt les jours viendront où nous saurons qu'en faire.
Les malheureux! Hugo, voilà les scélérats
Qui te nomment leur chef, se disent tes soldats!
C'est en vain que ta plume en dédaigne l'hommage;
Ils ont des droits sur toi, car ils sont ton ouvrage:
Ange au commencement et démon à la fin.
De céleste et divin
Devenu misérable,
Le plus criminel d'eux est moins que toi coupable,
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Toi, fils du Christ, qui joins aux erreurs de PlatonGa naar voetnoot1)
Les fureurs de Danton.
Malheur, si de nos jours du tigre populaire
Se déchaîne jamais l'infernale colère!
Le présent est bien rouge, et bien noir l'avenir.
Et ta part de géant, Hugo, me fait fré mir!
Du moderne trio si l'unGa naar voetnoot2) séduit en bête,
Et l'autreGa naar voetnoot3) en homme, Hugo peut séduire en poète;
Mais chacun d'eux, hélas! fait son Dieu de son Moi.
Jérusalem, reviens! Hugo, convertis-toi!
Car les jours sont comptés de ta verte vieillesse;
La mort est à la porte, et l'éternité presse.
Le seul indépendant, le seul Grand, le seul Roi,
Le Christ viendra juger tes oeuvres et ta foi!
Au pied du tabernacle où pria ta jeunesse,
Hugo, je vais offrir à l'autel de la Messe
Ma prière et mes pleurs pour toi.
J.W. Br. de St. Mariëngrat.
La livraison en cours de publication renferme un nouveau chapitre de la notice du rév. père Allard sur la vie et les travaux de son confrère, de poétique et exhortante mémoire, Adrien Poirters; le second chapitre de l'étude sur Messire Marnix de Ste Aldegonde, une des illustrations du parti des gueux de mer et.... de terre ferme, le 4me de la monographie du rév. père De Groot, intitulée Vondel, dans ses méditations religieuses, une polémique entre M. Narjoux, architecte français, et l'un de nos meilleurs connaisseurs de l'art national néerlandais, M. Victor de Stuers, qui n'a pu souffrir que l'architecte touriste parlât de nos monuments avec dédain et sans connaissance de cause, une critique de l'histoire de la ‘Rose’ du Dr Schleiden, par M.A.-M. Oomen, et enfin un article de notre essayiste par excellence, M. Cd Busken Huet, établi depuis peu à St Cloud près de Paris, sur Mlle Sarah Bernhardt. |
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