Dietsche Warande. Jaargang 10
(1874)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’.
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phénomène se présente partout dans les plus anciennes familles catholiques du pays. Néanmoins bon nombre de nos compatriotes sont assez simples, ou nous croient l'âme assez basse, pour supposer que jamais nous puissions crier avec les radicaux de nos jours: Vivent les gueux! Quand il s'agit de nous juger, on ne doit pas demander, si ce sont les partis politiques des Catholiques ou des Protestants qui ont versé le plus de sang; mais bien lequel des deux a agi avec le moins de probité, avec le plus de passion, et quels sont les souvenirs de famille qui vivent à droite et à gauche. Les Catholiques d'aujourd'hui ne sont pas plus responsables que certaines autres fractions du peuple de la théorie judiciaire, qui mettait l'hérésie au rang des forfaits: c'était aussi la théorie de Calvin et d'une foule d'autres théologiens protestants. Ce n'est pas spécialement à nous qu'il faut en vouloir pour cela. Mais c'était absurde et, partant, insupportable que ceux, qui jetaient les hauts cris pour avoir la liberté de conscience et qui couvraient de cette apparence leurs émeutes politiques de 1566 etc., se soient mis à nous persécuter. Avec le système catholico-politique d'alors ne s'accordait pas que d'autres cultes pussent être tolérés; avec le système du Taciturne, demandant la liberté, l'exercice de différents cultes s'accordait à merveille; c'est pour cela que les persécutions, que les Protestants nous infligent, n'ont pas seulement, comme celles des Catholiques, leur caractère tragique, mais sont palpablement injustes, illégitimes, déraisonnables au plus haut degré. Et cependant nous, Néerlandais catholiques de 1874, nous ne demandons pas mieux que de travailler en commun avec tous nos compatriotes de bonne volonté; oui, nous demandons à peine, comme une présomption en faveur de cette bonne volonté, que nos confrères admettent l'existence et, par conséquent, l'amour et la grâce du Dieu personnel. On aurait tort de ne pas se fier à nous. Je crois connaître un peu mes coreligionnaires et je vous assure qu'ils sont très bons; trop bons; vous leur faites trop d'honneur en ayant peur d'eux, et vous feriez trop peu d'honneur à notre clergé, en doutant non pas de ses talents (vous y regarderiez à deux fois), mais de sa probité. Nulle portion de la nation ne célébrera les fêtes de Mai avec moins d'arrière-pensée, avec plus d'entrain que les Catholiques. La seule chose que je craigne c'est que la cause de l'art n'ait | |
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pas beaucoup à gagner à ce jubilée. Jusqu'ici ce qui m'est venu sous les yeux, comme poésie, comme décoration etc. est peu propre à me tranquilliser à cet égard.....
