Dietsche Warande. Jaargang 7
(1866-1868)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
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Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’. Tom. VIIe. - No 3.A Monsieur le Sénateur P........., à Moscou. Monsieur et ami,
Vous me demandez si je continue la publication de la revue, dont, de temps en temps, j'eus l'avantage de vous passer les bulletins français. J'y travaille toujours, j'y recueille les travaux de mes amis, je forme de fascicules d'environ cent pages, avec ou sans planches, et je publie ces livraisons, tous les.... 2, 4, 5,... 6 mois. La publication rigoureusement périodique me serait impossible: il faudrait pour cela un homme entier, et ce n'est qu'une petite partie de mon temps et de... mon encre qu'il m'est permis de vouer aux études esthétiques et archéologiques. Demain paraîtra le 3e No du VIIe volume. Sa composition vous paraîtra assez bizarre; il y entre un peu de tout. Figurez vous que, de leur consentement ou à leur insu, il y aura collaboration, pour former ce No 3, du Préfet de la Congrégation des rites romains avec un membre de la franc-maçonnerie néerlandaise (fort inoffensive, du reste), d'un Cardinal avec un apôtre du rationalisme le plus avancé, d'un protestant, savant amateur du moyen âge, avec un abbé traitant de la poésie du XVIIe siècle, d'un docte littérateur de l'Athène batave avec un pauvre autodidacte.... directeur de la revue. Inutile de vous dire que, pour cela, les principes de la franc-maçonnerie et d'autres manifestations plus ou moins mystiques du rationalisme moderne ne se prêchent pas dans la revue que je publie; quoique, dans leur application à la théorie des arts, ils s'y discutent de temps en temps. Un de mes amis m'a fourni la traduction d'un discours prononcé à Rome dans une séance de l'Académie de la religion catholique, par l'évêque d'Aquila. C'est dans une assemblée, où siégeaient 7 cardi- | |
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naux, 20 évêques et la fleur de la population romaine, que l'éloquent orateur a attaqué les principes de la Renaissance, démontrant la justesse de la thèse de Mgr. Gaume que le paganisme ressuscité du XVe siècle est la source principale des erreurs et des révolutions modernes. Ce discours a été fortement applaudi; et cela dans la ville d'Auguste et de Léon X! C'est un véritable et consolant triomphe pour la cause du christianisme. Comme l'art est le domaine principal sur lequel la Renaissance payenne de 1460 et de 1860 se manifeste palpablement, - je n'ai pas hésité à insérer ce discours philosophique et social dans ma revue. Rome, en écoutant et applaudissant Mgr. d'Aquila a donné un éclatant démenti à ceux qui prétendraient que le Saint-Siége, partageant l'engouement de 1500 pour les formes payennes, ne verrait pas d'un bon oeil les succès remportés aujourd'hui par les principes d'esthétique déduits directement de la doctrine chrétienne et des monuments des siècles de foi. Dans un détail pratique (comme dans la sphère générale de la spéculation) Rome s'est prononcée dans le même sens. Je veux parler de la forme des habits sacerdotaux. J'ai réproduit la lettre du cardinal Patrizi, préfet de la Congrégation des SS. Rites romains, par laquelle il fait observer à un évêque que, quoique depuis le XVIe siècle il se soit introduit une forme de chasubles etc. qui diffère de celle du moyen âge, et quoique le Saint Siége n'ait jamais réclamé contre cette variation, pourtant on peut admettre que des raisons de quelque importance, dans différents diocèses, ont fait adopter de nos jours la forme ancienne, - de manière que la Congrégation, ‘audito Smi Domini Nostri Pii Papae IX oraculo’, désire que ces raisons soient examinées et exposées devant elle. Certes, ce n'est pas pour l'Eglise grecque que vous désireriez la liberté d'altération des anciennes formes, dont la Renaissance gallieane a si singulièrement abusée. Quand j'eus le plaisir de vous rencontrer à F., je crois vous avoir parlé de notre grand poëte néerlandais du XVIIe siècle, Joost (Juste) van den Vondel. Depuis, l'étude de eet auteur a pris un grand élan. Notre célèbre romancier, M. Jac. van Lennep, publie, depuis quelques années, les oeuvres complètes de Vondel, dans un ordre chronologique, établi par sa très judicieuse critique et non sans quelque peine. C'est une entreprise d'importance et qui fait grand honneur non-seulement au savant et spirituel commentateur qui la dirige, mais encore aux libraires-imprimeurs MM. Binger, qui, mûs par un noble amour de | |
