Dietsche Warande. Jaargang 9
(1871)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’.
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tomber l'épée payenne des mains de Witichind, et qui a rejeté de son sein l'hérésie du calvinisme, sans anéantir les fleurs de civilisation sîmultanément écloses avec les épines protestantes. Si le philosophe de Ferney a écrit ses sacriléges en Français, c'est en Français que le saint Évêque de Genève a conçu le Vade-mecum de tout chrétien. On méconnaît tellement ce que nous devons à la patrie des S. Remi, des Carolingiens, des S. Louis, de Jeanne Darc, des trois Vincent, qui ont si grandement influencé les trois époques (l'anachorète de Lérins, le philosophe de Beauvais et S. Vincent de Paul), des plus preux chevaliers et des moines les plus célèbres, au pays qui nous a donné tout l'Art et toute la Littérature épique et didactique du Moyen âge, au pays qui, après les règnes glorieux des plus fameux monarques, a subi la seule épuration et expiation possible des excès du XVIIIe siècle (auxquels l'Allemagne n'a pas eu moins de part que la France) - les épouvantables catastrophes qui ont préparé le XIXe, - on méconnaît tellement ce grand passé, qui, à certains égards, nous appartient à nous tous, - qu'on n'ose plus appeler les Français ‘la grande nation’, sans attacher un sens ironique à cette épithète, méritée cependant à tant de titres. Et qui sont-ce, dont le sourire insolent - même en présence des faits terribles qui s'accomplissent - cache mal la satisfaction que les défaites des Français leur font éprouver? Sont-ce de grands esprits - rompus aux affaires? de profonds philosophes qui ont remué le fond de l'histoire du monde? des caractères qui ont tenu tête à de grands événements? des auteurs, qui solidifient leurs inspirations faciles par de vastes notions de savoir, puisées aux meilleures sources, ou qui au moins manient une arme exercée et polie? Les gazetiers néerlandais ont beau se décorer du titre de ‘publicistes’, en conséquence d'une erreur ridiculeGa naar voetnoot1, à de rares exceptions près le journalisme chez nous est une affaire soit de dilettantisme soit d'industrie; et cependant de quel pouvoir formidable ne dispose t-il pas? Ceux qui honnissent ‘la doulce France’ diront, peut-être, qu'ils n'en veulent qu'à Napoléon III. Cet homme politique, cet esprit actif et courageux, est-il donc à tel point plus méchant que les autres hommes politiques qui, de notre siècle, ont décidé | |
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du sort des nations?Ga naar voetnoot1 Préfère-t-on l'hypocrisie des cours de Berlin et de Londres, qui tour-à-tour déchirent les traités, calomnient le Pape, encouragent la révolution, tout en invoquant le saint nom de Dieu? Préfère-t-on la violence, l'intolérance meurtrière de la Russie? A qui doit-on l'indépendance du Saint Siége, maintenue pendant de longues années à la face de Victor Emmanuel et de son ‘général’ Giuseppe Garibaldi? Aime-t-on mieux la triste faiblesse des ‘Majestés apostoliques’, foulant les concordats aux pieds? Les milliers de prêtres, de vierges consacrées au Seigneur, les missions, les établissements de charité, que la France entretient dans les deux mondes, et à la sustention desquels la Famille qui siége sur le trone impérial à été bien loin de contreveuir, - ne sont-ils pour rien dans la balance de la justice? Pie IX a t-il jamais réclamé la restitution de la rose bénie, dont II a gratifié l'Impératrice Eugénie? s'est-il jamais plaint d'être le parrain du jeune Napoléon? a-t-il jamais refusé sa bénédiction à l'Empereur? Et si même les modérés ont encore tellement en haine l'homme de génie qui, pendant tant d'années, a su se maintenir sur le trône d'un pays sapé par le socialisme, et dont, dans des jours plus heureux, l'Europe entière venait admirer les coups de main merveilleux, qui changeaient subitement la face des choses, l'homme de génie, dont le sangfroid semblait friser de bien près l'héroïsme, - qu'on songe au moins que la France est son empire, qu'Eugénie est sa femme, et le filleul du Pape son héritier. Mais je commence à m'apercevoir, mon ami, que je fais de la politique, après avoir dit que je ne demandais pas mieux que d'en rester loin. Replions-nous sur la Table des matières de ma revue. Il faut réellement une certaine dose de hardiesse pour parler aujourd'hui autre chose au public que détonations et bandages. J'ai été frappé de la justesse de votre observation que la société Het Roode Kruis se rallie par son blason au symbole des Templiens, qui portaient, sur leur manteau blanc, la croix de gueules, et, comme vous j'ai trouvé très remarquable que les francs-maçons, qui prétendent être les héritiers et successeurs des Templiers, | |