25 Mai.
Il y aura bientôt un mois que cette lettre a été commencée. Que béni soit l'esprit qui a prévalu dans les événements passés depuis. Quelle unité, quelle mutuelle confiance, quelle heureuse fraternisation entre les principaux partis belligérants de notre pays. Je crois vraiment que du 12 Mai va dater une époque heureuse pour toute la population du royaume. Il y a eu progrès en appréciation mutuelle, progrès en confiance, progrès en amour de la patrie, en désir de s'associer. Puisse cet esprit être durable! Je viens de lire le livre de Mrs Linton, traduit par VosmaerGa naar voetnoot1. Mon ami Herman van der Hoeven a voué à ce livre un articleGa naar voetnoot2 qui prouve une fois de plus la noblesse de son âme et la hauteur de ses vues; j'en ai été touché jusqu'aux larmes. Mais après avoir moi-même achevé la lecture attentive de l'écrit de Mrs Linton, je me suis trouvé étrangement désappointé par son contenu et je dois dire que je n'y ai trouvé que bien peu de traits justifiant l'impression que mon ami en a reçue. L'auteur ne sait nullement à quoi il en veut venir avec sa doctrinc. Dans plusieurs endroits il fait jouer à son héros un rôle tantôt stupide, tantôt impossible. Son Jozua semble s'appliquer à encourir le blâme des gens de bien à force d'affecter les apparences du mal. L'auteur a fait de son mieux de noircir le prédicant Grand, - et il en avait tout le loisir: un héros a bientôt raison, quand l'auteur ne lui oppose que des gens mal instruits ou coupables: mais vraiment M. Grand, dans son résumé de la vie de Jozua, quoiqu'il y mette trop de passion, ne saurait être condamné sans restriction, malgré que l'auteur ait tout fait pour nous disposer en sa défaveur. Un jeune homme qui se lie d'amitié avec un ivrogne et larron incorrigible, qui le loge et le nourrit, sans que sa morale pénètre le moins du monde dans cette âme corrompue, qui prend dans sa maison une jeune fille, la maîtresse | |
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délaissée d'un de ces messieurs-canaille qui ont l'air respectable, des cheveux gris et des lunettes en or, qui aime cette jeune fille et en est aimé, qui pourvoit à sa subsistance et - ne la marie pas, qui, plus tard, va prendre part aux faits et gestes de la Commune à Paris, dans l'intention de prévenir des excès et dans la conviction (restée inébranlable) qu'il n'y a pas de pétroleuses, - que dire d'un tel individu, dont on n'a pu connaître que la conduite extérieure, à laquelle l'auteur tâche d'imprimer un caractère de dignité en attribuant à son héros le simulacre de Notre Seigneur Jésus-Christ, - qu'en dire, sinon que, revenant en Angleterre, il n'est pas fait pour donner une conférence pour la réforme de la classe des ouvriers? De moins bien nourris que M. Grand, de plus fins que lui, de plus pieux surtout se tromperaient dans l'appréciation générale d'un pareil charpentier (car Jozua est ouvrier charpentier). Et quand on voit à quoi se réduit I'idéal de notre pauvre Jozua, comme c'est une pale copie de la morale évangélique; comme tout ce qu'il y a de bon dans ses efforts se retrouve dans le Christianisme et est pratiqué par ses membres et dans l'esprit de ses institutions, l'on se demande, pourquoi un livre au point de vue chrétien très blasphématoire, et si mal réussi comme oeuvre d'art (ce que je vais prouver toutà l'heure), avait besoin d'être éerit. Voici textuellement ce que Jozua désirait et ce qui faisait la préoccupation de ses veilles et l'objet de ses sacrifices: ‘L'abolition de la souveraineté spirituelle (ecclésiastique?) dans la vie sociale et civile.’ Probablement il ne veut pas que le clergé abuse de son autorité et de son influence. Y a-t-il quelqu'un qui le veuille? ‘Les droits du travail égaux à ceux du capital.’ Cette proposition est difficile à comprendre. Je ne sache pas que les lois contestent des droits au travail qu'ils accordent au capital. ‘La dignité de l'humanité et avec cela l'égalité des hommes.’ Par-ci par-là dans son livre l'auteur engage les gens riches à partager avec les prolétaires; mais il entrevoit que l'égalité des biens ne serait pas de longue durée, c'est pour cela que Mrs Linton finit par accorder qu'il y ait différence de condition, pourvu qu'il n'y ait pas de pauvres, pas de misérables. ‘Sollicitude fraternelle pour les pauvres et l'obligation des forts à aider les faibles.’ ‘La thèse que la société n'en est encore qu'à l'état de tentative, ce qui implique l'équité de réformations radicales, | |
