Dietsche Warande. Jaargang 7
(1866-1868)– [tijdschrift] Dietsche Warande– Auteursrechtvrij
[pagina 1]
| |
[Franse bijlage] | |
Bulletin périodique de la ‘Dietsche Warande’. Tom. VIIe. - No 1-2.M. l'abbé Brouwers publie, dans notre 1te livraison du septième volume, la suite et fin de son ‘excellente étude sur la restauration et l'achèvement de l'ancienne basilique de S. Servais à Maestricht’, dont nous avons parlé dans notre 6me bulletin du sixième volume. C'est un exposé complet et instructif de la peinture murale dont les parois et les voûtes de l'enceinte grandiose et mystérieuse sont couverts. M. le professeur Everts a gratifié nos Nos 1 et 2 d'une relique littéraire de haut intérêt. C'est la charmante histoire, tracée par une plume néerlandaise du XVe siècle, du ‘commencement du monastère Jérusalem à Venray’. M. le Dr H. Collaes de Venlo donne un résumé des notions éparses existant sur le compte d'Anna Bijns, le meilleur poëte néerlandais du XVIe siècle. Outre une appréciation des faicts et gestes de la Commission qui nous a promis un musée d'oeuvres d'art dans notre capitaleGa naar voetnoot1, outre quelques petites notices bibliographiques, notre No 1 renferme encore deux remarquables pierres de taille, pour le prochain monument qui portera le beau nom d'histoire littéraire de la néerlande, lesquelles pierres nous devons à la plume de M. le prof. van Vloten. A propos de monuments nous n'avons pas seulement parlé du Musée, mais encore de ce qui se fera à La Haye et de ce qui s'y est fait. En mémoire de la révolution de 1813 on veut ériger un monument. Comme les initiateurs de cette entreprise patriotique demeurent à La Haye, on a choisi cette résidence pour l'exécution du projet. Un concours d'artistes néerlandais a été ouvertGa naar voetnoot2 et le Jury a donné son avis. Des deux projets, jugés les meilleurs, N.O. par M. Cuypers à Ruremonde, et Ebenhaëzer, par MM. van der Waayen Pietersen et Koelman à La Haye, on n'a pas trop su lequel préférer - le jury laissant beaucoup de latitude, et tout en faisant la plus grande part des éloges à N.O., se prononçant en définitive pour | |
[pagina 2]
| |
Ebenhaëzer. Une Commission de délégués a été nommé pour interpréter le rapport du Jury. Les délégués ont jugé que les considérations du Jury l'emportaient sur sa conclusion et, à l'unanimité des voix, a adjugé la palme à M. Cuypers. Mais M. Cuypers avait, une fois de plus, l'inconvénient irrémédiable d'être catholique et, par un de ses organes, le parti antipapiste, qui reste assez nombreux parmi nons, a fait entrevoir l'inconvenance de couronner un projet qui relève des idées artistiques d'avant ‘1517’. Oui, le parti a eu la maladresse de désigner ce millésime comme la barrière qui sépare les opinions et les convictions reçues d'avec les prohibées; on s'est mis à battre la grosse-caisse de l'antigothicisme; on a dit que, naturellement, le style classique (dans lequel on prétend à tort que Ebenhaëzer est conçu), le style gréco-romain nous convenait parfaitement; tandis que, naturellement, le style gothique ne pouvait nous aller, et une quinzaine plus tard, dans la séanee de la Commission centrale, la forte majorité des délégués sus-mentionnés a fait volte-face et a dit que l'honneur de l'exécution revenait à Ebenhaëzer. Dans une séance réunie de cette Commission et des Commissions locales on a décidé, avec 97 voix contre 5, que N.O., pour dire la vérité, était ‘pauvre d'invention’, ‘clérical’, ‘inconvenable’, ‘inadmissible’ (onbruikbaar). Oui, la section rotterdamoise de la société d'architecture a déclaré que c'était une copie ‘tronquée et indigne’ du monument du Prince Albert (de Scott). Il est regrettable que les signataires de cet oracle, des personnages parfaitement inoffensifs dans le domaine de l'art, aient fait si bien que le projet Ebenhaëzer (auquel, au point de vue historique et artistique tout le monde reconnait des défauts, essentiels et incorrigibles) sera exécuté. Pour donner un juste aperçu de la marche de toute l'affaire nous empruntons à un journal estimable Le Courrier de la Meuse le compte-rendu suivant. ‘On sait que les délégués des sous-commissions, convoqués par la commission centrale, pour décider lequel des deux projets couronnés, de Ebenhaeser ou de NO, serait choisi pour l'exécution, se sont réunis à La Haye, le 27 Octobre dernier. Le résultat du vote est connu. Des 102 voix qui ont pris part au scrutin, 97 se sont portées sur le projet Ebenhaeser, et seulement 5 sur le projet NO. Cette majorité a paru écrasante, et pourtant, nous n'hésitons pas à le dire, elle ne prouve rien, si ce n'est que la machine à voter avait été bien ajustée et bien huilée. Oui, le résultat mentionné a une valeur mécanique, mais il n'a pas de valeur rationnelle. Il enlève à M. Cuy- | |