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ne seraient pour rien dans cette nouvelle manifestation philanthropique. Maar men moet het met de kruisen zoo naauw niet nemen. Dans les Mélanges de la ‘D. Warande’ on s'est beaucoup amusé sur le compte des Juifs qui portent des croix d'honneur; mais on y a traité aussi de sujets plus intéressants. Mon frère Paul m'a fourni, dans les trois numéros nouvellement parus, deux articles historico-littéraires: l'un intitulé Gustaaf Adolf, Koning van Zweden, l'autre Joh. Friedrich Böhmer. Il y montre surtout ce qu'il y avait d'éléments profanes dans l'apôtre guerroyant du protestantisme, et combien de droit le protestant Böhmer faisait à l'Église de Rome. Je dois au Dr Van Vloten et à M. Eyssonius Wichers des textes et des critiques qui trouveront leur place dans notreGa naar voetnoot1 littérature du moyen âge. Le rév. Père Allard, de la Comp. de Jésus, m'a fourni un article biographique sur l'architecte (et Jésuite) Petrus Huyssens. M. van Even, archiviste de Louvain, m'a cédé son travail remarquable sur notre célèbre numismate et coreligionnaire, Gérard van Loon. M. Prins de Jong, ministre protestant, nous a donné une esquisse judicieuse du cercle littéraire de Muyden au XVIIe siècle et une appréciation juste de la relation entre Hooft et Vondel. Vous savez que jus-qu'ici, dans l'histoire officielle de notre littérature, on avait fait un groupe de ces deux poëtes, comme celui des statues réunies de Göthe et de Schiller, ce qui ne correspond nuellement avec le véritable état des choses. Je me félicite que partant d'un autre point de vue, M. de Jong en soit venu aux mêmes résultats que j'ai cherché d'établir dans mes articles sur l'édition de Vondel par Van Lennep. J'ai inséré encore dans les dernières livraisons une excellente étude du rév. Père Heynen sur le baldaquin d'autel. Dans cet article l'auteur prouve qu'il est entièrement à la hauteur de cet important sujet, qu'il développe avec une entente du symbolisme dans le culte et dans l'art peu ordinaire. | |
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Mon beau-frère Cuypers m'a fourni des matériaux pour un article sur la ‘Schepene-Sael’ d'Ypres, nouvellement restaurée, et je me suis senti tout aussi heureux de pouvoir rendre honneur au gouvernement belge pour la protection qu'il accorde à l'art monumental, que de trouver une bonne occasion de m'occuper encore une fois de l'oeuvre de peinture, accomplie dans leur patrie par MM, Guffens et Swerts, oeuvre à laquelle s'associent avec une si noble ardeur des artistes sérieux comme MM. Vinck et Hendrix. Le rév. père Van Lommel, qui passe sa vie laborieuse dans les grands dépôts historiques, a doté ma revue d'une bonne quantité de pierres et de briques, qui dès aujourd'hui se prédestinent à être employées dans la construction d'une histoire ecclésiastique de la Hollande, depuis la Réforme. M. Cloots, chémiste et botaniste distingué, s'occupant spécialement de la partie archéologique des sciences naturelles, a consacré un article à la preuve que les Néerlandais, dès le XIIIe siècle, ont connu la boussole. Dans mes Mélanges j'ai réuni quelques boutades contre certains petits abus; j'ai donné quelques renseignements sur la maison où Vondel vit le jour à Cologne et j'ai terminé la petite série de mes communications personnelles par un article de généalogie concernant l'ancienne famille des Van Berkel. Voilà, à-peu-près, mon ami, le résumé du contenu du IXe volume de la ‘Warande’, dont trois numéros ont paru. Je ne vous parle pas de deux lettres insérées dans le Bulletin français. Vous recevrez la première moitié de la seconde sous le pli même de ma présente épitre. En partie vous avez assisté à la conception des arguments échangés. Je sais, que je puis vous compter au nombre de mes fidèles lecteurs; mais j'ai voulu inscrire ici, devant le public, une spécification des études déposées dans ma revue depuis l'an dernier, parce que je redoute la concurrence des journaux, qui nous ouvrent tout grand leurs colonnes - leurs portiques - tandis que les brochures de la ‘Warande’ attendent le secours du plioir, avant de éployer leurs pages. Une énumération des matières pouvait donc servir de guide discret au petit instrument sus-mentionné. Et maintenant - qu'est-ce que Dieu va faire de cette pauvre Europe, avec sa politique, sa civilisation, ses arsenaux et ses académies? Nous n'en savons rien: mais quoiqu'il arrive, je suis | |
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heureux de savoir que vous et moi nous serons de ceux qui n'ont que cette seule prière: Fiat voluntas tua. Votre ami,
RUREMONDE OU AMSTERDAM.
