Dietsche Warande. Jaargang 10
(1874)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche warande’.
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placés, et l'histoire devenait un fond de théâtre monochrome, devant lequel posaient les héros à cuirasses luisantes et les hommes d'état à mine refrognée. D'un autre côté on s'occupait de numismatique et de blason, sans songer aux situations sociales, aux relations généalogiques, aux intéressants rapports historiques, dont telle médaille, tel écusson était l'expression et le représentant. C'est avec avidité que je trouverai dans votre nouveau livre les détails généalogiques et biographiques concernant des hommes de caractère et de talent, dont notre patrie est fière à juste titre. Dans le modeste cercle de mon action je continue à travailler dans le sens indiqué. Exhumons, taillons premièrement les pierres; plus tard on fera le bâtiment. Dans la troisième et quatrième livraison de ma revue De Dietsche Warande j'ai publié des fragments généalogiques et des détails biographiques sur les familles amsterdammoises des Codde et des Swelinck. Mes amis, le professeur Allard de Culembourg et Hezenmans de Bois-le-due m'ont fourni des notices, celui-ci sur le Curé Léonard de Vechel (l'un des ‘martyrs de Gorcum’), celui-là sur l'architecte Willem van Hees et le poëte Adrianus Cosijns (deux bonnes trouvailles). J'ai terminé une publication en Néerlandais de la notice de Viollet-le-due sur la peinture monumentale et j'ai fustigé convenablement le conseil communal de Harlem, pour avoir démoli leur Kleine Houtpoort (un vrai scandale archéologique). Mon honorable ami, M. le curé Wessels continue son histoire du Roman. Le professeur De Hoop Scheffer, l'un des initiateurs de l'étude de notre poésie du moyen âge et amateur judicieux de toute forme sous laquelle palpite un élément de vie archéologique, m'a gratifié d'un article piquant sur un itinéraire de la main de Arn. Hellemans Hooft, le fils du grand Drossart. Moi-même j'ai rendu compte de ce que l'on sait jusqu'aujourd'hui de la traduction de la Jérusalem délivrée par l'intéressante Tesselschade, et j'ai donné un tableau synoptique de la généalogie des Visscher et des Van Wesel, pour autant que cela regarde notre histoire littéraire du XVIIe siècle. | |
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Outre cela je me suis encore un peu débattu contre le partipris qui s'est mis à dénigrer notre grand Bilderdijk. Il me paraît qu'à lui aussi on doive un peu de justice, quoique nos modernes ne soient pas très indulgents pour un orangiste qui faisait de la Ste Bible son manuel. Le trouble s'est un peu mis dans les esprits même des amis du grand poëte et savant, depuis qu'on a publié sa correspondance avec sa première femme. On en déduit beaucoup à son désavantage; et non sans raison. Mais quelques concessions que nous ayons à faire à ses détracteurs - sous bien des rapports il se dresse toujours de toute sa longueur sur son piédestal de grand-homme. J'espère prochainement revenir sur ce sujet. Pour ce qui est de l'Archéologie, je ne crois pas que dans notre placide patrie l'esprit de parti puisse aller aussi loin qu'ailleurs. J'ai eu l'un de ces jours l'occasion de voir deux superbes verrières, dont M. Ed. Didron a decoré la cathédrale d'Anvers. Je vous avoue que, ayant égard à la periode, qui devait être représentée par ces vitraux, le style, le costume, tout l'agencement ne laissait rien à désirer. C'etaient deux beaux et dignes vitraux de la fin du XVe siècle, qui ne ressemblaient en rien à la colossale verrière, ostensieusement lardée de perspective et de clair-obscur, dont on a paré la facade nord de la Métropole de Malines. Et voilà que dans l'organe de M. Siret, l'excellent Journal des Beaux-Arts, on déprécie les verrières de Didron comme des pièces tout-à-fait manquées! Il est indisputable que ce n'est qu'un triste esprit de clocher qui refuse à ces verrières de M. Didron les éloges qu'elles méritent. Voilà, cher Monsieur, ce qui a occupé mes rares loisirs cette pre mière moitié de l'an 1873. Son cours paisible dans ma famille n'a cependant pas été sans interruption brusque et douloureuse. J'ai perdu mon beau-frère, le peintre L.-J. Fuchs, ancien Lieutenant de marine, demeurant à Anvers. Comme avec une page patriotique je veux terminer cette épître (qui me rappelle à votre bon souvenir!) par les paroles éloquentes, que M. Delin, l'un des présidents du cercle artistique d'Anvers (section de la peinture), a prononcées sur la tombe de mon parent. | |
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‘Messieurs,