[pagina 3]
| |
pers l'honneur d'immortaliser une fois de plus son brillant talent dans un nouveau chef-d'oeuvre, mais il n'atteint ni l'éclat de sa réputation d'artiste, ni même la valeur artistique de son projet. La réunion, on le sait, comptait peu d'hommes spéciaux dont l'avis doit être pris en considération; et, ce qui est plus compromettant, le jugement qu'elle a porté est en flagrante contradiction avec un autre jugement devant lequel tout homme de bon sens s'incline avec respect. Nous voulons parler du jugement si décisif, si catégorique, formulé par les artistes et les archéologues les plus autorisés de l'Europe, qui ont été mis à même d'apprécier les projets d'après des photographies qu'on leur avait envoyées, sans nommer, ou faire soupçonner les noms des auteurs. Voici quelle est, en somme, la manière de voir de ces sommités artistiques, sur chacun des deux projets en regard. L'illustre Viollet-le-Duc, de Paris, trouve que “le projet Ebenhaeser n'est heureux ni pour le style, ni pour la composition, ni pour les détails; qu'il est bien dépourvu d'invention, puisque poser deux, trois piédestaux l'un sur l'autre, ce n'est pas avoir une idée neuve; qu'au reste ces piédestaux amoncelés, portant une figure relativement petite, ce serait la montagne accouchant d'une souris, ridiculus mus.”’ ‘M. Beresford-Hope président du Musée architectural de Londres, appelle ce même projet “lourd et monotone, dépourvu d'originalité et de conception.”’ ‘M. Ad. Siret, directeur du Journal des Beaux-Arts, en Belgique, dit que le projet Ebenhaeser “a contre lui l'absence de tout effet artistique, et qu'il rappelle bon nombre de monuments romains, consacrés à la mort bien plus qu'à la vie.”’ ‘M. James Weale, directeur du Beffroi, à Bruges, est d'avis que si “le projet Ebenhaeser venait à être exécuté, loin d'être un ornement pour la cité, il serait au contraire un objet déplaisant à la vue.”’ ‘D'après M. Didron, directeur des Annales archéologiques à Paris, “l'architecture du projet Ebenhaeser manque de pureté; ni grecque, ni romaine, ni de la renaissance, elle n'offre que des profils et des moulures de menuiserie.”’ ‘M. Aug. Reichenspercher, de Cologne, archéologne très estimé, trouve le projet Ebenhaeser fade, froid et extrêmement ennuyeux, ne présentant que des masses carrées, amoncelées les unes sur les autres, et réunies par des jointures, dont la destination est entièrement manquée.’ | |
[pagina 4]
| |
‘M. Ferstell, de Vienne, désapprouve le projet Ebenhaeser, puisqu'il ne donne qu'une place secondaire au roi, qui doit être la figure principale et comme l'âme du monument, et qu'il ménage aux figures allégoriques les places d'honneur qui sont dues aux personnages historiques.’ ‘Enfin, M. le docteur Förster, de Munich, trouve dans Ebenhaeser “moins d'âme et moins d'imagination que dans NO.”’ ‘Voilà oomment les illustrations, en fait d'art, ont jugé le projet Ebenhaeser; que vont-elles nous dire du projet NO. Écoutons: M. Viollet-le-Duc: S'il fallait choisir entre les deux projets dont vous m'envoyez les photographies; il n'est point douteux que j'adopterais le projet NO.’ ‘M. Beresford-Hope: “Le projet NO est en lui-même, en sa forme architecturale et en ses détails plein d'élégance, de grâce et de variété. Dans son plan général ce projet est original et plein de digneté.”’ ‘M. Didron: “Le projet NO est d'une bonne architecture, bien étudiée, bien établie, plein d'effet, d'esprit et de gaîté.”’ ‘M. Ad Siret: “Le projet NO a pour lui un effet pittoresque, artistique, souriant et étoffé. Il plaira au peuple, il plaira aux yeux comme au coeur.”’ ‘M. Reichensperger: “J'approuve le caractère principal ainsi que le point de départ et la terminaison du projet NO, quoique ce projet aussi laisse à désirer à mes yeux. Quant au choix à faire entre les deux projets, je donne sans restriction la préférence à NO.”’ ‘M. Ferstell: “La pensée fondamentale de NO est à tous égards meilleure; l'idée du monument est mieux comprise, et la figure principale, qui en est l'âme, mieux placée.”’ ‘M. Förster: NO a plus d'âme et plus d'imagination que Ebenhaeser.’ ‘Maintenant nous le demandons, ne faut-il pas que le projet NO l'emporte bien décidément et bien visiblement sur son concurrent, pour que les huit autorités invoquées fussent si admirablement d'accord à y donner la préférence? N'est-il pas étonnant qu'elles se soient si parfaitement accordées à faire des voeux pour la réalisation de NO, sans qu'une seule d'entre elles se prononce pour Ebenhaeser? Qu'estce donc, à côté d'une décision aussi unanime, aussi formelle, aussi imposante, le jugement d'hommes, pour la plupart incompétents, si nombreux qu'on les suppose? Mais ne soyons pas trop prompt à les condamner; ils n'ont déposé | |
[pagina 5]
| |
leur vote qu'après avoir été éclairés par un rapport motivé de la commission centrale; avant donc de nous prononcer contre eux, l'équité exige que nous prenions connaissance des motifs exposés par le comité central, motifs dont la gravité peut avoir eu une légitime influence sur leur décision. Dans l'appréciation des raisons sur lesquelles la commission centrale appuie ses conclusions, nous prenons pour guide un homme d'un esprit judicieux et juste, d'un caractère impartial, intègre, loyal, M.J. van Lennep, littérateur trés distingué, ancien-président de l'académie des arts plastiques, à Amsterdam, etc. dont personne dans le pays ne contestera l'autorité, ni ne soupçonnera la parfaite indépendance. Voici donc,’ dit M. van Lennep, ‘les considérations que la commission centrale fait valoir en faveur du projet Ebenhaeser. “En premier lieu ce projet a de l'originalité.” Mais cette originalité qu'on se plait à attribuer à Ebenhaeser est fortement contestée, on l'a vu plus haut. Quelle valeur pourra avoir le brevet d'originalité que la commission octroie si bénévolement à son protégé, lorsque nous entendons un Viollet-le-Duc, un Beresford-Hope déclarer hautement que ce projet est “dépourvu d'originalité et de conception.”’ ‘En second lieu, la commission déclare, “que Ebenhaeser se recommande par sa forme élancée, relativement à la place que doit occuper le monument.”’ ‘Cette assertion est entièrement erronée. Il n'y a rien d'élancé dans cet amas de blocs superposés. On a peut être voulu dire qu'il est élevé; mais alors on se trompe sur la signification des mots. Un peuplier est élancé, mais un chêne est élevé; un obélisque est élancé, mais une pyramide est élevée. Nous accordons volontiers que Ebenhaeser soit élevé à l'instar des pyramides, dont il imite la pesanteur, anais qu'on ne dise pas qu'il est élancé (rijzig), car alors on attribuerait à ce projet une qualité qui lui fait entièrement défaut; on tromperait le public, on tromperait les juges. “En troisième lieu, dit le rapport, le groupe supérieur exprime une idée heurcuse puisqu'il comprend 1o le Lion Néerlandais qui se relève, mais qui n'est pas encore en possession de son faisceau de flèches; 2o ces flèches dans la main de la Vierge Néerlandaise, 3o cette Vierge empêchant la Discorde de se relever et élevant, pour mieux l'écraser, le drapeau d'Orange.”’ ‘Nous sommes fâché de le dire, mais la pensée de ce groupem des- | |
[pagina 6]
| |