Mon honorable ami M. l'abbé Brouwers s'est fait connaître au public comme l'auteur des articles sur le monument de Vondel, dont je me suis permis de critiquer la tendance dans une lettre à M. Adolphe Siret, Directeur du Journal des Beaux-Arts. Je n'avais pas cru que M.B. aurait jugé à-propos de faire suivre d'une réplique les communications tranquilles que j'ai soumises à l'appréciation du public. Mais j'avais compté sans mon hóte, et comme je n'ai pas le courage de refuser à M.B. les pages qu'il réclame pour la réimpression revue et amplifiée de sa réponse, j'ai dû me résoudre, premièrement, à l'accompagner d'une duplique, en forme de notes marginales; secondement à la couper en deux et à réserver la seconde partie pour mon prochain numéro. M.B. est un poëte: c'est pour cela qu'on ne peut pas trop lui en vouloir de ne pas avoir pris pour devise la leçon d'un célèbre diplomate: Surtout pas de zèle. Du reste je ne lui en veux que pour des fautes qui proviennent de l'excès de ses vertus et de l'exubérance de ses talents. Je donne la parole à M. Brouwers. Mon cher petit public considérera, en trouvant auprès de lui quelque inégalité dans l'usage des pronoms, que sa lettre est en partie empruntée à celle qui était adressée au Directeur du Journal des Beaux-Arts.
A Monsieur J.A. Alberdingk Thijm, Directeur de la ‘Dietsche Warande’.
Monsieur et Ami,
Dans la dernière livraison de votre Dietsche Warande, vous avez inséré au Bulletin périodique une lettre que vous adressez à M. Ad. Siret, Directeur du Journal des Beaux-Arts; et dans cette lettre vous traitez des articles qui ont paru dans | |
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ce Journal, sous le titre de ‘Joost van den Vondel, le Prince des poètes Néerlandais, glorifie par de nouveaux monuments.’ Le lieu de l'attaque doit être le lieu de la défense; votre lettre - sauf deux retranchementsGa naar voetnoot(1) - est allé prendre place dans les colonnes du Journal des Beaux-Arts, j'y ai répondu; me reste encore à y répondre dans la Warande. Je viens donc vous prier de vouloir insérer aussi les lignes suivantesGa naar voetnoot(2). Je commence par transcrire les deux premiers alinéas de ma réplique publiée dans le Journal, No du 15 Juillet.
Monsieur le Directeur,
Encore Vondel.