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l'art et de la gloire littéraire de notre nation, la portent à une si bonne fin. Comme Vondel a vécu de 1587 à 1679, et comme il avait le caractère d'une trempe très sociale, son nom se trouve mêlé à tous les grands incidents de la vie religieuse, politique et littéraire de ces temps remarquables, ce qui n'empêche pas qu'il ait fait tout ce qu'il a pu pour compeuser par une étude sérieuse des grands modèles de l'antiquité ce qui avait manqué à son éducation première. Cependant tous les partis de nos jours aiment à voir en lui, avant tout, le génie militant: les libéraux l'apprécient beaucoup, parce que, avant 1638, il a chaleureusement défendu la cause des rémontrants, le parti de Barnevelt et de Grotius; les aristocrates conservatifs aiment à se rappeler les ovations adressées par le poëte aux bourgmestres d'Amsterdam et à bon nombre de grands seigneurs; les catholiques aiment surtout les chants religieux de sa dernière période et les lances rompues par le poëte chevaleresque en faveur de leur confession. On peut dire que toute la nation lui fait justice; personne ne songe à lui contester le titre de prince des poëtes néerlandais. Aussi M. Bakhuizen van den Brink, l'un des fondateurs de notre nouvelle école littéraire inaugurée vers 1837, avait-il à peine lancé un mot d'un projet de statue pour Vondel, que cette idéé de suite a pris racine, et que déjà aujourd'hui j'ai pu donner une outline du monument, confié à l'ébauchoir du Directeur de l'Académie royale, M. Louis Royer. M. l'abbé Brouwers a déjà consacré nombre de pages lumineuses à l'explication de différents ouvrages de notre poëte. Dans ma revue il publie une étude sur quelques caractères dramatiques de Vondel. Il a établi, entr'autres, un parallèle entre Milton et notre Neérlandais, comme chantres du paradis terrestre et de ses habitants, et sur aucun point cela ne tourne à l'avantage du poëte anglais. Notez bien que M. l'abbé Brouwers ne donne pas son appréciation individuelle - mais qu'il laisse juger le lecteur, en mettant les deux poëtes en regard. Les docteurs Van Vloten et Bisschop, investigateurs infatigables de notre histoire littéraire, ont déterré quelques particularités du siècle de Vondel, que je publie également à cette occasion. La littérature du moyen âge aussi fait de temps en temps le sujet d'une publication ou d'une critique dans ma revue, et M. Eyssonius Wichers prouve, dans la présente livraison, que, comme presque la totalité des romans des grands cycles, le Lancelot de Gauthier | |
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Map, ce gigantesque ouvrage, lui aussi a passé dans notre langue, d'un bout à l'autreGa naar voetnoot1)). Pour la partie plastique de l'histoire de notre civilisation je trouve un collaborateur intelligent et spirituel dans la personne de M.J. ter Gouw, qui n'est pas moins euthousiaste du passé de notre ville natale que le directeur de la revue ne l'est lui-même, et qui publie en ce moment une suite de notices très curieuses sur les ancien bas-reliefs de façade, qui fourmillaient dans notre capitale. Je vous envoie sous ce pli une couple de dessins de compositions humoristiques, empruntées à deux des plus anciens monuments de notre ville relativement jeune. Je termine ordinairement le No de ma revue par une série de petites boutades intraduisibles, et dont je n'aimerais pas de vous rendre oompte: voici pourquoi. Je suppose qu'en Russie il existe, comme partout ailleurs du linge sale (depuis que vous, MM. les barbares, vous portez du linge) - cependant vous trouverez comme nous qu'il faut le laver en famille: ce n'est que quand de grands principes sont en danger que nous dévions de cette règle. Adieu, mon cher monsieur! ne tardez pas à me donner des nouvelles, et croyez moi, etc. J.A.A. Th. Amsterdam, le 15 Juin, 1865. |
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