tiné à perpétuer la mémoire de 1813, est en tout point malheureuse. En effet, quel événement mémorable domine à cette époque? Ce n'est pas la cessation de la discorde entre les partis nationaux; car ces partis s'étaient réconciliés longtemps avant; non, le grand événement de 1813, c'est l'effort unanime qui aboutit heureusement à secouer le joug étranger; l'indépendance nationale conquise sur la domination française, voilà l'événement qu'il s'agit de perpétuer, voilà l'idée qu'il s'agit d'exprimer par le monument à ériger. Eh bien, cette idée ne se trouve représentée ni dans le groupe principal ni dans aucune autre partie du monument. Dès lors le projet est fonciérement manqué: c'est un monument commémoratif de novembre 1813, qui ne dit absolument rien du grand événement qui caractérise cette époque. Ne faut-il donc pas admirer la naïvete ou l'audace de la commission centrale, qui nonobstant sa nullité radicale, appelle cette idée heureuse? Mais, ce qui plus est, cette idée, déjà malheureuse en elle-même, est encore plus malheureuse dans son expression. Cette vierge du groupe n'est pas la Vierge Néerlandaise, ni ce lion le lion Néerlandais. En effet, la Vierge Néerlandaise porte d'une main la lance et le bonnet de la liberté, et elle repose de l'autre sur le livre contenant ses priviléges. Le projet n'exprime aucun de ces emblêmes; la femme coiffée d'un casque et tenant un drapeau peut être une Jeanne d'Arc on une autre héroïne, mais, à coup sur, ce n'est pas la Vierge Néerlandaise. Quant au Lion Néerlandais, on ne le reconnaît pas davantage dans l'animal du projet: un lion couché, dépourvu de flèches et d'épée, c'est un lion, mais non pas le Lion Néerlandais. Il faut l'avouer, l'idée fondamentale d'Ebenhaeser lutte de malheur. Mais cela n'empêchera pas la commission centrale de la qualifier d'heureuse. Nous passons les parties accessoires pour arriver à la conclusion que voici: “La commission centrale est d'avis que l'assemblée peut émettre le voeu, que le président de la commission, le prince Frédéric, charge l'auteur d'Ebenhaeser d'exécuter son projet, en y introduisant les modifications que Son Altesse Royale, de concert avec les auteurs et la commission centrale, aura jugées opportunes.”’ ‘Voilà certes une étrange conclusion. Quoi, du projet que vous prônez vous n'en savez rien dire, si ce n'est 1o qu'il est original, chose contestée par des autorités considérables; 2o qu'il est élancé, ce qui est une erreur; enfin 3o que le groupe qui le surmonte est henreux, | |
[pagina 7]
| |
ce qui est tout aussi faux; et après cela vous allez en recommander l'exécution! Mais cette queue ne tient pas à ce veau-là. C'est comme qui dirait: Ce projet est un non-sens; exécutez-le donc! Poursuivons, et voyons pour quels motifs la commission centrale désapprouve le projet NO. Le rapport dit de ce projet, en premier lieu, qu'il est peu original; “qu'il semble être une imitation du monument érigé en l'honneur du prince Albert.” Quant à la ressemblance de NO avec le monument du Prince-Époux, soit, nous voulons l'accorder; mais est-ce une raison de rejeter le projet? Si on l'affirme, aucun projet ne saurait plus être agréé dorénavant, puisqu'il est impossible d'en conceyoir un (à moins qu'il ne soit absurde) qui ne rappelle l'un ou l'autre monument existant. Et, nous le disons pour son honneur, le projet recommandé n'échappe pas à cette nécessité générale; car si NO est imité du monument anglais, Ebenbaeser a été volé à Pompeyi. Il n'y a donc pas lieu de nier que NO rappelle les lignes principales du monument du prince Albert, mais il est loin d'en être une copie, ni une imitation servile; si loin que l'anglais Beresford-Hope, qui connaît apparemment le monument du Prince-Époux, n'hésite pas d'affirmer (n'en déplaise à la commission) que NO est plein d'originalité. Le rapport de la commission centrale critique, en second lieu, le choix des sujets et reproche à NO. d'avoir représenté des faits postérieurs à 1813; p. ex. “d'avoir représenté Guillaume I, assis dans un fauteuil, avec les insignes de la royauté, tandis que, en 1813, il n'était pas encore roi, et que du reste, à cette époque, il avait autre chose à faire qu'à se reposer.” Très vrai, mais cela est marqué au coin du bon sens; car pour faire ressortir toute l'importance d'un événement il est nécessaire d'y rattacher ses principaux résultats. Or, la paisible royauté, qui a fait pendant près d'un demi siècle le bonheur de la Néerlande, est sortie de 1813. Au reste la turbulente agitation des journées de novembre est rendue avec beaiicoup de vérité dans d'autres parties de NO. Mais ce qui nous étonne ici, c'est que la critique dirigée contre NO n'a pas été adressée; à Ebenbaeser, qu'elle concerne également. Car ce dernier projet introduit une Vierge civique à genoux, et présentant la couronne à Guillaume. Sans nous arrêter à faire ressortir le servilisme répugnant contenu dans cette scène, nous observons seulement que cet incident n'a pas eu lieu en novembre 1813. Si donc | |