Une polémique sur HonoriusGa naar voetnoot(3) m'a empêché de répondre de suite à la lettre d'Amsterdam insérée dans le No 10 du Journal des Beaux-Arts. Contre les articles sur Vondel que vous avez publiés du 15 Mars au 15 Mai dernier, est venu s'inscrire M.J.A. Alberdingk Thijm. A la bonne heure! Voilà un adversaire qu'il est toujours honorable de rencontrer. De plus, nous sommes de bons amis, nous aimons tous les deux Vondel; donc la seule vérité nous met en guerre. La seule vérité, et, devrais-je peut-être ajouter, ‘une susceptibilité d'ancien Amsterdammois’ dont parle mon honorable ami et dont sa lettre est, d'après mon opinion, le fruit hâtif. En s'empressant de publier cette lettre que j'appellerai une pièce exceptionelle, le Journal des Beaux-Arts a donné une preuve de sévère impartialité. C'est à cette même impartialité que je fais appel aujourd'hui en demandant à justifier les quatre articles que j'ai donnés à ses lecteurs. En même temps je veux faire preuve de courtoisie envers ‘cette susceptibilité’ et y répondre autrement qu'en peu de motsGa naar voetnoot(4). La Dietsche Warande a dit que les tableaux poétiques, déroulés dans les colonnes du Journal, ne s'accordent pas trop bien avec | |
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ce qui s'est passé sous les yeux de mon ami et antagoniste Mons, J.A. Alberdingk-Thijm, puis elle fait son récit qu'elle couronne par ces mots:
‘Voilà, cher Monsieur, comment (si, de temps en temps, il faut écrire un peu de prose) littéralement les choses se sont passées.’ Or je soutiens que ‘les tableaux poétiques’ du Journal s'accordent parfaitement avec la vérité, tandis que la Warande se trompe plus d'une fois. En effet l'opposition a mal lu ou mal compris; elle s'est trompée dans certaines citations; enfin elle fait des corrections qui sont elles-mêmes incorrectes. L'opposition roule sur deux points: la statue en elle-même et la genèse de la statue et des autres glorifications de Vondel. Et d'abord, quant à la statue de Vondel, mon honorable antagoniste dit dans sa Warande, à la 4e page du Bulletin, ‘que la description donnée par ma correspondance, est plus belle que vraie’. M.A.Th. a-t-il voulu dire qu'avec une description plus vraie, l'oeuvre de Royer serait moins belle?Ga naar voetnoot(5) Je ne le pense pas. Et cependant la logique exigerait cette conclusion, ‘la vérité étant une équation entre l'affirmation et son objet.’ L'auteur note donc troits traits, trois détails de ma description qu'il a cru devoir corriger, mais ses corrections elles-mêmes ont besoin d'être corrigées. Premier trait. M.A.Th. dit d'abord que ‘Vondel n'est nullement posé “en empereur” sur son escabeau; plutôt en artiste’, mais nulle part je n'ai écrit que Vondel est posé en empereur sur son escabeau.Ga naar voetnoot(6) Les articles que vos lecteurs peuvent se mettre sous les yeux, sont mes témoins. L'opposition a donc mal lu et mal cité. J'ai dit: ‘Et puis cette pose d'empereur, cette couronne de laurier, ce manteau.... disent à tous qu'ils ont ici, devant eux celui que nos aïeux.... ont appelé le prince des poètes.’ | |
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Etre posé en empereur sur son escabeau me parait de la prose, mais je n'ai pas écrit cette prose-là. Second trait. J'ai dit que la statue représente le poète assis. M.A.T. répond dans sa note: ‘il semble plutôt s'appuyer qu'être assis.’ D'abord chaque gravure du monument prouve l'exactitude de ma description, et puis je citerai comme témoins littéraires, le Dr Ten Brink, qui dit dans son ouvrage précité, comment Royer ‘a représenté le poète princier assis.’Ga naar voetnoot1 Même chose nous atteste M.H. Binger dans le XIIe volume de VondelGa naar voetnoot2.Ga naar voetnoot(7) Troisième trait. J'avais dit au commencement de mon articleGa naar voetnoot3 que
‘la statue principale représente le poète assis, prêt à écrire, car sur son genou est posé, ouvert, le cahier qui va recueillir sa pensée.’