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qui briseront les liens de la tyrannie et de l'injustice et qui viseront au perfectionnement.’ ‘L'injustice du maintien d'une injustice depuis longtemps établie. Le droit du peuple à se gouverneur soi-même.’ Voila les principes de Jozua Davids. Il ne réussit pas, dit l'auteur, à les faire adopter. Que dire de la mediocrité d'une philosophie aboutissant à ces aspirations en partie superflues, en partie embrouillées, en partie irréalisables! Mais aussi comme production littéraire le livre, à notre avis, est une oeuvre manquée. On se met à lire avec quelque avidité: les uns parce qu'ils y prennent un triste plaisir à s'indigner de la profanation de leurs plus intimes convictions; les autres, pour assister au travestissement ingénieux des personnages et des scènes du Nouveau Testament en individus et circonstances de nos jours. Mais cette curiosité, ce désir d'assister à quelque scandale sont mal satisfaits. L'auteur, sans aucun doute, est de bonne foi; mais elle approfondit si peu les questions, qu'il ne faut qu'un discernement médiocre pour éclaircir toutes les difficultés que l'auteur fait valoir contre les prescriptions de l'Évangile. La faible reproduction des personnages de l'Évangile est un jeu enfantin, une reproduction des plus mal réussies. L'on voit que Madame Linton en véritable blue-stocking s'est mise à son pupitre avec le ferme projet de donner une copie en costumes de nos jours des relations et des événements, déerits par les Évangélistes. Mais bientôt cette intention faiblit. Personne ne pense à la Madeleine, quand on nous présente Marie Prinsep, soit avec ses souvenirs de l'honorable pater familias à lunettes d'or, soit dans sa jalousie de Lady X, soit dans les rues de Paris, quand on a cru qu'elle était une de ces pétroleuses qui n'ont jamais existé et qu'on a tiré un coup de fusil sur cette ‘jolie fille’. Jozua Davids, après les premières scènes, se dresse bien plus comme un de ces beaux et doux ouvriers-convertisseurs, comme le British Workman nous en donne des types, que dans le caractère humain de Notre Seigneur. Et Jean, qui se fait le biographe de Jozua et qui nous représentera l'aigle de Patmos, est une terrible nullité; pas même un personnage des ombres chinoises, car il n'a pas de profil. L'histoire, vers la fin, décline misérablement. Jozua, quelque moderne qu'on l'ait rendu, n'est pas un être assez palpable pour | |
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échanger des poignées de main avec Félix Pyat, et en général le livre pêche grandement par l'incompatibilité absolue de la partie inventée avec la partie quasi-historique. Cela n'empêche pas que par-ci par-là l'on y trouve des effets bien attrapés. Les rapports de Jozua avec d'autres philanthropes, leurs conversations sont quelquefois assez bien pensées; les visites de Lady X à Jozua sont peintes avec finesse et une retenue convenable. Si l'auteur était un homme, on lui attribuerait l'extérieur qui avait tant plu à Lady X; mais c'est une femme et nous sommes convaincu que cette grande dame aussi bien que la pauvre Marie Prinsep sont des ébauches exécutées sur nature et non pas devant un miroir. Bref - le livre de Jozua Davids, tel qu'il est, ne peut trouver grâce que devant des esprits, auprès desquels avec la foi s'est tout-à-fait évanoui la profondeur des vues. Van der Hoeven, avant d'en recevoir son impression, l'avait reconstruit, complété, idéalisé à sa manière, et sans le vouloir Vosmaer, à ce qu'il parait, est meilleur juge de détails que d'ensembles. Son histoire de la pauvre fille-modèle-italien a des traits frappants de ressemblance avec la composition de Mme Linton. La mélancolie dont ces deux récits sont empreints va mieux à une femme, qu'à un homme. La même faiblesse se fait jour dans la manière dont les deux histoires sont conduites à leurs conclusions. C'est un triste spectacle que l'abaissement des plus nobles esprits sous la préoccupation du doute et sous les influences d'une philosophie matérialiste alternant avec une certaine sentimentalité, qui tient lieu de l'élément mystique indispensable à toute âme humaine. Le livre finit par la question: ‘Qui fera projeter quelque clarté dans la nuit qui m'environne?’ et effectivement ce S. Jean moderne paraît ne pas être d'accord avec soi-même relativement à la thèse qui domine toutes les autres: ‘Il est une vie après cette vie.’ Dans la seule vue de nous rendre plus apte à faire notre entrée dans cette vie nouvelle et, exclusivement, essentielle, je continue la publication de ma revue archéologique et artistique De Dietsche Warande. Les dernières livraisons parues contiennent diverses études historiques et critiques: à savoir: Recherches sur la demeure de Vondel à Cologne, par Madame Lina Schneider; énumérations des dates, auxquelles des pièces de Vondel ont été jouées à Amsterdam pendant le XVIIe siècle, par M. Wijbrands; bio- | |
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graphie du poëte Adrien Cosijns, de la Compagnie de Jésus, par son confrère le professeur H.J. Allard; Particularités de la vie confessionnelle à Maseyck au XVIIIe siècle; Étude sur le peintre C. Troost et sur son admirateur M. Ver Huell; id. sur les peintres du nom de Verkolje par M. Burman Becker; id. sur Joseph de Keller, l'illustre graveur de la Vierge de Dresde; id. sur Bilderdijk, dans ses rapports avec sa première épouse, par M. le prof. Th. van Hoogstraten; id. sur le Roman aux XVIIIe et XIXe siècles, par M. le curé Wessels; Détails de l'histoire de la traduction de la Gerusalemme par Tesselschade; l'Apologie de l'Enfant prodigue, en dialectes d'Amsterdam par M.J. ter Gouw et par le Directeur de la Revue. Je ne suis pas affilié à l'ordre des Jésuïtes, mais j'aime néanmoins à me servir de la devise A.M.D.G, fort de la parole évangélique: ‘Quoique vous fassiez, soit que vous mangiez, que vous buviez, ou que vous vaquiez à vos affaires, faites-le à l'honneur de Dieu.’ Je crois done qu'étudier l'esthétique, les secrets des formes plastiques, mélodiques et littéraires des différents siècles peut encore servir de holocauste au Créateur du ciel et de la terre. Qu'Il nous aide à tout arranger conformément à sa sainte volonté.... J.A. Alberdingk Thijm. | |
Sur la nomination de Maître JocrisseGa naar voetnoot1.l'Académie aux abois.
Voici quarante, m'a-t-on dit,
Qui, comme quatre, ont de l'esprit.
Il en est, jusqu'a deux ou trois
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Qui couramment
Et galamment
Lisent le vieux thiois.
De ce collége plus d'un quart
Comprend Salluste et lit César.
Il en est deux, à double bec,
Qui même parlent bien le Grec;
Mais Henriette n'y tient guères
A le parler avec ces frères.
Il en est un, parmi ces beaux,
Qui se connaît en vieux tableaux,
Et qui distingue avec bonheur
Un Potter d'un Rosa Bonheur.
L'architecture et la musique
N'ont pas de place en leur boutique:
Car quoique embrassant ‘tout savoir’,
‘L'humaine intelligence entière’,
Tel, possédant un bel avoir,
N'est pas toujours millionnaire.
Pourtant, pour se tirer d'affaire,
Et pour avoir en raccourci
Un peu d'omni re scibili,
La troupe a dit, dans la coulisse:
‘Prenons, amis, prenons Jocrisse!’
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Le nouveau membre.Cravate blanche avait regardé les beaux yeux
Tantôt de la Van Erp, tantôt d'ÉléonoreGa naar voetnoot1;
Sa raison s'y perdait, et s'y perdrait encore,
Si le Destin, réglant tout pour le mieux,
Ne l'eût placé parmi les Dieux.
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Epitaphe.Ci-git Jocrisse. Il ne fut rien...
Ou peu de chose:
Un sectaire sans coeur, auteur sec et morose:
Brillant académicien.
Piron Jeune.
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