[pagina 8]
| |
Ebenhaeser a pu avee raison anticiper sur les événements et faire présenter la couronne, comment se fait-il que NO a eu tort de considérer la couronne, comme déja reçue? Est-ce que la commission a deux poids et deux mesures? Est-ce que l'esprit de parti l'aveugle au point de lui faire voir le blanc en noir et le noir en blanc, selon les besoins de la cause? La commission désapprouve en dernier lieu le projet NO puisqu'il a trop un air religieux, puisqu'il ressemble trop à un temple. Ici Midas montre sou bout d'oreille. NO n'a pas plus la forme d'un temple qu'Ebenhaeser, et s'il a une petite teinte religieuse, cela ne lui fait point de tort. Mais ce n'est pas là que le bât presse Midas. Il y a autre chose: NO est conçu dans le style gothique, dans le style qui régnait avant 1517; et voilà pourquoi sa condamnation est prononcée. On dira que cela ne fait ni chaud ni froid, puisque gothique et catholique sont deux choses bien différentes. Le pont du Rhin à Cologne, l'hôtel-de-ville à Hambourg, le monument du Prince-Époux en Angleterre, la chapelle du roi de Prusse à Stolzenfels, sont ils par hasard catholiques, puisqu'ils sont construits en style gothique? Et le Vatican, le palais même du Pape, avec la basilique de St. Pierre, est-il protestant puisqu'il est bâti dans le style devenu dominant depuis 1517? Non, mille fois non, mais pareille confusion d'idées doit-elle étonner de la part de la commission centrale, qui nous a déjà conté tant de sornettes?’ ‘Il est temps d'arriver à la conclusion, que voici, “Par les motifs allégués la commission comprend que le projet NO ne saurait être recommandé, voire même qu'il ne saurait être d'aucun usage.” A coup sûr, la commission a dû bien violenter son esprit et sa conscience pour formuler une pareille conclusion. Comment! NO est donc tellement vicié par sa base, il a des défauts tellement radicaux qu'il n'est pas même susceptible de correction? Qu'en dira le jury qui pourtant l'avait jugé digne d'une couronne? Mais cette conclusion avait paru nécessaire pour éloigner de la réunion des délégués la pensée même que NO put être pris en considération; et l'on a vu plus haut que la conclusion a été parfaitemeut comprise. Le vote de la réunion n'est pas toutefois un résultat opéré par le rapport de la commission centrale; il est la conséquence d'une odieuse trame ourdie dès le premier jour que le jury a commencé ses travaux. Dés le début on a représenté NO comme une oeuvre catholique, provenant d'un homme qui professe la foi d'avant 1517, et qui | |
[pagina 9]
| |
ne s'en cache pas. C'est à ce titre qu'on a tâché de rendre odieux le projet et son auteur. La question, qui est exclusivement artistique, a été portée sur le terrain religieux. On a réveillé l'intolérance, on a agité les masses, on a organisé un autre mouvement d'avril, et c'est sous l'influence de cette agitation anticatholique, préparée de longue main et entretenue par des publications périodiques et de nombreuses brochures, que les délégués, appartenant presque tous aux provinces septentrionales, ont été réunis, et qu'ils n'ont su être autre chose qu'un mécanisme votant. On ne saurait assez stigmatiser cette indigne cabale qui soulève l'indignation de tout cceur honnête, et qui a arraché à M. van Lennep cette solennelle déclaration par laquelle se termine sa remarquable brochure: ‘Je suis protestant, mais c'est pour cela que je proteste contre de pareils procédés.’ ‘Un dernier mot. La décision définitive est dévolue à Son Altesse, le prince Frédéric, qui certes n'en sera pas fort à son aise. Homme de bon sens et de goût, il n'a pu se laisser prendre aux manoeuvres de l'intrigue, ni se faire illusion sur la valeur artistique de chacun des projets. Intelligence élevée et noble, etc.’..... il y aurait de l'inconvenance à répéter la conclusion du Courrier de la Meuse, aujourd'hui que le prince s'est soumis à la décision du tribunal des 97.