Un peu plus loinGa naar voetnoot4, où je parlais du livre fermé du Génie de la Poésie didactique, je suis revenu sur ce que j'avais dit du ‘cahier ouvert’; et à ce qu'il pouvait y avoir d'inexacte en ce premier jet de ce troisième trait, j'ai substitué l'expression la plus exacte de la plus vigoureuse vérité, en disant: ‘le doigt du poète est posé sur les pages du livre qu'il est prêt à ouvrir.’ Hé bien, que fait la Warande? Elle dit que ce livre n'est pas ouvert, mais qu'il est fermé, à l'exception des feuillets entre lesquels le poète tient l'index. Et maintenant je le demande à quiconque a vu l'oeuvre de Royer, si mon linéament refait n'est pas irréprochable sur tous les points de son étendue? Et c'est | |
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ce que je soutiens. Par contre, la correction que fait la Dietsche Warande manque d'exactitude logique et de vérité objective.Ga naar voetnoot(8) Pour décider de l'exactitude logique je m'en rapporte à quiconque se fait une idée claire et nette de la différence essentielle entre un livre fermé et un livre ouvert. Un livre, tel que celui dont parle M.A.Th., entre les feuillets duquel on tient l'index, n'est, rigoureusement parlant, ni ouvert, ni fermé; il est entre ouvert. Mais je veux presser encore davantage l'exactitude logique et esthétique, et je dis: lorsqu' une oeuvre de peinture ou de sculpture nous représente une personne qui a lu - c'est ce que l'artiste doit savoir faire comprendre au spectateur intelligent - nous représente, dis-je, une personne qui a lu et qui a replié le cahier, de manière qu'elle tienne encore l'index entre les feuillets, qu' alors, vu l'acte qui vient d'avoir lieu, et par opposition à l'état antérieur de ce livre, on pourrait dire, que ce livre replié est un livre fermé. Mais par contre, quand l'oeuvre artistique représente une personne qui va lire, et qui a déjà l'index entre les feuillets, il n'est plus permis de parler encore d'un livre fermé. Pour qui sait comprendre l'ideé de l'artiste, - et qui le sait mieux que M.A.Th.? - ce livre est plutôt ouvert que fermé. Il faut donc savoir comprendre si un index entre les feuillets marque un livre qu'on a fermé en tant, ou bien marque un livre qu'on va ouvrir entièrement. Dans le premier cas parlez nous d'un livre fermé; mais dans le second cas ne cherchez pas querelle à celui qui aurait parlé d'un livre ouvert. Voyons maintenant l'oeuvre de Royer. Toute la statue, la tête, la main, la plume, nous disent, non pas que le poète a écrit, mais qu'il va écrire; non pas que les feuillets du cahier viennent d'être rapprochés, d'ouverts qu'ils étaient tantôt, mais, nous dit que ces feuillets ont été fermés et que maintenant le poète va les ouvrir; l'index est déjà à l'oeuvre Je résume ce point et je dis, que la | |
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correction que fait la critique est elle-même incorrecte et que la verité objective plaide pour moi et non pas pour la Warande. Mais quoi qu'il en soit de tout cela, j'avais déjà retouché ce trait, et tel qu'il était avant la fin de ma correspondance, la critique la plus vétilleuse n'y peut rien reprendre.Ga naar voetnoot(9) J'aurais voulu encore dans le Journal des Beaux-Arts traiter d'un quatrième détail, à savoir, l'inscription répétée du nom de Virgile. Mais je craignais d'abuser de la place déjà si large que j'avais à demander au Journal; les lignes que j'avais écrites, je les ai retranchées quand j'ai vu l'étendue de mon article. Comme il s'agit ici d'un fait et d'une thèse qui n'ont point encore été traités, il me sera permis, j'espère, de m'y arrêter un moment. La Dietsche Warande dit ce qui suit:
‘A côté du poète sur la plinthe se trouve un in-folio où est inscrit le nom de Virgile, “Maëstro” favori de Vondel, qui, à cet égard, mais aussi à cet égard seulement, peut être comparé au chantre mystérieux de l'Inferno.’ Ces lignes de la Dietsche Warande rappellent d'abord un détail des inscriptions qu'il m'est inpossible d'approuver, et me rappellent ensuite que j'ai nommé Vondel ‘le Dante de la Néerlande.’ Ici encore je dois combattre l'affirmation si positive, l'assertion si gratuite que la Warande avance contre ma comparaison de Vondel avec le Dante. Et d'abord, l'inscription du nom de Virgile à l'in-folio, à côté du poète, sur la plinthe. Cet in-folio, à cette place d'honneur, représente, me semble t-il, tous les volumes que nous devons à la plume de Vondel.Ga naar voetnoot(10) L'épigraphe, le titre que nous y trouvons, doit donc aussi représenter le mieux possible, et résumer en un seul titre, autant que c'est possible, le génie de Vondel. En tout cas, si l'on n'y inscrit qu'un seul ouvrage, il faut que ce soit un ouvrage capital, une oeuvre caractéristique du poète. La commission d'Amsterdam a trouvé bon d'inscrire à ce volume-représentant un seul mot, un seul nom, celui de Virgile.Ga naar voetnoot(11) | |