C'est avec un douloureux serrement de coeur, que je viens au nom de la section des arts plastiques du Cercle d'Anvers, remplir un devoir et rendre un solennel hommage à l'artiste qui fut un de nos collègues et à l'homme dont la noble carrière s'est terminée par une mort presque ignorée après une existence honorée pour des services rendus à la Patrie. Ce ne fut qu'à un âge déjà avancé que Louis Julien Fuchs s'adonna à la carrière des arts. Ses progrès furent marquants et dans plusieurs Expositions ses paysages furent cités avec honneur. Il commença ses études à l'Académie Royale des beaux-Arts d'Anvers dans la classe du paysage, sous la direction du professeur Jacobs. En le voyant assis snr les bancs de l'école, entouré de jeunes gens dont il savait excuser et comprendre l'esprit léger et badin, écoutant avec modestie et respect les conseils du maître, qui eut supposé que cet homme au teint encore bronzé par le soleil des tropiques était l'ancien commandant de la goëlette de guerre de S.M. néerlandaise “le Sylphe”? Fuchs était issu d'une famille de marins. Il naquit à Eille le 1 février 1814. Son père fut le type de l'officier hollandais. De simple élève devenu capitaine de frégate, par ses talents et sa bravoure dans plusieurs batailles navales contre les Anglais et les Indiens il sut maintenir la gloire du drapeau de son pays. Son fils, Louis Julien, resté orphelin de 5 ans, s'engagea de bonne héure dans la même carrière; entré au service en 1829, il passa rapidement les premiers grades. Déjà en 1832 on le voit à bord de la canonnière no 9, stationnant devant Anvers, porté à l'ordre du jour pour avoir coöpéré à sauver la vie à son commandant. Le 27 décembre de la même année, il est fait prisonnier avec les restes de la flottille hollandaise devant Anvers et transporté à Aire en France. En 1833 il revint à la patrie et passa immédiatement en qualité de lieutenant à bord d'un vaisseau de guerre et prit part en 1840 à plusieurs combats avec les tribus Indiennes. Enfin le 25 avril 1841 il fut nommé commandant de la goélette ‘Sylphe’ dans les Indes et agit déjà à cette époque efficacement contre les Atchinois. Si dans un de ces combats le commandant Fuchs placé à son banc de quart eût été frappé au coeur par un balle ennemie, son nom eût passé glorieux dans les fastes maritimes de son pays; mais un autre fléau, qui dans ces contrées meurtrières n'épargne pas même les plus braves, le frappa si cruellement que sa santé détruite l'obligea à abandonner une carrière si noblement commencée. En 1846 il demanda sa retraite qui lui fut octroyée dans les termes les plus honorables et les plus flatteurs. Alors il vint se fixer à Anvers et malgré ses souffrances auxquelles la mort seule devait mettre un terme, il se voua à l'art de la peinture qu'il avait toujours cultivé en amateur. Il ne tarda pas à se concilier la haute estime de tous ses Collègues et rendant hommage à son noble et beau caractère, non moins qu'à son mérite, la section des arts plastiques le nomma à l'unainimité son secrétaire en 1855, donnant ainsi à l'homme, victime du devoir et de l'honneur, une preuve de son respect et de sa profonde sympathie. Ces belles qualités, cette distinction de caractère lui valurent l'alliance avec | |
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une de ces familles hollandaises où le respect du devoir et de l'honneur sont de tradition. Puissent ces paroles qui ne rappellent que faiblement les titres de Fuchs à l'estime de tous, apporter quelque consolation à son épouse et à sa famille éplorées. Daigne la Providence dans sa souveraine justice récompenser une vie si pleine de dévouement et d'abnégation. Adieu, Fuchs, notre digne collègue et ami, au nom de nous tous, adieu.’
Un membre de la famille a répondu à cet attendrissant hommage dans les termes suivants: ‘Nous sommes profondément touchés de ce que votre généreuse amitié vient de faire pour notre cher défunt. S'il n'a pas occupé une première place dans votre illustre compagnie, il a des titres (vous l'avez dit) qui ne le rendent pas tout à-fait indigne de l'honneur que vous avez bien voulu lui faire, et qui justifient, eux aussi, la consolation que vos nobles procédés font éprouver à notre bien-aimée Soeur. Le génie militaire et la disposition artistique se donnent souvent la main, et se sont rencontrés dans l'âme douce et ardente à la fois de votre ami. Il avait pris pour emblême une ancre brisée, pour symboliser sa carrière de marin si tristement interrompue. Si ses camarades d'autrefois n'ont pu le conduire à sa dernière demeure, votre généreuse initiative a comblé cette lacune. Du reste on peut le dire hardiment, - la dernière période de sa vie en quelque sorte a donné un démenti à son symbole. Plusieurs d'entre vous le savent, Messieurs; vous venez d'y faire allusion. En dépit d'une santé chancelante, les derniers dix ans de sa vie ont eu leur soleil. A la fin, il est mort, mais l'espérance au coeur; et si son âme est témoin de ce qui vient de se passer aujourd'hui au milieu de nous (et je le crois), elle aura souri de bonheur: car sa Mère, la Sainte Église catholique romaine, est venue prier près de son cercueil, et vous, Messieurs, ses frères, vous êtes venus lui dire adieu sur sa tombe.’
J'espère, Monsieur et ami, que cette épître vous donnera un moment de distraction. Avez-vous appris que le Gouvernement est si bien disposé en ce qui touche la question du Musée de peinture? - Espérons, si le ministère succombait par suite de différents mauvais accueils, que le prochain ministre de l'intérieur ne reste pas au-dessous des | |
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aspirations de M. Geertsema. Espérons surtout que le nouveau Musée soit un monument qui fasse moins de honte à la Hollande que le paleis du Conseil Supérieur et autres monstruosités du même genre, dont on a gratifié la résidence. En vous serrant la main, je me dis avec la plus franche estime, Monsieur et ami,
Votre dévoué JOS. A. ALBERDINGK THIJM.
Amsterdam, 25 Juin, 1873. |
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