Dans notre No 2 nous avons eu l'avantage d'insérer une notice de M. Eyssonius Wichers sur le roman de Raguidel, ainsi que le commencement d'une remarquable étude de M. l'abbé Brouwers sur les caractères dramatiques de Vondel. M. Ter Gouw, a son tour, nous gratifie d'un apperçu historique et artistique sur les bas-re-liefs d'anciennes façades néerlandaises. En outre il contient quelques Mélanges, la plupart d'intérêt purement local; cependant comme le Congrès dit ‘d'Amsterdam’ a eu quelque retentissement, nous ne pouvons omettre de consigner ici que le Directeur de la ‘Dietsche Warande’ n'a pas ose se dispenser de prendre part aux séances de la 3me section, où l'on a traité et maltraité l'art chrétien de telle manière que M. Busken Huet (le spirituel historien littéraire de son temps, qui, pour mériter le titre d'écrivain de haute distinction, ne laisse pas d'être un des coryphées de la théologie moderne) a dû prendre le parti du christianisme dans l'art contre ses détracteurs. Nous nous permettons d'insérer ici une lettre publiée par nous dans le Journal de Bruxelles qui jette quelque lumière peut-être | |
[pagina 10]
| |
sur le caractère du congrès et l'impression produite par lui sur nos concitoyens.
Amsterdam, 22 Oct. 1864.
Monsieur le directeur,
Dans le Courrier de la Sambre on a inséré, l'un de ces jours, un résumé des travaux de la 3e session de l' Association internationale pour le progrès des sciences sociales. Comme cet article a passé dans d'autres organes de l'opinion catholique, les choses qu'on y avance acquièrent un degré de publicité, voire d'importance, qui me donne le courage de vous prier de bien vouloir m'accorder un moment la parole sur la matière en litige, et de me permettre un mot de réclamation au sujet de la part que j'ai prise aux discussions de la 3e section du Congrès d'Amsterdam. Je commence par un regret et par un avertissement. Je regrette qu'a l'étranger on indiqne la session en question par le terme: Congrès d'Amsterdam. Si tout ce qui se fait à Amsterdam doit être attribué à ma ville comme telle, je ne puis m'opposer cette qualification; mais il sera utile de déclarer ici que le Congrés n'a eu rien qui le caractérisât comme amsterdamois, la liberté parlementaire, qu'on y a respectée, n'étant rien d'essentiellement amsterdamois, mais relevant plutôt d'un droit et d'une habitude reconnus dans toute assemblée néerlandaise régulièrement organisée. Comment des portions notables des classes supérieures de notre population se sont abstenues de prendre part au Congrès a été relevé dans la plupart des organes étrangers, comme aussi le fait qu'en général le Congrès n'a pas été populaire chez nous et que la ville, comme commune, ne s'est presque pas dérangée à l'occasion de cette ‘solennité’. Il est vrai que le Congrès s'est assemblé dans le palais du Roi; mais il n'est pas moins vrai que les salles du palais, anciennement galeries et chambres de l'hôtel de ville, étaient fort étonnées d'entendre retentir leurs parois des vociférations contre le despotisme dans un État voisin et ami, avec le chef duquel notre souverain est personnellement dans les meilleures relations, et contre les horreurs du système aristocratique, représenté, pendant deux siècles, sinon avec une justice absolue, au moins avec une mâle énergie, avec une intelligence féconde en grands résultats, avec probité, bienveillance et dignité par les bourgmestres d'Amsterdam, les anciens et illustres Maîtres de la Maison. | |
[pagina 11]
| |
‘Cette maison, du reste, célèbre comme monument d'architecture, a été bâtie par un architecte, a été magnifiquement chantée par un poëte, qui tous les deux ont embrassé le catholicisme: Jacob Van CampenGa naar voetnoot1, seigneur de Randebroeck, et Joost vanden Vondel. Ses statues et bas-reliefs en marbre ont été sculptés par Artus Quellien, malgré son catholicisme, décoré, en plein XVIIe siècle, du titre de statuaire de la ville d'Amsterdam’. Les statues en bronze ont été coulées par les célèbres fondeurs Hemony, famille catholique établie dans notre ville et dont les cloches sonores et les joyeux carillons prêtent, depuis deux