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S'il m'est permis d'énoncer mon opinion, je dirai franchement que cette épigraphe, selon moi, n'a pas de motifs solides; et que la place qu'elle occupe, est, à mon avis, une place usurpée; tandis que la comparaison avec le Dante, que la Dietsche Warande restreint à un point tout-a-fait secondaire, est à mes yeux un vaste champ, où Vondel et le Dante, dans leurs routes lumineuses, se rencontrent bien souvent. L'ideé qui illumine leurs fronts, et l'amour qui fait tressaillir leurs coeurs, et le verbe qui jaillit de leurs lèvres nous offrent des motifs de comparaison bien autrement graves que celui d'une admiration commune pour Virgile, ce ‘Maëstro’ favori. Pourquoi donc ce nom de Virgile est-il inscrit au grand volume sur la plinthe? Est ce que Virgile a été le maître de Vondel, est ce que Vondel s'est modelé sur Virgile, comme celui-ci sur Homère? Nullement. Ou comme le Dante s'est formé sur Virgile, à qui il reconnait devoir son bello stile? Non plus. Vondel était déjà en 1626 le Prince des poètes NéerlandaisGa naar voetnoot1, était déjà le premier poëte lyrique, le premier poète dramatique et le premier poète satyrique de son pays avant qu'il ne se mit à traduire VirgileGa naar voetnoot2!Ga naar voetnoot(12) Mais est ce que Vondel par hasard est redevable à sa traduction de Virgile de la gloire de son début? ou plus tard un élan extraordinaire de réputation: sa traduction a-t-elle fait furore? Rien moins que cela. J. van Lennep, lui-même ne dit-il pas en toutes | |
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lettresGa naar voetnoot1 ‘que les traductions de Vondel sont restées toujours inférieures de beaucoup à ses autres poésies.’ A cet in-folio sur la plinthe il fallait donc à mon avis, le titre de l'un de ces autres poèmes supérieurs de beaucoup à ces traductions de Virgile. Est-ce que Virgile peut-être a été le Maëstro favori de Vondel en ce sens, qu'il lui ait été un ami consolateur au milieu des adversités, au sein des tribulations de la vie? Oui, il y a un auteur dont Vondel a dit un jour: si je n'avais la consolation et le rafraichissement de ces poésies, je mourrais de douleurs; mais cet auteur, n'était pas un payen; ces poésies n'étaient ni des Eglogues, ni des Bucoliques, ni l'Enéide, mais cet auteur était un des poètes, des prophètes, des rois d'Israël, c'était David, dont Vondel a également traduit toutes les oeuvres. Pourtant ce n'est pas le nom de David que je voudrais voir gravé sur ce volume de la plinthe.Ga naar voetnoot(13) De tous les poèmes que Vondel a traduits, aucun ne devait être inscrit sur l'in-folio représentant: il y fallait le titre d'une oeuvre originale, le titre d'une de ces puissantes créations que jusques à nos jours, le seul Vondel a pu produire en Néerlande. Une telle oeuvre, un tel titre, je m'en vais en citer tout à l'heure. En attendant je dois répéter que je ne connais pas de motifs solides qui justifient suffisamment le fait, qu'on nous met sous les yeux, en inscrivant jusques à deux fois, sur le monument de Vondel, le nom de Virgile. Que ce nom ait trouvé place sur le dé du piédestal, je le veux, mais qu il s'y retrouve une autre fois, et cela encore sur l'in-folio à côté du siège, sur la plinthe, c'est par trop. Passons à la comparaison de Vondel avec le Dante. Ce n'a été qu' en passant que j'ai nommé Vondel le Dante de la Néerlande. Je n'avais donc pas à dire sur quelles raisons je m'appuyais pour établir cette comparaison, et voilà que la Dietsche Warande me prévient et énonce formellement, clairement, et très-catégoriquement: | |
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‘Que Virgile, a été le “Maëstro” favori de Vondel, qui, à cet égard, mais aussi à cet égard seulement, peut être comparé, au chantre mystérieux de l'Inferno.’