siècles, une voix à bon nombre de nos monuments publics. Les belles grisailles du palais sont dues au pinceau de Jacob de Wit, catholique comme d'autres de ses confrères eneore, qui ont décoré les murs et les plafonds de leurs tableaux. On voit bien par tout cela que ce palais, ce ci-devant hôtel de ville, ne semblait pas destiné à servir de réceptacle aux blasphèmes que les ‘libres-penseurs’ y ont fait entendre avec une indécence tellement dévergondée qu'on n'en retrouvera pas l'ombre d'un précédent dáns les annales de nos réunions scientifiques. Si les Néerlandais chrétiens ne se sont pas levés en masse, pour se soustraire à ce flot d'injures versées à pleines mains sur leurs institutions, sur leurs principales doctrines, sur toute leur histoire, je dois l'attribuer à leur peu de familiarité avec la langue dont les orateurs se sont servis et dont l'auditoire n'aura pas pu saisir à la volée les crudités imprévues. Mais c'est aussi en considération de tout cela, c'est par amour pour les traditions de ma ville, par piété filiale en présence de ses gloires, par dévouement à sa cause que, pour ma part, je n'ai pas pu me défendre de rester témoin de ce qui se passerait dans le palais de mes anciens bourgmestres. J'ai assisté, en frémissant, à l'abjuration formelle du Christ comme roi-libérateur; j'ai assisté au discours, à l'action (car un discours est une action) par laquelle on lui a arraché la couronne royale de la tête sacrée, pour la poser sur le front de Spinoza, - l'athée que la synagogue elle-même a retranché de sa communautéGa naar voetnoot2, et qui a été frappé de l'anathème de ces États de Hollande et de West-FriseGa naar voetnoot3 dont les savants du Congrès ont tant exalté le libéralisme. | |
[pagina 12]
| |
Je ne voulais pas être absent; je ne voulais pas, chez moi (car depuis trois siècles moi et les miens nous sommes chez nous dans l'hôtel de ville d'Amsterdam), laisser disposer du mien, - chez moi, sans moi, et contre moi. J'ai voulu constater que de pareilles choses ne se feraient pas dans notre bonne ville sans que, au moins, il y eût une voix, ne fût-ce qu'une seule, qui protestât contre un pareil abus de l'hospitalité offerte. Mais il y avɐit plus d'une voix qui a réclamé. M. Cohen-Stuart et M. le professeur Milliës, tous deux ministres du culte protestant, ont dignement vengé le christianisme des outrages qu'on n'a cessé de lui faire. Je ne sais pas ce qui a décidé ces messieurs à se rendre au Congrès; mais, pour ma part, je dois insister sur le fait que ce n'était pas ‘par mégarde’ que je me trouvais au palais ce jour-là et que je n'ai pas pu me ‘fourvoyer’ dans une enceinte où je me sentais parfaitement à l'aise, quelque discourtoise (pour ne pas en dire davantage) qu'y fût la conduite des étrangers que nous y avons accueillis. J.A. Alb. Th.
Voici, pour remplir notre page, quelques jugements portés, en fin de compte, sur le Congrès d'Amsterdam par quelquee feuilles belges du parti libéral: Le Journal de Gand: ‘Il est évident que nous avons dérangé les Hollandais dans leurs habitudes. Leur hospitalité a été convenable, attentive, mais un peu froide au début et un peu dénuée de grâce.’ Le Précurseur: ‘La critique pourrait regretter que la réception n'ait pas été aussi chaude qu'à Bruxelles et à Gand, que les autorités communales n'aient offert aux membres aucune fête officielle et qu'une partie de la société amsterdamoise soit restée à la campagne, alors qu'elle avait à exercer l'hospitalité, au moins en faisant jouir les étrangers de sa présence... Les Hollandais sont casaniers, ils aiment le foyer et fuient les distractions bruyantes.’ Journal de Liége (corresp. brux.) ‘La froideur de la classe éclairée pour le but humanitaire du Congrès et la contrainte mal dissimulée qu'elle s'est imposée par politesse, ont fait regretter à tous les visiteurs du dehors la réception que la Belgique leur avait fait à deux reprises. Le Journal de Gand: ‘Somme toute, le Congrès laisserala Hollande telle qu'il l'a trouvée.’ Le Bien public (organe catholique) nous fait le droit de n'ajouter à cette dernière appréciation que ce mot: ‘Tant mieux!’ (10 Oct. 1864). |