J'en demande bien pardon à M.A.Th., mais le motif qu'il énonce n'est pas le mien. Ce serait une thèse assez belle, une question assez neuve, une matière assez féconde que d'indiquer tous les points de contact, que de développer tous les traits de ressemblance, entre Vondel et le Dante; car ces deux génies sont frères sous divers égards. Pour justifier suffisamment ma comparaison je n'ai qu' à tracer ici trois contours, que j'appellerai trois cercles Dantesques-Vondéliens. On y verra combien sont larges et profondes les bases sur lesquelles on peut établir le vaste parallèle de Vondel avec le chantre mystérieux de l'Inferno, du Purgatorio et du Paradiso. Premier cercle. Ce premier cercle embrasse de sa circonférence toute la vie et toutes les oeuvres des deux génies; je l'appellerai le cercle linguistique. Le Dante, tout le monde le sait, est comme le créateur de la langue de son poème, l'éternel prodige de l'Italie. De même notre Vondel, est le génie poétique qui, plus que tout autre, a contribué à la création, à la formation, au perfectionnement de notre langue poétique. Si Vondel a eu des précurseurs comme Coornhert et Spieghel, Dante a un Guido da Messina et un Guinizzelli, et d'autres encore.Ga naar voetnoot(14) Le second cercle est historique. Jadis une main puissante a caractérisé le Dante par ce trait aussi beau que vrai: quand le Dante s'élève avec son oeuvre, il emporte avec lui tout son siècle. Or ce trait gigantesque, convient à Vondel du moins tout autant qu'au Dante. Pour quiconque connaît tant soit peu Vondel - et qui le | |
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connait mieux que M.A.Th.? - cette thèse doit être claire comme le jour. D'ailleurs pour s'en convaincre, il suffit presque de donner un coup d'oeil à l'index des douze ou vingt volumes des oeuvres de Vondel. Oui, quand Vondel s'élève avec ses oeuvres, il emporte avec lui tout un siècle.Ga naar voetnoot(15) Le troisième cercle, la gloire et la couronne du Dante, comme la gloire et la couronne de Vondel, je l'appellerai, le cercle philosophico-théologique. Le Dante, au siècle des grandes cathédrales, a déployé les mystères des vérités du christianisme, des vérités trois fois saintes et trois-fois poétiques du catholicisme; Vondel en a fait de même. Même a-t-il déroulé sur une échelle plus large, les vérités mystérieuses et populaires de la Religion, dont Dante et lui sont deux gloires aussi impérissables que l'Eglise qui les a marqués de son sceau, animés de son esprit, enflammés de son amour, guidés à leurs oeuvres, soutenus dans leurs combats, élevés dans la gloire, couronnés de ses splendeurs et associés a son immortalité. Ah! quelle magnifique thèse que l'opposition de Mons. A. nous fait entamer! j'ai peine à retenir la plume qui voudrait d'entrain ouvrir aux yeux de vos lecteurs les sphères nombreuses et spacieuses, dont Vondel et le Dante nous ont redit la splendeur, la vérité, l'amour, la contemplation, la béatitude. Je voudrais dérouler les pages de l'activité de ces deux génies; je voudrais les suivre ces poètes adorés, marchant de clartés en clartés; je voudrais prouver à ceux qui ne connaissent ni notre langue, ni notre poète, combien sont multiples et intimes les points de comparaison, les liens de consanguinité, de fraternité géniale, qui existent entre le Dante avec son Paradiso et Vondel avec son grand poème: Contemplations sur Dieu et son culte; entre le Dante avec son Purgatorio et Vondel avec ses Magnificences de | |
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l'Eglise et son ‘Jean’ le Prédicateur de la Pénitence; entre le Dante avec la théologie de Saint Thomas et Vondel avec ses ‘Mystères de l'autel’; entre le Dante et son incomparable chant à la Rose mystique, la Mère du bel amour, et Vondel avec ses incomparables accents à la reine des cieux, à la Mère des saintes allégresses.... mais encore une fois, ce beau thème nous entraine; brisons vite, mais que le lecteur juge si j'avais raison de nommer Vondel le Dante de la Néerlande.Ga naar voetnoot(16) |
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